Bulletin de documentation N° 4 de juillet 1929 : Le domaine de la Gorge Noire, retraite provençale

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Titre

Le domaine de la Gorge Noire, retraite provençale par M Jean Ribard, Inspecteur attaché à la Direction.

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« Le domaine de la Gorge Noire, magnifique propriété,est située à quelque six km au sud-est de Marseille, tout près du village de Saint-Loup.


Imaginez, au flanc d’une de ces collines parfumées dont la Provence garde le secret, un vaste et fier logis du pays qui, avec de faux airs de château « bonasse », se dresse, flanqué de quelques maisonnettes, dans un épanouissement de verdure de 25 hectares.


Ajoutez à cela, vers l’est, un horizon de rochers à faire rêver de vrais montagnards et, vers l’ouest, pour ceux qui aiment la mer, une large étendue de Méditerranée encadrée par les pins, depuis Bonneveine jusqu’à l’Estaque.


Enfin, pour compléter le tableau de ce côté, placez donc, tache claire au-dessous du large et grand trait bleu, la mosaïque lointaine des toits de Marseille, semblable, là-bas, aux pieds de la silhouette tutélaire de NotreDame de la Garde, à quelque immense foule orientale en prière.


Telle apparaît du premier coup d’œil, dans ses traits essentiels, cette retraite, qui semblait tout exprès créée pour des amoureux fastueux et dont la Compagnie PLM a voulu faire un refuge pour ceux de ses vieux serviteurs qu’un destin cruel laisse seuls au monde au terme de leur carrière.


Telle est la magnifique propriété que la Compagnie a mise a la disposition du « Refuge des Cheminots », cette Société secourable dont le nom seul annonce le programme et à la tête de laquelle se trouve M. Rosset, le Président de la Fédération des Retraités des Chemins de fer français.


Ainsi donc la Gorge Noire est encore unes retraite d’amour : celui du prochain.


Il semble, d’ailleurs, difficile de mieux réaliser, tant au point de vue matériel qu’au point de vue moral, le désir qui fut cher au Grand Directeur disparu.


Examinons, en effet, de plus près cette réalisation et, après le coup d’oeil d’ensemble déjà jeté, sans nous attarder aux installations charmantes qui entourent le logis et sur lesquelles nous reviendrons tout a l’heure, pénétrons dans celui-ci.


C’est un grand corps de bâtiment à étages, flanqué d’une tour provençale, une brave tour aux créneaux débonnaires rappelant un peu celles du château de ce « bon roi René » d’heureuse mémoire.


Sitôt franchie la haute porte vitrée percée dans le mur épais, la surprise est grande, car ce n’est pas une salle banale, pour une modeste maison de retraite, que celle où nous entrons. Non, c est une salle de billard, « une vraie » comme on dirait par ici, avec les queues bien alignées au mur, sur des boiseries spécialement aménagées à cet effet et un beau tapis vert tout neuf, dont les bandes « rendent bien ». Tout autour de la pièce, un ameublement rustique dans le goût du pays : bahut ciré et solides petites tables de jeu.


Aux murs et sur les meubles, des teintes claires et gaies, au plafond, un diffuseur électrique, le dernier cri, et, dans un coin, un radiateur de chauffage central...


Et c’est bien l’impression dominante de tout l’aménagement intérieur que l’on reçoit ainsi dès l’abord au seul aspect de cette salle de billard : une décoration harmonieuse et gaie dans sa simplicité et en pleine campagne, sous des dehors rustiques, le confort le plus moderne.


Ce caractère général, qui confère à toute l’installation une unité qui n’en est pas le charme le moins appréciable, on le retrouve dans la salle à manger provençale aux petites tables, comme, aux étages, dans les chambres individuelles des pensionnaires, dont plusieurs ont deux fenêtres et toutes, lit et sièges confortables, table ronde, lavabo à eau chaude et à eau froide, radiateur à chauffage central et éclairage électrique.


Une visite à la « dépense », où règne un ordre méticuleux, à la cuisine vaste et nette, avec ses grands carreaux noirs et blancs par terre. Une ascension à la tour, d’où l’on jouit d’une vue magnifique celle qui a été esquissée au début de ce compte rendu et le tour du propriétaire est terminé, du moins en ce qui concerne l’immeuble.


Car il reste les alentours immédiats de la maison, ou un soin délicat et un goût d’artiste ont accumulé les surprises les plus agréables pour l’œil.


Ce ne sont, en effet, que terrasses étagées, grottes artificielles, jeux d’eau multiples, bassins, tout un enchantement sorti de terre, semble-t-il, par la vertu de quelque coup de baguette féerique.


A l’entrée du jardin proprement dit, après la symphonie des plantes et des fleurs, dans laquelle les aloès jettent leur note classique, des sentiers courent dans le domaine et vont se perdre sur la colline, parmi les lentisques, les centaurées et toute la flore d’une nature exubérante.


Des postes à feu, où l’on chassait « à l’espère » sans doute, dressent parfois leur silhouette courtaude et menaçante dans cette verdure. Traités eux-mêmes dans le style local, ils témoignent de ce souci d’agrément qui semble avoir présidé aux installations de toute la Propriété et dont on rencontre une preuve à chaque pas.


Nul doute que cette atmosphère, reposante et gaie, n’adoucisse les réflexions solitaires des retraités malmenés par le destin.


Dans ce cadre qui semble inventé de toutes pièces pour inspirer des vers romantiques à un adolescent, les vieux Agents s’assiéront sur la grande terrasse, face aux lignes du PLM, leurs lignes, que l’on devine à peine là-bas, à l’horizon, au pied de Notre-Dame-de-la-Garde. Ils y deviseront en paix en se remémorant leur longue et utile carrière et, parfois, dans l’ambiance de cette nature éternellement jeune, ils sentiront renaître avec émoi, au tréfonds de leur âme, quelque vieux rêve de leurs vingt ans ».