Bulletin PLM N° 23 de septembre 1932: Les gares de triage PLM

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Titre de l’Article

Les gares de triage de notre Réseau par M. Mauris, Inspecteur Général du Mouvement.

Planche et figures de l’article

Article

Tous les lecteurs du Bulletin savent quel rôle important joue le triage dans notre exploitation. Nous avons donc pensé qu’il était intéressant de leur présenter une série d’articles sur la question. Celui que nous publions ici étudie les gares de triage dans leur généralité.


Dans le présent article, nous traiterons successivement du rôle des gares de triage et de leurs dispositions. Les attributions des principales gares de triage de notre Réseau feront l’objet d’un prochain article.


Les gares de triage sont des chantiers de manoeuvres spécialement outillés pour classer les wagons de petite vitesse et permettre de les acheminer le plus rapidement et le plus économiquement possible.


En fait, comme le montre l’exemple suivant, il est souvent difficile de concilier la rapidité et l’économie dans l’exécution des transports.

Méthodes diverses d’acheminement des wagons PV

Supposons que nous ayons à acheminer un wagon de Sens à Villefranche sur Saône. Le moyen de beaucoup le plus rapide consisterait à le remettre à Sens à un des trains directs formés par Villeneuve à destination de Saint Germain au Mont d’Or ou de Miramas qui le laisserait à Villefranche. Il accomplirait ce trajet en moins de dix-huit heures, alors que l’itinéraire pratiquement suivi, qui le fait trier à Laroche, Perrigny et Mâcon, ne permet guère de le transporter en moins de trois ou quatre jours. Mais cette rapidité aurait de graves inconvénients, la gare de Sens devrait engager des dépenses de manoeuvres fort lourdes pour mettre ce wagon en prise avant le passage du train, la gare de Villeneuve devrait, au prix de manoeuvres coûteuses, remettre à ce train un wagon pour Sens, afin d’éviter une perte de charge sur ce parcours; à Sens, le train, c’est-à-dire la machine, le personnel, tous les wagons, toutes les marchandises transportées, stationneraient inutilement pendant tout le temps nécessaire à la manoeuvre, ce qui entraînerait des dépenses fort importantes au bénéfice d’un seul wagon; d’autre part, du fait de l’arrêt de ce train, la capacité de la ligne serait diminuée et des trains suivants seraient peut-être arrêtés ou retardés.


A Villefranche, des inconvénients de même ordre se révéleraient.


Enfin, il est bien évident que si le train, au lieu de manoeuvrer seulement à Sens et à Villefranche, avait pris et laissé des wagons en un certain nombre de gares intermédiaires, la durée de son trajet aurait été accrue et que les dix-huit heures indiquées plus haut auraient été dépassées.


Cet exemple montre qu’on ne peut pas, sans de graves inconvénients, traiter les wagons PV comme s’ils étaient isolés. Il est nécessaire de prévoir pour eux une organisation collective qui permette de manoeuvrer et de transporter ensemble des groupes importants.


Méthodes de lotissement sur notre Réseau

Sur notre Réseau, les wagons sont pris dans la gare où ils ont été chargés, mélangés sans aucun classement avec tous les wagons qui vont dans la même direction et acheminés par un train qui les amène, soit directement, soit après escale dans quelque gare de bifurcation, à la première gare de triage qui se trouve sur leur itinéraire. Là, ils sont triés, c’est-à-dire répartis en « lots » à destination d’autres gares de triage. On s’efforce de faire des lots pour des gares aussi éloignées que possible, en se limitant, en principe, à ceux pour lesquels on a au moins les éléments d’un train complet chaque jour en trafic faible. Ces lots forment des trains complets qui vont de la gare de triage .expéditrice à la gare de triage destinataire sans remaniement, ce qui est économique et rapide, puisque ces trains n’ont pas à s’arrêter pour manoeuvrer en cours de route; il y a ainsi des trains qui vont d’une traite de Villeneuve à Miramas (794 km) ou de Villeneuve à Lunel (801 km).


L’itinéraire type d’un wagon PV consiste donc (figure 1 a) à aller par un train omnibus de la gare de départ à la première gare de triage rencontrée T 1, par un train de lot direct de cette gare T 1 à la gare de triage T 2 la plus rapprochée de sa destination, et enfin, par un train omnibus de la gare T 2 à la gare destinataire. Mais il arrive que la gare T 1 n’ait pas suffisamment d’éléments pour pouvoir former un train complet chaque jour sur T 2 et qu’il faille verser les wagons pour l’au-delà de T 2 dans un lot à destination d’une gare T 3 intermédiaire entre T 1 et T 2. Dans ces conditions (figure 1 b), les wagons vont de T 1 à T. 3 par train direct de lot, sont de nouveau triés à T 3 et expédiés de T 3 à T 2 par un autre train direct. Lorsqu’il existe entre T 1 et T 2 plusieurs gares de triage intermédiaires T 3, T 4, T 5 et que T 1 ne peut former le lot T 2, on peut choisir une quelconque de ces gares pour y trier les wagons allant de T 1 à T 2, pourvu, bien entendu, qu’ils ne subissent qu’un seul triage entre T 1 et T 2.


Évolution des méthodes de lotissement

L’organisation précédente commence à subir une certaine évolution, parce qu’elle conduit, dans certains cas, à un acheminement un peu lent des wagons, qui n’est plus compatible avec les exigences actuelles du commerce et de l’industrie et avec la concurrence automobile.


En effet, lorsqu’il n’existe qu’un train par jour pour l’évacuation d’un lot, ce qui est le cas le plus général en période de faible trafic, un wagon, qui arrive a une gare de triage quelques heures seulement avant le départ du train qui devrait l’emmener, peut très bien ne pas être versé dans ce train, s’il n’est pas trié à temps ou si le train est déjà complet au moment où il est trié. Il ne part donc que par le train du lendemain après un stationnement qui, sans aucune malfaçon, peut atteindre une trentaine d’heures. Pour remédier à cet inconvénient, nous avons, depuis le service d’été actuel, prévu deux trains par jour pour l’acheminement des lots pour lesquels un stationnement prolongé est à éviter. Lomme les tranches qu’on est ainsi conduit à expédier n’ont pas, en général, la valeur d’un train complet, et que, pour la bonne utilisation de la puissance des machines, il est nécessaire de ne mettre en marche que des trains complets, cette innovation a multiplié les trains faits en deux lots, c’est-à-dire les trains qui, au départ de la gare T 1, ont une tranche pour la gare T 3 et une autre pour la gare T 4. Au passage à la gare T 3, ils laissent la tranche qui lui est destinée et en prennent une autre si possible pour la gare T 4, sinon pour une gare au delà de la gare T 4. Les manoeuvres aux trains de passage augmentent ainsi dans les gares de triage, mais l’acheminement des wagons se trouve accéléré.


Egalement dans un but de rapidité, les wagons dits « à itinéraires déterminés » se sont multipliés depuis quelques années. Ce sont des wagons particulièrement pressés, qui sont acheminés par des trains désignés, avec des correspondances obligatoires dans les gares de triage, suivant des horaires excellents, même en leur faisant emprunter sur certains parcours des trains formés en lots de destination tout à fait différente de la leur.


Rôle régulateur des gares de triage

Cette nécessité d’un acheminement plus rapide amènera peut-être une évolution dans le rôle des gares de triage, mais, demain comme hier, les gares de triage resteront les grands régulateurs du mouvement des marchandises sur tout le réseau. De leur bon fonctionnement dépend la marche de toutes les autres gares. Si, par exemple, la gare de Miramas se trouvait dans la gêne, et qu’elle ne puisse plus trier tous les trains que lui envoient les gares de Marseille, elle devrait en faire garer en cours de route. Lorsque tous les garages utilisables seraient occupés, les gares de Marseille seraient dans l’impossibilité d’expédier leurs wagons chargés et elles ne pourraient, faute de place, recevoir les wagons que Miramas aurait pour elles. Ce serait la paralysie des gares de Marseille et, pour les mêmes raisons, de tout le Littoral. On voit, par cet exemple, le rôle primordial que jouent les gares de triage dans le mouvement des marchandises de petite vitesse du Réseau.

Débranchement

Le travail principal d’une gare de triage est le « débranchement », c’est-à-dire l’opération qui consiste à placer chacun des wagons sur la voie où l’on forme le lot dans lequel il sera incorporé.


Dans la plupart de nos gares, on utilise pour ce travail la force de la pesanteur les wagons sont poussés vers une butte appelée « dos d’âne », d’où part une voie en forte pente sur laquelle les wagons prennent l’élan nécessaire pour aller se disperser sur toutes les voies du faisceau; c’est ce qu’on appelle le « triage à la gravité ».

Conditions d’un bon débranchement

Pour que le débranchement s’effectue dans de bonnes conditions, il faut que la hauteur de chute soit assez forte pour que les wagons reçoivent une impulsion leur permettant d’aller franchement au delà des dernières aiguilles, sans quoi i1 y aurait rattrapage de wagons se dirigeant sur des voies différentes.


Il faut, d’autre part, qu’ils n’arrivent pas sur les voies du faisceau avec une vitesse exagérée, qui risquerait d’en rendre l’arrêt difficile et pourrait causer des chocs préjudiciables au matériel ou aux marchandises transportées.


Il faut, enfin, que les wagons qui descendent du dos d’âne restent suffisamment espacés pour qu’il soit possible, sans risque de prise en écharpe, de manoeuvrer les aiguilles utiles entre deux wagons qui se suivent.


Or, les wagons sont loin de rouler d’une manière uniforme. Tous se comportent de façon différente par temps doux ou par temps froid, par vent debout ou vent arrière. Lorsqu’il gèle, surtout lorsque les trains sont débranchés assez longtemps après leur arrivée, l’huile des boîtes d’essieux se fige et le roulement devient très mauvais. Des wagons qui, par temps doux, auraient atteint le milieu du faisceau de triage, s’arrêtent, lorsqu’il gèle, dans la zone des aiguilles, en obstruant un certain nombre de voies et causent de graves perturbations. On peut remédier en partie à ces difficultés en disposant, côte à côte, deux dos d’âne, de hauteurs différentes, dont on se sert suivant les conditions atmosphériques et qui sont appelés « dos d’âne d’hiver » et « dos d’âne d’été ».


Beaucoup plus gênant est le fait que les wagons possèdent, en raison de leur construction ou de leur entretien, ou de la façon dont ils sont graissés, des aptitudes au roulement très différentes. Le vent intervient également pour accentuer les différences de roulement entre les wagons. Il a, en effet, une grosse influence accélératrice ou retardatrice sur un wagon couvert, alors que son action est à peu près nulle sur un wagon plat.


Si l’on utilise une faible hauteur de chute, les wagons qui roulent mal peuvent s’arrêter avant de dégager les dernières aiguilles, ce qui risque d’amener des chocs violents et, en tout cas, oblige à diriger sur des voies où ils ne devraient pas aller les wagons qui ne peuvent plus passer. Si l’on utilise une grande hauteur de chute, les bons rouleurs arrivent sur le faisceau à une vitesse exagérée et il est difficile de les arrêter.


Enfin, par suite des différences de marche des wagons, ceux qui roulent bien ont tendance à rattraper ceux qui roulent mal, ce qui conduit à débrancher lentement pour augmenter l’intervalle entre les wagons successifs et permettre de manoeuvrer les aiguilles dans des conditions satisfaisantes.


On remédie partiellement à ces difficultés en donnant aux buttes une pente courte et très forte, disposition qui, pour une même hauteur de chute totale, tend à uniformiser la marche des divers wagons.

Appareils ralentisseurs

On parvient à supprimer complètement les inconvénients qui viennent d’être signalés en se servant d’appareils qui, placé en divers points du parcours des wons, permettent de ralentir à volonté ceux qui vont trop vite. Grâce a ces appareils, il est possible, d’une part, d’augmenter la hauteur des buttes de façon à imprimer une impulsion suffisante aux wagons qui roulent mal, sans craindre d’accélérer d’une manière exagérée les bons rouleurs, dont on peut régler la vitesse en cours de route et, d’autre part, de maintenir un espacement convenable des wagons, condition essentielle d’un débranchement rapide.


Le plus simple des ralentisseurs est l’appareil déviateur (figure. 2), qui se compose d’un rail coupé en sifflet dont la partie aval est légèrement pliée et prolongée vers l’extérieur. Un sabot ordinaire à main placé sur le rail est entraîné par le wagon jusqu’à la coupure, où il se dégage en suivant le rail dévié. Le wagon continue sa marche après avoir été plus ou moins ralenti, suivant que le sabot a été placé plus ou moins loin.


Nous avons maintenant des appareils déviateurs dans un grand nombre de triages.


Nous avons, en outre, à l’essai, à Saint Germain au Mont d’Or, un appareil beaucoup plus perfectionné qu’on appelle le « rail - frein », composé essentiellement (figure 3) de deux rails mobiles mus par l’air comprimé, qui peuvent serrer fortement entre eux les bandages des roues des wagons. L’agent qui les manoeuvre peut faire varier la pression exercée et ralentir plus ou moins, ou laisser passer librement les wagons qui se présentent.


Les rails - freins sont des appareils d’autant plus intéressants qu’ils permettent de diminuer le nombre des enrayeurs chargés d’arrêter les wagons au moyen de sabots. Leur manoeuvre est en effet si précise qu’elle permet de ramener la vitesse des wagons à la sortie de l’appareil à celle qui est nécessaire pour qu’ils aillent s’arrêter à proximité ou doucement au contact de ceux qui sont déjà sur la voie.

Divers faisceaux d’une gare de triage

Une gare de triage comporte essentiellement un faisceau de triage, sur lequel sont répartis les wagons après débranchement, et un faisceau de réception. Le plus souvent, les deux faisceaux se trouvent dans le prolongement l’un de l’autre, de telle sorte qu’il n’y ait qu’à pousser les trains situés sur le faisceau de réception, pour les débrancher. On économise ainsi la manoeuvre qui est nécessaire pour conduire les trains sur le tiroir de débranchement.


La plupart de nos faisceaux de triage sont disposés de telle sorte qu’on puisse manoeuvrer à chacune de leurs extrémités. Il arrive que, sur chaque tête, on fasse alternativement du triage et de la formation; mais il est avantageux de séparer les deux opérations et de spécialiser une des têtes au triage et l’autre à la formation. Cette disposition est économique parce que les deux opérations ne réclament ni la même quantité de personnel, ni le même outillage.


Les trains les plus longs à former sont les trains omnibus, puisque les wagons qui doivent entrer dans leur composition se trouvent mélangés dans un ordre quelconque sur la voie du faisceau qui leur est affectée, qu’il faut les trier à nouveau en envoyant sur la même voie ceux destinés à la même gare et les reprendre ensuite pour les classer dans l’ordre où les gares seront rencontrées. Aussi, dans les gares qui doivent expédier plusieurs de ces trains, il peut être nécessaire, pour ne pas entraver les manoeuvres qui se font sur le faisceau de triage, de leur affecter un faisceau spécial que l’on appelle faisceau de formation des trains omnibus. (Nous en trouvons ainsi à Villeneuve et à Badan.)


Ce faisceau est muni d’un tiroir et d’une butte de triage, placés dans le voisinage du faisceau de triage. Les wagons qui doivent entrer dans la composition des trains omnibus sont pris à la machine sur les voies du faisceau de triage qui leur sont affectées et ils sont conduits sur le faisceau omnibus pour y être débranchés et classés, opérations qui peuvent alors s’effectuer sans entraver les manoeuvres de formation des trains directs.

Faisceau de formation et d’attente

Lorsqu’une voie affectée à un lot déterminé est pleine, si on ne la dégage pas en expédiant immédiatement un train formé des wagons qu’elle contient, ce qui, pour de multiples raisons, est en général impossible, on est obligé de mettre sur une autre voie les wagons de ce lot que l’on trouve au cours du débranchement. Parfois, deux voies sont affectées au même lot, ce qui résout la difficulté. Mais, le plus souvent, il n’y a qu’une voie par lot et force est de mettre ces wagons sur une voie destinée à un autre lot où ils sont gênants et où il faut se hâter de les reprendre pour les placer sur leur bonne voie dès qu’elle est libérée. Pour remédier à ces inconvénients, on a muni certaines gares de voies de départ, sur lesquelles on place les trains dès qu’ils sont formés et où ils peuvent attendre l’heure de leur expédition sans rien gêner, tout en libérant immédiatement la voie du faisceau qui est affectée à leur lot. Ces faisceaux d’attente ou de départ peuvent se trouver, soit dans le prolongement, soit à côté du faisceau de triage. Leur établissement présente également l’avantage de permettre le départ de certains trains sans arrêter le débranchement, ce qui ne serait pas possible, en leur absence, comme on s en rend compte d’après les croquis pour les trains partant sur A (disposition de Perrigny - Noue ou de Miramas pour les trains partant sur Arles). Cette facilité est importante en raison de l’intérêt qui s’attache à supprimer tous les mouvements qui entravent le débranchement.

Gares à plusieurs groupes de faisceaux

Lorsque, dans une gare, on rencontre deux courants de trafic nettement distincts (nord - sud ou sud - nord par exemple), il existe, en général, deux groupes de faisceaux correspondant à chacun des courants qui fonctionnent indépendamment l’un de l’autre. Ils peuvent être, suivant les dispositions du terrain, soit accolés (Miramas), soit séparés seulement par les voies principales (Portes - voies principales marchandises), soit placés d’une façon quelconque l’un par rapport à l’autre (Perrigny). A Villeneuve, il y a même quatre faisceaux, deux de sens impair, deux de sens pair, plus un faisceau impair de formation de trains omnibus.


Au contraire, lorsqu’une gare de triage se trouve au centre d’une étoile de lignes avec des courants de trafic s’entrecroisant dans tous les sens, il y a intérêt à n’y constituer qu’un seul chantier de triage, outillé pour le débit qu’il doit assurer et complété par des chantiers auxiliaires (omnibus, formations, attente) en nombre suffisant (Badan).


Beaucoup de gares de triage doivent garer pendant un certain temps des trains de passage qui s’y arrêtent pour changer de machines ou pour toute autre cause. Des faisceaux spéciaux peuvent être prévus pour les recevoir (faisceaux d’escale), ces faisceaux présentent, suivant les circonstances, des dispositions très variées et sont, soit indépendants des autres faisceaux (Ambérieu raccordement), soit étroitement reliés à eux lorsque des échanges de wagons doivent s’effectuer entre la gare et les trains de passage (Saint Germain au Mont d’Or).

(A suivre.)