Annales industrielles de 1893 : agrandissement de la gare de Marseille-Saint-Charles, article de Mr l'Ingénieur Rambaud

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Situation en 1893

La gare de Marseille Saint-Charles ne dispose, pour la réception et l'expédition des trains de voyageurs, que de quatre grandes voies pénétrant sous la halle du bâtiment principal et de deux petites voies adjacentes situées à l'extérieur de la halle et qui ne peuvent recevoir que des trains de faible composition.

L'insuffisance de ces installations se manifeste de plus en plus ; à mesure que s'accroît le nombre de trains de voyageurs. Aussi dans ces dernières années, les plaintes ont été vives et nombreuses contre cet état de choses.

Trois directions, celles du Nord, des Alpes et de l'Italie font affluer des trains qui, devant se correspondre, arrivent et repartent par groupes, à des intervalles très rapprochés.

Quand un train arrive en retard, la voie sur laquelle il devrait être reçu se trouve ordinairement occupée par un train d'une autre direction, et force est bien de la faire stationner plus ou moins longtemps au trottoir du contrôle en attendant son tour d'entrer en gare.

Même pour les trains arrivant à l'heure, le stationnement au trottoir du contrôle, est imposé par l'impossibilité absolue de les faire pénétrer machine en tête sous la halle, faute de moyens de dégagement pour les machines, et cet arrêt prend toujours au moins cinq minutes.

Ces inconvénients, qui préoccupent depuis longtemps la Compagnie, n'airaient pu que s'aggraver encore, dans un avenir prochain, au point de rendre impossible un bon service de voyageurs, si on n'y avait pas apporté un remède, grâce au projet dont nous allons décrire les dispositions générales.

Projet d'agrandissement

La largeur de la halle est portée de 30 m à 52,92 m, la couverture est supportée par une charpente métallique composée de fermes à tirant d'une seule portée reliée par des cours de pannes. Les fermes sont espacées de 15,36 m d'axe en axe et reposent sur des piliers métalliques enchâssés dans les murs latéraux qui bordent la halle. Ainsi disparaissent, au grand bénéfice de la circulation des voyageurs et des tricycles à bagages, les colonnes qui encombraient les trottoirs centraux nécessités par le mode de couverture actuel avec charpente en bois.

Sous la halle ainsi élargie, huit grandes voies, toutes bordées de trottoirs, trouvent leur place. Elles sont réparties en quatre groupes de deux voies reliées entre elles par des communications placées au fond de la halle. Deux petites voies extérieures permettent de recevoir certains trains de faible longueur.

On peut donc dire que la capacité de la gare, au point de vue du service des trains de voyageurs, est sensiblement doublée.

Dès lors, on fera sans crainte d'emprisonner les machines pour un temps trop long au fond de la halle, entrer les trains les machines en tête.

Il n'y aura plus beaucoup à attendre pour que la voie sur laquelle un train aura été reçu devienne libre, par suite d'une manœuvre qui enverra son matériel sur une autre voie contiguë, la seconde du groupe, soit débarrassée du train ou du matériel qui l'occupait et puisse servir pour la rentrée au dépôt. En sorte que le rapide dégagement des machines étant assuré, les trains pourront entrer sous la halle sans s'arrêter au trottoir du contrôle.

Du côté du départ, rien n'est changé à l'état actuel, si ce n'est que la salle des bagages est aggrandie de tout le local affecté au commissariat de surveillance administrative, reporté de l'autre côté de la halle.

La cour d'arrivée est déplacée et reportée au bout de la halle. La sortie principale des voyageurs et le service des bagages à l'arrivée sont réinstallés dans un bâtiment construit en tête de la halle, accessible aux voyageurs arrivants, sans qu'ils aient, comme aujourd'hui, à traverser les voies. Au premier étage du nouveau bâtiment seront établis les bureaux de l'inspection principale.

Le quai découvert des messageries est reconstruit dans le prolongement du bâtiment de la messagerie par une cour longeant la rue Honnorat.

Les voies de lavage des voitures ainsi que le quai des Postes sont desservie par le chariot PM sans fosse existant aujourd'hui et qu'on renvoie de 32 mètres vers Toulon pour permettre la pose des communications du fond de la halle.

Enfin le projet comprend les installations de voie, d'appareils et de plaques tournantes nécessaires, ainsi que la modification des voies.

  • Ferme métallique
    • Dimensions principales :
      • du nu du pilier à l'axe de symétrie de la ferme : 26,310 m,
      • d'axe en axe des murs : 53,720 m,
      • écartement total : 52,620 m,
      • hauteur du dessous du chéneau au dessus du niveau du rail : 15,000 m,
      • hauteur de l'axe de l'entrait horizontal au dessus du niveau du rail : 16,9008 m,
      • hauteur du somment de la ferme au dessus du niveau du rail : 27,6951 m,
      • longueur totale de l'arbalétrier : 28,8558 m,
      • écartement de la panne numéro 1, par rapport à l'axe de symétrie : 0,250 m,
      • écartement de la panne numéro 1 et la panne numéro 2 : 2,900 m,
      • écartement entre les pannes numéro 2 et 3, 3 et 4, 4 et 5, 5 et 6, 7 et 8 : 3,290 m,
      • distance de la panne 8 au nu du poteau : 3,420 m,
      • distance du du poteau à l'axe du mur : 0,550 m,
      • hauteur des contrefiches numéro 1 : 2,3837 m,
      • hauteur des contrefiches numéro 2 : 4,520 m,
      • hauteur des contrefiches numéro 3 : 2,3956 m,
      • longueur du demi entrait horizontal : 11,2012 m,
      • longueur de l'entrait oblique : 15,2386 m,
  • Façade :

Toute l'aile droite de l'ancienne gare, aile qui comprend les services de départ et la pavillon de tête, est conservée, mais la halle entière est refaite, ainsi que l'aile gauche.

Cette nouvelle halle métallique se trouve limitée, à son terminus, par un masque vitré, dont la partie inférieure est précédée d'un bâtiment à deux étages, en maçonnerie, qui se raccorde avec les constructions conservées.

Toutefois, la partie centrale, qui correspond à la grande nef, prend une importance plus grande par la surélévation de son premier étage. Largement ouverte par des baies à archivoltes, au rez-de-chaussée, qui forme les salles d'arrivée, cette façade ne comporte plus au premier étage que des fenêtres ordinaires appropriées à des bureaux d'administration.

Une corniche avec frise ornée et chéneau architectural couronne le tout. Les deux extrémités sont épaulées par des pylônes avec frontons aux armes de Paris et de Lyon. Les trumeaux intermédiaires contiennent les écussons de villes principales du réseau. Une marquise en fer règne sur toute la longueur de cette façade centrale.

A l'intérieur, une architecture tirée de celle que présente actuellement l'aile droite est complétée par une décoration d'ensemble se développe uniformément sur tout le pourtour en deux étages de maçonnerie surmontés par une grande verrière verticale passant au-dessus des bâtiments latéraux avec piliers intermédiaires recevant le chêneau métallique de la grande halle.

Une frise d'inscriptions et de cartouches accuse ce chêneau et affirme la ligne séparative des murs latéraux avec les longs pans des toitures.

  • Les prix :les travaux d'agrandissement ont fait l'objet de deux adjudications distinctes.
    • Première adjudication :
      • construction du bâtiment de tête, des bâtiments du côté droit de la nouvelle halle et la modification des bâtiments de gauche,
      • reconstruction du pavillon nord-ouest,
      • démolition et reconstruction du pavillon nord-est.
      • démolition du mur de droite de la halle actuelle et des bâtiments accolés à ce mur,
      • scellement des piliers de la nouvelle halle,
      • fourniture de ballast et établissement de nouveaux trottoirs, sauf asphaltage.
      • la Compagnie PLM a convoqué à cette adjudication, dont l'importance est d'environ 800 000 francs, dix-huit des principaux entrepreneurs de la région. Mr Lucien Pangaud, entrepreneur à Gap (Hautes-Alpes) ayant fait le plus fort rabais, 21 %, a été déclaré adjudiciaire le 22 février 1893.
      • prix prévus au marché, susceptibles d'un rabais de 21 % :
        • maçonnerie de béton avec mortier de chaux hydraulique : 15 fr au m3,
        • maçonnerie de moellons bruts avec mortier de chaux hydraulique : 14 fr au m3,
        • maçonnerie de moellons bruts fournis par la Compagnie : 10 fr au m3,
        • maçonnerie de pierre de taille d'Oppède dite d'Estaillades de la Société générale des carrières du Midi : 65 fr au m3,
        • maçonnerie de pierre de taille de Mont-Paon dite pierre de Tarascon : 67 fr au m3,
        • maçonnerie de pierre de taille de Sainte-Juste, de Saint-Restitut ou de Saint-Paul-Trois-Châteaux : 63,50 fr au m3,
        • maçonnerie de pierre dure de Cassis, banc royal, pour socles : 120 fr au m3,
        • maçonnerie de pierre de taille dure ordinaire du pays : 95 fr au m3,
        • maçonnerie en grès de Notre-dame ou de Septêmes : 93 fr au m3,
        • maçonnerie de briques ordinaires : 50 fr au m3,
        • maçonnerie de briques polies : 65 fr au m3,
        • maçonnerie de briques réfractaires de Bollène (Vaucluse) : 140 fr au m3,
      • pavage en pavés de grès d'échantillons, cubiques, de 0,22 m de cotés, posés sur une couche de sables de mer de 0,30 m d'épaisseur : 11,50 fr au m2,
      • pavage en cailloux étêtés et équarris de la Crau : 5,50 fr au m2,
      • charpentes, fers pour planchers, linteaux : 0,35 fr le Kg,
      • fers assemblés pour charpente, poitrails et fers de chaînage : 0,60 fr le Kg,
      • charpentes en sapin du Jura : 100 fr le m3,
      • couverture en tuiles plates pannétonnées de Saint-Henry : 3 fr le m2,
      • voltigeage en sapin du Nord, de 0,018 m d'épaisseur : 2,25 fr le m2,
      • voltigeage en sapin du Nord, de 0,027 m d'épaisseur : 2,75 fr le m2,
      • couverture en zinc de Vieille-Montagne : 7,50 fr le m2,
      • parquets en chêne, à l'anglaise, de 0,03 m d'épaisseur sur solives ou lambourdes : 12 fr le m2,
      • parquets à l'anglaise en pitch-pin, de 0,027 m : 5 fr le m2,
      • vitrerie en verre simple du Nord, 2ème choix : 4,50 fr le m2,
      • vitrerie en verre demi double, 2ème choix : 7 fr le m2,
      • vitrerie en verre double, 2ème choix : 8 fr le m2,
      • vitrerie en verre coulé de Saint-Gobain de 0,005 m d'épaisseur : 7 fr le m2,
      • les travaux faisant partie de cette adjudication devront être terminés dans un délai de 18 mois, soit fin août 1894.
    • Deuxième adjudication :
      • démolition de la charpente de la halle actuelle,
      • construction de la charpente métallique de la nouvelle halle, levage compris, couverture, peinture et vitrerie,
      • travaux d'ornementation et décor de la halle.
      • Mrs Moisan, Laurent, Savey et Cie, constructeurs à Paris, ont été déclarés adjudiciaires pour l'exécution et le montage de la charpente métallique de la halle au prix de 37,80 fr les 100 kg.

Le prix de revient de la halle sera d'environ 100 fr le mètre carré, celui du bâtiment principal de façade de 350 fr le mètre carré.

Tous ces projets ont été dressés sous la haute direction de Mr Noblemaire, directeur de la Compagnie PLM, de Mr Denis, ingénieur en chef du Service de la Voie et des bâtiments, et Mr Michel, ingénieur en chef du matériel Fixe.

C'est sous les ordres de Mr Michel que les calculs de la ferme ont été faits par Mrs Dujour, ingénieur du Matériel Fixe et Gascougnolle, chef du bureau d'Etudes. Mr Hallopeau, ingénieur du Service des Usines a surveillé la fabrication.

L'auteur du projet est Mr Desmur, ingénieur des Ponts et Chaussées, attaché à la Compagnie PLM et actuellement directeur des chemins de fer algériens.

L'étude de la décoration de la partie métallique a été faite par Mr Bouvard, architecte-conseil de la Compagnie et par Mr d'Arbaud, inspecteur d'architecture.