Bulletin PLM n°9 de mai 1930: La compagnie PLM en Algérie

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La venue du PLM en Algérie

Son réseau ferré s’étend sur 4.800 kilomètres et elle a un magnifique système de routes bien entretenues. Ce développement s’est fait avec le concours des Arabes et des Kabyles.


En 1863, sur la demande des pouvoirs publics, la Compagnie PLM prenait la suite de la Compagnie des chemins de fer algériens qui, depuis 1860, était concessionnaire des trois tronçons Alger-Blida, Oran-Saint-Denis-du-Sig, Constantine-Philippeville et qui avait eu des difficultés à terminer la ligne Alger-Blida. Notre Compagnie fut chargée de construire et d’exploiter les lignes d’Alger à Oran et de Constantine à Philippeville. Malgré les difficultés que présentait la traversée de la région montagneuse entre El-Affroun et Affreville, grâce aux puissants moyens mis à la disposition des hommes de science et d’action auxquels il fut fait appel, tout le Réseau était livré à l’exploitation en 1870-1871, à temps pour faciliter les mesures qui durent être prises pour faire face aux répercussions de la guerre franco-allemande.


La paix revenue, il fallait hâter la mise en valeur de l’Algérie. Le Réseau algérien eut la bonne fortune d’être dirigé par un homme éminent, dont la mémoire est encore vénérée de Philippeville à Oran. M. Noblemaire fit comprendre à ses collaborateurs que le chemin de fer devait être un organisme vivant, contribuant au développement de la richesse publique, facilitant les efforts des colons. C’est ainsi qu’il eut la claire vision de l’heureuse influence des arbres sur le climat. Les voyageurs admirent encore, le long de la ligne, les plantations d’eucalyptus dont nous lui sommes redevables et qui ont aidé à l’assainissement de la Mitidja.

Le système de primes qu’il avait institué pour le développement des plantations est toujours appliqué avec seulement quelques modifications dans les taux prévus.


Ses conceptions étaient si justes, ses instructions si claires, sa personnalité si forte, que ses successeurs n’eurent aucune peine à suivre les mêmes idées directrices; elles sont en honneur au Réseau algérien aujourd’hui comme il y a soixante ans. D’ailleurs, lorsque M. Noblemaire fut appelé à diriger notre grande Compagnie, il continua à mettre en évidence l’étroite liaison d’intérêts qui existe entre l’Algérie, dont le principal débouché est Marseille, et le PLM qui dessert ce grand port méditerranéen.

Collaboration économique du PLM et de l’Algérie

Le développement des primeurs fait ressortir bien clairement cette communauté d’intérêts avec notre Compagnie. La terre africaine est propice à la culture des légumes et de certains fruits. Pommes de terre, haricots verts, petits pois, tomates, carottes, y mûrissent à des époques où la Métropole en est privée. Prunes, abricots, raisins sont propres à la consommation un mois plus tôt qu’en France. Les agrumes, notamment les mandarines de Blida, sont particulièrement appréciées.


L’Algérie possède là une source de richesses, qu’il est plus que jamais opportun de développer en recherchant de nouveaux marchés. Ce ne sera possible que si les transports sont rapides et peu dispendieux, si la présentation des produits est soignée, ce qui exige un tri à la propriété, des précautions à l’emballage, une manutention surveillée, si les relations sont fréquentes entre expéditeurs et destinataires.


La Compagnie PLM s’efforce de remplir, vis-à-vis des primeuristes algériens, le rôle utile qu’elle a joué dans la vallée du Rhône. Elle se tient en contact étroit avec eux pour connaître leurs besoins, les faire profiter de l’expérience de ses services agricoles, les mettre en liaison avec les commissionnaires et mandataires des grands marchés européens, leur communiquer les renseignements qu’elle peut avoir sur les besoins et le goût de l’étranger, chercher avec eux les améliorations réalisables dans les transports. Elle leur a montré quels seraient les avantages des cadres. Elle cherche, en accord avec eux et sous les auspices des Chambres de Commerce de Marseille et d’Alger, à réduire le délai qui s’écoule entre la cueillette et l’arrivée sur le marché. Elle étudie avec eux tous les problèmes qu’ils lui soumettent.


Il est une autre ressource de l’Algérie qui ne pouvait pas laisser indifférente la Compagnie PLM. Le tourisme attire dans l’Afrique du Nord de nombreux visiteurs. Grâce à l’admirable effort de la Compagnie Générale Transatlantique, des hôtels de premier ordre y reçoivent les touristes. A côté des services automobiles de la Société des Voyages et hôtels Nord-africains, sa filiale, il y avait place pour des services plus modestes, accessibles aux classes moyennes qui désirent visiter nos possessions d’outremer, tout en limitant leurs dépenses. La route des Alpes nous a servi de modèle et la première en Algérie, notre Compagnie, s’inspirant de ce qu’elle avait fait en France, a créé des circuits automobiles complétant son réseau ferroviaire. Son exemple a été suivi; en Algérie et en Tunisie circulent maintenant des cars automobiles sous le fanion des réseaux ferrés.


Certes, un réseau de chemins de fer doit se préoccuper de l’avenir des régions qu’il dessert et préparer leur prospérité en facilitant, dans la mesure de ses moyens, le développement de leur industrie; mais son premier devoir est d’assurer dans de bonnes conditions les transports qui lui sont confiés. Le problème est difficile en Algérie. C’est un pays essentiellement agricole, dont le climat est très variable; suivant que les pluies sont bien ou mal réparties, que le siroco souffle plus ou moins, l’importance des récoltes diffère du simple au triple. Pour faire face aux à-coups que cela entraîne dans le trafic ferroviaire, il faudrait des réserves de locomotives, de wagons, de personnel dont le Réseau algérien ne dispose pas. Depuis 1914, l’Algérie n’a pas pu consacrer aux travaux complémentaires des chemins de fer les sommes importantes qui seraient nécessaire~ pour disposer du volant utile. Il est certain que des crises de transport se seraient produites qui auraient entravé le développement de la production, si le Réseau PLM algérien n’avait trouvé auprès du Réseau métropolitain, en maintes circonstances, un réservoir riche en hommes et en matériel qui lui a donné chaque fois une aide immédiate et efficace.

Aide apportée par la compagnie au réseau algérien

Point n’est besoin de remonter loin dans le passé pour chercher des exemples. Les cinq dernières années en sont suffisamment riches.


En 1925 se déclenche l’insurrection d’Abd-el-Krim. Il faut assurer le transport d’abord, puis le ravitaillement des troupes qui occupent le Maroc Oriental d’Oujda à Taza : troupes algéro-tunisiennes, contingents indigènes, renforts de la Métropole, artillerie lourde, munitions, baraquements, matériel du génie, vivres, fourrages, etc., cela sans préjudice de l’évacuation des blessés et du transport des permissionnaires. En même temps, il faut enlever une grosse récolte. Les moyens locaux ne suffisent pas. Le Réseau métropolitain envoie d’urgence 8 locomotives 230 C et tous les transports militaires et commerciaux s’effectuent à la satisfaction générale, le parcours journalier des trains passant de 15 300 à 18 300 kilomètres.


En 1927 l’Algérie est durement éprouvée. Dans la région d’Oran des pluies torrentielles déterminent la rupture d’un barrage. La voie ferrée est emportée sur plusieurs kilomètres. Six semaines plus tard, nouvelles inondations, la voie qui venait d’être rétablie est de nouveau coupée. Un pont de 50 m disparaît sans que puisse être retrouvé un seul de ses éléments métalliques. Ainsi est interrompue l’artère principale d’Alger à Oran, cette ligne qui a rendu de si grands services à l’armée pendant la campagne du Riff.


Il faut d’urgence du matériel de voie, des grues hydrauliques, des outils; le programme d’action est approuvé sur les lieux mêmes, dans les trente-six heures, par le Gouverneur Général, M. Pierre Bordes. Huit jours après, les premiers matériaux prélevés par le Réseau métropolitain sur ses stocks débarquent à Alger et Oran. Pour reconstruire les ouvrages d’art, des conseils techniques sont nécessaires. A quatre reprises, M. l’Ingénieur en chef Quinquet, Chef du Service de la Voie du Réseau métropolitain, nous apporte sur les lieux du sinistre son précieux concours.


En 1928, à peine la circulation est-elle rétablie que de nouvelles inquiétudes se manifestent. Les récoltes s’annoncent exceptionnelles : plus de 13 millions d’hectolitres de vin, chiffre qui n’avait jamais été atteint. Déjà une crise de transports sévit dans certaines régions de l’Algérie. N’est-il pas à craindre qu’elle se généralise? II est trop tard pour obtenir des constructeurs le matériel neuf dans le temps voulu et, d’ailleurs, les crédits immédiatement disponibles font défaut. La Compagnie PLM envoie à son réseau algérien 12 locomotives puissantes et 200 wagons, en lui consentant les facilités de paiement nécessaires. D’Alger à Oujda les transports ferroviaires donnent pleine satisfaction à nos clients.


Excellent résultat obtenu au prix d’efforts, considérables de la part du personnel, ainsi que du matériel. Pour remettre les locomotives en état, il faut d’urgence des chaudières complètes. C’est encore le Réseau métropolitain qui les fournit. Il faut aussi encadrer solidement le personnel des dépôts et une équipe complète, chef de dépôt, sous-chef de dépôt, contremaître, vient en détachement d’Oran. Six mois plus tard, malgré un gros trafic pendant tout le premier semestre 1929, la situation est rétablie.


A peine sortis de cette alerte, nous nous préparons aux fêtes du Centenaire qui doivent nous apporter en 1930 un surcroît de trafic voyageurs. Il faut mettre en marche de nouveaux trains et composer nos express avec un matériel-voyageurs qui puisse être montré à nos visiteurs. Les constructeurs consultés nous offrent des locomotives pour septembre 1930... Encore une fois c’est le Réseau métropolitain qui va sauver la situation en nous envoyant 15 locomotives 230 C et 45 voitures à trois essieux. Cela ne suffit pas encore. Les ateliers d’Alger, bien dirigés, pleins d’ardeur, vont transformer en quelques semaines 12 voitures qui n’ont ni le frein continu, ni le chauffage, ni l’éclairage électrique, ni les attelages renforcés. Mais on manque des pièces nécessaires. C’est bien simple, le Chef des ateliers de voitures va à Paris, il expose nos besoins au Service du Matériel du Réseau métropolitain. Quelques jours plus tard les pièces demandées arrivent à Alger.


Nous avons de quoi composer nos trains. Aurons-nous le personnel pour le conduire et pour entretenir ce surcroît de matériel? La Métropole nous envoie près de 200 agents du Matériel et de la Traction, détachés de tous les Réseaux, grâce à l’intervention de notre Compagnie. Manquerons-nous d’agents des trains? Non pas, le Service de l’Exploitation nous détache pour trois mois les brigades utiles.


Il faut pendant cette période surchargée un Agent Supérieur pour faire les études supplémentaires que nécessite la mise en marche de nombreux trains spéciaux. C’est M. Dambies, un ancien du réseau algérien, apprécié de ses chefs et de ses camarades, qui laisse son inspection des trains à Dijon pour nous aider à résoudre ces difficultés.


Au total, depuis l’armistice, le Réseau PLM algérien a reçu de la Métropole, pour ses lignes à voie normale, 98 locomotives, sur un parc total de 206; 116 voitures à trois essieux, sur un total de 171 voitures susceptibles d’entrer dans la composition des express, 1 081 fourgons et wagons PV sur un parc de 4 300 environ.


Il faut aussi rappeler un souvenir un peu plus lointain. En décembre 1920, un incendie détruit en quelques heures le Magasin général d’Alger. La majeure partie des approvisionnements est consumée par le feu, des pièces indispensables à l’entretien du matériel roulant sont devenues inutilisables. D’urgence les ateliers d’Oullins et d’Arles entreprennent la reconstitution des stocks, soit par prélèvement sur leurs propres ressources, soit par fabrication immédiate. Grâce à leur aide, ce sinistre ne fut pas un désastre.

Autres concours

Des à-coups se produisent non seulement dans le trafic, mais aussi dans l’exécution des travaux complémentaires. Depuis 1922, nous avons dépensé à ce titre, 7 800 000 francs en 1923, 8 600 000 francs en 1924, 4 500 000 francs en 1925, 5 900 000 francs en 1926, 11 700 000 francs en 1927, 10 300 000 francs en 1928. En 1929 ces crédits ont été portés à 13 millions et en 1930 à 83 millions et demi. En même temps nous avons plus de 22 millions de travaux en cours au compte des surtaxes locales et 7 à 8 millions au compte des inondations. Cela représente un effort considérable si on veut utiliser ces crédits dans de bonnes conditions et si on ne se borne pas à des acquisitions de matériel. Un important personnel technique est nécessaire, d’autant plus difficile à recruter en Algérie que les travaux du Centenaire accaparent ingénieurs, dessinateurs, ouvriers et manoeuvres. M. l’ingénieur en chef Quinquet puise dans son personnel et nous fournit chefs de section, chefs de district, surveillants de travaux, dessinateurs, etc.., Il met obligeamment à notre disposition ses bureaux techniques pour les études spéciales, la vérification des dessins d’exécution, l’examen de projets de renforcement de ponts métalliques, etc... Si les retards dans la livraison des matériaux doivent ralentir l’exécution des travaux, les approvisionnements de la Métropole comblent les vides.


Exploitation, Matériel et Traction, Voie, les trois grands Services de la Compagnie apportent fraternellement leur aide, leur appui, leurs conseils aux Services correspondants d’Algérie.


Le Service médical profite de l’expérience acquise par le Service du Docteur Fredet, Médecin en chef du Réseau métropolitain. Les progrès réalisés au nord de la Méditerranée sont appliqués au sud dès qu’ils ont reçu la sanction de l’expérience. Les sanatoria ouverts aux agents malades du grand Réseau le sont aussi à leurs cama rades algériens.


Même appui des Services financiers auxquels font appel non seulement la Comptabilité centrale d’Alger, mais encore, le cas échéant, les communes desservies par le PLM. Quatre de celles-ci ont reçu tout récemment de notre Compagnie des prêts temporaires à taux réduit qui leur ont permis de différer les emprunts qu’elles étaient autorisées à contracter pour des travaux gagés sur des surtaxes locales. Résultat : ces communes auraient été obligées d’emprunter l’an dernier au taux de 7,40 %; aujourd’hui le Crédit Foncier leur offre de l’argent à 5,05%.


Il serait trop long de rappeler toutes les circonstances dans lesquelles le PLM algérien bénéficie de l’appui de son frère aîné. Il faut cependant rappeler que les écoles créées en France pour l’instruction professionnelle sont ouvertes aux cheminots PLM de l’Algérie. Les attachés s’imprègnent pendant plusieurs mois des méthodes métropolitaines avant devenir parachever leur formation sur nos lignes. M. Marchand, le maître estimé des services techniques, a fait profiter de ses précieuses leçons plusieurs Agents Supérieurs détachés près de lui pendant une année entière.

Avantages moraux et matériels

Cette communauté de formation, le souvenir de l’aide apportée dans les heures difficiles, les mutations fréquentes d’un côté à l’autre de la Méditerranée, développent les sentiments de camaraderie entre les cheminots des deux Réseaux. Les uns et les autres, séparés par les flots, ne forment néanmoins qu’une même famille, unis par le vif sentiment de leur devoir envers cette Compagnie à laquelle ils peuvent être fiers d’appartenir, car elle a puissamment contribué au développement de cette Afrique du Nord, la plus belle de nos colonies. Les cheminots algériens savent que, dans les périodes difficiles, leur tâche sera toujours facilitée par l’aide qui leur vient de la Métropole.


Dans cette certitude, le PLM algérien tout entier puise une force, une confiance en l’avenir, une légitime fierté de son renom, qui sont un puissant adjuvant dans les périodes chargées. En 1921, première année de la nouvelle convention, il avait transporté 2 580 000 voyageurs et 1 580 000 tonnes PV En 1928, ces chiffres étaient respectivement de 3 940 000 et 2 380 000, marquant en sept ans 62% d’augmentation pour les voyageurs et 50% environ pour la petite vitesse, représentant dans l’un et l’autre cas plus de 7% d’augmentation par an. Si on rapproche de ces chiffres le total des dépenses de travaux complémentaires pendant la même période, soit environ 49 millions, on sera édifié sur l’utilité de l’aide fournie par la Compagnie PLM.


Plus probante serait encore la démonstration, mais est-il besoin d’en faire une, si nous rappelions qu’en 1929, pour la première fois depuis la grande guerre, le PLM algérien a pu réduire ses dépenses au-dessous de ses recettes d’exploitation, impôts déduits, C’est une preuve que les mesures prises pour faire face au développement du trafic l’ont été à bon escient, après étude approfondie.

Collaboration envisagée pour les travaux projetés

L’Algérie a compris, devant la progression du trafic ferroviaire, qu’elle devait faire un effort considérable, pour mettre ses chemins de fer à la hauteur de son développement agricole et commercial. Déjà cette année, les 83 millions dont nous disposons permettent de grosses améliorations. Les mesures sont prises pour l’emploi judicieux de ces crédits, mais ce n’est qu’un premier pas.


Les hommes avertis qui se préoccupent de l’avenir de l’Algérie ont, avec une grande largeur de vues, défini le but pratique à atteindre par les chemins de fer algériens. Il faut que les 420 kilomètres entre Alger et Oran, malgré les régions difficiles traversées, soient franchis en moins de six heures et demie. Aujourd’hui nos express, remorqués par des locomotives 230 C venues de la Métropole, les plus puissantes machines à voyageurs existant en Algérie, mettent dix heures en moyenne pour faire ce trajet, en raison des rampes de 20 mm, des courbes à faible rayon, des 400 kilomètres de voie unique et de la résistance insuffisante de la voie.


La réalisation de ce programme soulève de nombreuses difficultés. Toutes seront résolues si elles sont abordées avec méthode et en appliquant à leur étude les moyens techniques nécessaires.


Il faut renforcer la voie pour que les vitesses de 105 à110 kilomètres à l’heure soient autorisées. Cela n’est pas difficile, mais l’expérience a montré que les approvisionnements du Service de la Voie métropolitain donnent le moyen de parer aux irrégularités des fournitures et de réaliser des économies d’exécution. Le renforcement et même le remplacement de certains ponts métalliques trop faibles nécessiteront des études techniques multiples et compliquées pour lesquelles nous aurons recours au Service de M. de Boulongne. L’exemple des ponts de la Voulte, de Givors, de Charenton montre les économies et les facilités d’exploitation que permettent des procédés judicieux de renforcement.


Le tracé de la ligne en profil et en plan devra être rectifié partout où cela est réalisable sans de trop grosses dépenses. En certains points, des déviations atteignant 12 à 14 kilomètres sont nécessaires. Cela nous oblige à de longues études sur le terrain pour lesquelles le Service de la Construction nous fournit les spécialistes dont nous manquons. Deux brigades sont actuellement sur le terrain.


Dans les gares difficiles où le doublement serait trop onéreux, nous appliquerons les méthodes de passage en vitesse étudiées dans la Métropole, de manière à réduire au minimum le temps réellement perdu dans le franchissement des gares, quand il n’y a pas de croisement.


L’exécution de ces travaux, les modifications des gares, la nouvelle signalisation, le doublement de la ligne sur 250 kilomètres, le renforcement des prises d’eau, entraîneront l’ouverture de nombreux chantiers et l’utilisation d’un personnel de surveillance habitué aux travaux sur les lignes exploitées. Le Réseau métropolitain jouera encore une fois son rôle de réservoir et nous disposerons, aussi vite que le permettront les crédits ouverts, d’une voie sur laquelle seront autorisées ces vitesses de 105 à110 kilomètres à l’heure que nous ambitionnons.


Sur cette voie il faut faire circuler des locomotives puissantes et rapides. Il est, en effet, des rampes de 20 mm qu’il serait trop onéreux de faire disparaître. Les rapides français des grandes lignes n’ont que bien exceptionnellement à gravir de pareilles déclivités. Les locomotives qui les remorquent ne suffiraient pas en Algérie. Grâce aux conseils et à l’appui technique de M. Vallantin, nous pouvons mettre à l’étude des locomotives Garratt pour trains express. Celle que nous construit la Société franco-belge sera la première, dans le monde entier, ayant de telles caractéristiques. Jamais nous n’aurions pu tenter une telle innovation et le constructeur lui-même ne s’y serait pas prêté, si nous n’avions eu derrière nous la puissance des Services techniques de M. Vallantin.


Les Garratt sont trop longues pour les ponts tournants. Nos dépôts seront donc agrandis avec des remises rectangulaires au lieu des rotondes habituelles. Nos ateliers, en cours de reconstruction, doivent être conçus pour recevoir ces machines. Les attelages doivent être renforcés pour que la puissance disponible soit utilisée.


De nouvelles voitures à bogies seront étudiées maintenant que nous ne serons plus limités aussi strictement par la charge offerte et que la disparition des courbes à petit rayon permettra d’utiliser des voitures longues sans être exposés à de désagréables roulis. Ces voitures seront disposées de manière à lutter contre la chaleur et la poussière; nous bénéficierons pour ces études de la documentation recueillie à Paris.


L’avenir en Algérie est aux locomotives à moteur Diesel, en raison des difficultés que présentent l’alimentation des chaudières en eau peu calcaire et le recrutement des mécaniciens et chaudronniers. Le problème n’est pas résolu, il faut des études longues et délicates, faites par les réseaux en liaison avec les constructeurs, des essais méthodiques, des critiques judicieuses. Seul un grand réseau disposant de services techniques complets et d’un budget large peut entreprendre de telles expériences. Le Réseau algérien fera connaître ses besoins au Réseau métropolitain qui en tiendra compte dans l’établissement de ses programmes.


Déjà l’expérience acquise par les services de l’Exploitation de Paris nous a permis d’orienter nos commandes de locotracteurs de manoeuvres. Dans quelques mois, nous aurons, sans avoir tâtonné, les engins les plus modernes dans nos gares algériennes.


Pour bien utiliser une voie normalement construite et des locomotives modernes, il est intéressant de suivre la marche des trains et la répartition des wagons PV de manière continue. Le dispatching-system sera installé partie en 1930, partie en 1931 depuis Alger jusqu’à Oran. C’est un magnifique instrument, mais il vaut surtout par l’usage qu’on en fait. Nous éviterons les erreurs des débutants en envoyant nos agents des postes centraux faire un stage sur les lignes du PLM métropolitain déjà équipées. Les dirigeants, appelés à se servir des renseignements obtenus, iront prendre auprès de leurs camarades de la Métropole les indications opportunes.


Ce programme d’avenir, dont la réalisation est commencée, nous demandera au maximum six années, si nous avons les crédits en temps voulu. Il nous en faudrait deux fois plus et nous ne pourrions éviter des erreurs coûteuses si nous n’étions pas épaulés par tous les Services de la Compagnie PLM. Il demandera à tous les cheminots du Réseau PLM algérien de gros efforts qu’ils fourniront volontiers, se rendant compte que grâce à leur zèle et à l’aide reçue de France, la physionomie des chemins de fer algériens sera transformée.

Programme d’avenir du PLM algérien

En 1936 nous irons d’Alger à Oran en six heures et demie environ, par les trains rapides, sept heures et demie par les express. Le matin un train quittant Alger vers 6h30, transportant les voyageurs, la poste et les journaux, arrivera à Oran vers 14 heures, à temps pour l’ouverture des bureaux et des magasins, après avoir desservi la majeure partie des gares. Vers midi, un deuxième train rapide relèvera, nous l’espérons, la correspondance des bateaux dont la vitesse aura été accélérée elle aussi, pour amener à Orléansville vers 15h30, à Relizane vers 16h30, à Oran vers 18h30, à Sidi-Bel-Abbès vers 7 heures du soir, les voyageurs ayant quitté Paris l’avant-veille à 20 heures. Un train de nuit quittant Alger vers 21h30, arrivera sans peine à Oran avant 7 heures le lendemain matin. Pour lui une grande vitesse n’est pas utile, les améliorations porteront sur le confort particulièrement intéressant pour les voyages de nuit.


1936, c’est la date prévue pour la mise en service de la ligne Oujda-Fès. Peut-être les lignes d’Oujda à Nemours et de Lalla-Marnia à Aïn-Témouchent seront-elles exploitées à ce moment. Alors les voyageurs quittant Paris le lundi soir vers 20 heures seront le mercredi à18h30 à Oran, à 22 heures à Oujda, le jeudi matin à Fès et dans l’après-midi du même jour à Rabat et Casablanca.

La capitale du Maroc serait, par la voie d’Alger exclusivement française, à soixante-quatre heures environ de Paris, c’est dire que la liaison entre le Maroc et la France se ferait en majeure partie par l’Algérie, au grand profit de nos recettes, du commerce algérien et de la prospérité de nos ports.


La Compagnie PLM remplira ainsi la mission qu’elle a acceptée il y a soixante-sept ans. En travaillant à la prospérité de l’Algérie, elle servira ses propres intérêts qui ne sont jamais en opposition avec ceux de la Colonie. Sa grandeur et sa force c’est d’avoir compris, depuis sa création, que l’exploitation d’un réseau ferré ne pouvait être florissante que si elle était dirigée de manière à augmenter la richesse du pays desservi. Le développement des primeurs dans la vallée du Rhône et du tourisme dans les Alpes en est une preuve; l’amélioration des relations ferroviaires entre l’Algérie et le Maroc en sera une autre.