10 septembre 1921, déraillement du train Lyon-Strasbourg aux Echets

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Circonstances de l’accident

  • L’ACCIDENT DE L’ EXPRESS LYON-STRASBOURG.

Il y a près de 100 victimes. Le nombre des morts atteint 40. — Le mécanicien allait trop vite. — Dramatique récit d’un témoin.

Lyon, 11 septembre ( par dêp. de notre corr. part.). — La nuit dernière, l’express venant de Strasbourg a déraillé en entrant en gare des Echets (Ain), vers vingt-deux heures trente-cinq, provoquant une épouvantable catastrophe. Voici le récit d’un voyageur, le lieutenant Dubois, du 13 e tirailleurs indigènes, qui se trouvait dans le train : — Le train dans lequel j’avais pris place et qui transportait un grand nombre de militaires des corps d’occupation partant en permission, devait arriver en gare de Lyon-Brotteaux à vingt-deux heures quarante, mais il avait un assez grand retard qu’il cherchait à rattraper. Nous roulions à 80 kilomètres à l'heure environ, lorsqu’une formidable secousse nous projeta violemment contre les parois du wagon. Cependant, le train ne s’était pas arrêté. Il stoppa seulement cinquante mètres plus loin. Je sautai rapidement à terre et un spectacle effrayant s’offrit à mes yeux. Les wagons étaient éventrés et des cris s’échappaient de tous côtés, poussés par les nombreux blessés.On s’empressa et les secours furent rapidement organisés. Malheureusement, on constata tout de suite qu’il y avait de nombreux morts.

Les victimes. On compte, à l’heure où je vous télégraphie, une quarantaine de morts, dont 25 ont été retirés des décombres. Parmi les blessés, au nombre d’une cinquantaine, les suivants ont été identifiés : Antony Émile, de Nancy ; Mme Daudet, 26 ans, de Besançon, André Jarret, soldat à Belfort ; Auguste Jacquet, 7 ans, de Lons-le-Saunier; son frère André Jacquet, 12 ans, de Lons-le-Saunier ; Amélie Bouchacour, 30 ans, rue de la Madeleine, 5,à Besançon ; Eugène Bonnet, ingénieur civil, 34 ans, 7, rue Perrin, à Marseille ; Charles Koeler, 30 ans, à Haguenau (Alsace) ; Madeleine Labaune, à Besançon ; Anne Goyrand 08 ans, à Bergerac ; Jean Sigala, à Bergerac ; Anaïs Goujon, 10 ans, chemin Saint-Maurice, 11, à Lyon ; Marie Clavelori, passementière, chemin Villon, 29, à Lyon : Angèle Jeanblanc, de Lure. A l’hôpital militaire Desgenettes,à Lyon, dix militaires blessés sont arrivés. On en attend encore une vingtaine. A quatre heures, du matin, les pompiers de Lyon et le secrétaire général pour, la police, repartent sur les lieux avec de puissants projecteurs pour continuer le sauvetage, très difficile pendant la nuit.

Une enquête sur tes causes de la catastrophe. Voici comment s’explique le sinistre : Depuis la guerre, le trafic Bourg-Lyon est fait à voie unique. Ce trafic, quoique important, se fait ainsi normalement. Devant chaque gare se trouvant sur cette partie du trajet, la voie est dédoublée sur la longueur de l’espace nécessaire aux aiguillages de wagons pour la gare. Les trains, montant ou descendant, doivent dès lors ralentir en arrivant devant les gares et, quittant la ligne droite, doivent emprunter un aiguillage qui les lance sur une voie latérale où ils doivent s’engager complètement, ce qui différencie ce genre de manœuvre du simple passage sur une aiguille alors que le convoi continue, lui, sa ligne droite et laisse à droite ou à gauche la voie traversante. Le mécanicien marchait à 80 kilomètres à l’heure en arrivant, devant la gare des Echets. Sans doute voulut-il ralentir son allure et très brusquement il freina pour aborder le passage sur l’aiguille et faire changer de voie son train. Mais par la vitesse acquise, ce coup de frein agissant sur tout le train fit bloc et alors que la locomotive et le fourgon, ainsi que le wagon postal, ne formant, pas bloc avec le train purent, passer, là première voiture ayant ses roues instantanément serrées fut lancée à droite et ne put reprendre l’équilibre. Elle versa entraînant les deux autres voitures. Le reste du train, comme un bolide, arriva sur les voitures renversées et les tamponna. Bientôt le feu se déclarait dans les voitures renversées et compliquait encore l’œuvre déjà tellement difficile des sauveteurs.

Les cadavres identifiés. Dix-neuf cadavres sont retirés des décombres, à neuf heures, ce matin. Voici les noms des premiers identifiés :

1. Soldat de 2° classe Fischer Victor, du 99e infant, rentrant de permission de 30 jours.

2. Gelin Louis, voyageur, 44, avenue Berthelot, Lyon.

3. Soldat Mayer Nicolas, 6 e bat, chose, alpins.

4. Dubreuil V., agent d’assurances à la Séquanaise.

5. Soldat Carmèdre Marius, conducteur 140 e comp. d’autos, 7° train des équipages, Besançon.

6. Tonnaire Clovis, facteur des P. T. T., Lyon.

7. Mme Tonnaire, sa femme.

8. Enfant Tonnaire, leur fille, trois ans.

9. Daudez Georges-François, comptable.

10. Une dame paraissant âgée de 30 ans, bottines à lacets.

11. Epplin, soldat 14 e sect, C.O.A., de Soultzmapp, Haut-Rhin.

12. Inconnu, homme, taille 1 m. 70, cheveux châtains foncés, chemise blanche rayures noires forme jersey.

13. Petit garçon environ 10 ans, blond, maillot bleu, pantalon court, bleu.

14. Scheeb René, de Strasbourg,21 ans.

15. Dame inconnue, 70 ans environ, figure pleine, ridée, vêtue tricot laine, souliers bas.

16. Ottenivaeld Ignace, de Mussig, Bas-Rhin, 31 ans, prisonnier déserteur de la Légion étrangère.

17. Dame inconnue, 25 à 30 ans, forte corpulence, cheveux châtains, visage rond, costume tailleur bleu marine, médaillon en cœur.

18. Soldat inconnu. Carie visite, nom Lapuire François, 8, rue des Fantasques,dans sa poche, billet de Besançon à Lyon.

19. Soldat inconnu Service automobile ou aviation car écusson A.

Un vingtième mort, est identifié : le brigadier de gendarmerie Drouin.

Journal L'intransigeant du 12 - 9 -1921 (collection BNF-Gallica).


LA CATASTROPHE DES ECHETS Le mécanicien est arrêté.

Lyon, 12 septembre ( par dêp. de notre corr. part.). — Le parquet de Trévoux a ordonné l'arrestation du mécanicien Coquard. Cette arrestation a été opérée dans la soirée d'hier. Le chiffre officiel des morts es tde trente-neuf. Celui des blessés est plus difficiles à établir, plusieurs de ces derniers n'ayant pas été hospitalisés. On peut néanmoins en évaluer le nombre à soixante. Les travaux de déblaiement sont poussé activement et la circulation normale pourra être reprise ce soir ou demain.

L'enquête du P.-L.-M.

Le rapport de l'inspecteur principal du P.-L.-M. parvenu ce matin à la direction du réseau contient les détails suivants : Le train comprenait 13 voitures et pesait 403 tonnes. Il passait aux Echets à 22 h 34, en retard de 5 minutes sur son horaire. La rupture de l'aiguille s'étant produite, la locomotive et le fourgon de tête s'arrêtèrent hors de rails, le fourgon suivant se renversa; deux voitures "prirent la tangente". Le châssis de la première allant rejoindre le fourgon de tête. On comptait sur la reprise du trafic ce matin et sur le déblaiement achevé cet après-midi. La responsabilité du mécanicien était flagrante : Il s'est engagé sur l'aiguille à 80 à l'heure, alors qu'il devait réduire sa vitesse au quart de celle-là.

LA CATASTROPHE DES ECHETS - Deux jours avant l'accident...

La catastrophe des Echets est encore due, pour partie, à un aiguillage. Aussi pourquoi tant d'aiguillages? Voici : Pendant la guerre, on manquait de rails aux armées. Il a fallu en déboulonner des kilomètres où ce prélèvement était possible. Mais toutes les voies sacrifiées à cette époque n'ont pas encore été rétablies et des aiguillages les remplacent. C'est le cas pour la ligne des Echets. Cependant, cette ligne a pris depuis l'armistice une importance toute nouvelle et l'on avait demandé l'autorisation d'en multiplier les voies. Or, cette autorisation est arrivée... Deux jours avant la catastrophe!

M. LE TROCQUER ENQUÊTE

M. Le Trocquer part ce soit pour Lyon où il procèdera à une enquête technique sur l'accident des Echets et, demain après-midi, il assistera à Mirible aux obsèques des victimes civiles, puis, à Lyon aux obsèques des soldats.

Journal L'intransigeant du 13 - 9 -1921 (collection BNF-Gallica).


EN ALLANT AUX "BATDAF"

Les "joyeux" des Echets

Quand il y a des Hommes qui souffrent, disaient-ils, on ne peut pas se débiner.

Lyon, 15 septembre (de notre corr. part,):— M. Barthou, ministre de la guerre, a entre les mains les dossiers des « joyeux » qui se révélèrent des héros, lors de la catastrophe des Echets. Son dessein est de prendre, à leur égard, une mesure bienveillante. On n’a peut-être pas suffisamment souligné leur conduite admirable. Us étaient douze soldats faisant rouie pour les compagnies de discipline et que convoyaient cinq gendarmes et un brigadier. Soudain, c’est la catastrophe horrible, les wagons broyés, des cris, des appels déchirants dans la nuit. Dans le compartiment réservé aux disciplinaires, le choc a été rude. Le brigadier Drouin et deux gendarmes sont morts. Les gendarmes Perraud, Berne et Vorvier sont blessés légèrement. Parmi les prisonniers, trois sont tués, cinq gravement blessés. Seuls, Blot, Portas, Cadro et Renand sont indemnes, mais les chaînes leur lient les poignets. Dans le désarroi général ces hommes ne perdent pas leur sang-froid. Ils appellent à l’aide, demandent que l’on coupe leurs entraves. On accourt. A coup de marteau, avec des pinces, on coupe les chaînes. Alors, les « Bat’ d’Af’ » sont libres. Ils peuvent fuir sans que personne songe à lés retenir. Mais ces gars, s'ils ont commis des fautes, ont du cœur. Ils sautent à terre, envisagent froidement la situation et se mettent courageusement à l’œuvre, avec les sauveteurs. C’est d’abord à leurs gardiens qu’ils pensent. Ils essayent de dégager les deux gendarmes et le brigadier. Mais ceux-ci sont morts tous les trois. C’est alors aux blessés qu’ils portent secours, et, sans arrêt, inlassablement, suant et rouges du sang des victimes, ils se prodiguent et dégagent les corps. Plus d’un voyageur leur doit la vie. Tant qu’il y eut un blessé à secourir, un mort à porter, ils furent là. Puis, lorsque, très tard dans la matinée, leur tâche accablante, effrayante, fut terminée, ils se mirent le plus simplement du monde à la disposition des gendarmes de Trévoux, envoyés sur les lieux. A ceux qui, pauvres rescapés ou spectateurs émerveillés de leur dévouement, les complimentaient, ils se contentaient de répondre, de l’air blasé d’hommes à qui la vie ne sourit plus guère : — Eh bien ! croyez-vous que parce que l'on nous envoie faire un tour en Afrique, on n’est pas des hommes comme les autres ? Quand il y a des gens qui souffrent et qui se meurent, est-ce que ce ne serait pas le plus grand crime de se « débiner » ? Puis, sous la garde de gendarmes de Trévoux, ils continuèrent leur route interrompue.


Journal L'intransigeant du 16 - 9 -1921 (collection BNF-Gallica).


Liens externes

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