RGCF novembre 1931 : remise à double voie du souterrain de la Croix-de-l’Orme

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Titre

Remise à double voie du souterrain de la Croix-de-l’Orme, par M. Bouvet, Ingénieur en chef d’arrondissement de la Voie et M. Guérard, Ingénieur adjoint.

Planche et figures de l’article

Introduction

De très importants et intéressants travaux viennent d’être achevés pour remettre à deux voies le souterrain de la Croix-de-l’Orme, long de 2 081 mètres et situé entre les gares de La Ricamarie et Saint-Etienne-Bellevue (ligne de Saint-Georges-d’Aurac à Saint-Etienne) (Figure 1).

Historique

Construit pour deux voies, de 1855 à 1858, par la Compagnie des Chemins de fer du Grand Central de France et la Compagnie PLM (une partie des lignes du Grand Central furent cédées en 1857 à la Compagnie PLM), le tunnel fut livré à la circulation en 1859, après de nombreux incidents de construction.


Orienté nord-est sud-ouest (On désignera les deux têtes sous l’appellation simplifiée de Tête Nord et Tête Sud), et percé dans les couches supérieures du terrain houiller, le souterrain se trouve en entier dans des schistes séparés par de minces feuillets d’argile, avec quelques traces de houille, et dans des bancs de grès houillers plus ou moins compacts.


Il est coupé transversalement par d’importantes failles obliques résultant de glissements anciens sur les roches primitives. L’ensemble des terrains est dès lors sans consistance et gonfle démesurément, dès qu’il est mis à l’air.


Les Ingénieurs du Grand Central furent certainement surpris par les poussées considérables et les éboulements qui se produisirent, dès l’origine car ils avaient construit les maçonneries de la voûte avec des briques peu consistantes fabriquées sur place; les piédroits seuls avaient leur parement en moellons de grés assisés, et la voûte était à deux ou trois rouleaux de briques formant des épaisseurs de 0,45 m à 0,65 m, hourdées au mortier de chaux.


Ils durent reprendre près de la moitié des maçonneries du souterrain avant de livrer la ligne à la Compagnie PLM, mais ils avaient encore, dans leurs reprises, employé des briques et des moellons de mauvaise qualité et adopté des épaisseurs insuffisantes, de telle sorte que les Ingénieurs du PLM achevèrent le tunnel dans des conditions extrêmement délicates et difficiles. De plus, les grosses agglomérations bâties de La Ricamarie et de la Croix de l’Orme, qui se trouvent au-dessus de l’ouvrage, furent plus ou moins bouleversées, et les Compagnies eurent de nombreuses indemnités à payer pendant l’exécution les travaux.


Par la suite, de nouveaux désordres se produisirent : affaissements de la voûte, déformation des maçonneries, éboulements plus ou moins importants, etc...., qui émurent la population stéphanoise et provoquèrent, de la part des Assemblées élues de la région, des démarches auprès des pouvoirs publics en vue de remédier, disait-on, à l’état dangereux du tunnel.


C’est ainsi que le Conseil Général de la Loire en 1881, le Conseil Municipal de Saint Etienne en 1888, émirent des voeux « appelant l’attention du Gouvernement sur le souterrain de la Croix de l’Orme » et demandant même le changement du tracé de la ligne.


La Compagnie PLM assurait, pendant ce temps, la sécurité complète de la circulation, car aucun accident, à notre connaissance, ne s’y est jamais produit.


Toutefois, dès 1861, et d’accord avec l’Administration supérieure, elle avait été conduite à renforcer une partie de la voûte par un anneau intérieur en maçonnerie qui remettait le souterrain à voie unique, puis elle avait construit d’autres anneaux au fur et à mesure que la nécessité s’en était fait sentir.


En 1900, treize anneaux représentant une longueur totale de 480 m environ, se trouvaient ainsi construits, et de nombreuses réparations de l’intrados exécutées (Figures 2).


Mais un éboulement sérieux, survenu en 1906, arrêta la circulation des trains pendant un mois, et fit décider l’achèvement de la consolidation générale du souterrain par le procédé, déjà employé, de l’anneau intérieur à voie unique.


Ces derniers travaux furent terminés en 1908.


La voûte de doublage avait une épaisseur variable de 0,40 m à 0,90 m à la clé, suivant les affaissements. Les piédroits, de 0,90 m environ d’épaisseur, étaient bloqués contre ceux de l’ancien tunnel.


La maçonnerie, très soignée, était constituée en majeure partie par d’excellents moellons de Villebois ou de granit du Pertuiset, hourdés au mortier de chaux hydraulique et de ciment.

Remise à double voie du souterrain

Programme des travaux

La mise à voie simple du souterrain de la Croix de l’Orme n’avait pas présenté une grande gêne pour le trafic au moment où elle s’était produite, car le Cahier des Charges de la Compagnie du Grand Central ne prévoyait que la construction d’un souterrain à voie unique, et cette Compagnie ne l’avait établi à deux voies qu’en vue d’un lointain avenir.


Mais le développement économique d’après guerre augmenta considérablement le trafic dans la région stéphanoise.


La ligne de Saint Georges d’Aurac à Saint Etienne étant à deux voies, de Fraisse Unieux à Saint Etienne, sauf entre les gares de La Ricamarie et de Saint Etienne Bellevue, à cause du souterrain de la Croix de l’Orme, il en résulta, dès 1924, des inconvénients sérieux pour la circulation; et la Compagnie PLM décida, avec l’autorisation de l’Administration supérieure, de rétablir la double voie sur ce point. On le pouvait, soit en élargissant le souterrain existant, soit en construisant un deuxième souterrain à voie unique, dont le tracé s’éloignerait, au besoin; suffisamment du premier, pour éviter toute dislocation dans les deux tunnels. Mais cette deuxième solution était grosse de périls, en raison de la présence d’une zone d’exploitations de mines, à gauche, qu’on ne pouvait éviter, et d’une concession minière en attente, à droite. De plus, la proximité des gares de La Ricamarie et de Saint Etienne Bellevue (distances aux premières aiguilles 225 m environ pour. la première. Et 630 m pour la seconde) auxquelles la déviation devait nécessairement se raccorder, eût conduit à modifier profondément les gares et les gros embranchements industriels qui s’y raccordent. On pouvait enfin, à la rigueur, accoler un deuxième souterrain au premier, mais l’opération n’était pas prudente, et les constatations faites, au cours des travaux, montrent qu’on a sagement agi en renonçant à ce moyen, car les pressions excessives et les dislocations qui se sont produites dans la voûte à voie unique avant qu’on ait pu en attaquer la démolition, ont démontré qu’on risquait de provoquer des affaissements graves et même des effondrements.


On se rallia donc à la solution de l’élargissement du souterrain à son emplacement même, après avoir acquis la certitude que les mouvements constatés dans les maçonneries étaient imputables, non à des tassements de mines, mais aux fortes pressions du terrain et à l’insuffisance des maçonneries.


La cause du mal étant connue, on estima que la remise à deux voies était possible, sans gêner la circulation des trains, en exécutant les renforcements nécessaires par dessus l’anneau intérieur à voie unique servant de cintre, autrement dit, en opérant au-dessus de l’extrados et à l’arrière des piédroits.

Essai de remise à deux voies du souterrain

Un travail de cette nature étant exceptionnel, la Compagnie PLM en fit l’objet d’un concours entre les entreprises qualifiées en matière de souterrains, sous réserve de n’exécuter d’abord le projet choisi, qu’à titre d’essai, sur une cinquantaine de mètres à partir de chaque tête. Cela permettrait de se rendre compte de la valeur du procédé et de déterminer les prix des diverses natures d’ouvrages à prévoir pour l’exécution définitive.


Diverses solutions furent présentées, parmi lesquelles la Compagnie PLM retint celle de là Société des Entreprises de Travaux Publics, André Borie, qui venait d’achever des souterrains importants sur la ligne de Nice à Coni, et disposait, par suite, immédiatement, du personnel et du matériel nécessaires.


Le projet soumis par cette entreprise répondait exactement du reste, au projet de la Compagnie. Il prévoyait la démolition et la reconstruction de la voûte ancienne par abatages, partant;de l’intérieur d’une galerie de faîte boisée, de 2 m x 1,80 m suivant l’axe du souterrain, au-dessus de l’extrados de la voûte à deux voies.


Il tendait à constituer la voûte nouvelle par un anneau d’épaisseur variable, suivant les terrains, avec un béton de ciment Portland artificiel, de résistance 15/20, mélangé au dosage de 400 kg de ciment par m3 de sable et de pierre cassée, de nature granitique, provenant de broyage et de concassage de roches de la carrière de Saint Victor sur Loire.


Quand aux piédroits en moellons, ils devaient être conservés (Figure 3).


La démolition de l’ancienne voûte à voie unique, après reconstruction de la nouvelle, devait se faire la nuit, dans un intervalle suffisant du service des trains.


C’est dans ces conditions que s’exécutèrent les travaux d’essai, à partir du 28 Mars 1928.

Organisation d’essai, maintenue ensuite pour les travaux définitifs

L’Entreprise installa, à chaque tête, au niveau de l’extrados de la voûte à deux voies, une passerelle de service de 6 m de largeur, prolongée par une estacade au même niveau, sur 75 m environ de longueur, dans les talus de gauche des tranchées, aux abords de chaque tête.


Sur ces passerelles et estacades, elle disposa les voies Decauville de 0,60 m utiles et les plans inclinés destinés à l’évacuation des déblais provenant de la galerie. Ces déblais, chargés dans des wagonnets remorqués par des tracteurs à essence (on avait prévu aussi des tracteurs à air comprimé), étaient déversés ensuite dans les wagons de la Compagnie amenés, au-dessous des plans inclinés, par des voies de service.


  • Elle installa également :
    • des bétonnières, dont les bennes chargées au niveau des voies PLM étaient élevées par des monte-charges jusqu’aux estacades,
    • des postes de transformation à 200 volts du courant triphasé HT fourni par le secteur de Saint Etienne pour la force motrice et l’éclairage,
    • des compresseurs d’air de 100 cv pour le fonctionnement des marteaux brise-béton et des perforatrices,
    • des ventilateurs de 20 cv pour l’aération des galeries avec des tuyaux de ventilation de 0,50 m de diamètre placés dans ces galeries, le long des boisages,
    • enfin,, sur le terre-plein, au-dessus des têtes du souterrain, les baraquements nécessaires au logement du personnel, les ateliers, bureaux, etc...


L’aspect général des installations de la tête Sud est représenté par la figure 4.


L’entreprise organisa trois postes de 8 heures, pendant la durée desquels travaillaient alternativement ou simultanément à chaque tête deux équipes de mineurs et boiseurs, l’une pour le déblai de la galerie, l’autre pour celui des abatages, une équipe de maçons et une équipe de démolition.

Détails d’exécution des travaux d’essai

Galerie côté Nord

La galerie fut amorcée sans difficultés particulières. La figure 5 donne une section et une coupe longitudinale des boisages de cette galerie.


Des abatages boisés en éventail (Figure 6) s’exécutèrent également par largeurs de 3 m, en alternant les attaques et maçonnant rapidement les abatages ouverts.


On avait tout d’abord prévu le regarnissage des abatages, au-dessus de la voûte reconstruite, avec de la pierre sèche, provenant de la démolition de, la voûte à voie unique, mais les tassements dangereux qui se produisirent entraînèrent rapidement l’abandon de ce procédé de blocage. On remplit alors le vide au-dessus de la voûte refaite avec du béton très maigre au dosage de 100 kg de chaux hydraulique par m3 de pierre cassée et sable mélangés.

Galerie côté Sud

Le percement de la galerie Sud présenta de suite de grosses difficultés. Nous avons, vu que le profil en long (Figure 2) montre que le tunnel passe sous les agglomérations de La Ricamarie et de la Croix de l’Orme à de faibles profondeurs. Lorsque la galerie boisée arriva sous le premier immeuble de La Ricamarie, elle y provoqua des dislocations auxquelles on remédia immédiatement, mais on décida de traverser l’agglomération de La Ricamarie en construisant une galerie maçonnée, enrobant les boisages ordinaires de la galerie d’avancement. La figure 7 donne une coupe en travers de ce type de galerie.


On renonça aussi à ouvrir des abatages sous les immeubles de La Ricamarie, et l’on prit la décision de procéder à la reconstruction de la voûte à 2 voies, partout, où cela serait nécessaire, de l’intérieur du souterrain et à l’aide de cintres. Moyennant cela, on n’eut plus aucun mouvement, et on n’occasionna aucune avarie aux habitations.

Démolition du souterrain pendant les travaux d’essai

La démolition de la voûte à voie unique se fit aussi dans les conditions prévues. On fit usage d’échafaudages montés sur des wagons à plateforme auxquels on donna la forme correspondant au profil du tunnel. Ces échafaudages comportaient plusieurs plateformes de travail disposées en gradins les unes au-dessus des autres.


Deux wagons pour l’évacuation des moellons et des gravats encadraient chaque wagon - échafaudage.


Les travaux d’essai ayant donné satisfaction, on décida de passer à la remise complète à deux voies du souterrain.

Travaux définitifs de remise à deux voies sur toute la longueur tunnel

Le procédé général d’exécution fut le même que pour les travaux d’essai; mais les difficultés furent tout autres, ainsi, du reste, que nous l’avions prévu.


Trois postes de 80 à 85 hommes environ, travaillant chacun pendant 8 heures, furent affectés à chaque tête. On occupa, par suite, d’une façon permanente, une moyenne de 500 ouvriers.

Galerie Nord

L’équipe moyenne du front d’attaque se composait de quatre mineurs utilisant des marteaux brise-béton pour détacher les parties rocheuses. Immédiatement en arrière, quatre boiseurs préparaient et mettaient en place les boisages. Comme le terrain schisteux comportait de gros bancs de grès houillers, il fut bientôt nécessaire de pratiquer des mines légères avec des 1/2 cartouches de cheddite. On ne constata aucun inconvénient à cet emploi de la mine, en dehors des habitations.


Tout d’abord la vitesse d’avancement des terrassements de la galerie Nord s’accéléra (3,30 m environ par jour ouvrable) et la réfection complète de l’ancienne voûte en briques se poursuivit normalement, avec 0,80 m d’épaisseur. Mais cela ne dura pas. A partir de 380 m environ de la tête, un important tassement des boisages, imputable aux fortes pressions et aux changements de bois dans les abatages à l’arrière, se produisit. La galerie se rétrécit au point de ne plus permettre la circulation des tracteurs. On dut, dès lors, activer les maçonneries. Le béton de blocage des abatages, au-dessus de la voûte, renforça le boisage de la galerie, dont il fut possible de supprimer de nombreux porteurs et étrésillons, ce qui augmenta la section libre et permit de circuler sans recourir à des entaillages des bois des dits porteurs, comme on avait dû le faire provisoirement.


Au fur et à mesure de l’avancement, les pressions devenaient de plus en plus fortes, les porteurs et les chapeaux des cadres, en contact avec les parois schisteuses, se brisaient sous l’action du gonflement des terres exposées au contact de l’air humide. La galerie se déformait par suite de l’inégalité des pressions. On peut se rendre compte de ces effets par l’examen des photographies de la galerie prises à 884 m et 967 m de la tète Nord du souterrain (Figures 8 et 9).


Pour permettre à la nouvelle voûte de résister efficacement à ces pressions excessives, on dût prévoir l’augmentation de son épaisseur. Cette obligation jointe à celle de réserver une certaine marge pour les tassements imprévus du terrain, conduisit à donner à la galerie une plus grande hauteur.


La hauteur primitive de 2,60 m (1,80 m sous chevalement) fut portée à 3 m, à partir de 5,50 m de la tête Nord, puis à 3,20 m (2,40 m sous chevalement).


Enfin, il fallut, à quatre reprises, suspendre le percement de la galerie, pour la consolider à l’arrière en activant les bétons des abatages ouverts. Il était nécessaire, en effet, que ceux-ci suivissent d’aussi près que possible l’avancement de la galerie, pour éviter la mise à l’air des parois schisteuses pendant un temps trop long. Au cours de ces arrêts, on dut la consolider provisoirement avec des chandelles placées suivant son axe, la clé de voûte de la voie unique ayant tendance à se soulever sous l’action des pressions latérales.


La figure 10, (photographie prise dans la galerie, à 940 m de la tête Nord) montre l’importance de ces pressions par leur effet sur les boisages.


Des porteurs ont pénétré profondément dans les longrines du chevalement, tordant et hachant celles-ci. De nombreux chapeaux sont cassés. On les a renforcé par des coupons de vieux rails.

Galerie Sud

L’avancement de la galerie maçonnée fut beaucoup plus lent (0,50 m à 0,60 par jour), mais, dés qu’on eut dépassé l’agglomération de La Ricamarie et repris l’exécution normale, la vitesse atteignit celle de la galerie Nord.


Au fur et à mesure qu’on progressait, on trouvait des pressions analogues à celles côté Nord. Il fallut doubler les boisages puis renforcer les porteurs par des piliers en béton de 3 m de longueur sur 0,80 m d’épaisseur moyenne, s’appuyant sur la maçonnerie de la voûte ancienne à double voie. On espaça ces piliers .de 4,50 m environ d’axe en axe pour se réserver la possibilité de pratiquer entre eux des abatages.


Le plafond de la galerie maçonnée était renforcé à l’aide de coupons de rails. Sous le bourg de La Ricamarie, on bloqua du béton entre ces rails et l’on noya, dans ce béton, des tubes, allant jusqu’au terrain, qui servirent à injecter du ciment sous pression pour boucher les vides et empêcher toute possibilité de tassement sous les immeubles.


Dans les deux galeries Nord et Sud, on fut obligé d’exécuter, de distance en distance, des élargissements pour y établir les 1/2 lunes ou gares nécessaires au croisement des divers convois de wagonnets vides et chargés, soit de déblais, soit de béton.


On profita, bien entendu, pour cela, des parties de terrain les plus résistantes, c’est-à-dire celles qui comportaient des bancs épais de grès houillers et très peu de schistes. Une rangée centrale de porteurs, presque jointifs, supportait la partie médiane de la galerie ainsi élargie.


Le nombre de gares créées sur la longueur du souterrain a été de 6, leur longueur variait de 30 à 40 m. La jonction des deux galeries eut lieu le 8 Mars 1930, à 1 108 m de la tête Nord.


Enfin l’éclairage des galeries était assuré, au fur et à mesure de l’avancement, par des lampes 75 watts 220 volts, branchées tous les 20 mètres environ sur les fils du courant triphasé.


La figure 11 représente le graphique d’avancement des deux galeries.


On voit sur le graphique les arrêts de chantier occasionnés par les difficultés survenues au cours du percement.

Exécution des abatages

La largeur prévue pour l’attaque de chaque abatage était de 3 m. Elle fut observée d’une manière générale.


Cependant, dans les terrains d’assez bonne tenue, on put quelquefois la porter à 4 m, 5 m et même 6 m exceptionnellement. Par contre, dans les zones de fortes pressions, on dut, pour réduire les charges sur la voûte à voie unique, procéder par attaques de 2 m de largeur, espacées de 4 à 5 m.


Les dimensions des fouilles étaient ainsi strictement limitées à la possibilité, pour les ouvriers, de travailler en sécurité.


Les déblais et démolitions de l’ancienne voûte étant exécutés, on plaçait des cerces en bois traçant l’intrados de la voûte à deux voies. Pour éviter toute erreur, l’axe en était repéré en utilisant des trous de sondage percés tous les 20 m dans la galerie.


Ces trous de sondage servaient en même temps de trous d’hommes pour l’évacuation de la galerie; en cas de nécessité (éboulements, incendie, etc…).


On préparait enfin la forme d’intrados de la nouvelle voûte au moyen de béton maigre de chaux régularisant les aspérités de l’extrados de la voûte à voie unique qui servait de cintre. Ce béton était recouvert d’un papier bisulfité empêchant son adhérence avec le béton de la nouvelle voûte.


Le graphique figure 11 donne le schéma d’avancement des divers travaux.

Exécution des maçonneries de la voûte et des abatages. Nervures de renforcement des anciennes voûtes à deux voies conservées

Nous avons vu que les maçonneries de l’ancienne voûte avaient été faites avec de mauvais matériaux : briques côté Nord, sur 860 m de longueur et moellons calcaires ou de grès, côté Sud, avec nombreuses parties de briques intercalées.


En présence de l’état constaté des maçonneries dans les sondages effectués au cours des travaux, on prit la décision de refaire entièrement toutes les maçonneries de briques, dont la majeure partie était complètement écrasée et hors d’usage, et de conserver les bonnes maçonneries de moellons, dont il apparaissait que, seul, le parement d’intrados avait souffert.


Mais on ne pouvait, naturellement, conserver ces maçonneries sans les consolider, puisqu’aussi bien leur état avait nécessité la construction d’anneaux intérieurs de renforcement. On décida de faire ce renforcement au moyen de nervures en béton plus ou moins rapprochées par dessus l’extrados de la voûte. On se réserva de reprendre les parements d’intrados détériorés de l’intérieur du souterrain, après consolidation et naturellement aussi, après démolition de la voûte à une voie, puisque cette reprise devait se faire de l’intérieur du tunnel.


La maçonnerie de la voûte en briques, côté Nord, fut refaite entièrement par abatages sur les 860 m précédemment indiqués, mais on se trouva, à un moment donné, dans la nécessité de renforcer par des cintres métalliques la voûte à voie unique servant de cintre, qui présentait des, traces sérieuses de fatigue. La clé se soulevait et de nombreux moellons s’écrasaient et tombaient sur la voie (Figure 12).


La galerie avait eu, en effet, comme conséquence, de décharger le cerveau de la voûte et les pressions qui se développaient sur les reins, mettaient cette voûte en ogive. On fut donc conduit à replacer encore des cintres métalliques à une voie à l’intérieur du tunnel.


Au delà de la maçonnerie de briques, c’est-à-dire à partir de 860 m de la tête Nord, la maçonnerie de moellons fut conservée jusqu’à 1 025 m, mais doublée par une seconde voûte en béton de ciment, tellement les pressions étaient considérables dans cette zone.


Enfin, au delà, côté Sud, les nervures de renforcement suffirent jusqu’à 1 800 m de la tête Nord.


On leur donna 2 m de largeur en les espaçant de 5 m d’axe en axe et, comme elles devaient envelopper complètement l’arc d’extrados de la voûte jusqu’aux naissances et qu’on ne pouvait les exécuter que par moitié, puisqu’il n’était pas encore possible de fermer la galerie, on les arma de fers ronds qu’on relia plus tard à travers la galerie, quand on exécuta le béton de clavage, réunissant ensemble les deux nervures placées de part et d’autre de la galerie. Puis, au fur et à mesure que l’on s’éloignait des plus mauvais terrains et que les maçonneries de la voûte à deux voies conservée devenaient meilleures, on donna aux nervures 3 m de largeur en les espaçant de 9 m d’axe en axe. Dans certains cas on fut obligé de les doubler après coup.


La liaison des nervures avec la voûte à deux voies conservée a été assurée, d’une façon parfaite, par un nettoyage à l’air comprimé de la surface d’extrados mise à nu, complétée par un lavage de cette surface au lait de ciment.


Nous devons ajouter que, partout où la voûte en béton a été complètement refaite, elle à été revêtue d’une chape en ciment artificiel de 0,03 d’épaisseur soigneusement coaltarée, par dessus laquelle est venu se superposer le béton maigre du remplissage des abatages. Le profil en long (Figure 13) montre de quelle façon a été refaite ou consolidée la voûte du souterrain. Prévue à 0,60 m d’épaisseur, la voûte en béton refaite fut, rapidement portée à 0,80 m puis 1 m. On alla même jusqu’à 1,20 m dans les zones de très fortes pressions.


Enfin, côté Sud, les anneaux en briques sous les immeubles de La Ricamarie furent refaits de l’intérieur du souterrain, à l’aide de cintres métalliques pour voûte à deux voies, pendant la suspension du service des trains, la nuit.

Garnissage de la Galerie de faîte

Dès achèvement, des abatages, on entreprit le blocage en béton de la galerie de faîte en constituant deux chantiers partant d’un point situé à 1 200 m de la tête Nord, et se dirigeant vers chacune des têtes.


De même qu’au début de la période d’essai, on avait envisagé de bloquer les abatages avec de la pierre provenant de la démolition de la voûte à voie unique, on comptait aussi exécuter le blocage de la galerie avec de la pierre sèche, entre les nervures en béton. Mais après les constatations faites et les énormes difficultés rencontrées dans l’exécution des abatages, il ne pouvait être question de faire autre chose qu’un blocage complet au béton.


On décida alors d’exécute la base de la galerie, c’est-à-dire sur l’extrados de la voûte refaite où conservée, une dalle en béton dosé à 400 kg de ciment 15/20 par m3 et ayant 0,60 m d’épaisseur, destinée à renforcer le cerveau de la voûte. Par dessus cette dalle, on fit du béton maigre au dosage de 100 kg de chaux hydraulique par m3 de pierre cassée et sable.


Le pilonnage du béton se faisait à l’avancement avec un pilon à air comprimé, de façon à obtenir un remplissage parfait jusqu’au plafond (Figure 14).


La graphique (figure 11) donne le schéma de cette opération.

Démolition de la voûte à voie unique

On n’a éprouvé aucune difficulté spéciale dans l’exécution de ce travail qui se faisait la nuit, pendant la suspension du service des trains, en employant des brise-béton pneumatiques. Les bons moellons étaient placés dans l’un des deux wagons qui encadraient le wagon échafaudage et les gravats dans l’autre. La démolition des piédroits suivait à petite distance celle de la voûte proprement dite. Au début, les chantiers de démolition étaient au nombre de deux, progressait vers l’intérieur du tunnel à partir des deux têtes. On atteignit ainsi deux points situés respectivement à 540 m de la tète Nord et 385 m de la tète Sud. C’est à ce moment que les difficultés sérieuses d’exécution des maçonneries de la voûte se présentèrent, obligeant à suspendre, par mesure de prudence, la démolition de la voûte à voie unique jusqu’au blocage complet de la galerie. On reprit ensuite cette démolition lorsqu’on eut bloqué la galerie de faîte.

Réparation des maçonneries désagrégées de l’intrados de la voûte à deux voies ancienne conservée

C’est aussi au cours de ces démolitions partielles découvrant l’intrados de l’ancienne voûte à deux foies conservée, dont les maçonneries étaient apparues excellentes à l’examen des abatages et des nombreux sondages pratiqués, que l’on se rendit compte de l’importance des dégradations de l’intrados qui avaient nécessité les constructions d’anneaux intérieurs de consolidation.


De nombreux moellons étaient éclatés, à la clé principalement, témoignant de pressions considérables auxquelles, désormais, les nervures au-dessus de la voûte devaient résister.


Pour prévenir la chute des moellons écaillés restant en place et combler les vides existants du fait des dégradations survenues, une reprise par dessous des maçonneries d’intrados s’imposait.


On y procéda dans les mêmes conditions que pour la réfection des parties de voûtes en briques, sous les agglomérations.


Par mesure de prudence, l’avancement de la démolition était subordonné à celui des réparations. On ne laissait à découvert qu’une faible longueur de voûte détériorée. La réparation était faite aussitôt.

Injections de Ciment

Pour consolider les maçonneries anciennes conservées, piédroits sur toute la longueur du souterrain, et voûte au delà, côté Ricamarie, du point situé à 860 m de la tête Nord, on décida d’y pratiquer des injections de ciment artificiel sous pression. L’installation fut réalisée en même temps que celles devant servir à la confection d’un enduit au « Cement Gun » sur la voûte nouvelle. Le schéma en est donné (Figure 15). Les trous d’injection ont été percés en quinconce dans les reins de la voûte et aux naissances tous les 5 mètres environ. On a injecté ainsi de 1 t à 1,200 t de ciment en moyenne par mètre courant de tunnel sauf dans la partie de voûte ancienne conservée où la quantité de ciment injectée a atteint jusqu’à 1,500 t par mètre.


Le ciment injecté ressortait assez fréquemment par les joints des maçonneries anciennes, notamment celles des piédroits, témoignant ainsi de l’excellence de la mesure prise dans le but de consolider ces maçonneries.

Enduits au « Cement Gun »

Après démolition de la voûte à voie unique sous la voûte en béton de ciment nouvellement refaite, on constata que le parement d’intrados de cette voûte présentait des joints correspondant aux reprises inévitables du bétonnage sur les bords des abatages.


Le papier appliqué sur la forme en béton maigre de réglage établie sur l’extrados de la voûte à voie unique formant cintre, adhérait parfois à la maçonnerie nouvelle.


Il importait, d’une part, de boucher ces joints superficiels et de faire disparaître le papier, et, d’autre part, de protéger le béton contre la décomposition résultant des gaz des fumées des locomotives, car nous avions vu, dans les anciennes maçonneries d’intrados, des joints friables de couleur blanche, des efflorescences de même apparence et une boue de ciment désagrégé par l’acide sulfureux provenant certainement de l’action chimique des fumées. Par contre, nous n’avions pas rencontré d’eaux sulfatées, ni de décomposition des mortiers à l’extrados. C’est pourquoi nous décidâmes de faire, sur l’intrados de la voûte reconstituée, un enduit à deux couches de ciment artificiel Vicat sous pression dit enduit au « cement gun ». Ce procédé, bien connu, fut appliqué après un sablage préalable, sous pression également, de la surface encore couverte de papier ou déjà colmatée par la fumée des trains.


On utilisait pour cela deux appareils « cement gun » (ou « canon à ciment »). L’air comprimé nécessaire était fourni par un compresseur « Ingersoll Rand » à 8 kg qui assurait une pression de 7 kg pour le sablage et de 5 kg, par l’intermédiaire d’un détendeur, pour la projection du lait de ciment et sable mélangés.


La figure 15 donne un schéma des installations pour là projection de renduit au « cement gun ».

Exécution de niches nouvelles

Lors de la construction du souterrain, on 1855, on avait établi des niches pour le garage des ouvriers, en nombre insuffisant pour les conditions de circulation actuelles. Elles étaient disposées en quinconce à des distances très variables, depuis 50 m jusqu’à 150 m. On a intercalé, entre ces niches conservées, un nombre de niches nouvelles alternant à peu près tous les 25 m en quinconce. Deux niches de 3 m x 2 m, disposées au tiers environ du tunnel, permettent le remisage des wagonnets ou diplorys.

Réfection du radier et de l’aqueduc central

Un radier maçonné existait sur la presque totalité de la longueur du souterrain. On s’était dispensé d’en construire un dans les parties rocheuses. Comme nous avons conservé partout la fondation de piédroits de l’anneau intérieur à voie unique, celle des piédroits conservés de la voûte ancienne se trouve partout épaulée par ce radier partiel en maçonnerie.


L’aqueduc central existant a été nettoyé et réparé.

Ecoulement des eaux

Dans les parties où l’on a reconstruit la voûte et bloqué au-dessus en béton maigre, on a ménagé, au droit des naissances, des drains en demi tuyaux de ciment aboutissant à l’aqueduc central.


D’une façon générale, nous avons une voûte et des piédroits complètement étanches sur toute la longueur du souterrain, ce qui prouve l’efficacité des travaux faits, car autrefois ce souterrain était très humide.

Accidents et incidents

Les accidents courants du travail, assez nombreux, ne présentèrent, en général, que peu de gravite, si l’on excepte ceux survenus à un chef mineur (jambe cassée) et à quelques ouvriers mineurs assez sérieusement incommodés par les gaz délétères dégagés par les explosions de cheddite dans la galerie Sud à un moment où le ventilateur venait de s’arrêter par suite d’une panne de courant.


  • Il y en eut cependant quatre mortels :
    • Deux ouvriers d’entreprise serrés par les tracteurs à essence contre les boisages de la galerie Nord,
    • Un autre écrasé par des moellons tombés de la voûte à voie unique sur les wagons - échafaudages au cours des travaux de démolition de cette voûte,
    • Enfin un journalier, surveillant la voûte à voie unique, dont un moellon s’était détaché quelques jours auparavant, fut surpris et écrasé par un train à l’intérieur du tunnel.


Le seul incident important à signaler est celui survenu le 14 Février 1929, qui parut tout d’abord assez grave, et motiva, pour cette raison, l’intervention des pompiers de Saint Etienne. Un mécanicien de tracteur ayant, contrairement aux recommandations faites, rempli le réservoir de sa machine avec de l’essence, à l’intérieur de la galerie Nord, le bidon prit feu et un commencement d’incendie se déclara dans les boisages.


Le mécanicien put faire reculer son tracteur avant que le réservoir ne s’enflammât.


L’équipe de mineurs occupés au percement de la galerie se trouva, cernée entre le front d’attaque et l’incendie, mais grâce aux trous d’homme percés tous les 20 mètres dans la double voûte, les secours purent être rapidement organisés. L’incendie fut éteint par les ouvriers de l’entreprise, grâce à l’eau sous pression qu’on envoya par les conduites servant au transport de l’air comprimé.

Conclusion

La remise à deux voies du tunnel de la Croix de l’Orme, dans les conditions qui viennent d’être indiquées, constitue un travail original, sans précédent, à notre connaissance, et d’une importance dont témoignent les chiffres suivants, qui représentent approximativement les principales quantités de matériaux mis en œuvre :

  • Boisages : 6 000 m3,
  • Bétons divers : 50 000 m3,
  • Chaux, ciments pour bétons, injections et « cement gun » : 17 000 t.


La réception des travaux par le service du contrôle a eu lieu 6 Mai 1931 et la mise en service de la double voie, le 15 Mai 1931.