10 mars 1886, Roquebrune Monte-Carlo

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Circonstances de l’accident

  • Le 10 mars 1886, en fin d'après-midi, par suite d'un malheureux concours de circonstance, deux trains sont lancés face à face sur une voie unique entre Monte-Carlo et Cabbé-Roquebrune. Sous l’œil de très nombreux témoins impuissants à empêcher la catastrophe programmée, les trains se précipitent inéluctablement l'un vers l'autre. La collision est effroyable. Les machines et les trains s'enchevêtrent, plusieurs wagons sautent le parapet et chutent sur le bord de mer plusieurs dizaines de mètres en contrebas. Le bilan humain est relativement lourd. Eu égard à l'importance des dégâts, il aurait pu être beaucoup plus élevé. Cette nouvelle catastrophe, survenue sur une ligne de la compagnie P.-L.-M. après de multiples accidents plus ou moins importants, soulève une importante polémique, notamment dans la presse et chez les députés d'opposition. La compagnie pour sa recherche permanente de gains financiers qui ne semble pas prendre suffisamment en compte la sécurité de ses agents et clients et l’État pour son "laxisme" envers les grandes compagnies ferroviaires, sont solidairement visés par cette polémique.


La catastrophe relatée par la presse

  • TERRIBLE ACCIDENT. Collision entre deux trains Trois morts, vingt-trois blessés.

(PAR SERVICE SPÉCIAL) Monte-Carlo, 10 mars:

Un terrible accident de chemin de fer a eu lieu ce soir, quatre heures quarante-cinq, entre Monte-Carlo et Menton. Le train mixte nl allant à Vintimille, a rencontré le train mixte n° 502, se dirigeant vers Nice. Plusieurs wagons ont été littéralement broyés. D'autres ont été précipités dans la mer d'une hauteur de trente mètres environ. Deux voyageurs ont été tués, dix blessés grièvement, douze blessés légèrement. Le mécanicien du train est mort. Celui du train 502 a été tamponné entre les deux machines. A l'heure où je vous télégraphie, il est encore vivant, mais il semble impossible de le dégager. Parmi les blessés se trouve une famille entière, M. Prieur, son gendre, sa fille, sa petite-fille, âgée de 16 ans. Tous ont été grièvement atteints aux jambes. L'hôtel de Paris a mis immédiatement à la disposition du service d'ambulance deux salles de dortoir et des omnibus pour transporter les blessés, auxquels les docteurs Kullmann, Guérard, Renaud et Hugues ont donné les premiers soins. L'accident s'est produit à un kilomètre de Monte-Carlo. Je vais visiter le lieu du désastre et vous enverrai de nouveaux détails. L'émotion est très vive ici, car plusieurs personnages très connus se trouvaient dans le Une foule considérable s'est portée vers l'endroit où a eu lieu la catastrophe, et l'on cherche avec des flambeaux, à découvrir et à reconnaître les morts et les blessés.

LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO

Le Figaro cite parmi les blessés de la catastrophe de Monte-Carlo Mme et Mlle Tesseyre, femme et fille de l'ancien gérant de la Liberté.

Journal Le Matin du 11-3-1886 (Collection BNF_Gallica)


  • LA CATASTROPHE DU CHEMIN DE FER DE MONTE-CARLO

d'un chef de gare. (PAR SERVICE SPÉCIAL) Monte-Carlo, 11 mars, 3 heures, matin.

La catastrophe s'est produite dans le quartier de la Rousse, sur le territoire de la principauté. A cet endroit, le chemin de fer longe la mer une hauteur de trente mètres, au pied d'une colline très escarpée. La voie, soutenue par un mur, suit une courbe dont la convexité est du côté de la mer. Le choc a été terrible et les machines ont été littéralement broyées. Les trois premières voitures du train se dirigeant vers Menton deux de troisième classe et une de seconde ont été précipitées du haut de la voie sur le bord de la mer. Un voyageur, qui se trouvait dans le wagon de seconde classe, été sauvé par un vrai miracle: il est sorti du wagon, après cette chute effroyable, presque sans blessures. Huit voitures du train allant vers Monte-Carlo ont été entassées les unes sur les autres, renversées, éventrées.

Spectacle lugubre.

Le spectacle de ces «wagons amoncelés, détachant leur ligne noire sur l'horizon à la lueur funèbre des torches, est vraiment sinistre. A minuit, on travaillait activement à la recherche des victimes les sauveteurs étaient obligés de lancer dans la mer le matériel, qu'il était impossible de dégager autrement. On ignore encore le nombre exact des victimes, car le déblaiement de la voie est loin d'être achevé. D'autre part, combien ont été précipités dans la mer et n'ont pas eu la chance de cette dame que l'on a retirée des flots saine et sauve. On cite encore un autre sauvetage miraculeux. Une petite fille de deux ans, qui est tombée dans la mer d'une hauteur de trente mètres, a été retirée avec une simple égratignure. Jusqu'à présent le nombre des morts constatées est de six, et on est malheureusement certain que ce chiffre n'est pas définitif. Il faudra probablement y ajouter d'abord le chef de train Féraud, qui n'a pas répondu à l'appel de son nom. Les responsabilités. Il est encore difficile de. se prononcer sur la responsabilité de cette catastrophe. Cependant, il est acquis que le chef de gare de Roquebrune aurait donné le signal du départ sans prévenir la gare de Monte-Carlo, croyant la ligne libre. Il est impossible de décrire l'émotion qui règne a Monte-Carlo et le désordre dans lequel se trouve la gare. La circulation est interrompue. Le rapide n° 37 de Paris est arrêté, et de nombreux voyageurs ont dû se rendre à Menton en voiture. Le bureau télégraphique de Monte-Carlo est encombré de dépêches. L'armée de la principauté est sur pied.

Grande affluence de curieux. (PAR SERVICE spécial) NICE, 11 mars, 7 h. soir.

Le nombre des voyageurs qui se sont rendus aujourd'hui à Monte-Carlo est évalué à vingt mille. Tous les services ont été doublés à l'aide du personnel venu de Nice. Malgré cela, l'encombrement est considérable et tous les trains ont éprouvé des retards, à cause des difficultés pour le transbordement des bagages. Le rapide de midi cinquante à Nice est parti avec une heure de retard.

Suites de l'accident. Au moment de la collision, l'entassement des wagons s'est élevé une hauteur telle que les fils télégraphiques ont été emportés. Les communications télégraphiques avec l'Italie sont interrompues. La petite maison de l'abbé Jacques Brun, située à 10 mètres de l'endroit où a eu lieu la collision, a eu le plâtre de sa façade enlevé par le choc de la portière d'un wagon.

Les blessés.

Il y a peu d'étrangers parmi les blessés, puisque tous sont des voyageurs de troisième classe. On dit ce soir qu'il n'y en a que sept qui soient grièvement atteints, mais il est impossible d'avoir, aucun renseignement officiel ni d'obtenir aucun nom.

Une horrible agonie.

On a retrouvé le corps du chef de train de Nice, Féraud. Il était couché sur le côté et écrasé, mais il vivait encore .lorsqu'on l'a aperçu sous les décombres. Le malheureux poussait des gémissements affreux, et l'on parvint à lui faire prendre un cordial. Le préfet lui-même l'a aidé à boire. Cette scène lugubre a duré plusieurs heures. Enfin, les gémissements cessèrent dans la matinée, et à dix heures, lorsqu'on a pu dégager complètement le corps, le malheureux avait cessé de vivre.

Les chefs de gare. (PAR SERVICE SPÉCIAL) Nice, 11 mars, 11 h. 50, soir.

Le chef de gare de Monte-Carlo, est gardé à vue. Celui de Roquebrune a disparu. On croit qu'il s'est suicidé. Le bruit court qu'il serait noyé. Domergue, le mécanicien tué, devait prendre sa retraite en octobre prochain.

Au P.-L.-M.

Un rédacteur du Matin est allé dans la soirée à la gare de Lyon pour demander communication des renseignements reçus par la Compagnie et particulièrement la liste des victimes identifiée. Le fonctionnaire qui a reçu notre collaborateur lui a répondu qu'il n'avait encore rien reçu de positif, et que la Compagnie ne pouvait même pas dire quelle était la cause réelle de la catastrophe; on pense cependant qu'elle provient d'une erreur ou d'une négligence du chef de gare de Roquebrune. Quant à la liste des victimes, la Compagnie ne l'attend que ce matin par le courrier. Voici, d'autre part, la noté qui nous est communiquée par l'agence Havas. La Compagnie des de paris à Lyon et à la Méditerranée nous fait savoir qu'une collision de deux trains s'est produite hier 10 mars, vers cinq heures du soir, entre les stations de Monte-Carlo et de Cabbé-Roquebrune, en voie unique. » Un voyageur et l'un des mécaniciens ont été tués; un conducteur n'a pas été retrouvé. Une vingtaine de voyageurs ont été blessés plus ou moins gravement. Les secours ont été promptement organisés. » Mais la Compagnie n'a pas encore d'autres détails. Elle s'empressera de publier ceux qui ne peuvent manquer de lui arriver à bref délai. Son directeur est sur le lieu de l'accident.»

Les victimes.

Ainsi qu'on l'a vu plus haut par nos dépêches, il est impossible de se rendre exactement compte du nombre des victimes de ce terrible accident. La dépêche que notre correspondant nous a expédiée la nuit dernière à trois heures du matin, et qui n'est parvenue au journal que dans la matinée, nous annonce que le nombre des morts était à ce moment de six, et il faut y ajouter celle du chef du train de Nice ce qui porte le chiffre des décès a sept. dont trois seulement identifiés jusqu'ici le mécanicien Domergue, le chef de train Féraud et l'entrepreneur italien Ferrero. Ce dernier laisse cinq enfants. Parmi les blessés, dont le nombre est très diversement évalué, huit seulement ont été identifiés le chauffeur Laurent, Mme et Mlle Tesseyre, et les cinq personnes compostant la famille Prieur. Ajoutons que Mme Plieur a dû être amputée d'une jambe. On sait que tous les membres de cette famille avaient eu les jambes brisées.

LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO. Liste des victimes Morts et blessés identifiés. (PAR SERVICE SPECIAL)MONTE-CARLO, 11 mars.

Voici les noms des victimes identifiées de l'accident du chemin de fer: Domergue, mécanicien, tué; Féraud (Justin), conducteur, tué; Ferrero, entrepreneur, tué.

Les blessés.

Mme et Mlle Tosseyn. artistes, fractures de la jambe; Louis Roche, employé, fractures graves; Jacques Preève, journalier, lésions très graves; Mlle Henner, rentière Mme veuve Beck, rentière Mme Gallot de Saint-Chamond, fracture grave de la jambe Henri Ferrari, sommelier, Perinarc1o, négociant à Menton, Lucchini (Auguste), rentier à Marseille, fractures graves; Léon Roux, étudiant, rue Sylvabeile, Marseille Novaro. cnapelier à Nice; Novaro (Jacques), âgé de 85 ans, à Vintimille; Laurent, chauffeur, brûlures très braves; Chaffal, Elisa, artiste, ecchymose aux reins; Prieur, bijoutier iL Paris Mme Prieur, Mlle Prieur, fractures très graves; Mme, Mlle Daguino, Mme veuve Domange Louise Landin, la petite Novaro, âgée de vingt-deux mois; Mlle Poinsot, la famille Hu, blessures légère.

Journal Le Matin du 12-3-1886


  • LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO. Liste officielle des victimes Trois morts et vingt-quatre blessés

Nous recevons de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée la liste ci-après des victimes de l'accident de Monte-Carlo-Roquebrune; M. Ferraro, entrepreneur à Vintimille, mort; M. Domergue, mécanicien du train 502, mort; M. Féraud, conducteur-chef du train 502, mort; M. Laurent, chauffeur du train 502, brûlures graves, mort depuis; M. Prieur, bijoutier à Paris, blessures graves aux jambes; Mme Prieur, blessures graves aux jambes; Mlle Prieur, blessures graves aux jambes; Mme Tosseyn, artiste Monaco, fractures aux jambes; Mlle Tosseyn, artiste à Monaco; fractures aux jambes; M. Prève, journalier à Menton, lésions internes; M. Lucchini, rentier à Marseille, côtes luxées, lésions internes; Mme Gallot, de Saint-Chamond, blessures graves des jambes; Mme Novaro, fracture du bras gauche; M. Novaro père, propriétaire à Vintimille, 85 ans,blessures à la tête; M. Novaro fils, chapelier à Nice, blessures à la tête et aux reins; M. Roche, gérant de la taverne alsacienne à Monaco, fractures du bras; Mme Daguino, couturière à Monaco, contusions à la poitrine et aux reins; Mlle Daguino, couturière a Monaco, contusions à la poitrine et aux reins; Mme Henger, artiste Monaco, contusions légères M. Ferrari, sommelier à Nice, contusions a la poitrine et au poignet; M. Perinardo, négociant à Menton, contusions aux mains et au côté; M. Roux, étudiant en droit à Marseille, contusions légères au poignet et à la jambe Mlle artiste Paris, contusions à la tête et à l'abdomen; Mme Démange, mère de Mme Prieur, blessures aux jambes; Mme Landrin, tailleuse à Vidauban, contusions au visage; M. Novaro, enfant de 22 mois, égratignures au bras; Mme Poinsot, femme du peintre-décorateur a Monaco.

(PAR SERVICE SPECIAL) Nice, 12 mars.

Trois morts de plus. Trois nouvelles morts à enregistrer. le chauffeur Laurent, M. Jacques Novaro et Mme Prieur, ont succombé aux suites de leurs blessures. Le corps du mécanicien Domergue est arrivé ici ce matin, et ses obsèques ont eu lieu, à cinq heures, à l'église de Notre-Dame. Cinq mille personnes y assistaient. Le deuil était conduit par son fils. Les blessés sont soignés par les docteurs Guénard, Collignon, Coulon, Balestrac et Compagion.La circulation des trains a été rétablie ce matin. Encore un mort; Une agonisante; Un fou.

(PAR SERVICE SPECIAL) Nice, 12 mars, 8 h. 55 soir.

Encore une mort, le journalier Prève a succombé aux suites de ses blessures à Monte-Carlo. Mme Landrin est à toute extrémité, par suite de lésions internes. M. Blanc, boulanger à Marseille, a, été trouvé errant dans la campagne il est devenu fou la suite de la catastrophe. Il a été arrêté et enfermé. Le corps de Laurent sera transporté au Muy; celui de Féraud est arrivé ici. Demain matin auront lieu les funérailles de quatre victimes.

Journal Le Matin du 13-3-1886 (collection BNF-Gallica)


  • Toujours P.-L.-M.. LA CATASTROPHE DE MENTON. 4 MORTS — 32 BLESSÉS.

Depuis quelque temps, la Compagnie de Paris-Lyon-Méditerranèe qui a acquis une si triste célébrité, due aux nombreux accidents imputables à son incurie et à sa mauvaise administration, n’avait pas fait parler d’elle. Cela ne pouvait durer. Hier, on annonçait une terrible catastrophe de chemin de fer : deux trains précipités à la mer, des morts, des blessés. Inutile de demander sur quelle ligne cet épouvantable accident s’est produit : c’était tout naturellement sur le P.-L.-M.. Le Train mixte 483, partant de Nice à trois heures et allant à Vintimille, a rencontré ta train mixte n° 502 partant de Menton et se dirigeant vers Nice. La rencontre a eu lieu sur cette voie unique, à un tournant et dans un endroit où le vide vient immédiatement après le rocher, entre Cabbé-Roquebrune et Monte-Carlo, à deux kilomètres de cette dernière station. La violence du choc a été terrible; les locomotives sont entrées l’une dans l’autre. Les wagons, après être montés les uns1 sur les autres, se sont écrasés avec une telle violence qu’ils ont pour ainsi dire été réduits eu miettes. Un de première, un de seconde, et un de troisième classe, trois wagons franchissant le parapet, sont tombés dans la mer d’une hauteur de soixante quinze mètres. On les a retrouvés à l’état de véritable hachis. Ceux restés sur la voie forment une montagne de débris absolument informes. Des roues de wagons, des portières, des tampons, des chaînes pendent le long du parapet au-dessus du gouffre. Le spectacle est horrible. Des planches brisées émergent, des femmes et des enfants, tout ruisselants de sang. La recherche des morts et des blessés avec des flambeaux et des torches était une des choses les plus émouvantes que l’on pût voir. Les secours ont été rapidement organisés. A la nouvelle de l’accident, M. Catusse, préfet des Alpes-Maritimes, s’est transporté sur les lieux; en même temps, M. Chartra, directeur général de l’administration des bains de mer, a fait transporter les caisses de secours du Casino. L’hôtel de Paris a mis immédiatement à la disposition du service d’ambulance deux salles de dortoir et des omnibus pour transporter les blessés, auxquels les docteurs Kullmann, Guérard, Renaud et Hugues ont donné les premiers soins. L’accident s’est produit à un kilomètre de Monte-Carlo. Le déblaiement a été très difficile, la nuit étant arrivée presque aussitôt après l’accident. Dès le petit jour on a travaillé activement à débarrasser la voie. Le transbordement des voyageurs se fait, de la gare de Monte-Carlo à Menton, par omnibus. A chaque instant on retrouve des blessés. Le corps du malheureux Féraud, conducteur du train, n'a pas encore été retrouvé. Quatre personnes ont été tuées ; parmi elles se trouvent M. Dommergue, mécanicien, et Ferrero, entrepreneur italien. Jusqu’à présent, on connaît trente-deux des blessés, dont douze très grièvement. Le mécanicien du train 483 est mort. Celui du train 502 a été tamponné entre les deux machines. Il est encore vivant, mais il paraît perdu. Le malheureux est resté pris sous un amoncellement de ferrailles et de morceaux de bois. Parmi les blessés se trouve une famille entière, M. Prieur, son gendre, sa fille, sa petite-fille, âgée de seize ans. Mme et Mlle Tesseyre; femme et fille de l’ancien gérant de la Liberté, ont reçu de graves blessures. Une petite fille de deux ans, qui est tombée dans la mer a été retirée miraculeusement avec une simple égratignure. Un voyageur, tombé également dans la mer, a eu un bras cassé. Un enfant de treize ans, qui a été aussi précipité, a eu les deux bras brisés, il appelait son père, qui est parmi les morts. Mme Prieur a subi l’amputation des deux jambes. L’entrepreneur Ferrero laisse cinq enfants; Une pauvre femme est morte en apprenant que son mari était dans le train. Les trains devaient se croiser à Cabbé-Roquebrune; au lieu de cela, on les a fait partir, la voie n'étant libre. A qui la faute? Est-ce au chef de gare de Monte-Carlo ou à son collègue de Cabbé-Roquebrune? C’est ce que l’enquête apprendra certainement Il est, en tout cas permis, pour le moment, de constater que le train 483 avait neuf minutes de retard en quittant la gare de Monte-Carlo. On croit que la rencontre des trains est due à un faux signal donné par le chef de gare de Roquebrune, celui-ci, ignorant sans doute que le train venant de Nice avait été dédoublé, avait laissé passer le train partant pour Nice.

On télégraphie de Monté-Carlo, 11 mars soir : Le déblaiement continue ; la voie est très resserrée à l'endroit où a eu lieu la collision. Le conducteur Féraud a été retrouvé à deux heures, couché sur le coté et écrasé. Il a dû être tué sur le coup. Une foule énorme de curieux arrive de Nice par tous les trains. L’accident est arrivé sur le territoire monégasque. On dit que le signal à été donné par la gare de Roquebrune ; le train de Monté-Carlo est parti ensuite, puisque l’accident est arrivé à deux kilomètres de Monté-Carlo. Plusieurs des blessés vont bien.

Journal L'intransigeant du 13-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO. Quatre morts, trente deux blessés.

Encore un accident effroyable dû à l'incurie et à la rapacité d'une grande Compagnie de chemin de fer. Et c'est sur la ligne de la Compagnie la plus riche de France, la Compagnie P.-L.-M., que cette catastrophe a lieu, sans qu'aucune circonstance permette de dégager sa responsabilité.

De Nice à Monte-Carlo.

Deux trains se sont rencontrés avant-hier soir, vers cinq heures, entre Roquebrune et Monte-Carlo, deux trains de voyageurs. La petite ligne de Nice à Vintimille fait, sur son parcours absolument insignifiant un trafic formidable. Le nombre de trains qui vont et viennent dans cette station, presque parisienne, durant cinq mois d'hiver, ne peut être comparé qu'aux trains qui font le service de la banlieue de Paris. C'est un va et-vient incessant de voyageurs et de marchandises, la plupart des Parisiens qui séjournent dans la région, se rendant chaque jour à Monte-Carlo. Or, chose incroyable de Nice à Vintimille, la ligne est à voie unique. C'est aussi invraisemblable qu'une voie unique de Paris à Vincennes ! Et il faut que les joueurs aient une chance étonnante pour qu'il ne se produise pas régulièrement une rencontra par semaine. Il a fallu aussi de la part des bureaux des travaux publics une tolérance extrême, et dont nous ne voulons pas approfondir les motifs, pour laisser aussi longtemps la vie des voyageurs exposée aux terribles conséquences des économies de la Compagnie P.-L.-M.. Il n'est pas besoin de réfléchir beaucoup pour se rendre compte, en effet, de la tension d'esprit imposée sans relâche aux chefs de gare de la ligne. Un moment de distraction; une minute d'absence ou d'oubli durant un long service de quinze à dix-huit heures sur une ligne où courent sans cesse des trains marchant à toute vapeur l'un sur l'autre, doivent provoquer des désastres. Cela n'était jamais arrivé, par hasard, par un pur hasard. Cela peut arriver dix fois en un mois sans étonner personne. La lugubre leçon d'avant-hier sera, nous l'espérons, un avertissement salutaire.

La catastrophe.

Voici quelques détails sur cet accident que la Compagnie a cherché à dissimuler d'abord, qu'elle s'efforce d'atténuer maintenant. La gare de Roquebrune a laissé passer, vers cinq heures du soir, le train 483 qui venait de Nice, et, un quart d'heure plus tard, la rencontre s'est produite avec le train 502 qui venait de Vintimille. Le mécanicien et le chauffeur du train de Nice ont aperçu le train de Vintimille, lancé à toute vapeur, à une courbe qu'on voit de la terrasse de Monte-Carlo. Ils ont sauté à terre et sont saufs. Le mécanicien et le chauffeur du train de Vintimille sont restés près d'une heure engagés sous la machine renversée. Ils ont été retirés, l'un mort, l'autre mourant. Les deux locomotives sont entrées l'une dans l'autre. Dix wagons se sont écrasés les uns dans les autres. Quatre ont été précipités par dessus le parapet en pierre qui borde la voie et sont tombés au pied de la falaise, à quelques mètres de la mer. Par un hasard heureux, il y avait peu de voyageurs dans ces quatre wagons. On a immédiatement organisé le sauvetage. Chacun a fait preuve de courage et de dévouement, à commencer par M. Catusse, préfet des Alpes-Maritimes, qui, venu à Monaco par hasard, s'est fait un devoir de porter secours aux blessés, accompagné par M. Chartran, directeur général des bains de mer.

Les victimes.

Quatre personnes ont été tuées; parmi elles se trouvent M. Domergues, mécanicien, et Ferrero, entrepreneur italien. Le chef de train Feraud a disparu ; il n'a été retrouvé qu'hier à deux heures, après de longs travaux de déblaiement; il était couché sur le côté et écrasé ; on croit qu'il a été tué sur le coup. Il y a trente-deux blessés, dont douze grièvement. Les salons de l'annexe de l'hôtel de Paris ont été transformés en ambulance provisoire. Les blessés y ont été transportés. Parmi eux se trouve la famille Prieur, de Paris, qui était allée en excursion dans la montagne. Elle avait pris le train à Roquebrune pour rentrer à Monte-Carlo. Tous sont grièvement blessés. La grand-mère, âgée de soixante-quatorze ans, le père, la mère et la fille. Mme Prieur a subi l'amputation des deux jambes. M. Verhotven a recueilli un enfant de quatre ans tombé dans la mer, et qui en sera quitte pour des contusions sans gravité. Au nombre des autres blessés ; Mme veuve Beek ; Mme et Mlle Tesseyre, femme et fille de l'ancien gérant de la Liberté, et le directeur de la taverne alsacienne de Monaco.

DERNIÈRE HEURE

On nous télégraphie de Nice que le théâtre a fait relâche pour cause de malheur public. Une foule énorme, paraît-il, se presse sur les lieux de l'accident. Il arrive des curieux par tous les trains. Courageux curieux! Des blessés, on n'a que des nouvelles insuffisantes.

Journal Le Radical du 13-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • L’ACCIDENT DE MENTON.

LE DEBLAIEMENT.

Le travail de déblaiement est poussé avec une grande activité. Pour dégager la voie pluns rapidement, on jette à la mer une partie du matériel. Les pièces trop importantes sont arrachées des débris au moyen de deux locomotives munies de cordes très fortes.

LES VICTIMES

Voici le nom des victimes de cette terrible catastrophe : Morts. — M. Ferraro, entrepreneur à Vintimiile (laisse six enfants). — M. Domergue, mécanicien du train 502. — M. Féraud, conducteur-chef du train 502. — M. Laurent, chauffeur du train 502. Blessés. — M. Prieur, bijoutier à Paris, blessures grades aux jambes. — Mme Prieur; blessures graves aux jambes. — Mlle Prieur, blessures graves aux jambes. — Mme Tosseyn, artiste à Monaco, fractures aux jambes. — Mlle Tosseyn, artiste à Monaco, fracture» aux jambes. — M. Prève, journalier à Menton, lésions internes. — M. Lucchini, rentier à Marseille, côtes luxées, lésions internes. — Mme Gallot, de Samt-Ghamond, blessures graves des jambes. — Mme Novaro, fracture du bras gauche. — M. Novaro père, propriétaire à Vintimiile, quatre-vingt-cinq ans, blessures à la tête. — M. Novaro fils, chapelier à Nice, blessures à la tête et aux reins. — M. Roche, gérant de la taverne alsacienne à Monaco, fractures du bras. — Mme Daguino, couturière à Monaco, contusions à la poitrine et aux reins. — Mlle Daguino, couturière à Monaco, contusions à la poitrine et aux reins. — Mme Henger, artiste à Monaco, contusions légères. — M. Ferrari, sommelier à Nice, contusions à la poitrine et au poignet. — M. Perinardo, négociant à Menton, contusions aux mains et au côtes. — M. Roux, étudiant en droit à Marseille, contusions au poignet et à la jambe. — Mlle Chappal, artiste à Paris, contusions à la tête et à l’abdomen. — Mme Domange, mère de Mme Prieur, blessure aux jambes. — Mme Landrin, tailleuse à Vidauban, contusions au visage. — M. Novaro, enfant, de vingt-deux mois, égratignures au bras. — Mme Poinsot, femme du peintre-décorateur à Monaco. — Louis Roche, employé, fractures graves. — Mlle Henner, rentière. — Mme veuve Beck, rentière. — La famille Hu, blessures légères. Ce n’est qu’après une heure de travail acharné qu’on a fini par découvrir le corps de Féraud, le conducteur-chef du train 502. Pendant;, deux heures, on avait entendu ce malheureux pousser des cris affreux ; mais peu à peu les appels avaient diminué et, à dix heures du soir, lorsqu’on le retira des décombres, il avait cessé de vivre. Le cadavre se trouvait sur la plate forme du fourgon, entre les deux roues du tender ; il avait la tête appuyée sur le bras droit et avait une large blessure au front. Cet infortuné était marié et père d'un enfant.

LES RESPONSABILITÉS.

Quant aux responsabilités, il est encore assez difficile de les établir. M. Paoli, commissaire spécial, a commencé l’enquête, qui est poursuivie également par MM. Berthulus, juge d’instruction à Nice, et Mercier, juge d’instruction à Monaco. Le nommé Didelot, facteur-chef de la gare de Cabbé-Roquebrune, a été mis en état d’arrestation. Cet employé avait cru, parait-il, que le train 483, venant de Nice et qui suit le 479, était déjà passé; c’est alors qu’il donna le signal du départ au train 502. Cet employé est estimé de ses chefs. Le chef de gare de Monte-Carlo est gardé à la disposition des autorités. Quant à ce lui de Roquebrune, il a disparu; le bruit court qu’il se serait suicidé.

RÉCIT D’UN TÉMOIN

Une personne, qui se trouvait à la gare de Monte-Carlo au moment où l’accident s’est produit pour ainsi dire sous ses yeux fait des quelques secondes qui ont précédé la catastrophe un tableau vraiment saisissant, que nous croyons devoir reproduire; La catastrophe qui vient d’avoir lieu à la frontière monégasque a un caractère dramatique particulier. D’abord elle s’est accomplie sous les yeux de cinq ou six-cents personnes impuissantes à la prévenir, et c’est là un des points les plus passionnels, si je puis s’exprimer ainsi, de l’évènement. A cinq heures précises, le train 483 était en gare de Monte-Carlo avec un retard de neuf minutes. Des centaines de voyageurs en descendaient D’autres personnes en nombre plus considérable encore se préparaient a partir pour Nice par le train qu’on attendait de Menton. Il régnait sur les quais une animation extraordinaire. En ce moment je vis le chef de gare, à qui plusieurs personnes demandaient des renseignements. Il paraissait harcelé. Entrez dans mon bureau, dit-il à deux personnes, je vous entendrai tout à l’heure. Puis il courut s’occuper des bagages à ce qu’il m’a semblé. Tout à coup, le train se met en marche. Je vois encore le chef de train sautant au vol du fourgon des bagages. Le chef de gare eut en ce moment l’instinct du malheur qui allait arriver. Un homme d’équipe marchait devant lui : — Qui à signalé le train 483? demanda-t-il d’une voix changée par l’émotion. — Ce n’est pas. moi, répondit l’homme d’équipe. — Est-ce vous, alors? dit-il à un second employé. Non, monsieur. A cette réponse, le malheureux se prit la tête à deux mains et blêmit jusqu’à la lividité. Il ne fallut pas plus d’une seconde pour que la foule se rendît compte du danger que courait le train. Du reste la côte entre le cap Saint-Martin et Monte-Carlo; décrit une courbe telle que la voie entière était sous les yeux des spectateurs. On voyait, alors trois trains avec leurs colonnes de blanche famée. L’un, qui allait passer dans le tunnel Saint-Martin et qui ne courait aucun danger ; le second venait de quitter Cabbè-Roquebrune et s’avançait A toute vapeur contre celui qui s’éloignait de nous; On ne peut se faire une idée de l’anxiété qui serra la poitrine des quatre oui cinq cents spectateurs de cette scène. D’abord, chacun espéra que la collision n’aurait pas lieu. La côte est à découvert. — Ils se verront à temps disait-on de tous côtés. Le chef de gare ordonnait de sonner des cloches, de faire tout le bruit possible. Un cri formidable, surhumain, s’échappa des quatre cents poitrines oppressées. Et les deux panaches de fumée continuaient à se rapprocher. Ils ne se voyaient pas. Tout le monde faisait des gestes désordonnés. Une telle impuissance eu présence d'un tel péril est faite certainement pour rendre fou. Enfin le train venant de Menton a vu le danger et renverse sa vapeur. Mais l’autre, à cause de la courbe, ne voit rien et va toujours. Ils sont à deux cents mètres l’un de l’autre, à cent mètres, à dix mètres. Un frémissement horrible secoue La foule. Les femmes détournent la tète, pour ne pas voir. Un cri aigu retentit : c’est une jeune fille qui a une crise de nerfs. Le choc a lieu. On voit se dresser les deux trains l’un contre l’autre et, chose horrible deux ou trois wagons franchissant le parapet se précipitent sur les rochers, au bord de la mer. Une fumée épaisse enveloppe le tout. Blanc de désespoir, le chef de gare ne sait plus ce qu’il fait. De toute part ça crie. Des médecins ! des médecins! Chacun s’élance de son côté. Vingt-cinq ou trente personnes prennent par la voie et arrivent sur le terrain de l’accident. Rien né peut dépeindre ce spectacle, il faut avoir vu cela pour s’en faire une idée. D’abord, des deux wagons tombés d’une hauteur de trente mètres sur les galets et les rochers, il ne reste pour ainsi dire rien. Il semble qu’ils aient été réduits en poussière. Heureusement, ils ne contenaient que trois personnes. L'une d’elles a été tuée sur le coup. Par un miracle, les deux autres, ne sont que blessée», très grièvement à la vérité, mais on ne désespère pas de les Sauver. Les deux locomotives” s’étalent pour ainsi dire enfoncées l’une dans l’autre. Derrière et au-dessus d’elles, quatre voitures du train de Menton étaient empilées, broyées effroyablement. Un jeune homme, en courant de graves dangers, parvient à fermer les robinets, qui répandaient une vapeur aveuglante, et dès ce moment, sur la voie même, on se heurte aux blessés. Sous mes yeux, on en a retiré dix-sept plus où moins grièvement atteints. Presque sous mes pieds, j’aperçois un bras sur lequel mon voisin manque de marcher. On essaye de dégager la malheureuse à qui il appartient. Mais l’inextricable enchevêtrement de barres de fer, de poutres, de bois, de portières, de toitures, d'essieux, de vitres brisées, rend le sauvetage presque impossible.

DERNIÈRE DÉPÊCHE

Monte-Carlo, 12 mars. MM. Laurent Ferdinand, chauffeur, Novaro Jacques et Mme Prieur ont succombé aux suites des blessures qu’ils ont reçues, dans l’accident d’avant-hier, ce qui porte à sept le nombre des morts.

Journal L'intransigeant du 14-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO (PAR SERVICE SPÉCIAL) Nice, 13 mars.

Le chef do gare de Monte-Carlo est gardé a vue. L'opinion est devenue favorable à M. Didelot, facteur à la gare de Roquebrune. Le corps du mécanicien Laurent a été transporté au Muy, et celui du chef de train Féraud aux Martigues. Les funérailles de MM, Ferraro et Novaro ont eu lieu ce matin ci Monte-Carlo; le deuil était conduit par le gouverneur, le directeur du Casino, le chef de gare de Monaco toutes les autorités de Nice et de Monaco y assistaient, ainsi qu'une délégation de la Société ouvrière de Vintimille.Des discours ont été prononcés par les consuls de France et par l'agent consulaire italien. Mme Prieur va mieux.

Un ingénieur qui a de la chance.

M. Émile Decauville, l'un des chefs de la maison Decauville, qui, comme vous l'annonciez récemment, installe en Italie une succursale de ses ateliers de Petit-Bourg, devait se rendre mercredi à San Remo par le train 503 qui a été écrasé dans la collision. Par une idée que l'on peut qualifier de providentielle, M. Émile Deoauville se décida partir de Nice par le train précèdent, de façon à arriver de jour San-Remo, d'où il voulait repartir le lendemain matin pour Diano-Marina, où sont les nouveaux ateliers. Vous pouvez rassurer les amis du sympathique ingénieur, qui faisait l'an dernier le voyage du tour du monde en parcourant des contrées inexplorées de l'Australie et de Java, et qu'il eût été si malheureux de voir finir a Roquebrune une carrière si brillamment commencée.

Journal Le Matin du 14-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO’’’

Notre correspondant particulier de Monte-Carlo nous télégraphie : Monte-Carlo, 12 mars, soir.

Je viens de prendre des renseignements très précis sur les victimes de l'épouvantable catastrophe qui engage si gravement la responsabilité de la Compagnie P.-L.-M.'

SEPT MORTS !

'’Actuellement, il y a sept morts. Ce sont :

1° M. Ferraro, entrepreneur à Vintimille.

2° M. Domergue, mécanicien du train 502.

3° M. Féraud, conducteur chef de train, 502, dont le corps a été retrouvé comme on sait le lendemain de la catastrophe. Le malheureux était couché sur le côté et écrasé, mais il vivait encore lorsqu'on l'a aperçu sous les décombres. Il poussait des gémissements affreux, et l'on parvint à lui faire prendre un cordial. Cette scène lugubre a duré plusieurs heures. Enfin, les gémissements cessèrent dans la matinée, et à dix heures, lorsqu'on a pu dégager complètement le corps, le malheureux avait cessé de vivre.

4° M. Laurent, chauffeur. Ce jeune homme (il n'avait que trente ans) a été pris entre- la chaudière et le tender. Il avait les jambes brisées et le corps brûlé par la vapeur. Il est resté étendu quatre heures sous la machine, car ce n'est qu'à neuf heures du soir qu'on l'a relevé. Il était encore vivant. Mais il est mort la nuit dernière.

5° M. Jacques Preve, journalier à Menton, âgé de trente ans. Ce malheureux a été projeté contre le mur de la propriété Brun; il en est résulté de graves lésions internes, à la suite desquelles il est mort également la nuit dernière.

6° Novaro Jacques, propriétaire à Vintimille, âgé de quatre-vingt-six ans. Ce malheureux vieillard, en outre de nombreuses fractures avait été grièvement blessé à la tête. Son état n'a jamais laissé le moindre espoir. Il est mort cette après-midi.

7° Mme Prieur a eu une jambe broyée. Cette dame habitait Paris avec son mari, bijoutier, 44, rue des Blancs-Manteaux; elle était venue passer quelques jours à Monte-Carlo en compagnie de sa fille, âgée de quinze ans, de son mari et de sa mère Mme Demange. Elle a eu une jambe brisée dans la catastrophe. Elle était logée à Monte-Carlo, à l'hôtel Beauséjour; quand on l'a recueillie mercredi, à neuf heures du soir, on a envoyé partout, sur sa demande, chercher sa famille; c'est très tard que l'on a fini par retrouver sa mère, sa fille et son mari à l'hôtel de Paris, très sérieusement blessés. La pauvre femme, à laquelle on devait couper la jambe, est morte aujourd'hui dans l'après-midi.

VINGT-QUATRE BLESSÉS

Les blessés survivants sont actuellement au nombre de vingt-quatre.

1° Novaro (Sébastien), âgé de trente-deux ans, chapelier à Nice, fils de Novaro (Jacques), mort hier, allait à Vintimille avec son père, sa femme et son jeune enfant Tous sont tombés avec le wagon du haut du parapet qui longe la mer; le wagon a été brisé et Novaro sébastien en a été projeté au loin. Il a des blessures nombreuses à la tête et aux reins, une oreille déchirée et des contusions générales; mais son état inspire peu inquiétudes.

2° Mme Novaro, femme du précédent, âgée de vingt-deux ans, était dans le même wagon que son beau-père, son -mari et sa petite fille, âgée de dix-huit mois: Elle a eu deux bras cassés et la figure contusionnée.

3° La petite fille de M. et Mme Novaro qui, heureusement, n'a que des contusions et des égratignures sans gravité ; elle a été recueillie à la villa Werheovein. Sa mère ne cesse de la réclamer.

4° M. Prieur, le bijoutier de la rue des Blancs-Manteaux, dont la femme est morte aujourd’hui, ainsi que je l'ai dit plus haut, graves lésions internes et blessures sérieuses aux jambes.

5° Mlle Prieur, fille du précédent, âgée de quinze ans; la pauvre enfant a un pied écrasé et une horrible plaie à la tête.

6° Mme Demange, mère de Mme Prieur, âgée de soixante-douze ans; blessures au cou et aux jambes. La malheureuse femme a été relevée très tard dans la soirée et transportée à l'hôtel Beauséjour, non sans peine, car ce n'est qu'à partir de minuit que l'on a pu avoir deux brancards pour tout le service des blessés. Le consul a télégraphié aux fils de Mme Domange, qui sont arrivés ce matin.

7° Mme Chappal, artiste au Casino; fracture du bras droit et contusions à la tête et à l'abdomen; elle est actuellement à l'hôtel de la Terrasse.

8° et 9° MM. Odiardi et Giordan, employés au tir aux pigeons, à Monaco, ont sauté du train par le vasistas ; ils ont été assez heureux pour n'éprouver que des blessures légères.

10° Mme Guiglielmi, logée au Grand-Hôtel, à Monte-Carlo, est grièvement blessée à la tête.

11° M. Condamine, 2, rue des Princes, contusions.

12° Mme Daguino, quarante-quatre ans, couturière à Monaco, contusions à la poitrine et aux reins.

13° Mlle Ange Daguino, fille de la précédente ; contusions à la poitrine et aux reins ; crache le sang ; on craint des lésions internes.’’ 14° Mme Toyssein, soixante-trois ans ; une jambe brisée.

15° Mlle Toyssein, sa fille, vingt-quatre ans, artiste au Casino, à Monaco; a eu les jambes écrasées, des genoux aux talons; est restée plusieurs heures sous les décombres, sa mère affaissée sur elle.

16° Mlle Henger, artiste au Casino, à Monaco, profitait d'un congé pour aller acheter de la poterie à Menton ; elle a pu sauter par la portière ; elle s'est fait des contusions aux reins.

17° M. Lucchini, rentier à Marseille, côtes luxées, lésions internes.

18° Mme Gailot, de Saint-Chamond, blessures graves aux jambes.

19° M. Roche, gérant de la taverne alsacienne à Monaco, fractures du bras.

20° M. Ferrari, sommelier à Nice, contusions à la poitrine et au poignet.

21° M. Perinardo, négociant à Menton, contusions aux mains et au côté.

22° M. Roux, étudiant en droit à Marseille, contusions au poignet et à la jambe.

23° Mme Landrin, tailleuse à Vidauban, contusions au visage.

24° Mme Poinsot, femme du peintre décorateur à Monaco.

Sur le lieu de l'accident

Deux locomotives munies de cordes énormes sont employées à retirer des décombres, morceau par morceau, les débris informes des wagons, des fourgons et de la machine. L'enchevêtrement est tel qu'on a toutes les peines du monde à séparer les uns des autres ces fers tordus, ces planches brisées, ces chaînes enroulées, et ces roues sans essieux. La foule est énorme aux alentours de l'Anse de Tenao, quartier de Saint-Roman, à l'endroit même où les trains se sont rencontrés. Au moment de la rencontre des deux trains, une équipe était employée à la réparation de la voie ; les ouvriers n'ont eu que le temps de se jeter à droite et à gauche du chemin de fer, abandonnant sur les rails leurs outils, leurs vêtements et leurs papiers.

Journal Le Radical du 14-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • Monte-Carlo, 13 mars.

La circulation entre Monte-Carlo et Menton a été rétablie hier. Les wagons précipités sur la grève, brisés en mille morceaux, ont été abandonnés. Les autres sont garés hors de la voie. La locomotive et les tenders ont été ramenés à Monte-Carlo. Les obsèques de mécanicien Domergue ont eu lieu hier soir à Nice, où le corps avait été transporté dans la matinée. Un millier de personnes assistaient aux funérailles, qui ont été célébrées en l'église Notre-Dame. Le deuil était conduit par le fils du défunt, accompagné du proviseur du lycée. Au cimetière, quelques paroles ont été prononcées. Ce matin ont eu lieu les obsèques de 2 autres victimes. Le nombre exact de victimes est de 27. Contrairement à la nouvelle donnée dans la dépêche d'hier, Mme Prieur n'a pas succombé aux suites de ses blessures, elle n'a subi aucune amputation et on conserve quelque espoir de la sauver.

Journal L'intransigeant du 15-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO.

Aux noms des blessés que nous avons cités, il convient d’ajouter ceux de MM. Reis, professeur au collège de Menton, Palmaron de Menton et Morisseau, de Monaco. Ces trois personnes ne sont pas trop grièvement atteintes. Le nombre des blessés s’élève donc maintenant à 43... L’enquête sur les responsabilités est sur le point d’être terminée. M. Chapuis, chef de gare de Monte-Carlo, a été arrêté. Il va être transféré à l’hôpital, car sa santé est ébranlée par toutes les émotions qu’il a subies, depuis quelques, jours. Chapuis était un employé très estimé et très intelligent. Il est marié et père do famille. L’enquête lui reproche d’avoir confondu deux sonneries et d’avoir laissé passer le train alors que la voie n'était pas libre. Le conducteur-chef du train 483 a été suspendu de ses fonctions. Les pertes matérielles, de la Compagnie se montent à un total d’au moins 350,000 fr.. Ces pertes consistent en deux locomotives, quatorze voitures et trois fourgons. Mais ce n'est pas la Compagnie que nous plaindrons en cette circonstance. Il nous paraît même regrettable, qu’elle en soit quitte à ce prix.

Journal L'intransigeant du 20-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • 20 mars. MM. Oppermann, ingénieur-inspecteur des contrôles de l’État, et Villot, ingénieur de la traction, ont quitté Marseille vendredi soir, serendant à Paris, où ils ont été appelés d’urgence par le ministre des travaux publics. Ils vont être entendus à propos de la catastrophe de Monte-Carlo, sur laquelle ils ont fait une première enquête.

Journal L'intransigeant du 22-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • Nice, 22 mars.

Mme Prieur, de Paris, qui a eu les jambes bisées à la suite catastrophe de Monte-Carlo, succombé jeudi matin après une longue agonie.

Journal L'intransigeant du 24-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • L'épouvantable accident du chemin de fer de Monte-Carlo, qui a si douloureusement impressionné le public, est représenté dans notre salle des dépêches sous toutes ses faces. De superbes photographies montrent la catastrophe le lendemain même du jour où elle a eu lieu et donnent une idée poignante de cette rencontre de deux trains sur le bord d'un précipice. Des journaux illustrés étrangers complètent les attractions que la salle des dépêches du Matin offre provisoirement à la curiosité du public, en attendant l'installation définitive.

Journal Le Matin du 24-3-1886


  • Nice, 23 mars.

Je vous ai annoncé hier, d’après le Phare du Littoral, que Mme Prieur, victime de l’accident de Monte-Carlo, avait succombé jeudi à ses blessures. Je suis heureux d’apprendre que cette nouvelle est inexacte. Mme Prieur, qui a eu les deux jambes atteintes dans la catastrophe, n’a point été amputée ; elle est soignée par le docteur Blum, qui n’a pas jugé que cette opération fût nécessaire.

Journal L'intransigeant du 25-3-1886 (Collection BNF-Gallica)

La polémique dans la presse.

Surprenante par son ampleur et son bilan, la catastrophe tourne rapidement en une affaire polémique et politique. La Compagnie du P.-L.-M. ne semble pas pour certains, avoir fait le nécessaire pour assurer la sécurité de ses passagers et de son personnel. La presse de gauche et certains députés s'emparent de "l"affaire".


  • Conspiration du silence.

La catastrophe a eu lieu, vers cinq heures du soir, comme nous l'avons dit plus haut, presque sous la terrasse de Monte-Carlo. A quelles manœuvres s'est livrée la Compagnie pour empêcher que l'on en eût connaissance, c'est ce que nous ignorons. Il importe seulement de constater que le hasard seul a permis à deux ou trois de nos confrères parisiens d'être informés de l'accident par dépêches, et les télégrammes qu'ils ont reçus sont datés de dix heures du soir, cinq heures après l'accident que toute la colonie a dû connaître en moins d'une heure.

  • L'Agence Havas

Quand à l'agence Havas que tous les journaux payent très cher pour être très mal informés, elle n'a pas dit un mot de l'accident. C'est seulement hier matin qu'elle l'a fait connaître en quelques mots dans sa feuille de onze heures, parce qu'elle ne pouvait plus le dissimuler. On se demande non sans raison si l'agence Havas est mal informée ou si, volontairement, elle à, de connivence avec la compagnie P.-L.-M., cherché a étouffer l'affaire, comme si de pareilles affaires s'étouffaient. Du reste, l'agence Havas a fait mieux encore. Après avoir convenu, dans sa dépêche distribuée à onze heures du matin, qu'il y avait trente-deux blessés dont douze grièvement, elle s'est fait envoyer dans la soirée, sans doute après délibération avec les administrateurs, du P.-L.-M., ce télégramme qui sent à mille kilomètres les arguments irrésistibles qui influencent tant Basile dans le Mariage de Figaro.

  • Monte-Carlo, 11 mars.

Le nombre des personnes sérieusement blessées dans la collision d'hier est de sept. La plupart des blessés sont des voyageurs de troisième classe. Tout va donc très bien ; il n'y a que sept blessés. Et encore, et encore, ce sont simplement des voyageurs de troisième classe, des gens de rien, quoi! Et l'agence Havas triomphe avec ses compères du P. L. M..

  • L'attitude de la Compagnie

L'attitude de la Compagnie est encore plus étonnante que celle de l'agence Havas. La Compagnie ne sait, rien, ne veut rien savoir. Quand tous les journaux donnent des détails, elle ignore tout, ou du moins elle n'a qu'une très vague idée de l'événement. Voici, du reste, la note insouciante et en pareil cas l'insouciance est du cynisme qu'elle a fait communiquer, vers trois heures, aux journaux par l'agence Havas : La Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée nous fait savoir qu'une collision de deux trains s'est produite, hier 10 mars, vers cinq heures du soir, entre les stations de Monte-Carlo et de Cabbé-Roquebrune, en voie unique. Un voyageur et l'un des mécaniciens ont été tués; un conducteur n'a pas été retrouvé. Une vingtaine de voyageurs ont été blessés plus ou moins gravement. Les secours ont été promptement organisés. Mais la Compagnie n'a pas encore d'autres détails. Elle s'empressera de publier ceux qui ne peuvent manquer de lui arriver à bref délai. Son directeur est sur le lieu de l'accident. C'est calme et digne comme une modification à l'indicateur, et cela semble dire simplement: « Parents des victimes, rassurez-vous, le directeur est sur le lieu do l'accident ! » Si les circonstances n'étaient pas aussi lugubres, on rirait de ce conducteur qui n'a pas été retrouvé et que la Compagnie paraît croire à Monte-Carlo en train de profiter d'heureux loisirs pour mettre en application une martingale depuis longtemps méditée. Malheureux Féraud, il est retrouvé maintenant!

  • Les responsabilités

A qui incombent les responsabilités de cette catastrophe? Selon l'agence Havas (version de dix heures du soir) le signal a été donné par la gare de Roquebrune ; le train de Monte-Carlo est parti ensuite. Donc, le chef de gare de Monte-Carlo est dans son tort. D'après une dépêche reçue par le Temps, « la rencontre des trains est due à un faux signal donné par le chef de gare de Roquebrune; celui-ci ignorant sans doute que le train venant de Nice avait été dédoublé, avait laissé passer le train parlant pour Nice. On ergotera probablement longtemps encore, afin de savoir quel est le chef de gare qu'il faut châtier et c'est probablement aussi l'un de ces malheureux agents subalternes que les tribunaux condamneront, peut-être les deux.

A notre avis, les responsabilités doivent remonter plus haut. Elles doivent remonter :

1° Aux ingénieurs de l’État qui ont autorisé, sur une ligne à voie unique, un transport de voyageurs et une circulation de trains tellement serrés qu'une catastrophe était dès longtemps inévitable.

2° A la Compagnie qui, malgré les gains énormes qu'elle réalise sur ce tronçon de ligne, loin de dédoubler sa voie, dédouble ses trains (version du Temps), et jette la confusion dans l'esprit des chefs de gare, responsables de la sécurité publique.

La culpabilité de la Compagnie.

Nous regrettons de voir un journal républicain du soir prendre la défense de P.-L.-M., dont la culpabilité est sans excuse. Car la faute de l'administration est peut-être plus grande encore qu'on ne le peut croire. Depuis plusieurs années, toutes les Compagnies de chemins de fer ont appliqué à leurs trains de voyageurs un frein d'invention américaine, dit frein à air comprimé. Avec ce frein, on arrête un train presque spontanément. en cinquante mètres de parcours environ. Serait-il vrai que ce frein n'est utilisé, de Paris à Vintimille, que pour les trains express ? Serait-il vrai que la Compagnie, obligée à de nombreux départs entre Nice et Vintimille, et voulant, malgré l'encombrement, continuer ses transports de marchandises, accouple à ses wagons de voyageurs des wagons de marchandises non pourvus du frein à air comprimé ? Serait-il vrai que les a eux mécaniciens auraient pu empêcher l'accident, avant-hier, s'ils avaient eu un frein à air comprimé à leur disposition ? Tels sont les questions que nous posons, non à la Compagnie, mais au ministre des travaux publics, chargé de diriger l'enquête.

Journal Le Radical du 13-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • LES COUPABLES ET LES PUNIS...

Ce qui se passe dans les mines se passe dans les chemins de fer: C’est toujours aux gueux la besace. A la suite de l’affreuse catastrophe de Monte-Carlo, vous vous imaginez peut-être que le remords est entré dans l’âme des directeurs de la Compagnie P.-L.-M.? Vous croyez sans doute qu’ils ont compris que leur cupidité venait de causer la mort ou la mutilation d’une trentaine de personnes et qu’ils ont, en conséquence, résolu de remplacer par une double voie la voie unique sur la quelle une rencontre, étant donné le nombre de trains mis en circulation tous les jours de Nice à Monaco, devait inévitablement se produire? Débarrassez vous promptement de cette illusion. A peine la nouvelle du sinistre a-t-elle été connue, que la Compagnie s’est empressée de faire déclarer que les coupables ne pouvaient être que le chef de gare de Roquebrune et celui de Monte-Carlo; peut-être tous les deux, mais, à coup sûr, l’un ou l’autre. Il n’y a qu’une voie, il y passe quotidiennement soixante, convois et quand un des chefs de gare se trompe ; quand il a sommeil, ce qui peut arriver à tout le monde, quand sa tête est lourde et que sa mémoire lui fait un instant défaut, c’est lui le criminel, le responsable, le meurtrier par imprudence. Et soyez sûrs qu’un de ces malheureux sera traîné en cour d’assises, et qu’au besoin l’ingénieur coupable d’avoir négligé d’attacher un frein aux wagons viendra déposer, du haut de ses quarante mille francs d’appointements, contre ce pauvre employé à douze cents francs, qui sera envoyé pour deux ou trois ans dans quelque maison centrale, sans avoir seulement le droit de s’écrier : « Mais le véritable auteur de l’accident, ce n’est pas moi : ce sont les êtres voraces qui, de peur de rogner leurs bénéfices, entassent des milliers de voyageurs sur une seule ligne, quand la plus enfantine prudence les obligerait à en avoir deux ! ». Tant qu’un bon directeur, portant un nom bien sonore, n’aura pas, à la suite d’un malheur comme celui d’avant-hier, expié par quelques années de réclusion sa rage de faire dès économies aux dépens du public, nous serons exposés aux événements dont la Compagnie P.-L.-M. semble avoir depuis quelque temps soumissionné le monopole. Je vous demande en quoi les administrateurs du P.-L.-M. peuvent s’inquiéter de voir le chef de gare de Roquebrune aller en prison? Ils lui donnaient douze cents francs; ils le remplaceront par un autre à qui ils n’en donneront plus que mille; et l’écrabouillement de trente voyageurs aura ainsi rapporté deux cents francs aux actionnaires. Ah ! si l’on flanquait pour un temps sérieux le président du conseil d’administration à Clairvaux ou à Poissy, à la suite d’une de ces capilotades de touristes, vous apprendriez dès le lendemain que les freins les plus ingénieux viennent d’être adaptés aux wagons et que la seconde voie en projet depuis cinq ans va être exécutée en moins de six mois. Malheureusement, jamais l’aurore de cette justice n’ouvrira les portes dé notre Orient. L’État a signé avec les grandes Compagnies des conventions qui leur permettent non seulement d’élever démesurément leurs tarifs , mais encore d’exterminer leurs clients. Il faut mourir, frères et il faut mourir sans nous plaindre car la plus petite réclamation de notre part affligerait profondément M. Raynal, M. Rouvier, M. Ferry, enfin tous les hommes que le spectacle de leurs vertus nous a appris à respecter. On nous assure, au dernier moment, que l’infortuné chef de gare de Roquebrune (1,200 francs d’appointements pour quinze heures de travail) s’est suicidé de désespoir. Nous plaignons profondément cette victime des monopoles, cependant, nous ne pouvons, en même temps, nous empêcher de la blâmer. Ceux qui auraient dû se faire ainsi justice, ce sont le président du conseil d’administration et ses collègues. Mais ils n’ont aucune envie de se punir eux-mêmes des fautes qu’ils commettent, et qu’ils préfèrent de beaucoup faire expier aux autres. Perdre la vie pour si peu ! Allons donc ! Ils n’en perdront même pas un jeton de présence. - HENRI ROCHEFORT .

Journal L'intransigeant du 14-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • Les vraies responsabilités.

Malgré les graves accusations qui pèsent sur des employés subalternes, nous n'en persistons pas moins à croire que la Compagnie aurait pu éviter cet accident et nous reproduisons notre question d'hier : Les trains qui se sont rencontrés étaient-ils pourvus d'un frein à air comprimé ? Nous renouvellerons cette question jusqu'à ce que nous ayons obtenu une réponse. Le nombre des morts et des blessés de cette terrible journée n'émeut pas outre mesure certains de nos confrères. C'est ainsi que M. Maxime Boucheron publie dans un journal du soir les lignes suivantes a Tout en déplorant que la négligence d'un simple chef de station puisse occasionner une hécatombe comme celle de Roquebrune, nous ne saurions trop nous mettre en garde contre les récriminations excessives et les reportages extravagants». Sept morts et vingt-quatre blessés! C'est peu pour M. Boucheron, qui trouve « les récriminations excessives et les reportages extravagants ". Combien M. Boucheron veut-il donc qu'on immole de victimes à la Compagnie P.-L.-M. ?

Journal Le Radical du 14-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • Au palais Bourbon. L'interpellation Delattre.

M. Delattre, député de la Seine, a prévenu le ministre des travaux publics qu'il avait l'intention de l'interpeler sur l'épouvantable catastrophe de Roquebrune et de Monte-Carlo et sur les mesures qui ont été prises pour éviter le retour de semblables accidents. On pense que la discussion de cette intéressante interpellation aura lieu jeudi prochain.

Journal L'intransigeant du 15-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • LA CATASTROPHE DE MONTE-CARLO.

La terrible catastrophe de Monte-Carlo qui vient de faire de si nombreuses victimes est bien comme nous l’avons dit dès le premier jour, imputable à l’incurie et à la mauvaise administration de la Compagnie P.-L.-M.. C’est pour économiser quelques milliers de francs que les administrateurs de cette Compagnie mettent chaque jour en péril de mort des milliers de voyageurs. La dépêche suivante démontre ce fait d’une façon incontestable : Des deux trains qui se sont rencontrés entre Monte-Carlo et Roquebrune, un seul, le train 483, qui venait de Nice, était pourvu d’un frein à air comprimé. Le train 502, qui venait de Vintimille, n’avait que le vieux frein dès longtemps mis au rebut. Aussi, le train 483 a-t-il pu, grâce à son frein, s’arrêter à temps et son conducteur, M. Trastour, ainsi que son mécanicien, M. Ollaguier, après avoir renversé la vapeur, n’ont eu aucune peine à sauter sur le talus, sans accident. Le train 502, dans l’impossibilité de s’arrêter, s’est jeté sur le tram 483 et a seul ainsi causé la catastrophe. Si le train 502 avait été muni d’un frein à air comprimé, si son mécanicien avait pu s'en servir an même temps que le train 483, la rencontre n’aurait pas eu lieu. La fatale distraction du chef de gare n’aurait donc eu aucune conséquence grave si la Compagnie avait pris les mesures nécessaires.

Journal L'intransigeant du 16-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • Nous recevons la lettre suivante.

Monsieur le Rédacteur en chef. Permettez à un de vos lecteurs une simple observation à propos de.la terrible catastrophe de Monte-Carlo. N’est-ce pas avec raison qu’au début des chemins de fer, la circulation sur voie unique a été l’objet d’un grand effroi, puisque l’expérience prouve que malgré tous les signaux optiques, acoustiques, de jour, de nuit et de brume, et les progrès incessants de la télégraphie électrique, cette circulation n’est pas encore très sûre. Les accidents comme celui de Monte-Carlo seraient certainement moins fréquents, si on adoptait, en France, sur toutes les voies uniques, non pas exceptionnellement comme on le fait, mais systématiquement, le pilotage, tel qu’il se pratique dans d'autres pays, d’une manière constante, réglementairement. C’est ainsi qu’en Angleterre on a basé la circulation sur voie unique sur le système de pilotage. Sur tous les points de la voie où deux trains doivent passer en sens inverse et à des instants rapprochés, les Anglais ont placé un pilote qui monte sur la locomotive de l’un des trains croiseurs et un garde, a ordre de ne laisser engager plus avant dans la voie le train qui arrive en sens inverse que lorsque la locomotive du deuxième train croiseur sera montée par le même pilote descendu du premier, train à un point de croisement où il doit attendre le train arrivant en sens opposé. Le service du pilote consiste donc à faire la navette entre deux gares de croisement, en montant alternativement sur les locomotives de trains allant en sens opposés. Agréez, etc. Un ingénieur.

Journal L'intransigeant du 19-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • Le Parlement Par 369 voix contre 153, la Chambre a voté, hier, un ordre du jour pur et simple, à la suite de l’interpellation de M. Delattre sur le malheureux accident de Monte-Carlo.
  • La Chambre

Toute la séance a été consacrée à l’interpellation déposée par notre ami Delattre, à propos de la persistance de la Compagnie P.-L.-M. à massacrer périodiquement les personnes assez imprudentes pour voyager sur cette ligne. La catastrophe récente de Monte-Carlo, dit avec raison l’auteur de l’interpellation, a causé plus d’émotion que de surprise, tant le public est habitué à voir les accidents se produire sur le réseau de Paris-Lyon-Méditerranée. Cartant les questions de culpabilité personnelle, qu’il appartient à la justice seule de rechercher, l’orateur dit qu’il y a la responsabilité civile telle qu’elle découle des lois et règlements de chemins de fer. Dans cette question l’État et, par conséquent, le Parlement, est intéressé, ne serait-ce que par le fait de la garantie d’intérêt. Il y a eu dans une partie de la presse, une véritable conspiration du silence. L’agence Havas n’a parlé de l’accident que le lendemain et quand il n’y avait plus moyen de le dissimuler. Cette même agence a réduit à sept le nombre des blessés, en ajoutant que c’étaient des "voyageurs de troisième classe". Voilà pour la publicité donnée à l’affaire. Quant à l’œuvre de réparation, ce sera bien autre chose. L’accident s’étant produit sur le territoire de Monaco, ce sera la justice monégasque qui sera saisie de l’affaire. Or, le tribunal suprême de Monaco est composé de deux avocats et d’un avoué de Paris, dont l’un au moins est l’avocat de la Compagnie P.-L.-M.. La cause première de la catastrophe, c’est l’insuffisance du personnel des gares réduit de 60 à 80 0/0 et surmené de travail. Les mécaniciens et les chauffeurs, ne sont pas moins accablés que le personnel de la surveillance. En outre, on sait que, par économie, la Compagnie s’est refusée jusqu’ici à faire établir une double voie. On peut donc dire que chaque accident est un meurtre prémédité. Par économie également, la Compagnie P.-L.-M. n’a pas fait poser les appareils de signaux automatiques, en usage, depuis longtemps sur la plupart des grandes lignes. Elle n’a pas davantage substitué à tout son matériel roulant les nouveaux freins aux anciens. Elle est, par conséquent, responsable du malheur qui est survenu et doit être tenue pour telle, sinon ce serait l’État qui paierait le dommage avec la garantie d’intérêt. M. Baïhaut, ministre des travaux-publics, plaide les circonstances atténuantes pour la Compagnie P.-L.-M., mais est obligé de reconnaître que l’un des deux, trains n’était pas muni de freins à arrêt instantané, Cela n’empêche pas M. Baïhaut de déclarer que le mécanicien, avait, perdu la tête et de lui attribuer la responsabilité de l’accident. Or, il résulte de la réplique de M. Delattre que le mécanicien, bien loin d’avoir manqué de sang-froid s’est montré un héros. Il n’ai pas perdu la tête comme le prétend M. Baïhaut, pour disculper ses amis les administrateurs du P.-L.-M., mais il a perdu la vie, en faisant son devoir. En,somme, le ministre demande que l’on termine l’incident par l’ordre du jour pur et simple qui dégage la responsabilité de la Compagnie et qui créera un précédent en faisant payer les dommages par l’État. L’auteur de l'interpellation repousse cette solution et dépose un ordre du jour motivé tendant, au contraire,- à dégager la responsabilité de PEtaL Le ministre remonte à la tribune et, tout en déclarant qu’il défendra (?) toujours (??) les droits de l’État (???) centre les Compagnies (????). il insiste pour l’ordre, du jour pur et, simple. — Il s’agit de savoir, dit M. Madier de Montjau, qui paiera le prix du sang? C’est grâce aux abominables conventions, œuvre de Jules Ferry et de Raynal que cette question peut se poser. Les Compagnies de chemins de fer, non contentes d’être usurières, auraient-elles encore le droit d'être meurtrières impunément? se demande l’orateur. La Compagnie, pour prendre ses précautions, attend, qu’on l’y contraigne. Les richards qui reculent devant la dépense nécessaire pour sauvegarder la vie des voyageurs sont des meurtriers volontaires. Et qui paiera? Les tribunaux en décideront. Mais on peut craindre que les Compagnies en soient quittes pour rejeter la faute sur de pauvres diables, exténués de travail. C’est à la Chambre qu’il appartient d’arrêter, s’il est possible, la ploutocratie des chemins de fer. Un membre de la Droite, M. de la Bâtie, vient au secours du ministre et de la Cie P.-L.-M. en priant la Chambre de voter l’ordre du jour pur et simple, qui est adopté par 359 voix contre 153. Allons! la « Compagnie Préparez-Les Matelas» n’a pas encore massacré assez de voyageurs, paraît-il, pour que l'on mette un frein a son commerce de têtes, de jambes et de bras cassés. On ne s’y décidera que le lendemain du jour où elle aura fait une purée de ministres et de hauts fonctionnaires en écrabouillant quelque train officiel. Dans l’intérêt de l’humanité, souhaitons que ce malheur arrive le plus tôt possible.

Ernest Vauquella

Journal L'intransigeant du 31-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • COUPABLES A FRAPPER

Les accidents se multiplient sur la ligne de Paris-Lyon-Méditerranée. Nous avons raconté le dernier, qui a fait une quinzaine de victimes, ajoutées à tant d’autres. Certainement, les intéressés attribuent à des négligences dans le service cette catastrophe comme les précédentes. Mais il y a tout lieu de croire que la- véritable cause est ailleurs; les employés surmenés n’ont plus leurs moyens intellectuels, et il n’est pas surprenant que l'excès du travail qui leur est imposé oblitère leurs facultés et ralentisse leur activité. Un jugement de la cour d’Aix, reproduit ici môme à plusieurs reprises, a stigmatisé avec autant de sévérité que de justesse cette société de ploutocrates pour qui la vie humaine est un jeu, et qui font avant tout passer leurs intérêts et leurs capitaux. C’est fort bien ; mais ce n’est pas assez. Chaque jour démontre avec plus de force, par un nouvel exemple, la nécessité d’imposer à ces trafiquants, des conditions impitoyables, telles que la transformation ou la consolidation de leur matériel usé et la diminution des heures de labeur exigées de ses agents. Si non, les homicides par imprudence, si fréquents, sur la fatale ligne qu’on est tenté de les appeler des homicides par préméditation, ne feront que se répéter plus.cruellement encore. Ce n’est pas parce qu'on frappera, de temps en temps, un pauvre diable coupable de n’avoir pas dormi depuis vingt heures que les périls seront conjurés; C’est à la tête qu’il faut frapper, à la tête et à la bourse. Il n’est pas tolérable que, sous prétexte que l’exploitation est fructueuse et que les exploiteurs sont millionnaires, les véritables criminels échappent à leur, responsabilité et au droit commun. La richesse, même mal acquise, n’est ni une excuse, ni une circonstance atténuante, au contraire.

Edmond Bazire.


  • Le dossier du P.-L.-M.

Un journal qu'on ne saurait accuser e parti pris contre les grandes compagnies, La République Française, publie à propose des accidents qui arrivent si fréquemment sur le P.-L.-M., un article dont voici la conclusion: On a dit depuis longtemps que l'inspection était à l'abandon dans les compagnies de chemins de fer comme dans bien d'autres, et pour quelles causes. Il paraît que ces défauts se font sentir sur la ligne Paris-Lyon-Méditerranée plus que partout ailleurs, puisque les accidents s'y succèdent avec une telle régularité. On a dénoncé plus d'une fois le vice radical de cette inspection de l’État, qui se recrute dans les mêmes personnel où les compagnies prennent leurs propres inspecteurs. On a dit aussi que les véritables responsabilités doivent être cherchées non pas chez le mécanicien qui expose sa vie avec celle des voyageurs qu'il traine à sa suite, non pas chez le malheureux et ignorant aiguilleur, non pas même chez ce pauvre chef de gare de troisième classe que mille soucis accablent; mais plus haut, dans l'organisation même des compagnies, dans leurs conseils et chez les directeurs. C'est évidemment la vérité. La cour d'Aix l'a dit très haut: La catastrophe de Monte-Carlo doit être attribuée à des responsabilités non déférées à la justice. Elle a ajouté :En un mot, on se fait un jeu de la vie des voyageurs'. Le jour où la responsabilité effective et pécuniaire des directeurs sera mise en cause dans des catastrophes semblables, le nombre des accidents diminuera.

Journal L'intransigeant du 4-6-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • La vie des voyageurs.

J’ignore ce que peut être au juste la justice divine, mais la justice humaine est ce qu’on peut, rêver de plus sinistrement folichon. Le facteur-chef de la gare de Roquebrune vient d’être acquitté, devant la cour d’appel d’Aix, de la prévention de meurtre par imprudence relevée contre lui à propos de la catastrophe de Monaco. L’arrêt est explicite et d’une rare clarté : "Attendu, dit-il, que les précautions spéciales nécessitées par les circonstances exceptionnelles au milieu desquelles, s’est produite cette catastrophe: ont été particulièrement négligées et qu’en un mot on se fait un jeu de la vie des voyageurs"... Voilà qui est précis. Or, qui néglige ces précautions et, conséquemment, qui doit être déclaré responsable des malheurs provoqués par cette négligence ? Évidemment la Compagnie P.-L.-M., dont l’incurie à déjà amené tant de désastres. Il est notamment prouvé que si le train de Monaco avait été muni du frein à air comprimé, dit frein Westinghouse, le chauffeur eût pu l’arrêter instantanément et préserver ainsi quarante voyageurs d’une mort certaine. L’achat de ce frein employé sur plusieurs autres lignes, et spécialement sur celle de l’Ouest, eût constitué une dépense minime, mais que la Compagnie P.-L.-M. a encore trouvée trop forte pour sa cupidité et c’est à cette ladrerie sans nom qu’est dû le terrible événement du mois dernier. On pouvait croire que le facteur-chef de Roquebrune ayant été reconnu innocent, c’est aux directeurs eux-mêmes que les tribunaux allaient faire remonter la responsabilité. Erreur! On n’a pas pu condamner l’employé de la gare de Roquebrune alors on s’en est pris au chef de gare de Monaco, qui n’est pas plus coupable que son confrère, attendu que ce n’est pas avec les douze ou quinze cents francs dont les gratifie leur administration qu’ils peuvent acheter de leur poche les freins nécessaires. Mais les administrateurs du P.-L.-M. ,avec lesquels les rastaquouères de l’opportunisme ont conclu les « conventions scélérates », sont des seigneurs financiers de trop haut étage pour que l’État, leur humble serviteur, ose jamais leur faire payer par quelques bons mois de prison leur parcimonie criminelle, et leurs imprudences préméditées. Si le chef de gare de Monaco est acquitté à son tour, on en trouvera un autre, on descendra, s’il le faut, jusqu’au chef de train, jusqu’à, l’aiguilleur ou même jusqu’au buraliste chargé de délivrer les tickets. Quant à mettre une bonne fois la main sur les vrais coupables, c’est-à-dire sur les millionnaires qui ne reculent devant aucune économie pour doubler le chiffre de leurs millions, il faudrait ne pas connaître les gouvernements pour s’imaginer que le nôtre aura le courage de leur demander des comptes. Nous sommes tous plus ou moins condamnés à sauter en l’air ou à nous effondrer dans des précipices, uniquement parce que le ministre de la justice ne veut à aucun prix se mettre à dos les orléanistes comme M. Caillaux, ancien ministre du 16 Mai, Denormandie, Teisserenc de Bort, etc. , tous administrateurs de ce chemin de fer dont la célébrité meurtrière est de venue européenne. Il serait cependant on ne peut plus facile de mettre fin aux accidents effroyables qui se renouvellent avec la plus douloureuse persistance sur cette voie ferrée : ce serait d’envoyer dans une maison centrale, pour un temps suffisamment long, tout le conseil d’administration, qui administre d’une façon si étrange. A partir du jour où un bon jugement afflictif aura frappé les directeurs de la Compagnie, soyez sûrs que les trains se trouveront subitement garnis des freins qu’on réclame vainement depuis des années. L’État, par sa poltronnerie, est donc sinon l’auteur principal, au moins le principal complice, dans les catastrophes qui se reproduisent périodiquement sur le P.-L.-M. Nous avons déjà assez de fléaux à combattre, y compris le choléra et le Tonkin, sans que de gaieté de cœur on y ajoute les chemins de fer. HENRI ROCHEFORT

Journal L'intransigeant du 5-6-1886 (Collection BNF-Gallica)


On lit dans la Tribune Méridionale, de Cannes:

Il y a, sur l'embranchement de Cannes à Grasse, le pont qui se trouve à la hauteur du hameau du Plan qui est en mauvais état. Tous les trains, qui circulent sur cette ligne, ralentissent leur marche avant d'arriver sur ce pont. Cela dure depuis plus de six mois et la Compagnie ne s'est pas décidée à intervenir. Après les catastrophes de la Drague, du Trayas, de Monte-Carlo, pour ne pas en citer d'autres, aurons-nous celle du Plan de Grasse ? Notre devoir est de signaler cet état de choses aux étrangers, nos hôtes, afin de les mettre en garde contre la coupable négligence de la Compagnie.

Journal Le Radical du 8-12-1886 (Collection BNF-Gallica)

Les suites judiciaires.

  • L'enquête.

A la suite de l'enquête ouverte par M. Paoli, commissaire spécial de la gare, et continuée actuellement par MM. Berthulus, juge d'instruction à Nice, et Mercier, juge d'instruction à Monaco, on a procédé à l'arrestation de; Didelot, le facteur chef de la gare de Cabbé-Roquebrune, comme auteur de l'épouvantable accident que nous avons raconté. Cet employé aurait cru, paraît-il, que le train 483, venant de Nice, et qui suit le 479 à peu d'intervalle, était passé, et c'est alors qu'il a donné au train 502 le signal du départ. On sait le reste. Il semble assez rassuré; Il a néanmoins fait cette remarque : « J'avais des témoins à décharge et ils sont morts ». Didelot veut parler du conducteur-chef Féraud, du mécanicien Domergue que l'on a enterrés hier. Il importe aussi de faire remarquer que M. Didelot remplaçait le chef de gare de Roquebrune, absent. Le chef de gare de Monte-Carlo est gardé à vue. Celui de Roquebrune a disparu. On croit qu'il s'est suicidé. Le bruit court qu'il se serait noyé.

Journal Le Radical du 14-3-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • La catastrophe de Monte-Carlo

La cour d'appel d'Aix à acquitté M. Didelot, chef de gare de Roquebrune, condamné à quinze mois de prison pour l'accident de Monte-Carlo.

Journal L'Intransigeant du 24-5-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • L’accident de Monte-Carlo.

M. Chapuis,le chef de gare de Monte-Carlo,a comparu devant le tribunal de Monaco, comme responsable de l’accident de Roquebrune. Une quinzaine de témoins ont été entendus. Assignée comme civilement responsable, la Compagnie P.-L.-M. était représentée par Me Aicard, du barreau de Marseille. Un incident a amené la suspension de l’audience. Vers onze heures et demie, le président Delattre a été pris d’une syncope, suivie de vomissements qui l’ont oblige à rentrer aussitôt chez lui. A deux heures, le président n’allant pas mieux, sur la demande de M. Turrel avocat général, M. Schauffer, vice-président, a ajourné à aujourd’hui, la continuation des débats. Georges Mausy..

Journal L'Intransigeant du 5-6-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • La catastrophe de Monte-Carlo.

On télégraphie-de Monaco que le tribunal supérieur de cette ville vient de statuer sur les poursuites dirigées contre M. Chapuis, chef de gare de Monte-Carlo, Trastour, employé, et la femme Aguino, garde-barrière. MM. Chapuis et Trastour, reconnus coupables d’homicide par imprudence, ont été condamnés, le premier à deux mois de prison, et le second-à cinquante francs d’amende. Quant à la femme Aguino, elle a été acquittée! La Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée est déclarée civilement responsable. Georges Meusy. ..

Journal L'Intransigeant du 10-6-1886 (Collection BNF-Gallica)


  • M. Chapuis, ex-chef de gare à Monte-Carlo, condamné à deux mois de prisons par le tribunal supérieur de cette ville, a été remis en liberté, sur l'ordre de Charles III, prince de Monaco. On se souvient que M Chapuis avait été condamné à la suite de la catastrophe de Monte-Carlo. Le prince de Monaco a reconnu que la responsabilité devait remonter à la Compagnie P.-L.-M. et il a fait à M. Chapuis remise complète de sa peine. Si les princes s'en mêlent...

Journal Le Radical du 1-7-1886 (Collection BNF-Gallica)



  • M. Chapuis, ex-chef de gare à Monte-Carlo, condamné à deux mois de prisons par le tribunal supérieur de cette ville, a été mis en état d'arrestation par l'autorité monégasque, puis amené par les gendarmes français à la prison de Nice. Cette formalité remplie, et après quarante-huit heures de détention, on a annoncé à M. Chapuis que le prince Charles III lui avait fait la remise complète de sa peine.

Journal Le Radical du 1-7-1886 (Collection BNF-Gallica)


Photos et cartes postales

  • Photo de la catastrophe ferroviaire du 10 mars 1886 entre Monte-Carlo et Roquebrune par F. Neri, donateur en 1886. Collection BNF-Gallica. [[1]]

Croquis et plans

Presse étrangère

  • RAILWAY DISASTER NEAR MONTE CARLO.

- A terrible railway-accident occcurred on theevenmng of Thursday, the l1 th of March, between Monte-Carlo and Roquebrune, which are distant only a few miles from eachd other, on the line between Nice and Genoa. The train leaving Nice at 3.50 p.m. an Monte Carlo nine minutes later was run into 200 metres from the: latter railway station by a supplementary excursion train coming from Ventimiglia at full speed. Three persons were killed on the spot, and upwards of twenty more or less severely wounded. Ten carriages were utterly wrecked, and four were thrown over tietviaduct on which the collision took place on to the rocks, 50 feet below. The railway from Monte Carlo to Mentone has but one line of rails, so that the up and down trains can only pass each other at the stations, where sidings are provided for the purpose. The train starting from Nice at 3.50 p.m. is a local one, going to Vetimiglia. It reached Monte Carlo all right, and should have passed the corresponing up train from Men Stone at the Roquebrune station. The down train from Nice was divided into two portions at Monte Carlo, and the first portion having got to Roquebrune, the up train, which was waiting at that station, was depatched on its way, the station-master being either in ignorance that the second half of the down train was on the line, or supposing that it would wait at Monte Carlo until the up train had arrived there. The collision took place at a spot where the line makes a sharp curve within a mile of Monte Carlo, tie drivers being this unaware of the approaching crash until the trains were in such proximity as to pieclude the possibility of apply inn brakes, reversing steam, or taking any measures to diminish the momentunm with which the two trains rushed into each other. The precise spot at which the collision occurred was a viaduct spanning an inlet of the sea, and some 50ft above its surface. The wrecked carriages piled up over the engines were set on fire by the coals from the furnace, and some of the passengers were severely burned, but the greater number of the casualties and appear to have been caused by the collision. The driver of the up-train was crushed between his engine and tender in such a way that he could not be extracted until mechanical appliances had been procured. lie lingered in great agony for several hours, and died as he was being extricated. The Prefect of the Alpes Maritimes did all in his power to allay his sufferings. One lady was extricated from a carriage which had fallen into the sea, without thaving sustained any injury, while one of her fellow passengers in the same carriage escaped with a broken arm. Among the wounded were Madame and Mdlle. Tesseyre, the wife and daughter of a former manager of the Paris Liberte; also the Prieur family from Paris. They had taken the train at Roquebrune to return to Monaco, and their lower limbs were all more or a less fractured. by the seats of their compartment being forced together; the mother will have to undergo the amputation of both legs. It appears from the special correspond ent of the Daily News, who visited the scene, that seven out of eight of the company's servants were killed. It is still impossible to ascertain the number of deaths, but probably they will a amount to forty, despite the official de clarations to the contrary. The line is a still blocked, and is likely to be for some days. Passengers to and from Mentone and Italy are compelled to drive between Monte-Carlo and Ventimiglia. The Times says:-" The collision is described as producing a report like that of a cannon. The two engines were jammed together, while the carriages were crushed into fragments, and form a heap of ruins. The engine driver and stoker of the Nice train saw the other train coming at full speed, and jumped off just in time. The stoker of the Mentone train was killed on the spot, and the engine driver is lying under the ruins of his engine frightfully mangled. Many persons have been terribly injured. One family of six have two killed, and the other four had limbs broken. Everything is being done to assist the suflerers at Monte Carlo. All the hotels contain several bad cases. It is the worst accident which has occurred in tihe district since tmhe bridge gave way between Cannes and Nice ten years ago, and the train went over into the sea.

Journal The Horsham Times (Collection National Library of Australia) ven. 30 avr. 1886.


THE RAILWAY DISASTER NEAR NICE. Additional particulars have been published of the accident between Roquebrune and Monte Carlo, briefly reported in our last telegrams A correspondent at Nice states that four carriages were dashed over the parapet of the bridge on to the beach, and the other carriages of both trains were shattered or overturned. Help was immediately rendered by the Monaco gendarmes, the Christian brothers and the officials of the two stations. Three persons were found dead and 20 injured eight of them very dangerously. The Buffel ers were taken to the Hotel de Paris and the Monaco Hospital The rescue of the persons Bhut up in the carriages was actively proceeded with und an hour after the accident a special train from Nice brought the officials from that station and the inspector and commissary The work went on all night by torchlight Four of the injured pera ns died during the nijht The ace dent is attubuted to the Roquebrune station master not having known that the tram from Nice had been divided Ho consequently allowed the Mentone train to leave Roquebrune The line is a single one, except at the stations (Additional particulars given by the Paris correspondent of The Times says - The collision is described as producing a report like that of a cannon The two en yoes were jammed together, while carriages were crushed into fragments, and form a heap of ruins. The engine driver and stoker of the Nice tram saw the other train coming at full speed, and jumped off just in time The stoker of the Mentone train was killed on the spot, and the en gine driver lay under the ruins of his engine frightfully mangled fhokilled include M Ferrero.anltaliancontractor, thestoker, Domergue, and the engino driver, Féraud The injured include Mdme Tesseyre and lior daughter Mdme Beck, the tenant of the Alsatian tavern at Monaco, and the Prieur family from Pans, consisting of the grandmother, aged 74 the father, the mother, and a child Mdme Prieur has had both legs amputated Fortunately there were very few passengers in the four carriages which wore dashed down into the sea. A > little guli > two years old was picked up with a simple scratch. An adult passenger who had a similar fall escaped with a broken arm. The collision, according to Router's agent at Nice,' took place on an incline about 130ft. above the level of the sea, which flows immediately below the line. Six third class carriages, containing five persons, fell into the sea. One of these was killed, two were injured, one is missing, and the fifth, a little girl 2 years old, was taken apparent'y unhurt out of the water. No English or Americans are among the killed or wounded. An eye-witness, of the accident sends to the PariB Temps the following vivid description of it : " The catastrophe whichhas just taken place on the Monaco frontier has a peculiarly dramatic character. It occurred under the eyes of 500 or 600 persons, helpless to prevent it, and this is one of the most thrilling features of the event. At 6 o'clock precisely the train, No. 483, was at Monte Carlo station, being five minutes late. Hundreds of passengers alighted. A still larger number of people were prepating to start for Nice by the i train oxpected from Mentone. There was unusual bustle on the platforms. At this moment 1 saw the stationmaster, of whom isoveral poisons were asking information. He seemed flurried. 'Enter my office,' he said to two of them, ' I will attend to you presently.' He then, as it seemed to mo, ran to see after the luggage. Suddenly he train movod on. 1 can still Bee tho guard jumping down from the luggage wagon. The station-master had at this moment an instinct of the disas'er about to happen. 'Who signalled the train 483?' he asked, in a voice broken by emotion. ' Not I,' replied the head porter. ' Was it you, thon V said he to a second official. ' No, sir.' At this answer the unfortunate man put his handle to his head, and became quite livid. It did not take more than a second for the crowd to comprehend the, danger which the train was incurring. Moreover, the Coast between Cape St. Martin and Monte Carlo is so curved, that tho whole line was under tho spectators eyes. Threo trains could be seen, with their puffs of white smoko. The first was about to entor St. Martin tunnel, and ran no danger ; tho second had just loft Roquebrune, and was advancing at full speed against the one going away from us. No idea can be formed of tho anguish of the 300 or 400 spectators of this scene At first everybody hoped that the collison would not take place. The coast waa all upon. "They will seo each other in time, said the peoplo on all sides. The station master ordered all tho bells to bo rung, in order to make as much noise as possible. Four liundred mon rent the air with their cries. The two column of smoke, continued to got sor and closer. Those in tho two trains did not soo each other. Everybody screamed and gesticulated. Such impotence in prosonco of such a danger 7vaa enough to drivo one mad. At last the driver of the train coming from Mentone saw the danger, and reversed his engino. But the other, in consequence of the curve, noticed nothing, and continued to advance They wero within 200 metres of each other-100 inbtres-10 metres. A groat shudder ran through the crowd. The women turned awuy their heads not to seo what happened. A sharp cry was hoard as a girl wont into hysterics. The collision took place. The two trains were seen tilted up one againBt the other, and then there was a horrible incident-two or thi eo carriages, falling over the parapet, were precipitated on to the rocks on the coast. A thick smoke spread all around. Driven to despair, the station-master no longer knew what he was doing. There were cries on all sides of Tho doctors ! The doctors !' Every one rushed forward. Twenty-fivo or 30 persona went up tho line, and reached the spot where the accident had happened. It is impossible to describe the scene. No one can form an idea of it but those who saw it. The two carriages which had fallen from a height of 30 metres on to the rocks and shingle seemed to hare been reduced to dust. Luckily there were only three persons in them. One was killed on the spot. By a mirado tho two others were only injured. They are seriously injured, no doubt, but their recovery is not despaired of The two engines had become, so to speak, woldod» into each other. Behind and above them four carriages of the Mentone train woro piled on eaoh other, twisted out of shape. A young man, at great risk to himself, succeeded in turning off the valves, which wero throwing out a blinding steam, and then the injured persons 'were found. I saw 17, more or less seriouBly hurt I taken away. Close to where I stood I saw an arm,, on which the person next to me was on the point of treading. An attempt was made to extricate the unfortunate man to whom it belonged. But the bars of iron, beams, broken wood, doors, roofs, bolts, and broken glass wore sa hound together as to, render tho task almost impossible, To understand the violence of the «hock, it is necessary to imagine two engines and four carriages occupying, as regards length and height, the place of one ordinary engine. A second class carriage had boon turned upside down, and had lost its wheels. In justice to the inhabitants of Monaco it ia right to mention that every one did his duty. The firemen started first, then came the Prince's little troop of, soldiers, lastly the riflemen. The authorities from Nice aud Mentone arrived at the scene of the accident during the night, and tho work of clearing away the rubbish was begun by torchlight. The death B at present number four-namely, M Ferraro, the builder, of Vontimiglia, and Domergue, the engine driver, Feraud, the guard, and Laurent, the stoker, all three belonging to the Mentone train. The injurad number 23, and are all, French or Italians. The head porter at Rnquebruno ia in custody. The station-master of Roquebruno has disappeared, and it ia said he has committed suicide by throwing himself into the sea. Later telegrams from Nice state that two of the wounded men in the recent railway accident have died. One was the fireman of the Ventimiglia train, who was severely burned and had his legs broken by being jammed between the engine and tender, in which position he lay for several hours before he was released. This makes six deaths. The lives of two others are despaired of. Three other passengers are reported to have been Wounded, thus bringing the total number of injured up to 38. A workman who was thrown from one of the carriages that rolled down the embankment, fled wildly from the scene, and was fbund wandering over the hills in the neighbourhood, out of his mind. The station-master at Monte-carlo has been arrested.


Journal The Horsham Times (Collection National Library of Australia) 8 mai 1886.

Autres publications

  • Le journal de Monaco du 16 mars 1886 [[2]]
  • Revue "La Nature" n°673 du 24 avril 1886 (collection CNUM) [[3]].

Lien externes

  • ex-voto, tableau : Déraillement d'un train à Monte-Carlo. Eglise de pèlerinage et couvent de carmes déchaussés actuellement église de pèlerinage et couvent de bénédictines Notre-Dame de Laghet [[4]].