Bulletin PLM N° 24 de septembre 1932: Les nouveaux Ateliers d’Alger

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Titre de l’Article

Les nouveaux Ateliers d’Alger par M. Lavignon, Ingénieur adjoint du Matériel à Alger.

Planche et figures de l’article

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Nous voudrions montrer en quelques lignes comment 1e Réseau Algérien de la Compagnie PLM a réorganisé et modernisé ses Ateliers de réparations de locomotives à Alger. Nos camarades métropolitains pourront voir ainsi que nous sommes bien équipés et que l’organisation du travail est bien moderne. Les Ateliers d’Alger sont maintenant dignes de leurs frères aînés d’Oullins ou d’Arles.

Les anciens ateliers d’Alger

En 1863, il existait déjà un tout petit atelier de réparation de locomotives à Alger, mais à cette époque, le Réseau Algérien n’avait à entretenir que quelques locomotives. La mise en service de locomotives de plus en plus puissantes a nécessité l’agrandissement progressif des installations de 1863. Mais dès 1926, il n’était plus possible de vivre et de travailler convenablement dans cet atelier fait de coins et de recoins et qui était incapable de recevoir en réparation les dernières locomotives 230 C et 140 C. La porte d’entrée des Ateliers était elle-même trop petite pour ces machines que l’on devait démonter dehors et entrer ensuite morceau par morceau. Les Ateliers du Réseau Algérien étaient alors bien en retard sur ceux du Réseau Métropolitain.

Réorganisation de 1928 à 1932

Sous la direction de M. Ducluzeau, Ingénieur en Chef, la réorganisation de tous les ateliers du Réseau Algérien commença en 1928 et, en quatre années seulement, ce travail fort important fut mené à bien.


L’atelier de réparation des voitures d Alger fut transféré à Sidi-Bel-Abbès, où un atelier unique pour voitures et wagons fut construit de façon toute moderne. Sur les emplacements rendus libres à Alger, s’édifia rapidement le nouvel atelier pour locomotives et tenders.


Le nouvel atelier de machines d’Alger a été construit en deux étapes : la première en 1929-1930 pour l’installation d’un bâtiment « Montage-Chaudronnerie », la deuxième en 1931-1932 pour l’installation d’un autre groupe de bâtiments (Ajustage, Tours, Machines-Outils, Forges, Ressorts, Roues, Fonderie). Le transfert de l’outillage et du personnel des anciens aux nouveaux ateliers s’effectua sans perturbations sensibles dans la production.

Les bâtiments des nouveaux ateliers d’Alger

Les Ateliers d’Alger sont situés au quartier du Hamma, tout près du réputé et magnifique Jardin d’Essai, entre la route d’Alger à Constantine d’une part, et le rivage de la Méditerranée d’autre part.


Les bâtiments en béton armé sont composés de nefs parallèles entre elles, de 15 ou 20 m de largeur et de direction générale perpendiculaire au rivage de la mer. L’extrémité des bâtiments est actuellement à moins de 100 m de la plage et, en vue d’un agrandissement possible des ateliers, toutes les poutres des bâtiments actuels sont terminées par des amorces qui semblent être de grands bras tendus vers la France.


Le groupe de bâtiments « Montage-Chaudronnerie » comprend deux grandes nefs accolées, communiquant librement entre elles, de 20 m de largeur chacune et de 58,50 m de longueur et deux petites nefs latérales de même longueur, mais ayant 10 m et 5 m de largeur. Ces bâtiments seront prolongés prochainement et leur longueur totale portée à 110,50 m.


Le groupe de bâtiments « Ajustage, Machines-Outils, Tours, Forges, Fonderie » comprend quatre nefs accolées, communiquant librement entre elles, de 15 m de largeur chacune. Trois nefs ont 65 m de longueur, la quatrième est longue de 110,50 m. Un bâtiment secondaire, adossé à une des extrémités des trois premières nefs, abrite le local du potassage et l’atelier de réparation de l’outillage. Il a 40 m de longueur et 13 m de largeur.


La hauteur sous entrait est de 12,50 m pour les deux nefs Montage, Chaudronnerie, de 8 m pour les trois nefs Ajustage, Machines-Outils et Tours et de 11,50 m pour la nef Forges-Fonderie.


L’éclairage de jour et l’aération sont largement assurés par sheds vitrés avec châssis mobiles, orientés vers le nord-est et par des châssis vitrés à éléments mobiles disposés sur les faces des bâtiments. Un excellent éclairage de nuit est obtenu par des lampes de 1 000 bougies ou de 400 bougies disposées sous les poutres inférieures des sheds.

Les moyens de production

Les nouveaux Ateliers d’Alger sont équipés avec des machines-outils neuves, à grand rendement et d’une diversité largement suffisante pour assurer dans d’excellentes conditions la réparation générale des locomotives. Ne pouvant pas compter sur l’industrie privée, peu importante à ce jour en Algérie, les Ateliers d’Alger cherchent à se suffire à eux-mêmes pour la confection de toutes les pièces de machines. Leur outillage a donc été particulièrement soigné et les tout derniers perfectionnements dans les méthodes de travail y sont appliqués : *soudure oxyacétylénique des foyers en cuivre,

  • soudure électrique à l’arc (pour les chaudières, les cylindres et les châssis),
  • soudure par résistance (pour les tubes à fumée),
  • soudure par points (pour les tôles minces),
  • marteaux-pilons électriques auto-compresseurs,
  • fours de forge et de fonderie au mazout,
  • machines à rectifier pour tous travaux (surfaces planes, coulisses de distribution, axes, bagues, fusées d’essieux montés, boutons de manivelles et d’accouplement montés sur les essieux),
  • portique pour perçage, taraudage et mise en place des entretoises avec des machines électriques,
  • sablerie automatique, tonneau de dessablage et table tournante à jets de sable pour l’ébarbage des pièces de fonderie,
  • tours à rafraîchir les bandages à grand rendement, etc.


Toutes les machines-outils sont équipées avec moteurs électriques individuels. Le nombre des moteurs est de deux cent soixante. Leur puissance totale atteint le chiffre de 2 650 cv, soit près de 7 cv par agent ouvrier. Malgré le nombre important de ces petits moteurs, le facteur de puissance est maintenu très voisin de l’unité pour l’ensemble de l’atelier grâce à des condensateurs statiques et à un compensateur à réglage automatique.


La vapeur pour les marteaux-pilons, le potassage et les essais des appareils divers, est fournie par une chaudière fixe aquatubulaire timbrée à 20 kg/cm2, avec grille mécanique, chauffage au charbon ou au mazout.

Les moyens de manutention

Tous les engins de levage sont des ponts transbordeurs électriques disposés à raison de deux ponts pour chacune des six nefs principales, soit au total douze ponts dont la puissance varie de 3 t à 70 t.


Les quatre ponts du montage et de la chaudronnerie sont alimentés en courant continu qui permet l’emploi de toute une série de vitesses sur une échelle étendue. C’est ainsi que pour les crochets de 35 t, il existe huit vitesses de descente comprises entre 0,25 m et 2 m à la minute. Le courant continu est obtenu par un redresseur de courant à vapeur de mercure.


La circulation des pièces à réparer à l’intérieur de l’atelier est réalisée à l’aide d’engins nombreux, rapides et souples :

  • un chariot transbordeur de 80 t entre les deux groupes de bâtiments,
  • 2 palans aériens monorails de 5 t et de 1,5 t de puissance (vitesses 40 m et 200 m à la minute) reliant, le Montage au Potassage et à l’Ajustage,
  • 3 chariots passe-partout à accumulateurs électriques, avec plate-forme élévatrice (force 2 000 kg, vitesse 6 à 8 km à l’heure),
  • une grue passe-partout de 1 000 kg à accumulateurs électriques,
  • un chariot électrique sur voie ferrée normale, force 3 t,
  • 1 chariot passe-partout, à moteur à essence, force 2 t,
  • chariots divers à main, passe-partout ou sur voie ferrée.

L’organisation du travail

Depuis 1925, le programme de travail des Ateliers d’Alger est basé sur le principe de la réparation générale périodique et complète des locomotives du Réseau. Une locomotive sortant de réparation générale ne doit pas revenir aux ateliers avant huit ou dix ans suivant le type, sauf accident bien entendu. Il appartient aux Dépôts de maintenir leurs machines en bon état pendant ces huit ou dix années. La réparation générale d’une locomotive est poussée au maximum possible de perfection, toutes les pièces de châssis et de mécanisme sont remises au dessin et, en pratique, la chaudière est refaite complètement à neuf. Cette façon de procéder est absolument nécessaire au Réseau algérien où les éléments de chaudière périssent très rapidement par suite de la mauvaise qualité des eaux d’alimentation.


La moitié environ de l’effectif des Ateliers d’Alger travaille pour les réparations générales de locomotives, l’autre moitié effectue divers travaux tels que :

  • confection de pièces neuves pour les magasins,
  • réparation des pièces de parc pour les Dépôts,
  • entretien des locotracteurs et des draisines,
  • confection et entretien de l’outillage de tous les Etablissements du Service Matériel et Traction (les outils de tous les tours et machines-outils du Réseau sont unifiés et échangés aux Ateliers d’Alger).


Toutes les pièces d’une locomotive à réparer sont visitées par des agents techniques spécialisés appartenant à un bureau des Temps. Tous les bons de travaux, tous les bons de commande de matières au Magasin, tous les devis sont établis par des employés de ce bureau des Temps.


Après visite, les pièces et les bons de travaux sont classés au bureau de mise en mains, situé en plein centre de l’atelier. Cet organisme règle et surveille la circulation des pièces à l’intérieur de l’atelier d’après les indications de graphiques de mise en mains établis d’avance. Un seul tableau, pour chaque locomotive, porte les graphiques donnant pour toutes les pièces de la machine l’ordre de circulation dans les diverses sections d’atelier. Après chaque opération d’usinage, toute pièce est vérifiée sur le marbre au bureau central de mise en mains et elle est tracée pour l’opération suivante. Les pièces usinées sont rassemblées par groupes homogènes par le bureau de mise en mains et envoyées à la section d’Ajustage, puis au Montage.


Les avantages de cette méthode de travail sont nombreux :

  • le personnel d’exécution est complètement déchargé de tous travaux d’écritures pour les bulletins de travaux et les bons de matières,
  • à tout moment, par l’examen des graphiques de mise en mains, on peut savoir où se trouve dans l’atelier une pièce quelconque en cours de réparation et on peut se rendre compte immédiatement de tout retard anormal,
  • à tout moment, on peut déterminer l’importance des travaux non encore mis en mains et cela pour toute opération d’usinage (forge, rabotage, tournage, etc.),
  • tous les renseignements concernant la réparation d’une locomotive sont groupés sur un document unique, le procès-verbal de visite de l’agent technique du bureau des Temps,
  • observation rigoureuse des limites d’usure et des règles fixant le rebut des pièces,
  • ordre dans l’atelier, il n’y a jamais plus de deux ou trois jours de travail dans chaque section d’atelier,
  • amélioration du rendement de l’atelier avec fatigue moindre pour le personnel.


Le personnel travaille à la prime de rendement comme au Réseau métropolitain.

Conclusion

Nos collègues de la Métropole peuvent venir nous rendre visite maintenant, à Alger pour les locomotives, à Sidi-Bel-Abbès pour les voitures et wagons. Nous pourrons leur montrer, en pleine activité, des ateliers modernes, bien éclairés, bien aérés, outillés de façon remarquable et où les règles les plus récentes de l’organisation du travail sont en vigueur.

Le personnel apprécie à leur juste valeur les installations nouvelles. Il peut travailler mieux, avec moins d’efforts et dans des conditions d’hygiène excellentes.