Bulletin PLM n°17 de septembre 1931: Les trains de ballast

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Les trains de ballast par M. Grattepain, Ingénieur adjoint au Service Central de la Voie

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La mise en place du ballast, destiné à former la plate-forme supportant ou fixant les traverses de la voie, comporte la manutention de volumes considérables. Un exemple est utile pour préciser et concrétiser la notion de grandeur d’un tel cube.


Supposant qu’on ait à renouveler le sable ou le calcaire tendre, pollués ou usés, d’une ligne à double voie, entre deux gares d’arrêt général distantes de 150 km, on arrive à des évaluations qui se traduisent ainsi : le volume à employer, comme ballast et sous - ballast, dépassera 600 000 m3 (Le sous - ballast consiste en une couche de matériaux de petites dimensions (sable, déchets de concassage, scories, etc.) qu’on répand sur la plateforme avant d’apporter le ballast, et qui est destinée à former un matelas élastique ayant pour effet de mieux répartir les pressions des convois sur la plateforme, et de protéger cette dernière quand elle est constituée par des matériaux argileux ou glaiseux).


Approvisionné au moyen des anciens wagons à ballast (figure 1) qui contenaient 4 m3 en moyenne, ce volume de ballast nécessiterait la mise en circulation de 10 000 trains de 15 wagons pour amener le tout à pied d’oeuvre.


Conséquence grave pour l’exploitation, les intervalles nécessaires pour la marche de ces trains et leur déchargement à la pelle sur les chantiers de renouvellement se totaliseraient approximativement a 6 000 heures d’interruption de la circulation, sur la distance de 4 à 10 km qui sépare les deux gares encadrant le chantier dans ses déplacements successifs.


Quant à la main-d’oeuvre à utiliser pour prendre ce ballast sur wagons et le mettre en place dans la voie, son importance peut être chiffrée, en estimation sommaire, à 300 000 heures au moins d’ouvriers, dont plus de 150 000 pour le déchargement seul.


L’augmentation constante du poids des machines et des trains nécessite des renouvellements importants de ballast pour adapter les voies à ces nouvelles charges. Il fallait donc rechercher les moyens d’abaisser les délais de stationnement des trains sur les chantiers, afin d’entraver au minimum la circulation des trains commerciaux et, simultanément, de réduire l’importance de la main-d’oeuvre nécessaire à la manutention du ballast.


Un premier essai d’utilisation d’anciens châssis de wagons a été fait (Bulletin de mai 1929). On les a dotés de caisses à parois inclinées aboutissant à des glissières fermées par des vannes verticales à coulisses. Avec quatre hommes à la manoeuvre des vannes, un train formé de ces wagons et occupant une longueur de 160 m peut être déchargé en trente minutes et répandre 160 m3 de ballast de part et d’autre des rails. Le gain de main-d’oeuvre sur l’emploi des anciens wagons est déjà considérable; mais le gain du temps passé sur le chantier ne dépasse guère une dizaine de minutes. Nous avons alors décidé d’appliquer, à des wagons d’un nouveau modèle, un système breveté de secteurs tournants obturant les glissières, et nous avons fixé les caractéristiques qui devaient conduire à la meilleure solution du problème : faible hauteur de chargement pour réduire la fatigue des ouvriers et augmenter le rendement, adoption des caractéristiques et dimensions les plus favorables de la caisse et du châssis pour obtenir la plus grande capacité possible par mètre de longueur du wagon, afin de limiter l’encombrement des voies et de faciliter les garages, manoeuvre simplifiée des valves de déchargement, installation du frein à air comprimé, etc.


Les caisses sont métalliques et leurs parois extrêmes sont inclinées. Quant aux parois latérales, elles ne sont verticales que sur une hauteur de 50 cm environ, puis s’inclinent aussi et forment, avec une arête centrale, deux cavités fermées chacune par deux secteurs qui, en tournant, démasquent des orifices dirigeant le ballast, l’un vers l’intérieur de la voie, l’autre vers l’extérieur. La figure 2 montre l’intérieur d’un de ces wagons, où on voit à droite l’orifice d’écoulement du ballast, dans la position d’ouverture. En avant de la figure, sont visibles deux des trois leviers actionnant les secteurs tournants, les deux secteurs destinés au déchargement entre les rails étant solidaires et manoeuvrés par un seul levier. Ces wagons sont accouplés deux à deux (figure 3).


Nous avons successivement commandé deux séries de 225 couplages de ce modèle. Ils sont maintenant livrés et offrent une capacité totale de 9 000 m3. Un train de 160 m, soit de même longueur que celui visé plus haut, porte 240 m3 de ballast et peut être vidé en cinq à huit minutes, tous secteurs ouverts, et en douze à quinze minutes si on n’a qu’a compléter le profil du ballast de la voie. Deux ou trois hommes (figure 3) suffisent à la manoeuvre des leviers du couplage en cours de déchargement, et quatre à six pour un train complet.


Indépendamment de l’avantage direct de temps qui en résulte, le déchargement du ballast entre les rails, en même temps que hors de ceux-ci, a pour effet d’atténuer la reprise de régalage du ballast, et d’entraîner une économie de même ordre que celle obtenue dans le déchargement lui-même.


Ainsi, un train de 240 m3 permet d’assurer journellement un avancement de 50 % plus élevé qu’avec les moyens les plus perfectionnés dont on disposait antérieurement, et de réduire ainsi très sensiblement la durée des réfections dont l’avancement, notamment sur les grandes lignes, était subordonné à la possibilité de laisser en stationnement les trains de ballast sur les chantiers qu’ils desservaient.