Bulletin PLM n°11 de septembre 1930: Le laboratoire de chimie de la Compagnie

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Titre

Le laboratoire de chimie de la Compagnie, par M. R. Petit, Sous chef du Laboratoire.

Planche et figures de l’article

Article

Nous nous proposons de donner aux lecteurs du Bulletin PLM quelques renseignements sur le rôle du Laboratoire et sur la nature des travaux que l’on y exécute.


On peut en effet se demander ce que vient faire un laboratoire de chimie au milieu des services d’une Compagnie de chemins de fer et s’étonner d’entendre dire que le Laboratoire est, à la fois, un organisme de contrôle et d’études, dont les travaux sont extrêmement variés et liés à l’exploitation générale du Réseau.


  • L’activité du Laboratoire s’étend aux quatre groupes suivants d’opérations que nous allons rapidement passer en revue :
    • Les analyses de vérification ou de contrôle qui portent sur des produits dont on connaît à priori la composition approximative et les propriétés,
    • Les analyses de recherche qui concernent les produits sur lesquels on ne possède en général aucune indication dont il soit possible de tirer parti,
    • Les fabrications;
    • Les études.


Pour exécuter ces travaux, on dispose, dans une enclave du dépôt de Paris, d’un bâtiment qui se compose de trois laboratoires (deux au rez-de-chaussée, un au premier étage) et d’une salle de fabrication. L’appareil à électrolyses, les balances et, en général, tous les instruments de précision se trouvent dans des locaux spéciaux à l’abri des vapeurs acides.

Analyses de vérification ou de contrôle

Le Laboratoire examine tous les produits de consommation courante achetés par la Division des Magasins, afin de voir si ces produits remplissent les conditions imposées par les cahiers des charges. Citons en particulier : les savons, les huiles de graissage, les verres de regard, les tubes de niveau, les peintures, les étoffes, etc. Le Laboratoire examine également tous les matériaux qui intéressent le Service du contrôle des travaux extérieurs et qui doivent avoir des compositions déterminées; par exemple : les fers, les fontes, les aciers ordinaires, les aciers spéciaux, les bronzes, les alliages antifriction, les caoutchoucs, etc. Le nombre des analyses de vérification est considérable :

  • C’est ainsi qu’en 1929 le Laboratoire a analysé :
    • 1 953 échantillons de fontes ou d’acier,
    • 452 échantillons de bronzes,
    • 235 échantillons d’alliages de toute nature,
    • 719 échantillons d’huiles ou d’essences,
    • 336 échantillons d’étoffes,
    • 126 échantillons de savons,
    • 178 échantillons de carbures,
    • 553 échantillons de produits chimiques divers.


C’est d’ailleurs là une conséquence directe de l’importance des marchés conclus par la Compagnie ainsi que des besoins de l’entretien d’un énorme matériel. Il a donc été nécessaire d’établir ou de mettre au point des méthodes d’analyse simples, sûres et rapides, fréquemment contrôlées pour éviter que des causes d’erreur accidentelles ne viennent fausser les résultats.


On objecte parfois que l’utilité de ces vérifications est assez contestable, car il est relativement rare d’observer des manquements aux spécifications des cahiers des charges. Mais ce résultat n’est-il pas dû précisément pour une bonne part à ce que l’existence même d’un service chimique de contrôle incite certains fournisseurs à respecter scrupuleusement les conditions qui leur sont imposées ?

Analyses de recherche

Dans cette catégorie entrent d’abord toutes les analyses demandées par le Service de l’Exploitation qui veut être renseigné sur la composition chimique de certaines marchandises pour lesquelles se présentent des difficultés ou des litiges dans l’application des tarifs de transport (minerais de fer, de chrome, d’arsenic de zirconium, etc., colles gélatines, engrais simples composés, désherbants, textiles, etc.). Le Laboratoire examine les échantillons qui ont été prélevés par les inspecteurs commerciaux. Les résultats obtenus permettent alors au Service de l’Exploitation de prendre des décisions en toute connaissance de cause.


Ces sortes d’analyses son en général très délicates, elles constituent de véritables expertises et nécessitent au préalable d’assez nombreuse recherches bibliographiques Dans la même catégorie se trouvent les analyses des produits spéciaux proposés à la Division des Magasins (insecticides encaustiques, désinfectants, liquides à brillanter ou à polir, décapants pour boiseries de voiture, etc.), ainsi que les analyses des eaux destinée soit à la consommation, soit à l’alimentation de machines.

Fabrications

Le Laboratoire fabrique, pour le compte de la Division des Magasins ou du Service de la Voie, un certain nombre de produits spéciaux comme l’encre indélébile à marquer le linge, la cire à parquet, le savon spécial pour moquette, l’enduit isolant au bitume, l’amalgame mercure étain sodium, etc.


Quelques-uns de ces produits (par exemple l’amalgame mercure étain sodium destiné à l’éclissage électrique du troisième rail de la ligne Culoz Modane) ne peuvent se trouver dans le commerce parce qu’ils s’altèrent assez rapidement. On doit les utiliser aussitôt après leur fabrication.


Études

Il n’est guère possible d’indiquer en quelques lignes la nature et l’importance de tous les problèmes qui sont l’objet des études du Laboratoire. Nous allons essayer d’en donner une idée en nous aidant de cas particuliers.


L’éclairage des trains est assuré notamment par le fonctionnement d’accumulateurs fer - nickel, dans la composition desquels entre une solution aqueuse de potasse caustique. A la longue, ces solutions s’altèrent en se carbonatant et il arrive un moment où elles deviennent inutilisables. Il faut les remplacer. On peut évidemment employer des solutions de potasse neuves, mais ce moyen est coûteux et il est préférable de régénérer les solutions usagées. Le Laboratoire, après une étude complète de la question, a mis au point un procédé économique de régénération. Ce procédé, mis sur pied industriellement par le Service du Matériel, est employé aujourd’hui aux ateliers de Villeneuve.


Le personnel chargé de l’entretien des voies constate assez souvent la présence d’avaries anormales sur des rails, qui doivent être immédiatement retirés du service. Le Laboratoire, en collaboration avec M. l’Ingénieur en chef honoraire Merklen, du Réseau d’Alsace et de Lorraine, en a recherché la cause et il a été démontré qu’à l’intérieur du rail se formaient, au moment de la coulée, de petites zones hétérogènes qui constituent des centres de moindre résistance où prennent naissance les cassures. Les aciéries rechercheront le remède approprié.


Quant aux traverses des voies, on sait qu’elles pourrissent rapidement à l’air lorsqu’elles ne sont pas imprégnées de créosote. Or la créosote est un dérivé complexe des goudrons de houille dont le principe actif, agent de la conservation du bois, est encore mal connu. Le Laboratoire essaie actuellement de déterminer la nature chimique des constituants de la créosote, puis de caractériser le principe actif. On espère peut-être trouver ainsi un succédané moins coûteux et tout aussi efficace.


Les lecteurs auront pu voir par ces quelques exemples que les études entreprises au Laboratoire constituent des travaux de longue haleine qu’il faut conduire avec méthode. Elles ne sont pas toujours couronnées de succès, c’est malheureusement le cas de bien des recherches scientifiques, mais on ne doit pas hésiter à les entreprendre si l’on veut faire quelque progrès.