Bulletin PLM n°16 de juillet 1931: Une nouvelle ligne PLM : Vichy à Riom

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La nouvelle ligne de Vichy à Riom par M. A. Mauguin, Ingénieur Principal au Service de la Construction

Article

Voici bientôt un siècle que Thiers exprimait ce jugement que « les chemins de fer n’auraient jamais d’application pratique et que leur construction était plutôt une question d’amusement scientifique que d’utilité réelle», ce qui tendrait bien à faire croire qu’on peut à la fois être un grand homme d’Etat et n avoir guère de grandes vues d’avenir.


Aujourd’hui, des gens qui n’ont pas pour eux cette excuse d’être nés avant la locomotive vont partout clamant qu’il ne faut plus construire de voies ferrées et que la locomotive, semblable aux êtres monstrueux de la préhistoire, ne saurait tarder à disparaître complètement de nos paysages.


Opinions peu fondées. En attendant que ces prophéties s’accomplissent, nos chemins de fer conservent intact leur rôle essentiel et développent même leur réseau, ne laissant guère d’année s’écouler sans ouvrir à l’exploitation quelque nouvelle ligne ou section de ligne. Depuis le début de 1929, où je donnais au premier numéro de notre Bulletin PLM la description de notre ligne de Nice Coni, inaugurée le 30 octobre 1928, on a pu voir chacun des réseaux du Midi, de l’Etat, du PO et de l’Est augmenter sa longueur moyenne exploitée de quelque nouvelle ligne.


Et c’est aujourd’hui notre PLM qui rentre en scène, après s’être « amusé » comme dirait Thiers, a construire une nouvelle ligne de Vichy à Riom.


Disons tout de suite que l’achèvement de cette entreprise n’a pas demandé moins de vingt-cinq ans d’études et de travaux, à partir de cette convention du 7 juillet 1905 qui concédait à titre éventuel la ligne en question à notre Compagnie. Par la suite, le Parlement la déclarait d’utilité publique et rendait définitive la concession. Puis, en février 1912 intervenait un avenant à la convention de 1905, aux termes duquel la ligne allait être exécutée immédiatement à deux voies, au lieu d’une seule comme il était prévu en première étape.

L’utilité de la ligne

La nécessité de cette nouvelle artère fut reconnue dès l’origine et notre Directeur d’alors, Gustave Noblemaire, pouvait dire au début de 1905 : « Si nous devenons concessionnaires de Riom Vichy, mon intention est d’organiser un service aussi direct que possible entre Vichy et Clermont ».


Quant au projet de loi ratifiant la convention de 1905, il déclare : « le but essentiel de la ligne est d’améliorer les relations de l’une de nos premières stations balnéaires avec le sud de la France et de dégager aussi la gare encombrée de Saint Germain des Fossés ».


En 1912, cette nécessité se fait plus impérieuse, les collectivités locales, Chambres de commerce, Assemblées départementales, Syndicats d’initiative ont orienté les pouvoirs publics vers l’exécution immédiate a deux voies et la ratification de l’avenant à la convention primitive est proposée dans Ces termes : « La nouvelle ligne serait une artère de grande communication pour les nombreux trains qui, pendant la période estivale, desservent les stations thermales de Vichy, Châtelguyon et Royat. Les trains effectueraient directement le parcours desservant ces diverses stations, au lieu d’être dédoublés comme actuellement en gare de Saint Germain des Fossés. On éviterait ainsi les longues manoeuvres, la marche des trains se trouverait améliorée. Enfin, la ville de Vichy serait desservie par des trains directs assurant dans des conditions plus commodes et plus rapides l’accès des diverses stations du groupe thermal le plus important de France ».


Les textes insistent moins parce que l’évidence n’est pas à démontrer, sur l’intérêt qu’il y avait, enfin, à desservir, entre Vichy et Riom, cette région très fertile et peuplée de la Limagne, notamment les deux cantons d’Ennezat et de Randan.

Historique

Ce double rôle une fois défini, on pourrait s’étonner de la lenteur des réalisations, mais il faudrait pour cela tout ignorer des circonstances multiples qui vinrent nous dicter l’arrêt ou le ralentissement des chantiers.


Ce sont tout d’abord les inévitables querelles de tracé. Sur certains points, elles ne sont pas encore terminées à fin 1913 et, lorsque se déclenche le cataclysme mondial, le Ministre n’a pas encore approuvé le projet de détail des gares et stations de la ligne. La guerre, qui appelle sur d’autres terrains la majorité des Agents de notre Service ainsi que nos entrepreneurs et leurs effectifs, vient pratiquement ajourner sine die la suite de la construction. Il est bien question, un moment, de « faire avancer la ligne » avec le « concours » des prisonniers allemands, mais cette suggestion est vite reconnue inacceptable, au grand regret de certains habitants de la région, vraiment trop pressés d’avoir leur ligne...


Vient l’après-guerre, période trouble, faite à la fois de réorganisations et de crises, parce qu‘il faut d’urgence tout reconstruire et que les ressources financières manquent.


On conçoit que les crédits destinés aux constructions de lignes aient été alors votés avec une parcimonie particulière (il a même été question, en 1923, pour raison d’économie, d’exécuter la ligne à voie unique. Ce fut un tollé général).


Mais ce n’est pas tout. Pour des raisons d’ordre international, nous avons été obligés de concentrer pendant plusieurs exercices la plus grosse partie de nos ressources sur la ligne Nice Coni, que l’Italie nous demandait instamment d’achever au plus vite, ayant pu, de son côté, poursuivre plus avant que nous les travaux durant la guerre.


Enfin, 1928 voyait s’ouvrir le Nice Coni et, dès lors, les travaux de Riom Vichy allaient se hâter vers leur achèvement définitif, qui eût permis l’ouverture de la ligne en mai dernier sans les importantes crues de l’Allier survenues en 1930.


Cette rivière, qui devait, en effet, fournir les 150 000 m3 de ballast nécessaires (nous ne pouvions extraire ailleurs que dans la traversée de Vichy, au droit du parc, de manière à créer là une surface d’eau d’aspect agréable), noya à plusieurs reprises nos chantiers, abandonnés chaque fois pour de longues semaines, et alla même jusqu’à culbuter les excavateurs installés dans son lit, nous obligeant à des travaux de relevage délicats autant qu’inusités, nécessitant l’intervention de la grue de 50 t de Nevers. En pleine saison estivale, alors que tout était organisé pour profiter des grands jours, de tels incidents compromettaient irrémédiablement l’échéance prévue.


Le 13 juin dernier, avait pourtant lieu la « reconnaissance » de la ligne par une Commission présidée par M. l’Inspecteur général des Ponts et Chaussées Claise, Directeur du Contrôle.


Après avoir parcouru la ligne de Vichy à Riom en s’arrêtant aux gares et stations et aux principaux ouvrages, puis de Riom à Vichy, sans arrêt intermédiaire, à une vitesse supérieure à celle prévue pour le premier service des express, la Commission a constaté le bon état de la ligne et a autorisé l’ouverture à l’exploitation à partir du 1er juillet.

Description

Quelle est tout d’abord la longueur de cette ligne? Si nous nous reportons au procès-verbal de chaînage, établi contradictoirement entre les fonctionnaires du Contrôle et les représentants de notre Compagnie, nous trouvons que le chaînage, « fait sur chacun des rails de l’entrevoie 1-2 au moyen de six règles étalonnées en bois, à bout de métal, de 4 m de longueur, a donné la mensuration suivante, entre les axes respectifs des bâtiments des voyageurs de Vichy et de Riom : 40 km 561 m 885 mm, distance obtenue en faisant la moyenne des longueurs trouvées sur chacun des deux rails. Nous dirons donc, pour simplifier, que la ligne mesure 40,562 km.


Son tracé est indiqué sur la carte (figure 1). Elle est, comme nous l’avons vu, à double voie, sa déclivité maxima est de 11 mm par mètre, le rayon minimum de ses courbes est de 600 m.


Au départ de Vichy, à la cote 262 m, la nouvelle ligne s’accole à celle de Darsac sur 3 km, passe en galerie couverte sous le village d’Abrest, franchit par dessus la ligne de Darsac, puis l’Allier, à 4 km de Vichy, sur un pont en maçonnerie, biais à 66% en sept arches elliptiques de 33 m d’ouverture surbaissées à 1/3,63.


Ce très bel ouvrage est représenté par la figure 2. Il est dû à M. le Directeur Séjourné.


Après avoir traversé l’Allier, on arrive à la station d’Hauterive, à partir de laquelle la ligne monte continûment, en rampe maxima, sur 9 km, dessert la station de Saint Sylvestre Pragoulin et atteint le souterrain de Randan, de 823 m de longueur, situé au faîte de la ligne, à la cote 359 m.


A la sortie de ce souterrain est établie la gare de Randan, canton important, autrefois célèbre par son château qui a été détruit, il y a peu d’années, par un incendie, et dont il ne reste que des ruines.


De la gare de Randan, la ligne descend à la station de Saint Clément de Régnat, à la cote 317 m, après avoir franchi le ruisseau Buron. Elle dessert ensuite Thuret, Surat, traverse la rivière Morges sur le pont de Palerne (figure. 3), arche en maçonnerie de 32 m d’ouverture; atteint ensuite la station d’Ennezat Clerlande, puis, 7 km plus loin, s’accole à la ligne de Gannat pendant 1 km avant d’arriver à Riom, à la cote 337 m.


Les voies de cette nouvelle ligne sont constituées par des rails Vignole standard en acier, du type S-33, ayant 18 m de longueur et pesant 46 kg le mètre courant, sauf dans la galerie couverte d’Abrest et dans le souterrain de Randan où l’on a mis des rails S-39, pesant 55 kg le mètre courant, pour parer à l’usure plus rapide des rails causée par l’humidité.


Ces rails, d’un poids total d’environ 7 000 t, sont posés sur des traverses en bois, ou des traverses en fer et bois (système Michel), ou encore des traverses en béton armé (système Vagneux). Elles ont été réparties de façon que dans les parties en pente, où la vitesse des trains est la plus grande, la voie soit munie de traverses en bois.


Nous ne décrirons pas les gares extrêmes bien connues de Vichy et de Riom, qui ont été agrandies pour recevoir le trafic de la nouvelle ligne. Quant à la gare de Randan et aux six stations intermédiaires, ce sont des points d’arrêt ordinaires ouverts au service des voyageurs et à celui des marchandises GV et PV. Les voies de service ne comportent ni transversales ni plaques tournantes. Les manoeuvres s’y font à la machine par les aiguilles prévues, ces manoeuvres sont ainsi plus rapides et la main-d’œuvre est réduite au minimum.


Pour le garage des trains de marchandises, des voies spéciales paires et impaires, en palier de 700 m de longueur, ont été établies à Randan et à Thuret.


Les bâtiments ont été traités avec une économie dont n’ont, bien entendu, nullement souffert la présentation et le confort des installations, ainsi qu’on peut le voir sur les illustrations. Leurs façades sont enduites, les baies et les soubassements ont été accusés au moyen de briques apparentes rouges et noires de Cusset (près de Vichy); la couverture est en tuiles, de ton havane, provenant aussi de Cusset.


Les figures 4 et 5 représentent : la première, le bâtiment des voyageurs de Randan, la seconde, une maison de garde.


Dans chacune des gares et Stations, on a établi un poste de Block et des horloges électriques dont le régulateur est placé dans le poste.


Outre les circuits électriques ordinaires, on a installé un circuit téléphonique dispatching qui permet de contrôler la circulation des trains, notamment celle des express.


Pour conclure, il faut indiquer le service que va désormais assurer cette nouvelle artère.


À l’exception des deux express de nuit et d’un express de jour de la ligne du Bourbonnais, elle va drainer tous les trains rapides et express à destination ou en provenance de Clermont-Ferrand. Chaque jour, elle doit assurer, dans chaque sens, en été, cinq trains rapides ou express, deux directs ou semi directs et quatre trains omnibus.


Quant aux trains de marchandises, en dehors d’un seul, dans chaque sens, qui assurera la desserte des nouvelles gares, ils continueront à passer par la voie de Gannat dont le profil est plus facile.


C’est donc avec une légitime satisfaction que nous devons enregistrer l’heureux événement que constitue l’ouverture de notre nouvelle ligne, dont cet article a, j’espère, suffisamment montré l’utilité, tant du point de vue des intérêts locaux d’une région que le chemin de fer n’avait pas encore fécondée dant ignotas Mercurio alas ! que du point de vue plus général et très important de l’équipement de notre Réseau.