RGCF novembre 1928 : Ligne de Nice à Coni

De WikiPLM
Révision datée du 25 avril 2014 à 00:14 par Fredsorede (discussion | contributions) (Planche et figures de l’article)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à : navigation, rechercher

Titre

Ligne de Nice à Coni, avec embranchement de Breil vers Vintimille, par M. A. Mauguin, Ingénieur principal au PLM

Planche et figures de l’article

Historique

La compagnie PLM vient d’ouvrir à l’exploitation (le 31 Octobre 1928) la ligne de Nice à Breil et à la frontière, vers le nord, en direction de Coni, avec embranchement de Breil à la frontière, vers le sud, en direction de Vintimille (carte figure 1). C’est le dernier tronçon de la ligne qui met en communication directe la Riviera avec le nord - ouest de l’Europe par Turin et la Suisse.


La distance par rail de Berne à Nice qui autrefois était de 902 km, pour les express, par Genève, Lyon et Marseille, est réduite maintenant à 592 km, par la Loetschberg, le Simplon, Turin et Coni.


La création de cette nouvelle ligne fut décidée au cours de pourparlers entre la France et l’Italie à la suite desquels intervint la Convention du 6 Juin 1904.


Elle fut déclarée d’utilité publique et concédée à la Compagnie PLM en 1906.


Après les études et enquêtes préliminaires, qui exigèrent un certain temps en raison des difficultés naturelles rencontrées, les premiers travaux furent adjugés en 1909. Ils furent interrompus pendant la guerre 1914 - 1918 et viennent seulement d’être terminés. Ces travaux ont été exécutés sous la haute direction de M. Séjourné, Sous - Directeur de la Compagnie et de M. Martinet, ingénieur en Chef.

Tracé

La nouvelle ligne (figure 1 et profil en long figure 2) part de Nice, remonte la vallée du Paillon jusqu’à l’Escarène, passe en souterrain sous le col de Braus, arrive à Sospel, descend la vallée de la Bévéra, traverse en souterrain le mont Grazian percé sous une pointe du territoire italien, débouche dans la partie française de la vallée de la Roya et atteint Breil où est établie la gare internationale d’échange.


De Breil, en se dirigeant vers le nord, la ligne remonte la vallée de la Roya dessert les localités de Saorge et de Fontan, décrit une boucle pour s’élever et se raccorder à la frontière avec la ligne italienne qui remonte la même vallée de la Roya, passe en souterrain sous le col de Tende (altitude maxima 1 040 m) et descend ensuite vers Coni.


De Breil, en se dirigeant vers le sud, part l’embranchement qui descend la vallée de la Roya jusqu’à la frontière où il se raccorde à la ligne italienne qui a son terminus à Vintimille.

Caractéristiques

La ligne est à double voie dans la traversée de Nice jusqu’à Nice Saint Roch. Au delà, elle est à voie unique, mais, pour les aérer, les longs souterrains du col de Braus (5 939 m), du mont Grazian (3 887 m), de Berghe (1 885 m), de Caranca (916 m) ont été percés pour deux voies. Toutefois une seule voie y a été posée.


  • Les rampes atteignent 25 mm par mètre, le rayon minimum des courbes est de 300 m. La longueur de la ligne est :
    • de Nice la frontière nord : 58,8 km,
    • de Breil à la frontière sud : 4,4 km,
    • Au total : 63,2 km.


Le plus court alignement droit entre deux courbes de sens contraire est de 80 m.


Entre deux courbes consécutives de même sens, ou entre une courbe et un alignement droit, on a intercalé un raccordement parabolique.


  • Les 63,2 km de ligne comportent :
    • 58 % d’alignements droits et 42 % de courbes,
    • 11 % de paliers et 89 % de déclivités.

Ouvrages d’art

L’exécution de tette ligne a présenté d’exceptionnelles difficultés dues tant à la topographie du sol qu’à la nature des terrains rencontrés.


  • Elle a nécessité :
    • D’une part, le percement de 45 souterrains présentant ensemble une longueur de 23,6 km soit plus du tiers de la longueur totale de la ligne. Le plus important de ces souterrains, celui du col de Braus (5 939 m), est le plus long souterrain pour chemin de fer à deux voies qui ait ses deux têtes en France. Tous les souterrains ont été percés en commençant par la galerie de base.
    • D’autre part, la construction de nombreux ponts et viaducs : 39 d’entre eux ont plus de 10 m d’ouverture. Les plus importants sont :
      • Le viaduc d’Erbossiéra (figure 3) comportant une arche de 36 m, une de 10 m et 9 de 8 m,
      • Le viaduc de l’Escarène à 11 arches de 15 m,
      • Le viaduc de la Bévéra (figure 4) avec ses deux travées métalliques de 45 m chacune supportées par une ogive en maçonnerie de 25 m d’ouverture, située dans un plan perpendiculaire à celui de l’ouvrage métallique,
      • Le viaduc de la Basséra (figure 5) à 7 arches de 12 m, situé immédiatement avant le souterrain du mont Grazian, dont on aperçoit, sur la figure 5, la tête (côté Nice),
      • Le viaduc de Bancao (figure 6) à 8 arches de 9 m,
      • Sur la même figure, on voit, en dessous de ce viaduc celui des Eboulis à 8 arches de 18 m et 9 de 7 m, construit pour l’embranchement qui, de Breil, descend vers- Vintimille. Ces deux viaducs sont situés dans la partie française de la vallée de la Roya ‘voir carte figure 1),
      • Le pont de Saorge (figure 7) à une seule arche de 40 m d’ouverture, qui franchit la Roya et la route à 60 m de hauteur,
      • Le beau pont de Scarassoui (figure 8), en courbe de 300 m. L’intrados de la grande arche est une ellipse dont le grand axe est vertical et qui a 48 m d’ouverture, 32 m de montée.


Les principales difficultés dues à la nature des terrains rencontrés sont de deux sortes : le glissement des terrains vers la vallée, la présence dans ces terrains de sulfate de chaux soit anhydre (anhydrite) soit hydraté (gypse).


Pour s’opposer au glissement des terrains, on fut obligé d’entreprendre d’importants travaux de consolidation à ciel ouvert comme en souterrain, on dût même abandonner un souterrain commencé, celui de Tuhet, dont la galerie de base avait été emportée par un glissement de terrain, et déplacer le tracé vers l’intérieur de la montagne.


La présence de sulfate de chaux fut la cause de graves accidents.


D’une part, l’anhydrite, au contact de l’humidité de l’air ou du sol, forme du gypse, en produisant un gonflement considérable qui exerce une pression telle sur les maçonneries que les plus résistantes sont écrasées.


D’autre part, le gypse au contact de l’eau dissout et décompose les mortiers ordinaires, en produisant un gonflement qui disloque les maçonneries.


Pour éviter la dissolution du gypse et la décomposition des mortiers, on établit les fondations des ouvrages sur du gypse sec, ou on employa un ciment alumineux spécial indécomposable connu sous le nom de ciment fondu.


Pour éviter le gonflement de l’anhydrite, on dût empêcher son contact avec de l’eau en captant et collectant celle-ci. Dans le souterrain du col de Braus, par exemple, on adopta un système de drainage par siphon et canalisation qui met la roche à l’abri de l’eau. Le siphon est à amorçage et fonctionnement automatiques. Dans le souterrain de Caranca, on a injecté du goudron derrière le revêtement et dérivé par une galerie, un ruisseau souterrain qui circulait dans l’anhydrite gypseuse et y creusait des cavernes.


Ce na sont là, bien entendu, que les principales difficultés auxquelles ont donné lieu les travaux. Il serait trop long d’exposer tous les incidents résultant des fondations difficiles, crues de torrents, notamment celle du paillon, venues abondantes d’eau pendant le percement de souterrains, comme dans le souterrain de Berghe, incidents que, sur cette ligne, on avait fini par considérer comme normaux.

Voie – Ballast

Les voies principales et d’évitement sont constituées avec des rails Vignole en acier de 18 m de longueur pesant 46 ou 48 kg le mètre courant, sauf dans les souterrains ou on a employé des rails Vignole de 55 kg.


Elles sont posées sur des voies en bois dur créosoté.


A ciel ouvert, en alignement droit et dans les courbes de rayon supérieur à 540 m, il y a 23 traverses par rail de 18 m, partout ailleurs il y en a 27.


Les voies de service des gares sont constituées avec des rails Vignole en acier de 12 m de longueur pesant 36 kg le mètre courant et posés, par rails de 12 m, sur 15 traverses en bois dur et créosoté.


Toutes les voies sont fixées sur les traverses par des tirefonds, sans selle interposée.


Le ballast est exclusivement de la pierre cassée calcaire provenant des déblais ou de carrières ouvertes à proximité de la ligne.

Gares et stations

  • Pour desservir les localités traversées, on a créé des points d’arrêts à :
    • Nice saint Roch, La trinité Victor, Drap Cantaron, Peillon Sainte Thècle, Peille, l’Escarène, Touët de l’Escarène, Sospel, Breil, Fontan Saorge.
    • A Peillon Sainte Thècle et au Touët de l’Escarène, on n’a prévu que des stations ouvertes au service de grande vitesse. Les autres points d’arrêt sont ouverts aux services de grande et petite vitesses.


Nous ne les décrirons pas tous, nous nous contenterons de signaler que les façades de tous les bâtiments ont été traitées comme celles des bâtiments des localités traversées, de façon à s’harmoniser avec le paysage, comme le montre la photographie (figure 9) de la façade, côté cour, du bâtiment des voyageurs de la gare de l’Escarène.


Nous ne mentionnerons spécialement que la gare de Nice Saint Roch établie dans l’un des faubourg de Nice et la gare de Breil qui est la gare internationale d’échange.

Gare de Nice Saint Roch

Cette gare comporte, outre les voies et signaux utiles, un bâtiment de 75 m de longueur pour les voyageurs avec un quai couvert accolé de 40 m pour les messageries (figure 10), deux trottoirs de 175 m, des water-closets à huit sièges, un abri de 12 m, une lampisterie, puis, pour le service de petite vitesse, un quai couvert de 95 m et, à la suite, un quai découvert de 60 m, un quai découvert de 100 m pour les bestiaux.


Les installations du service du Matériel et de la Traction autrefois à Nice Ville, ont été reportées à Nice Saint Roch et augmentées de celles nécessaires à la nouvelle ligne. Elles comprennent une remise annulaire pour 48 machines avec un atelier de levage accolé, un parc à machines composé de 48 voies rayonnantes, un dépôt de combustibles avec quai de 80 m, un chantier de 5 voies pour le lavage du matériel roulant, un bâtiment pour les mécaniciens et chauffeurs, un autre pour les apprentis et un pavillon à trois étages construit en dehors des emprises de la gare, pour servir d’habitation au personnel supérieur du dépôt de la traction.

Gare de Breil

Breil est normalement gare terminus pour les trains français du parcours Nice – Breil et gare de passage pour les trains italiens du Coni - Vintimille. (figure 11).

  • Elle comporte :
    • Pour le service GV : un bâtiment des voyageurs de 59 m et trois trottoirs de 175 m pour cinq voies principales, communiquant entre eux par un passage souterrain. Le trottoir central, de grande largeur, porte un bâtiment de 20 m pour buffet et buvette, un bâtiment de 50 m pour les douanes française et italienne, un bâtiment de 19 m pour services divers et un bâtiment de 13,50 m pour les gardes de finances italiens.
    • Pour le service PV : deux quais accolés, l’un couvert de 50 m, l’autre découvert de 20 m, à l’usage de la douane, pour les marchandises d’origine étrangère importées, un quai couvert, de 20 m, à l’usage également de la douane, mais pour les marchandises d’origine nationale exportées, deux quais accolés, l’un couvert de 30 m, l’autre découvert de 35 m, pour, le trafic local et un quai sanitaire découvert de 40 m avec un petit bâtiment accolé pour le vétérinaire chargé de la visite.
    • Pour le service de la traction : une remise à huit machines, un quai à combustibles, un pont tournant, un bâtiment de 32 m comportant des dortoirs, lavabos, douches, réfectoires, magasins pour les mécaniciens et chauffeurs français et italiens. Dans tous les locaux de service, on a installé le chauffage central.


Cette gare de Breil est munie des signaux et appareils de sécurité nécessaires. Les signaux et aiguilles d’entrée et de sortie de la gare sont commandés par deux postes surélevés. Un circuit téléphonique automatique assure les communications entre les différentes parties de la gare. Pour unifier l’heure dans les divers locaux, un régulateur électrique placé dans le bureau du chef de gare distribue l’heure à huit récepteurs électriques dont trois à double face et à double cadran, suspendus l’un à la marquise au-dessus du trottoir du bâtiment des douanes, donnent l’heure française et l’heure italienne.


L’alimentation en eau est assurée par un réservoir en béton armé de 300 m3 situé au dessus de la gare et alimenté par une prise d’eau ménagée dans le torrent de la Maglia à 2 400 m de la gare.


Les eaux usées de la gare sont collectées vers un lit bactérien qui en assure l’épuration avant qu’elles soient rejetées dans le torrent.

La gare du Breil, comme toutes les autres gares de la ligne, est éclairée à l’électricité.

Logement du personnel

Outre les logements habituels ménagés dans les bâtiments des voyageurs des gares, pour les agents de l’Exploitation et dans les maisons de garde (figure 13) des passages à niveaux, destinées aux agents de la Voie, la Compagnie PLM a dû construire, le long de la ligne et dans certaines gares, des bâtiments spéciaux pour loger son personnel, en raison de la pénurie des locaux vacants dans les localités traversées.


En gare de Breil notamment, le personnel est très nombreux. Cette gare doit en effet, indépendamment du service local GV et PV, assurer tous les échanges franco-italiens en provenance ou à destination des trois directions : Nice, Coni, Vintimille et fournir les conducteurs français chargés d’accompagner les trains italiens dans la traversée du territoire français. Elle comporte en outre, pour chacune des deux nationalités, des installations de traction et un service de douane.


    • On a donc construit aux abords immédiats de la gare (figure 11) :
    • 15 maisons présentant 53 logements pour le personnel de la Compagnie PLM,
    • 8 maisons présentant 36 logements pour les agents des chemins de fer de l’Etat italien,
    • 5 maisons présentant 16 logements et 6 chambres avec débarras pour les douaniers français,
    • 1 maison à 4 logements pour les douaniers italiens.


En tout, 109 logements, plus 6 chambres pour célibataires. On y a installé l’éclairage électrique, et amené l’eau dans toutes les cuisines.


Ces maisons ont été édifiées, comme les bâtiments des gares (figure 9) et les maisons de garde (Figure 13) dans le style des maisons du pays.

Exploitation

Depuis le 31 Octobre, le service des voyageurs et de la messagerie est assuré, dans chaque sens, par cinq trains, dont trois omnibus et deux express. Le service des marchandises, par deux trains réguliers.


La ligne est munie de signaux à cloches, elle est exploitée au moyen du dispatching – system et reliée au poste central dispatching de la gare de Cannes la Bocca. Une ligne souterraine en câbles armés assure les communications électriques nécessaires.