Bulletin de documentation N° 4 de juillet 1929 : Simplon-Orient-Express

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Titre

Le « Simplon-Orient-Express » par M. P. Girard, Inspecteur Divisionnaire au Service Central de l’Exploitation.

Documents

Historique et raison d’être de la relation

Les échanges commerciaux entre l’Orient et l’Occident ont toujours été importants. Ce fait économique tient à des causes diverses, dont la plus profonde réside peut-être dans la différence essentielle existant à tous égards entre ces deux parties du monde. Longtemps, les relations ne furent assurées pratiquement que par mer. C’est ce qui fit la fortune de villes comme Marseille, « Porte de l’Orient » ou Venise. Sans doute, il y avait bien la voie du Danube, qui relie les pays de l’Europe Centrale à l’Orient, mais, d’une part, ce grand fleuve fut longtemps impraticable en certains points de son cours, notamment dans le célèbre défilé des Portes de Fer, et, d’autre part, les luttes incessantes entre les Turcs et les Hongrois, puis entre les Turcs et les Impériaux (on désignait ainsi les peuples soumis à la Maison d’Autriche, dont le chef porta, jusqu’en 1806, le nom d’Empereur d’Allemagne) empêchaient tout trafic par cette voie. Plus encore que Marseille, Venise bénéficia de cette situation et fut le point de départ de tout voyage en Orient jusqu’au milieu du siècle dernier. A cette époque, les chemins de fer firent leur apparition en Hongrie d’abord, en Roumanie ensuite. Ils se développèrent dans tout l’Orient après la guerre russo-turque (1877 - 1878). Mais leur tracé se ressentit fortement des conséquences politiques de cette guerre. Aussi, la première grande ligne de chemin de fer servant de voie d’accès aux pays d Orient prolongea simplement la ligne Vienne-Budapest-Belgrade jusqu’à Constantinople, via Sofia, avec embranchement de Nisch sur Salonique.


La voie traditionnelle de Venise fut ainsi délaissée et cela d’autant plus que les relations ferroviaires entre Venise, Trieste et Zagreb étaient médiocres. Au delà de Zagreb, pour des raisons politiques encore, le Gouvernement hongrois avait établi à voie unique la ligne Zagreb-Belgrade. Aucun train rapide ne reliait Venise à Belgrade et la longueur du voyage décourageait les voyageurs. Par contre, un train de luxe, « l’Orient-Express » circulait entre Paris et Constantinople via Strasbourg, Munich, Vienne, Budapest, Belgrade et Sofia. On considérait alors, à tort, cette ligne comme la voie classique d’accès a l’Orient.


En 1906, la Compagnie PLM, au cours de la Conférence internationale des Horaires, proposa la mise à l’ordre du jour d’un service international qui eût emprunté le tunnel du Simplon, récemment ouvert à l’exploitation, pour accéder à Sofia et Constantinople, via Milan-Venise-Trieste-Zagreb-Belgrade. Mais cette proposition, qui allait à l’encontre de certains intérêts, se trouva éludée. Elle était cependant parfaitement logique. L’itinéraire qu’elle préconisait offrait, en effet, de très sérieux avantages et, par ailleurs, empruntait, du moins en partie, la voie traditionnelle de Venise.


Aussi l’idée fut-elle reprise en 1918, peu après l’armistice, et fit alors rapidement son chemin, recueillant l’adhésion de nos alliés et celle des pays neutres. Il fut décidé qu’un train de luxe, composé avec du matériel appartenant à la Compagnie Internationale des Wagons-Lits et dénommé « Simplon-Orient-Express »circulerait entre la France et l’Orient via le Simplon-Venise-Belgrade (Conventions des 26 mars et 19 août 1919).


La Compagnie PLM fut désignée comme Administration gérante du nouveau grand train. Périodiquement, elle réunit une ou plusieurs conférences internationales au cours desquelles sont examinées les diverses questions que provoque la mise en marche du SOE et de ses prolongements.

Itinéraire

Le SOE, qui s’étend sur 3 028 km, permet la desserte commode d’un grand nombre de métropoles ou de stations touristiques.


Son origine est la gare de Paris PLM, où ce train reçoit une correspondance de Calais et Londres. Après avoir franchi le Jura par le souterrain du Mont d Or (6 099 m), il atteint Lausanne et les stations estivales des bords du Lac Léman (Vevey, Montreux), puis remonte la vallée du Rhône jusqu’à Brigue et finalement franchit les Alpes par le tunnel du Simplon (19 803 m). Il traverse la Lombardie, passe à Milan (où il reçoit la correspondance du Bordeaux-Milan), Venise et Trieste, dernière grande ville rencontrée avant la frontière yougoslave.


Le train parcourt ensuite le pays tourmenté de l’ancienne Carniole, puis arrive à Zagreb (ex-Agram), capitale de la Croatie et traverse la Slavonie, pays riche qui fut longtemps une province du royaume de Hongrie. A Vinkovce (où il laisse une tranche de voitures à destination de Bucarest), dans la vallée de la Save, prend naissance la ligne de Bucarest. A Indija, se soude la ligne venant de Budapest et Vienne, et l’on atteint Belgrade, capitale de la Yougoslavie.


De Belgrade à Nisch, le train remonte la vallée de la Morava, en traversant la vieille Serbie où abondent les souvenirs de l’occupation turque. A Nisch, il laisse la ligne de Salonique et Athènes pour s’enfoncer dans un pays montagneux, et il entre en Bulgarie. Après Sofia, capitale de ce dernier pays, c’est la traversée du Balkan, cette chaîne de montagnes, dont on emprunte communément le nom pour désigner l’ensemble des pays chrétiens d’Orient.


Enfin, après la Thrace, on atteint la prestigieuse Constantinople (Stamboul en turc).


Depuis 1920, on n’a cessé de faire de constants progrès en ce qui concerne l’horaire du Simplon-Orient-Express. L’examen du relevé ci-après, qui a trait aux durées des parcours Paris-Stamboul depuis la création du Simplon-Orient-Express, est tout à fait concluant à cet égard :

  • 1920 : 96h30
  • 1921 : 86h30
  • 1922 : 86h50
  • 1923 : 84h00
  • 1924 : 83h25
  • 1925 : 83h15
  • 1926 : 70h25
  • 1927 : 68h40
  • 1928 : 66h50
  • 1929 : 66h10


Parallèlement, on a perfectionné le matériel et on s’est efforcé de moderniser la composition du train tout en le rendant accessible, par l’introduction de WL de deuxième classe, aux voyageurs qui ne sont pas les clients habituels des trains de luxe.

Prolongements asiatiques et africains

Par ce qui précède, on a vu que le Simplon-Orient-Express avait, en Europe, un champ d’action considérable. C’est cependant bien peu en comparaison des possibilités que l’on peut normalement envisager pour lui dans l’avenir.


En face de Stamboul, de l’autre côté du Bosphore, à la gare de Haïdar-Pacha, le voyageur dispose, un certain nombre de fois par semaine, de correspondances pour Angora, la nouvelle capitale turque, Alep (Syrie), d’où il peut continuer sur Rayak et gagner l’antique Balbeck, Damas la Biblique, Tripoli de Syrie, et même, par un service automobile, Beyrouth et Haïfa. La, il retrouve la voie ferrée pour Le-Caire. Par cette voie, le trajet Paris-Le-Caire est de huit jours environ.


Mais ces prolongements asiatiques et africains ne constituent pas à eux seuls la zone de pénétration totale du Simplon-Orient-Express. On réalisera, sous peu, par Alep, un prolongement sur Nissibin-Mossoul-Bagdad et peut-être, plus tard, Bassorah. Le jour n’est pas très éloigné où, pour aller dans l’Inde, le voyageur pourra, s’il le désire, délaisser le paquebot pour le train.