Bulletin PLM N° 24 de septembre 1932: Les chemins de fer au service des relations internationales

De WikiPLM
Aller à : navigation, rechercher

Titre de l’Article

Les chemins de fer au service des relations internationales par M. E. Holzer, Inspecteur Divisionnaire A la Direction.

Article

De par leur spécialisation, beaucoup d’agents ne possèdent qu’une connaissance partielle des dispositions qui règlent les rapports des Administrations ferroviaires en matière de trafic international. Le présent article se propose de leur fournir une utile vue d’ensemble sur cette importante question.

Complexité des transports internationaux

Un transport international sans transbordement en cours de route est une opération complexe, comme le montre l’analyse des conditions requises.


  • Deux conditions sont nécessaires et suffisantes pour que les transports internationaux puissent s’effectuer sans transbordement en cours de route, à savoir :
    • Il faut que l’acheminement du véhicule, voiture ou wagon, soit techniquement possible, ce qui suppose, entre tous les Réseaux intéressés, un accord donnant la certitude que le véhicule pourra circuler sans danger sur toutes les parties de voie à emprunter et pourra, également sans danger, être incorporé dans les trains de chaque Administration de transit ou de destination.
    • Il faut que le Réseau qui envoie son véhicule à l’étranger ait la certitude de le voir rentrer et d’être indemnisé pendant la période au cours de laquelle il en sera privé.


La première de ces deux conditions est remplie grâce à l’Unité Technique des chemins de fer.

  • La seconde est remplie :
    • Pour les wagons par un « Règlement pour l’emploi réciproque des wagons en trafic international » RIV,
    • Pour les voitures et fourgons par un « Règlement pour l’utilisation réciproque des véhicules en trafic international » RIC.

L’Unité Technique

Dès l’origine des chemins de fer, l’écartement de la voie a été, à peu près partout en Europe, fixé à 1,44 m, sur les lignes d’intérêt général (L’écartement est de 1,52 m en Russie et de 1,67 m en Espagne).


Cette communauté de vues a grandement facilité les travaux entrepris ensuite pour fixer les conditions à remplir par les voies et ouvrages d’art pour recevoir tous les véhicules et par les véhicules eux-mêmes pour la circulation en dehors de leur pays.


La première conférence en vue de l’établissement de l’Unité Technique s’est réunie à Berne en octobre 1882, sur l’initiative du Gouvernement fédéral suisse. La position géographique de ce pays, qui le conduit à être essentiellement un lieu de transit, explique cette initiative.


Plusieurs autres réunions ont eu lieu depuis et, à l’heure actuelle, la rédaction qui est en vigueur date de 1913.


L’Unité Technique n’est pas un accord entre les divers Réseaux de chemins de fer, mais une entente internationale entre les Gouvernements. Elle a, par conséquent, un caractère diplomatique.


  • Reproduire ses conditions dépasserait le cadre de ce résumé. Rappelons seulement ses objets principaux :
    • Conditions d’établissement de la voie (largeur).
    • Conditions de construction du matériel roulant
      • Ecartement des essieux,
      • Largeur et épaisseur des bandages,
      • Ecartement extérieur et hauteur des boudins,
      • Hauteur, écartement et diamètre des tampons,
      • Espaces libres aux extrémités des véhicules,
      • Dimensions du profil transversal, etc.
    • Conditions d’entretien du matériel roulant et défectuosités permettant le refus aux points de transit.
    • Conditions de chargement des wagons.

Le RIV et le RIC

  • Pour réaliser la seconde condition indiquée au début, les principaux Chemins de fer d’Europe, et non les Gouvernements comme dans le cas de l’Unité Technique, se sont associes en deux Unions :
    • L’Union Internationale des wagons, qui a établi le RIV,
    • L’Union pour l’Utilisation des voitures et fourgons en Trafic international, qui a établi le RIC.


Le RIV comprend une partie technique et une partie commerciale.


La partie technique reproduit les dispositions arrêtées entre Gouvernements dans l’Unité Technique. Toutefois, le RIV est plus détaillé, l’Unité Technique étant limitée aux conditions indispensables pour assurer avec sécurité le trafic international. C’est ainsi qu’elle ne prévoit pas dans tous leurs détails, comme le RIV, les règles à suivre pour le chargement des wagons.


C’est la partie commerciale du RIV qui réalise pour les wagons la seconde condition nécessaire au trafic international sans transbordement.


La certitude de voir rentrer un wagon est donnée par les dispositions suivantes :

  • Lorsque le déchargement a été effectué, les wagons étrangers doivent être sans délai renvoyés, autant que possible chargés. L’ordre de préférence à observer entre les chargements possibles est le suivant :
    • Chargement pour des gares du Chemin de fer propriétaire,
    • Chargement pour d’autres gares, pourvu qu’une section de ligne du Réseau propriétaire soit parcourue ou que le transport rapproche le wagon de son Réseau.


Un wagon non restitué dans un délai de six mois fait l’objet de recherches spéciales et si, au bout de dix-huit mois, il n’est pas retrouvé, l’Administration tenue à restitution, c’est-à-dire celle qui en a perdu la trace, en paye la valeur à l’Administration propriétaire.


La certitude pour un réseau d’être indemnisé pendant le temps où il est privé d’un wagon est garantie par des dispositions qui fixent une redevance de location calculée par journée. La redevance est établie en francs - or, de façon à éviter les difficultés provenant des variations dans la valeur des monnaies nationales. Relativement faible pour les premiers jours, la redevance augmente progressivement pour atteindre, à partir du seizième jour, un maximum assez élevé.


Le RIC résout, pour les voitures et fourgons, un problème analogue, mais avec des données différentes. En effet, pour les wagons, il n’existe pas, sauf circonstances tout à fait spéciales, d’itinéraires déterminés une fois pour toutes. Tel wagon, chargé à Bruxelles pour Rome, reviendra jusqu’à Bâle, de Bâle à Namur d’où il repartira peut-être pour Berlin. Pour les voitures et fourgons au contraire, les véhicules suivent des itinéraires concertés entre Réseaux. Et le principe fondamental du RIC réside en ceci qu’une Administration qui, pendant un certain temps, a reçu, pour être incorporées dans ses trains, des voitures appartenant à une Administration étrangère doit ensuite faire circuler, sur les lignes de cette dernière, ses propres voitures jusqu’à ce que soit réalisé l’équilibre des parcours. Il s’établit ainsi, entre les Réseaux, des comptes dont les débits et les crédits sont exprimés en essieux/kilomètres. C’est le principe de la compensation des parcours.


Le RIC est le résultat d’une initiative italienne et ces trois initiales sont l’abréviation de la dénomination italienne Regolamento Internazionale Carrozze (voitures).


De même que le RIV, le RIC prévoit des indemnités, en francs – or, à la charge des Administrations qui ne restituent pas les voitures ou fourgons dans les délais prévus par les roulements concertés.


Le fait que les itinéraires des voitures et fourgons du trafic international sont concertés entre Administrations suppose la réalisation d’ententes. Ces ententes sont réalisées chaque année au cours de la Conférence Européenne des Voitures directes, qui siège en octobre, avec mission d’établir le tableau européen des voitures directes, fréquemment désigné sous l’abréviation EWP qui se rapporte aux mots allemands correspondants Europäischer Wagenbeistellungs Plan.

Conférence Européenne des Horaires des trains de voyageurs

En même temps que la Conférence Européenne des Voitures directes, se tient chaque année une Conférence Européenne des Horaires, chargée de régler les questions générales relatives au service international des trains de voyageurs, de fixer les correspondances internationales par chemins de fer, par voies d’eau et par air selon les besoins du service des voyageurs et de s’efforcer d’obtenir des allégements concernant le service de la douane et le contrôle des passeports aux gares frontières.

Conférence Européenne des Horaires des trains de marchandises

Depuis quelques années, il existe également une Conférence Internationale des Horaires des trains de marchandises dont le but principal est d’organiser les correspondances internationales utiles au trafic des marchandises.


Cette Conférence était à l’origine limitée aux Réseaux de l’Europe Centrale, qui, par ce moyen, cherchaient à atténuer, dans le domaine des transports de marchandises, les conséquences de l’établissement de frontières politiques entre les divers pays de l’ancien Empire austro-hongrois.


Peu à peu, la plupart des pays d’Europe ont adhéré à la nouvelle Conférence, qui siège deux fois par an, dont l’importance est d’autant plus grande que la tendance actuelle du commerce et de l’industrie est d’obtenir des services aussi rapides que possible.

Nécessité d’accords internationaux réglant les rapports entre les Réseaux et le public

Les accords énumérés ci-dessus, Unité Technique, RIV et RIC, établissent entre les Réseaux des divers pays des rapports qui permettent l’acheminement des voitures et wagons à travers les frontières. Mais, pour que le trafic puisse atteindre un développement satisfaisant, il faut également que s’établissent, notamment pour les marchandises, des liens de droit entre les Réseaux et le public.


Dans l’intérieur de la France, les obligations des Réseaux à l’égard du public sont basées sur le Code de commerce, sur diverses prescriptions législatives et sur les conditions d’application des tarifs approuvées par le Ministre des Travaux publics. Ces textes, en vigueur sur l’ensemble du territoire, constituent le droit et, en raison de leur portée générale, ils facilitent les transactions commerciales.


Chaque pays possède, comme la France, son droit intérieur, mais les diverses réglementations offrent entre elles des différences parfois considérables. Ces différences sont de nature à gêner le trafic international, qui n’a pu atteindre son plein développement que grâce à l’établissement d’un droit international unifié, réalisé par accord entre les Gouvernements des principaux pays d’Europe.


La CIM et la CIV

L’accord est réalisé depuis longtemps pour les transports de marchandises, puisque la première Convention internationale concernant le transport des marchandises (CIM), souvent appelée Convention de Berne, a été mise en vigueur en 1890. Elle a été remplacée en 1924 par une nouvelle Convention qui est encore en vigueur actuellement.


Le transport international des voyageurs et des bagages fait l’objet d’une Convention internationale (CIV) depuis 1924.


La CIM a pour but essentiel de fixer les obligations des chemins de fer, l’étendue de leur responsabilité et les droits des expéditeurs et des destinataires. Son analyse détaillée entraînerait trop loin. Signalons seulement un des points les plus intéressants pour le public : lorsqu’un transport international a transité à travers un nombre quelconque de pays, si une avarie ou une perte s’est produite en cours de route, le destinataire peut traiter l’affaire contentieuse qui en résulte avec le Réseau destinataire et éventuellement devant les tribunaux de son pays, sans avoir à plaider devant la justice du pays sur le territoire duquel l’avarie ou la perte s’est produite.

Règlements financiers entre Réseaux de pays différents

Par le jeu de divers accords internationaux, les Réseaux d’Europe sont constamment créanciers et débiteurs les uns à l’égard des autres. Afin de simplifier les liquidations de comptes, les dettes et les créances sont centralisées dans un Bureau Central de Compensation (BCC) géré à Bruxelles par la Société Nationale des Chemins de fer belges.

Le Bureau Central de Compensation

Le rôle de ce Bureau sera mis en évidence par un exemple : supposons que les Chemins de fer suisses doivent au PLM une somme de 100 000 francs, que ce dernier ait lui-même une dette de 70 000 francs à l’égard des Chemins de fer italiens et qu’enfin les Chemins italiens aient à payer 100 000 francs aux suisses. En l’absence de tout bureau de compensation, la liquidation des trois opérations comportera trois envois de fonds ou de chèques, alors qu’une seule opération aurait suffi, à savoir envoi de 30 000 francs des Italiens au PLM. Le rôle du BCC est précisément de rapprocher tous les débits et crédits et de liquider les soldes en réduisant les opérations à leur plus simple expression.


Le BCC a été créé, après la guerre, grâce à l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC) dont nous allons dire quelques mots pour terminer.

L’Union Internationale des Chemins de fer

L’UIC a été constituée à Paris le 1er décembre 1922 sur l’initiative des Chemins de fer français, comme suite à un voeu émis dans ce sens par la Conférence diplomatique internationale tenue à Gênes au printemps de la même année.


Le programme de l’UIC est très général. Il a pour objet l’unification et l’amélioration des conditions d’établissement et d’exploitation des chemins de fer, en vue du trafic international.


Tous les grands Réseaux d’Europe, de l’Afrique du Nord et d’une partie de l’Asie en font partie.


L’Union a son siège à Paris et la présidence de son Comité de Gérance est actuellement confiée à la France.


  • Etant donnée l’ampleur du programme de l’UIC, les études sont réparties en cinq Commissions :
    • Commission du trafic - voyageurs,
    • Commission du trafic - marchandises,
    • Commission d’échange du matériel roulant,
    • Commission des décomptes et changes. C’est cette Commission qui a mis sur pied l’organisation du BCC.
    • Commission des questions techniques. Cette Commission étudie notamment les importants problèmes posés par la traction électrique ainsi que les modifications à proposer à l’Unité Technique.

Conclusion

L’analyse sommaire que nous venons de faire des principaux accords internationaux montre que les transports internationaux constituent bien, comme nous le disions au début, des opérations complexes. Elle montre aussi que les Réseaux de chemins de fer de l’Europe n’ont pas failli à leur mission et qu’ils ont su établir et maintenir entre eux des liens de collaboration étroite.