241 A 1, article de la Revue Générale des Chemins de Fer de décembre 1934

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Titre

Note sur l’essieu coudé des locomotives 241 A du PLM par M. Chan, Ingénieur principal du Matériel au PLM.

Planche et figures de l’article

Article

Bref exposé des observations et études qui ont amené la Compagnie PLM à adopter, pour ses locomotives 241 A, un nouveau type d’essieu coudé polybloc en 7 morceaux.

L’essieu coudé des locomotives compound à cylindres intérieurs est une pièce fragile qui donne lieu à de nombreux mécomptes. Plus les locomotives augmentent en puissance, plus il est difficile de réaliser, dans l’écartement à peu près intangible des longerons, un essieu coudé donnant satisfaction.

C’est pourquoi la plupart des Réseaux, préoccupés par la mauvaise tenue en service de leurs essieux coudés, font des recherches en vue de déterminer le meilleur mode de construction convenant à ces essieux. Certains Réseaux sont partisans de l’essieu monobloc, d’autres, au contraire, donnent leurs préférences à l’essieu polybloc.

Sans entrer dans une étude générale des divers types d’essieux coudés, nous croyons intéressant d’exposer très brièvement comment la Compagnie PLM a été amenée, pour ses locomotives 241 A, à l’essieu polybloc adopté actuellement.

Sur les machines 241 A du PLM décrites dans la note parue dans le N°de Février 1926 de la RGCF, sous la signature de M. Vallantin, Ingénieur en Chef du Matériel et de la Traction, les cylindres BP ont dû, en raison de leur très grand diamètre (0,720 m) être placés à l’extérieur. Il en résulte que l’essieu coudé, attaqué par les cylindres intérieurs HP, doit transmettre la plus grande partie de la puissance de la machine, ces cylindres développant à peu près les 2/3 de la puissance totale. Ainsi, dès la vitesse de 80 km/h 1800 cv sont transmis à l’essieu coudé.

Déjà, au cours de l’étude de ces machines et en prévision de la valeur élevée des efforts moteurs, on s’était préoccupé de soustraire l’essieu coudé aux efforts directeurs en le plaçant au 2ème rang des essieux accouplés. Mais, même ainsi réduits, les efforts à transmettre étaient considérables et rendaient malaisé le problème de l’établissement de l’essieu coudé.

  • Nous donnons ci-après quelques chiffres qui interviennent dans le calcul de l’essieu considéré :
    • Timbre: 16 kg/cm2 (pression au réservoir intermédiaire: 3 à 4 kg).
    • Cylindres HP: diamètre de 0,510 m, course : 0,650 m.
    • Diamètre des roues: 1,790 m.
    • Poids d’un piston HP, de la tête de piston et d’une bielle motrice HP: 615 kg

L’essieu coudé d’origine adopté en 1925 était un essieu du type polybloc en trois morceaux (Figure 1). Toutefois, chaque partie extrême comprenant, fusée, manivelle et tourillon, constituait un ensemble venu de forge ayant les caractères de la construction monobloc. De l’avis des maîtres de forge cet ensemble était une pièce délicate à obtenir car il s’agissait de faire saillir, de part et d’autre d’un bloom plat, des appendices destinés à former la fusée et le tourillon. On pouvait craindre que des défauts apparussent aux points où le travail de forge tend à ouvrir le métal, c’est-à-dire aux coudes. La construction de cet essieu en trois morceaux, très léger, se présentant d’une manière simple, il était néanmoins intéressant d’en faire l’essai. (Figure 2)

En fait, cet essieu ne donna pas satisfaction. Au bout de parcours très faibles, de l’ordre de 50 000 km, des fissures se manifestèrent aux raccordements des fusées et des tourillons sur le bras de manivelle, précisément aux coudes venus de forge en A et B de la figure 1. La majorité des fissures se produisait du côté de la fusée, à l’emplacement A.

Pour remédier à ces fissures, on chercha alors à diminuer la fatigue du métal en adoptant l’auto - équilibrage, c’est-à-dire en équilibrant chaque masse tournante par un contrepoids situé dans son plan (voir les bras de manivelles de la figure 3). Les forces centrifuges dues aux masses tournantes ne faisant plus fléchir l’axe de l’essieu, la fatigue totale s’en trouva diminuée d’autant.

En même temps qu’on auto - équilibrait les bras, on fixait les fusées par calage, ce qui supprimait une partie des raccordements venus de forge. On aboutit ainsi à un essieu en cinq morceaux représenté par la figure 3.

Cet essieu se comporta mieux que le précédent. Tout d’abord le roulement de la machine fut amélioré et le nombre des chauffages diminua, grâce, sans doute, à l’auto - équilibrage. Puis les fissures qui continuaient à se manifester en B (Figure 3) furent moins profondes et plus progressives, les parcours avant rebut atteignant environ 100 000 km. Ce n’était toutefois pas, évidemment, un résultat suffisant. Par ailleurs, on constatait que des décalages avaient tendance à se produire vers ce parcours de 100 000 km, indiquant que l’épaisseur de flasque, 100 mm, était insuffisante pour assurer une bonne tenue du calage.

Comme l’aptitude à se fissurer paraissait le défaut le plus grave, la Compagnie PLM orienta ses nouvelles recherches vers un essieu ne comportant plus aucun coude venu de forge, mais il était indispensable pour cela de réaliser dans le bras de manivelle des portées de calage supérieures à 100 mm, celles de la partie centrale étaient par contre suffisantes. Or, on ne pouvait augmenter l’épaisseur des bras de manivelle qu’au détriment des longueurs de fusées ou de tourillons, c’est-à-dire en augmentant les risques de chauffage. Il fallait donc, pour poursuivre dans cette voie, obtenir une sérieuse amélioration du mode de graissage.

C’est alors que la Compagnie PLM eut recours à l’emploi de coussinets à bandes de feutre imbibées d’huile, en usage déjà sur divers Réseaux, notamment sur celui du Nord et sur les Réseaux anglais. On réussit ainsi à réduire la longueur du tourillon de 190 mm à 140 mm, soit une réduction de 26 %, sans qu’il en résultât aucun inconvénient en service. Cette réduction notable permettait de donner aux bras de manivelle une épaisseur de 125 mm et d’envisager, en toute sécurité, un essieu polybloc.

C’est sur ces données qu’a été établi l’essieu en 7 morceaux, représenté sur la figure 4, actuellement adopté et dont la photographie est donnée à la figure 5.

Afin de réutiliser la partie centrale des essieux antérieurs, la longueur des tourillons n’a pas été ramenée à 140 mm. On s’est borné à la réduire d’un seul côté, celui du bras de manivelle dont l’augmentation d’épaisseur importait seule. Dans cette disposition l’axe de la bielle ne passe pas par le milieu du tourillon, mais cela ne présente pas d’inconvénient.

Les premiers essieux de ce type en sept morceaux sont entrés en service en Novembre 1933. Mais d’ores et déjà et sans attendre de très longs parcours, il est permis de penser qu’ils résolvent la question des essieux coudés sur les 241 A de la Compagnie PLM, car tout le problème était de réaliser un essieu polybloc à bras de manivelle épais (125 mm) ne donnant pas lieu à chauffages, ce qui est acquis.

Ajoutons, à titre de renseignement, qu’à la Compagnie PLM, les essieux sont calés à froid, avec un serrage de 2 mm par mètre, en utilisant très peu de suif et en terminant par immersion de l’essieu complet dans un bain de potasse ayant pour but d’éliminer, autant que possible, toute trace de corps gras dans les assemblages. Ce procédé donne toute satisfaction et des essais comparatifs faits entre calage à froid et calage à chaud nous ont montré que les deux procédés sont équivalents.

Pour conclure, nous dirons que si, dans la discussion relative au meilleur mode de construction des essieux coudés, l’essieu monobloc peut conserver des partisans, sous réserve d’une amélioration très sérieuse de la qualité du métal, l’essieu polybloc fournit une solution tout à fait satisfaisante, quand on peut réaliser des longueurs de calage de l’ordre de 125 mm comme cela a été fait dans le cas des locomotives 241 A du PLM.