Bulletin PLM N° 18 de novembre 1931 : L’imprimerie des billets de la compagnie PLM

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L’imprimerie des billets de la compagnie PLM par M. A. Pages, Sous Chef de Division au Service Central de l’Exploitation

Planche et figures de l’article

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Dès l’origine des chemins de fer, il fallut remettre à chaque voyageur une pièce formant reçu pour constater le paiement du prix de la place.


On peut donc dire, sans crainte d’exagération, que l’impression de cette pièce, que i’on dénomme billet ou ticket, est à la base même de l’exploitation d’une Compagnie de transports.


On fit d’abord usage d’un coupon détaché d’un livre à souche, sur lequel le receveur indiquait à la main le jour et l’heure de départ, le numéro du wagon, celui de la place occupée, et où enfin il apposait sa signature (Les Chemins de fer d’autrefois, par Auguste Moyaux).


Ce coupon fut remplacé par un bulletin appelé « billet - jarretière » et comportant, imprimé à l’avance, le nom de toutes les gares situées sur une même ligne et les prix correspondants. Le receveur biffait sur ce billet les parcours à ne pas utiliser. Par suite du développement des chemins de fer, on fut amené à rechercher un titre de parcours moins complexe et se prêtant à une distribution plus rapide. Un modeste Chef de station d’une ligne de chemins de fer du nord de l’Angleterre, Thomas Edmonson, inventa un billet constitué par un simple rectangle de carton, qui, répondant au but recherché, est aujourd’hui universellement employé.


L’usage en France de ce billet remonte à l’année 1842. Il fut utilisé pour la première fois sur notre réseau par la gare de Givors appartenant alors à la Compagnie de Saint Etienne à Lyon, dont on sait que l’un des fondateurs était Marc Seguin, l’inventeur de la chaudière tubulaire (Bulletin n° 8 de novembre 1929).


Mais, bien que très pratique, ce petit bout de carton était, au début, d’une fabrication difficile, faute de matériel approprié. L’impression était faite, en effet, à l’aide d’un bloc dans lequel étaient fixés les caractères à imprimer, que l’on appliquait sur une planche de carton après les avoir Imprégnés d’encre, d’un coup de maillet frappé sur le bloc, on obtenait l’impression d’un certain nombre de billets que l’on découpait ensuite pour les obtenir de la dimension voulue, qui est d’ailleurs celle des billets actuels, et on les numérotait à la main.


On conçoit, par cet aperçu rétrospectif, combien la fabrication des billets était lente alors que le trafic des voyageurs se développait assez rapidement. Heureusement que dans ce domaine, comme dans toutes les branches de l’activité humaine, la science de la mécanique vint assez vite suppléer l’outillage rudimentaire employé.


Avec l’aide d’un horloger de Dublin, Edmonson inventa une machine qui imprimait et numérotait les billets. Bien que fonctionnant à la main et débitant à peine quelques centaines de billets à l’heure, cette machine constitua un grand progrès. Après des perfectionnements successifs, elle fut actionnée par un moteur à gaz d’une force de 1 cv environ. Le mouvement de rotation était communiqué par un arbre unique de transmission, des poulies et des courroies. Cette installation permit un débit beaucoup plus élevé.


De nombreux progrès furent ensuite réalisés dans les machines à imprimer les billets. Les machines modernes que nous possédons sont actionnées par un courant électrique au moyen d’électromoteurs. Leur rendement unitaire pourrait atteindre 17 000 billets - carton à l’heure si on n’était pas tenu de changer les blocs d’impression après avoir imprimé une, deux ou trois centaines de billets, etc., selon l’importance des relations.


La machine du type semi rotatif permet l’impression au recto et au verso des billets en carton. Cette machine est munie de deux châssis entre lesquels on a placé une roue collectrice qui reçoit, un par un, les cartons ayant reçu l’impression au verso.


Par un demi-tour de droite à gauche de la roue collectrice, chaque carton se trouvant renversé au moment de son arrivée star la table d’impression, est poussé sous les composteurs et les numérateurs pour être imprimé au recto.


Pour imprimer les billets, on se sert de carton d’une épaisseur d’un millimètre préalablement découpé en rectangles de 0,03 x 0,057 m.


Ces cartons sont placés dans un tube ayant la forme rectangulaire à la droite de la machine, au-dessus de la table d’impression et perpendiculairement.


Au moment de la mise en marche de la machine un dispositif placé directement au-dessous du tube et dépassant légèrement le dessus de la table d’impression, accroche le premier carton et le fait avancer, de droite à gauche de la totalité de sa longueur, dans une double glissière. A chaque mouvement de va et vient de ce dispositif, le carton accroché pousse le précédent et le fait passer successivement sous les Composteurs fixés dans les châssis et contenant la composition ou les clichés, ainsi que sous le ou les numéroteurs.


Le mouvement de frappe des composteurs est combine avec celui du système d’accrochage du carton, de telle sorte que ce dernier est avancé pendant que les composteurs sont soulevés pour permettre à la composition de recevoir l’encrage nécessaire au moyen des rouleaux encreurs.


L’impression d’un billet - carton se fait en plusieurs stades, c'est-à-dire que ce billet reçoit quatre, cinq et même six frappes, suivant qu’il est à parcours simple ou à parcours aller et retour ou qu’il est impressionné au recto seulement ou au recto et au verso.


A la première frappe, le billet est perforé de deux trous permettant l’attachage, frappe, le texte et le prix, à la quatrième frappe, les numéros.


Tout billet d’aller et retour reçoit une frappe supplémentaire pour l’impression du coupon aller et une sixième frappe est nécessaire pour l’impression au verso de certains billets.


Les billets étant avancés à chaque mouvement de frappe, poussés les uns par les autres, chaque billet reçoit, au fur et à mesure de son passage, une empreinte ou une impression progressive, jusqu’à sa terminaison finale.


A ce moment, le billet tombe à gauche de la machine dans un tube placé sous la table d’impression. En même temps un appareil, dont chaque machine est munie, indique le nombre de billets imprimés.


En tombant dans ce tube, les billets se superposent dans leur ordre de numérotation et sont prêts à être attachés et plombés par séries de 50 ou de 100, suivant les modèles de casiers destinés à les recevoir pour leur distribution au public.


On dut installer non seulement des machines à imprimer les billets en carton, mais aussi des machines à imprimer les titres de parcours en papier répondant à différents tarifs (cartes d’abonnement, billets passe-partout, etc.) et aux règlements de notre Compagnie (bulletins de déplacement, permis, etc).


L’outillage de notre Imprimerie des billets, la plus importante des Réseaux français, est des plus perfectionnés et nous pensons intéresser les lecteurs du Bulletin en leur donnant un aperçu de cette Imprimerie à laquelle sont d’ailleurs liés, par leurs attributions mêmes, tous les Services participant à la vente des billets au public ou à la délivrance des cartes, permis, etc.


  • Cette imprimerie est placée sous l’autorité du Chef de la 4ème Division de l’Exploitation et comprend :
    • Une partie administrative;
    • Une partie purement technique.


La partie administrative est chargée notamment de préparer les modèles de billets et titres de parcours nécessités par les différents tarifs, d’élaborer les instructions concernant le transport des voyageurs et des bagages, d’organiser les bureaux de distribution dans les gares et bureaux de ville, de tenir à jour les listes des nombreuses séries de billets en approvisionnement dans chaque gare ainsi que dans les bureaux et agences de voyages situés tant en France qu’à l’étranger, de renouveler ces approvisionnements, de commander les matières premières et les fournitures nécessaires aux ateliers d’impression.


La partie technique s’occupe de la fabrication des billets et de leur envoi, suivant les directives du groupe administratif.


Nous nous limiterons, dans cet exposé, à la partie technique, qui est installée dans le bâtiment, en ciment armé, que la Compagnie a construit en 1923 au n° 7 de la rue du Charolais, à l’entrée de la gare des Messageries départ, à Paris. Les ateliers occupent dans ce bâtiment, dont nous donnons la photographie, une superficie de 1 200 m2.


L’ensemble de l’installation se compose de deux ateliers principaux, exclusivement affectés, l’un à l’impression des billets en carton, l’autre des titres de parcours en papier, permis et bons de réduction, cartes de service et de circulation, cartes d’identité pour les Agents et leur famille, cartes d’abonnement, coupons constituant les billets d’agences de voyages, billets d’entrée en gare, billets passe-partout, etc. et d’ateliers annexes, d’attachage, de brochage, d’encartage, etc.


Avant d’aller plus loin, nous pensons utile pour ceux de nos lecteurs qui ne sont pas familiarisés avec l’outillage d’une imprimerie, de leur donner les principales caractéristiques de nos machines à imprimer qui sont de trois types différents a) machines à plat; b) machines semi rotatives; c) machines rotatives.


On appelle machines à plat celles dont un châssis mobile, dans lequel sont fixés des composteurs renfermant soit des caractères d’imprimerie formant le texte, soit des plaques en métal dénommées galvanos ou clichés sur lesquelles on a préalablement gravé en relief le texte à reproduire, vient frapper par un mouvement alternatif de haut en bas la partie à imprimer (feuille de papier, carton ou demi - carton) placée sur une table d’impression.


Les machines semi - rotatives sont celles qui impriment une composition ou des galvanos dans les mêmes conditions que les machines à plat, mais qui sont alimentées par une bande de papier sans fin disposée en bobine se déroulant au fur et à mesure de l’impression et possédant, en outre, un ou plusieurs éléments fonctionnant par un mouvement de rotation.


Enfin, les machines rotatives sont celles dont tous les éléments d’impression, d’encrage, de numérotage, etc. sont cylindriques. Elles impriment exclusivement du papier en bobines au moyen de cylindres gravés en relief.

Figure. 5. Ateliers d’impression des billets en papier.

Figure. 6. Machine semi rotative à imprimer les billets en papier. La machine semi rotative peut imprimer sur les deux côtés du papier en une ou plusieurs couleurs. Pour l’impression, le papier parcourt la machine de droite à gauche, par saccades. Il est immobile pendant le temps de l’impression, tandis qu’il est déplacé d’une longueur déterminée et facilement cyclable, pendant le mouvement de bas en haut des châssis contenant la composition et les numéroteurs qui reçoivent simultanément l’encrage nécessaire. L’impression terminée, la machine coupe le papier à la dimension voulue et peut suivant le cas, le perforer dans n’importe quel sens.


Figure. 7. Machine rotative. Dans ces machines, le papier passe sans interruption entre deux cylindres placés l’un au-dessous de l’autre. Le cylindre du dessus porte gravé en relief le texte à imprimer et est imprégné d’encre au moyen de cylindres encreurs, au fur et à mesure de son mouvement de rotation. L’autre cylindre fait l’office d’une table d’impression. Chaque groupe de deux cylindres entre lesquels passe le papier est dénommé « élément ». Les machines rotatives dont nous donnons la photographie comportent dix éléments ayant chacun une utilisation différente. Elles sont, en outre, munies d’un appareil de perforation et de couteaux réglables permettant de couper le papier après impression aussi bien dans le sens longitudinal que dans le sens transversal. C’est ainsi, par exemple, que les permis sont imprimés et numérotés, deux par deux, sur une bande de papier dont la largeur est le double de celle du permis lui-même, la bande est coupée au milieu dans le sens de la longueur, puis les deux parties sont coupées en travers. On obtient ainsi une succession de deux permis qui viennent se placer par ordre numérique sur une table de réception, prêts à être reliés en carnets de 100.


Figure. 8. Machine rotative à imprimer les billets passe-partout avec souche. Les souches sont imprimées, en même temps que les billets, sur une bande de papier enroulée en bobine. La bande sur laquelle sont imprimés les billets est superposée à celle sur laquelle on imprime les souches correspondantes. Les deux pièces sont coupées au moyen d’un couteau transversal, de manière à obtenir des feuillets comportant chacun quatre billets et quatre souches et pouvant être reliés en carnets.

Figure. 9. Atelier à compléter les billets internationaux, coupons d’agences, etc. Figure. 10. Atelier de brochage et d’encartage.

Disons également, en passant, que les Administrations de Chemins de fer se sont entendues pour que les billets aient une couleur distinctive, suivant la classe à utiliser.


On a choisi à cet effet la couleur jaune pour la 1ère classe, verte pour la 2ème classe et chamois pour la 3ème classe.


Les divers titres de parcours sont donc, on général, imprimés sur du carton ou du papier des couleurs ci-dessus.

Ateliers d’impression des billets en carton

La figure 2 donne une vue d’ensemble de ces ateliers, qui comprennent quinze machines à imprimer à plat, dont une peut imprimer au recto et au verso et qui, de ce fait, est du type semi rotatif.


Les détails du fonctionnement et de l’impression elle-même sont donnés on légende des figures 3 et 4.


L’atelier d’impression se complète par l’atelier d’attachage et de plombage des paquets de billets. On voit au premier plan de la figure 2 les préposées occupées à ce travail.


Le système d’attachage de nos billets est très ingénieux. Imaginé et réalisé par d’anciens Agents de la 4ème Division, il consiste à passer une ficelle très fine dans les deux trous espacés de 2 mm environ dont chaque carton est percé au premier stade de son passage sous les composteurs.


La ficelle est passée d’abord dans le sens du plus fort numéro du billet de la série au plus faible, puis dans le sens inverse en utilisant les deux trous séparément. Les deux morceaux de la ficelle sont ensuite noués, puis plombés. Cette disposition permet la distribution des billets dans l’ordre de leur numérotation sans avoir besoin de couper cette ficelle, ce qui donne aux titulaires des guichets toute garantie contre l’émission hors tour de billets de la même série.


Après leur attachage, les billets sont vérifiés comme destination, prix et numérotation, par rapprochement avec les demandes des gares ou bureaux; ils sont ensuite placés dans des boîtes spéciales pour leur envoi aux gares ou bureaux destinataires.

Atelier d’impression des billets en papier, cartes d’abonnement, permis, bons de réduction, etc…

Ces ateliers (figure 5) possèdent cinq machines semi rotatives (figure 6) et deux machines rotatives (figures 7 et 8). Les unes et les autres impriment exclusivement sur du papier en bandes disposé en bobines et peuvent faire l’impression au recto et au verso en une ou plusieurs couleurs.


Elles sont actionnées par un électromoteur et sont, en outre, munies d’un rhéostat pour régler la vitesse d’impression.

Ateliers d’impression par report

Certains titres de parcours sont demandés, soit par les gares, soit par les agences de voyages, en trop petite quantité pour être établis à leur nom au moment de leur impression. L’atelier, dont nous donnons la photographie (figure 9) complète ces billets au fur et à mesure des demandes en y portant le numéro et le nom de la gare ou de l’agence, ainsi que le timbre sec de la Compagnie, le cas échéant.

Ateliers de brochage et d’encartage

Les titres de parcours qui sont constitués par plusieurs feuillets ou qui doivent être reliés en carnets, tels que les permis, les billets passe-partout, les bulletins de déplacement, etc., sont brochés au moyen d’un fil en acier. Ce brochage est fait à l’aide de machines fonctionnant électriquement. La partie brochée est ensuite recouverte de papier préalablement gommé. La photographie (figure 10) montre les Agents occupés à ce travail de façonnage.

Magasin des réserves

Afin de satisfaire le plus rapidement possible aux demandes des Services en ce qui concerne les carnets de permis, et à celles des agences de voyages pour le compte desquelles nous imprimons les coupons, de même que pour certains billets du Service international, nous sommes dans l’obligation de constituer des réserves de ces différents titres de parcours.

Figure 11. Une travée du magasin des réserves

  • Pour fixer les idées sur l’importance et l’activité du Service de notre Imprimerie des billets, nous donnons succinctement ci-dessous le nombre des principaux titres de parcours imprimés au cours de l’année 1930 :
    • Billets en carton : 60 000 000
    • Billets passe-partout en papier avec souche 4 600 000
    • Billets d’entrée en gare 4 000 000
    • Cartes d’abonnement de travail 2 000 000
    • Coupons d’agences de voyages 1 700 000
    • Coupons combinés de l’Union internationale 1 500 000
    • Billets à délivrer avec tickets garde-place 1 500 000
    • Divers, billets d’autocars, billets spéciaux, etc 6 500 000
      • Soit, en chiffres ronds 82 000 000


Dans ce nombre ne sont pas comprises les cartes d’identité pour les Agents et leur famille qui ont été mises en service à partir du 1er janvier 1930. Le Service de l’Imprimerie a eu à fabriquer 830 000 cartes de l’espèce destinées non seulement à notre Réseau, mais à d’autres organismes (Comité de Direction, Office des wagons, Contrôle Commun) et à d’autres Grands Réseaux.


Ce Service imprime également des titres de parcours pour le compte des Chemins de fer Algériens, Tunisiens, Marocains, de diverses Compagnies secondaires et des permis pour les autres Grands Réseaux français et tous les Services de la Compagnie.


Non compris les billets de toute nature fournis aux gares et bureaux, la dépense d’impression de titres de parcours engagée en 1930 par nos ateliers, tant pour le compte des divers Services que des autres Administrations, s’est élevée à 442 000 francs.


Disons, pour terminer, que, Si l’on compare cette dépense à celle qui nous serait facturée par l’industrie privée, si les travaux ci-dessus visés lui étaient confiés, on constate que l’Imprimerie PLM des billets réalise annuellement une économie de l’ordre de 600 000 à 700 000 francs.

(Pour toute l’illustration de cet article, le Bulletin a utilisé des clichés Rahma).