Bulletin PLM N° 21 de Mai 1932 : l’évolution de la locomotive à vapeur

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Causerie sur l’évolution de la locomotive à vapeur par M. Renevey, Directeur de l’OCEM

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M. Renevey, Directeur de l’OCEM (a servi plus de 20 ans au service traction du PLM), a fait, le 18 février 1932, à l’occasion d’une réunion de la Société des Anciens élèves de l’Ecole polytechnique, une causerie des plus intéressante sur l’évolution de la locomotive à vapeur. Le Bulletin PLM est particulièrement heureux de pouvoir, avec l’autorisation de l’auteur, de donner à ses lecteurs la primeur de la publication de ce texte.


On entend dire assez fréquemment que la locomotive à vapeur est née en 1829 avec la Fusée et que depuis cette époque elle a seulement vu augmenter ses dimensions, sa force et sa puissance. Il y a du vrai dans cette idée en ce qui concerne les principes de la locomotive à vapeur qui sont restés les mêmes, tout au moins jusqu’à ces dernières années. Il y entre aussi des inexactitudes car, d’une part, la locomotive est née bien avant la Fusée et, d’autre part, tout en se développant, elle s’est perfectionnée. En outre, il semble qu’à notre époque elle ait quelques tendances à se transformer et à sortir des grandes lignes fixées par Stephenson.


C’est en 1803 que Trevithick construisit la première locomotive. Dans les années qui suivirent, de nombreux types furent essayés.


En 1811, Blenkinsop construisait la première locomotive à deux cylindres, mais, craignant le manque d’adhérence, il avait réalisé la propulsion au moyen d’un pignon denté engrenant sur une crémaillère fixée sur le côté du rail.


En 1812, Brunton, toujours hanté par la même idée, inventait une locomotive qui avançait au moyen de béquilles s’appuyant sur le sol.


En 1813 apparaît la Puffing Billy, première locomotive utilisant l’adhérence sur rail lisse. Tous ces engins, avec leurs balanciers et leurs cylindres verticaux placés au-dessus ou le long de la chaudière, conservait un lien de parenté avec la machine à vapeur de Watt.


En 1829 est institué en Angleterre, le pays qui, à cette époque, est de beaucoup le plus en avance en ce qui concerne les questions de chemin de fer, un concours de locomotives auquel prend part George Stephenson, qui vient de construire la Fusée. C’est une locomotive qui pèse 4 300 kg à vide, soit un peu plus du tiers d’un de nos wagons couverts. Elle remporte le premier prix du concours, après avoir, attelée à une voiture, réalisé la vitesse, considérable pour l’époque de 38 km/h. Ce qu’il y avait surtout d’intéressant dans la fusée, c’est que son effort pouvait être soutenu en raison de la vaporisation relativement abondante que lui assurait la chaudière tubulaire dont elle était munie. (On sait que la chaudière tubulaire venait d’être inventée en France par Marc Seguin, voir Bulletin PLM N° 11 de septembre 1930)


La Fusée avec ses deux cylindres et sa chaudière est vraiment le type de la locomotive normale dont nous allons voir le développement durant le siècle qui va suivre.


Pour étudier l’évolution de la locomotive, il parait suffisant de considérer deux de ses principales caractéristiques : l’effort de traction et la puissance.


Dans une locomotive, l’effort de traction est limité, quelles que soient les dimensions des cylindres et la pression de la chaudière, par l’adhérence, c’est-à-dire par le poids des essieux moteurs sur les rails. Pour augmenter l’adhérence, deux procédés sont possibles : augmenter le poids par essieu et augmenter le nombre des essieux servant à la propulsion en les accouplant. On n’a pas manqué de les utiliser tous les deux. Pour augmenter le poids par essieu, il faut augmenter la résistance de la voie, et sur ce point particulier, de notables progrès ont été réalisés. Actuellement, on admet généralement en France et en Europe de 20 à 22 t. En Amérique on est arrivé à 30 t à 35 t en utilisant des rails plus forts et aussi en resserrant les traverses.


Il serait évidemment désirable d’élargir nos limites actuelles mais on excuse facilement nos collègues des Services de la Voie de ne pas toujours nous donner tout ce que nous désirons quand on pense à ce que coûteraient le remplacement de tous les rails et le renforcement de tous les ponts.


Pour les trains de voyageurs on put, en raison de leur faible tonnage, se contenter durant fort longtemps de locomotives à un seul essieu moteur, dont l’un des types les plus connus est la Crampton. Le poids des trains augmentant, il fallut, vers 1870, accoupler deux essieux non pas pour assurer la marche normale du train, mais pour faciliter les démarrages et accélérer la mise un vitesse.


Vers 1900, on passa aux trois essieux. Ce furent les types 230 dit Ten Wheel puis 231 dit Pacific et enfin, ces dernières années, les trains devenant de plus en plus lourds, il fallut accoupler un quatrième essieu, ce furent les 241 dits Mountain.


Pour les trains de marchandises, l’accouplement des essieux s’imposa dès l’origine. La première machine à trois essieux accouplés par bielles parait être « l’Experiment » construite en 1826 par Stephenson. En 1814. Stephenson avait déjà établi une machine du même type, mais l’accouplement des essieux était réalisé par chaîne et pignons dentés calés sur les corps d’essieux.


L’inauguration en 1851 de la ligne du Semmering, première ligne à forte rampe, entraîne l’étude de locomotives plus fortes et on arrive peu après aux quatre essieux couplés.


On passe ensuite à cinq, cas assez fréquent. On a même construit des locomotives à six essieux accouplés. Elles sont d’ailleurs en fort petit nombre et nous n’en connaissons qu’une au Wurtemberg, une en Autriche, une en Bulgarie, une à Java et enfin une en Amérique qui pèse 224 t et peu développer un effort de traction de 43 t.


Cette machine parait être la machine du type normal la plus forte du monde, Quand on veut aller plus loin il faut passer aux locomotives articulées. L’idée des machines articulées est fort ancienne et la première locomotive de ce genre paraît avoir été construite par Stephenson, mais le but à atteindre, était à l’origine de faciliter la circulation dans les courbes. Ces premiers modèles se composaient en fait de deux locomotives attelées tête bêche, et la première locomotive articulée à chaudière unique de type normal fut étudiée par Mallet pour les chemins de fer suisses. Elle se composait de deux trains de deux essieux moteurs.


On passa ensuite aux machines à deux trains de trois essieux puis de quatre essieux et même quelquefois de cinq. Les machines de ce genre sont peu utilisées en Europe, où les besoins du trafic ne les rendent pas nécessaires, mais leur emploi est très développé en Amérique. Parmi les plus puissantes, nous citerons celle du Northern Pacific, du type 1-4 + 4-2. Son poids en service est de 325 t, son poids adhérent de 250 t. La longueur totale des tubes a fumée représente 2,700 km. Son tender, qui peut contenir 80 m3 d’eau et 27 m3 de charbon, pèse un ordre de marche 182 t.


Comme on tenait à augmenter encore l’effort de traction, on rendit moteurs les essieux de bissel en leur adaptant un moteur auxiliaire ce sont les boosters, dont l’application en Amérique a été faite déjà sur plus de 5 000 locomotives.


Figure 8, La Tarasque de 1846, Machine ayant assuré l’inauguration de la ligne Tarascon Marseille.


Allant encore plus loin dans cet ordre d’idée, on rendit moteurs même les essieux de tenders en munissant ce véhicule de cylindres et de bielles. Ce sont les machines Triplex dont la plus connue est celle de l’Erie Railroad, du type 1-4 + 4 + 4-1, dont le poids est de 386 t, dont 324 de poids adhérent et qui peut exercer un effort de traction de près de 70 t.


La puissance d’une locomotive dépend essentiellement de la chaudière et, parmi les caractéristiques de cette dernière, il en est une qui pourrait à elle seule suffire à la définir, c’est la surface de la grille sur laquelle on brûle le charbon.


La grille de la Fusée n’avait que 0,56 m2. Il est certainement beaucoup de chefs de cuisine de grands restaurants qui la trouveraient faible pour leurs fourneaux. Cette grille s’est notablement accrue. Sur les locomotives européennes, elle ne dépasse guère 5 m2, mais en Amérique elle dépasse souvent 10 m2 et a même atteint 16 m2. C’est la dimension de la cuisine tout entière d’un appartement moyen. Pour alimenter de tels foyers, le chauffeur n’est plus suffisant et il a fallu construire des chargeurs mécaniques qui pouvaient assurer des débits de 8 à 10 t à l’heure.


Durant ce temps, le timbre s’élevait et passait des 3,5 kg de la Fusée aux 16 et même 20 kg des toutes dernières compound.


Il ne faudrait pas croire que la locomotive se contentait d’atteindre des dimensions qui auraient stupéfié les premiers mécaniciens. D’année en année, elle se perfectionnait, tant dans sa construction que dans ses méthodes d’utilisation de la vapeur. Citons rapidement les principales étapes de cette marche vers la perfection.


En 1832, l’Amérique adopte le bogie, chariot placé sous l’avant de la machine, destiné à faciliter le passage dans les courbes et dont l’utilisation est indispensable pour la réalisation en toute sécurité des très grandes vitesses.


En 1856, Giffard invente l’injecteur, qui remplace la pompe de refoulement actionnée par les essieux, laquelle obligeait de couper la locomotive de son train quand, durant un stationnement, la nécessité de faire de l’eau se faisait sentir.


Plus tard, c’est l’invention des freins continus automatiques au vide, ou à air comprimé, qui ne sont pas à proprement parler des améliorations de la locomotive à vapeur, mais dont il faut pourtant parler, car sans eux il eût été impossible de remorquer des trains lourds à de grandes vitesses.


A une époque plus récente, le compoundage et la surchauffe font augmenter notablement le rendement des locomotives et diminuer la consommation de charbon. Le compoundage, qui consiste à faire détendre la vapeur dans deux cylindres de dimensions croissantes, a été appliqué pour la première fois sur les locomotives par Mallet en 1876. Il permet l’utilisation facile de pressions plus élevées et son succès fut grand.


La surchauffe, qui a pour effet d’augmenter la température de la vapeur, avant son introduction dans les cylindres n’est pas nouvelle. Les premiers brevets qui en font mention datent de 1849, mais elle ne s’est développée qu’à partir de 1900, quand Schmidt eut mis au point son surchauffeur universellement répandu. On ne conçoit plus à l’heure actuelle qu’une locomotive puisse être construite sans surchauffeur et, dans certains pays, l’Allemagne par exemple, la surchauffe a complètement détrôné le compoundage, quoique l’alliance de ces procédés soit certainement productrice d’économies.


De nos jours, les réchauffeurs d’eau d’alimentation et les économiseurs ont permis de récupérer une partie de la chaleur qui se perd dans l’atmosphère avec la vapeur d’échappement des cylindres. Il en est résulté une sérieuse réduction de la dépense de charbon et une simplification appréciable du travail du personnel des machines.


Il est inutile de dire que la construction même de la locomotive a bénéficié de tous les progrès de la métallurgie : remplacement du fer par l’acier, utilisation de l’acier moulé, des aciers spéciaux à haute résistance. Il n’est pas jusqu’aux alliages légers qui ne donnent lieu à des essais d’utilisation.


Il est intéressant de se rendre compte avant d’aller plus loin, des progrès réalisés dans le service des trains au fur et à mesure de l’évolution des locomotives et des résultats auxquels on est arrivé. Nous considérerons pour cet examen deux points particulièrement intéressants la vitesse des trains et leur charge.


La Fusée avait atteint, attelée à un seul véhicule, 38 km/h. Si l’on se reporte aux horaires actuels, on constate qu’un nombre appréciable de trains approchent la vitesse moyenne de 100 km/h.


Le record paraît appartenir à certains trains qui assurent le parcours Londres - Swindon à la vitesse commerciale de 111 km/h. Le train le plus rapide du continent est le train 185 qui, sur le Réseau Nord, parcourt les 153 km qui séparent Paris de Saint-Quentin à la vitesse moyenne de 104 km/h.


Mais les grandes vitesses ne datent pas de notre époque et les horaires actuels ne sont pas beaucoup plus tendus que ceux d’il y a trente ou quarante ans.


Les anciennes locomotives pouvaient déjà atteindre des vitesses élevées. En 1890, au cours d’essais de vitesse entre Montereau et Sens, auxquels participaient des locomotives françaises et anglaises, ayant figuré à l’Exposition de 1889, la locomotive Crampton Est atteignit 144 km/h, une machine PLM à deux essieux accouplés de l’ancienne série 61 à 110 dépassa 130 km/h. Au Musée des Chemins de fer de York (Angleterre), on peut voir une locomotive qui, d’un type déjà ancien, atteignit 165 km/h à un train de Plymouth à Londres. En 1855, l’empereur Napoléon III revenait de Marseille à Paris à la vitesse moyenne de 100 km/h.


En Amérique, les vitesses normales ne paraissent pas dépasser celles de nos grands trains, mais il semble qu’en cas d’incident on y établisse de véritables records.


Si en France nous n’avons pas, du moins dans ces trente ou quarante dernières années, fait beaucoup de progrès, en ce qui concerne les vitesses, il n en a pas été de même pour les charges remorquées.


Les trains de voyageurs furent à l’origine extrêmement légers. Les premières voitures ne dépassaient pas 3 à 4 t. Actuellement, elles atteignent 48 à 50 t et il n’est pas rare de voir des trains de grande vitesse de plus de 600 t. Cette augmentation des charges remorquées a permis non seulement de réduire le nombre des trains, mais d’augmenter le confort des voitures. Sur le Nouveau Continent, les voitures avec bogie à trois essieux dépassent quelquefois 70 t et le tonnage des express ordinaires atteint jusqu’à 1 100 et 1 200 t.


En ce qui concerne les trains de marchandises, des progrès du même ordre ont été réalisés, mais en raison de la faible capacité du matériel à marchandises, les tonnages des trains européens ne sont pas très élevés. En France, le meilleur Réseau ne dépasse pas la moyenne de 900 t et les trains de 2 000 t sont assez rares.


En Amérique, sur certains Réseaux tout au moins, on est très loin de ces chiffres.


  • Sur le Pittsburg and Lake Erie Railroad par exemple, les moyennes signalées sont les suivantes:
    • 1914 : 4 000 t
    • 1925 : 6 735 t
    • 1928 : 8 100 t


  • Sur le Great Northern, Réseau particulièrement affecté à des transports de minerais, les chiffres sont encore plus impressionnants :
    • 1920 : 7 310 t
    • 1928 : 13 500 t


Le 10 juin 1929, on y remorquait un train de 17 000 tonnes ! En matériel français du type courant, ce train aurait compté 566 wagons et aurait mesuré tout près de 5 km.


Ce sont là des performances tout à l’honneur de la locomotive à vapeur et il semblerait qu’elle pût se reposer sur ses lauriers, mais la loi du progrès et aussi la concurrence le lui interdisent.


La concurrence à laquelle nous faisons allusion n’est pas celle de l’automobile, dont on parle tant à notre époque. L’automobile, cette parente très éloignée de la locomotive, n’est pas une concurrente de son aînée, mais ce qui est plus grave du chemin de fer lui-même. Plus souple, passant partout, elle va chercher la clientèle en tous les points où la locomotive attachée à ses rails ne peut se rendre.


Mais la locomotive à vapeur a vu s’élever contre elle une concurrence sérieuse de la part de ses deux sœurs : la première, plus toute jeune, la locomotive électrique, la deuxième, la locomotive à moteur à combustion interne, encore en enfance, mais qui parait, sinon en France, du moins dans certains pays étrangers, progresser à pas de géants.


Que reproche-t-on à la locomotive à vapeur? Passons tout d’abord un des détails, elle fume et incommode à la fois les voyageurs et les riverains. Malgré la valeur évidente de ce reproche nous ne nous y attarderons pas, car il est des griefs autrement plus importants.


La locomotive à vapeur dépense plus pour la remorque des trains que ses concurrentes. C’est malheureusement exact et les causes de cette infériorité sont multiples.


Tout d’abord, la locomotive à vapeur utilise moins bien le personnel et ceci s’explique facilement. Par rapport à la locomotive électrique, la plus grande partie du temps passé aux préparations à l’arrivée et au départ est du temps perdu.


Son entretien est plus onéreux et enfin la dépense de charbon pour un même travail est supérieure à la dépense de courant électrique.


On peut alors se demander pourquoi on ne pousse pas plus rapidement l’électrification des chemins de fer. C’est que pourtant la locomotive à vapeur présente à certains points de vue de sérieux avantages.


L’un des premiers est son indépendance. Chaque locomotive est une centrale qui roule, emportant avec elle ses approvisionnements. Son fonctionnement n’est pas comme celui de la locomotive électrique, suspendu à un fil. Si une locomotive s’avarie, on gare le train et on passe, tandis que si le courant manque, tout s’arrête. Il n’est nul besoin de réfléchir beaucoup pour se rendre compte de l’avantage important que présente de ce fait la traction à vapeur sur les lignes qui pourraient en temps de guerre se trouver près du front. L’expérience de la dernière guerre a montré que les locomotives conduites par un personnel d’élite comme il s’en trouve dans les Réseaux, pouvaient assurer les transports même sur des lignes soumises à des bombardements violents, Nous n’oserions dire qu’il en eût été de même avec la traction électrique.


D’un autre côté, si la locomotive électrique est, au point de vue des dépenses courantes, supérieure à la locomotive à vapeur, elle nécessite des installations fixes centrales, sous-stations, lignes de transport et de distribution, extrêmement onéreuses, qui exigent l’investissement de capitaux dont il faut ensuite assurer l’amortissement. Cet amortissement est à retrancher des économies d’exploitation et c’est ce qui fait que la traction électrique n’est en définitive économique que sur les lignes dont le trafic est déjà assez élevé, parce que c’est sur ces lignes seulement que les économies précitées peuvent prendre une grande valeur.


Comment en dehors des cas où la sécurité en temps de guerre doit l’emporter sur toute autre considération, la locomotive à vapeur pourra-t-elle lutter ? Il ne paraît y avoir pour elle qu’un seul moyen réduire ses dépenses d’énergie, autrement dit améliorer son rendement, et l’on se rend compte de la valeur des résultats que l’on pourrait obtenir quand on songe que la dépense annuelle de combustible de l’ensemble des Réseaux français est de l’ordre de 1 300 millions.


Nous avons vu tout à l’heure que l’évolution de la locomotive a été accompagnée d’améliorations : compoundage, surchauffe, réchauffeurs d’eau d’alimentation, productrices d’économie, mais il semble que sur le type actuel il soit difficile de réaliser des progrès considérables. Aussi, voit-on depuis quelques années les chercheurs s’orienter vers d’autres voies et concevoir des locomotives basées sur des principes tout différents de ceux adoptés par Stephenson pour la Fusée.


De ces recherches il est sorti des locomotives assez diverses, parmi lesquelles se trouve peut-être la locomotive de l’avenir, et qui peuvent se classer en deux grandes catégories, les locomotives à turbine et les locomotives à haute pression.


Les locomotives à turbines ne sont pas très nombreuses. Nous n’en connaissons guère que trois modèles : la locomotive suédoise Ljungström, dont une dizaine d’exemplaires sont en service en République Argentine et deux locomotives allemandes. Un quatrième modèle est actuellement en construction en Italie.


L’emploi de la turbine nécessite l’utilisation sur la locomotive d’installations spéciales assez importantes pour condenser la vapeur d’échappement. La spécialité de la locomotive Ljungström est d’avoir un condenseur à air, de sorte que l’eau vaporisée est tout entière récupérée. Un tel engin est surtout intéressant dans certains pays où les points d’eau sont rares.


Mais la turbine à vapeur, pour avoir un bon rendement, doit être utilisée à vitesse et autant que possible à puissance constantes, de sorte que son emploi ne peut être intéressant que sur des machines assurant des trains de long parcours sur des lignes de profil très régulier. Aussi, les locomotives à turbine ne se développent-elles pas. L’utilisation des hautes pressions nous paraît avoir plus d’avenir et on peut aisément s’en rendre compte quand on a pu constater combien une machine se trouvait transformée quand, sans y rien changer, on élevait le timbre de seulement quelques kilogrammes, comme ce fut le cas pour la première Pacific à 12 et 14 kg/cm2.


Mais la chaudière de Seguin ne s’accommode pas des très hautes pressions. On ne paraît pas avoir jusqu’à ce jour dépassé le timbre de 20 à 22 kg/cm2 et les Allemands construisent en ce moment une chaudière normale de 25 kg/cm2 qui doit être le record du genre.


Pour aller au delà, il faut abandonner radicalement les errements suivis jusqu’à présent et adopter la chaudière à tubes d’eau déjà utilisée dans les grandes centrales.


Les locomotives construites sur ce principe ne sont pas encore très nombreuses, mais certaines d’entre elles ont donné, soit aux essais, soit même en service courant, des résultats qui paraissent de bon augure pour l’avenir.


Parmi tous ces nouveaux modèles, nous citerons tout d’abord une machine du Réseau anglais London and North Eastern Railway à 31,5 kg/cm2, qui ne diffère des locomotives normales que par la chaudière.


La Société suisse de Construction de locomotives de Winterthur a construit une locomotive d’essais de faible puissance avec chaudière à 60 kg/cm2, qui présente comme particularités que le moteur est un moteur à grande vitesse à trois cylindres, distribution par soupapes, qui entraîne les essieux moteurs par l’intermédiaire d’un faux essieu et d’engrenages.


La Maison Henschel a établi une locomotive compound dont la chaudière, d’un type tout à fait spécial, se compose en réalité de trois chaudières. L’une à 100 kg/cm2, entièrement close, ne sert qu’à transmettre la chaleur dégagée dans le foyer à une chaudière à 60 kg/cm2 qui alimente les cylindres HP. Une chaudière à 15 kg/cm2 est chauffée par les gaz chauds émanant du foyer et alimente les cylindres BP concurremment avec la vapeur d’échappement des cylindres HP.


C’est sur ce modèle qu’est construite la locomotive 241 B 1 du PLM (Voir Bulletin PLM N° 20 de mars 1932) qui, aux derniers essais, a donné par rapport aux 241 A une économie de combustible de 20%.


Enfin, la maison allemande Schwartzkopff a construit ces années dernières une locomotive munie d’une chaudière Löfller à 120 kg/cm2 mais l’utilisation de telle pression jointe à des surchauffes qui, dans le cas particulier, atteignent 500°, soulève en ce qui concerne la tenue en service des pièces constitutives de la machine, des problèmes extrêmement complexes qui ne paraissent pas encore résolus.


De tout cet exposé que faut-il conclure ? SI l’on en croyait certains esprits, l’ère de la locomotive à vapeur toucherait à sa fin. Nous ne croyons pas qu’il faille être aussi pessimiste.


Sans doute la locomotive à vapeur ne regagnera pas, quels que puissent être ses progrès, le terrain qu’elle a perdu. Les lignes électrifiées le resteront et il n’est pas douteux que leur nombre s’accroîtra dans l’avenir. Mais il ne nous parait pas douteux non plus qu’il restera un bien plus grand nombre de lignes qui demeureront exploitées à la vapeur.


Les progrès que réalise chaque jour la locomotive à vapeur nous sont un sûr garant que sa dernière heure n’a pas encore sonné.


Figure 23, Locomotive à 60 kg/cm2 du PLM, chaudière à tubes d’eau 60 kg/cm2 avec circuit primaire du type Schmidt Henschel et chaudière à 15 kg/cm2 tubulaire. Une locomotive 242 du même type vient d’être construite en Amérique. (poids total avec tender 338 t).