Conférence de M. Vallantin devant l’« Institution of Locomotive Engineers »

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Planche et figures de l’article

« Lorsque j’ai pris place, en 1907, dans les rangs de la Compagnie, il y avait 18 années qu’elle avait construit et mis au point ses premières locomotives compound. Elle avait complètement abandonné la simple expansion. Sur 845 locomotives qu’elle avait commandées, du 1er Janvier 1890 au 1er Janvier 1907, 835 étaient des compound. Elle avait d’autre part transformé en locomotives compound, 140 locomotives à marchandises à simple expansion. Il semblait donc qu’elle avait bien définitivement pris position.


Mais un peu avant 1907 apparurent les surchauffeurs. Les promoteurs de ce très grand perfectionnement proclamaient que la détente de la vapeur surchauffée s’opérait dans les cylindres, sans que se produisît aucun effet de condensation, et qu’il n’était plus besoin, dans ces conditions, d’avoir recours au compoundage, nécessitant le recours aux pressions de vapeur élevées, pour atténuer sinon supprimer l’effet en question, raison principale de la plus forte consommation de vapeur des locomotives simple expansion.


D’autre part, au même moment, la Compagnie eut à se préoccuper d’avaries assez sérieuses et d’allure systématique qui se manifestaient assez rapidement aux chaudières timbrées à 15 kg des locomotives compound.


Ces avaries consistaient en des fissures soit dans les arrondis des plaques avant et arrière des boîtes à feu, soit tout le long de la rangée supérieure des entretoises des flancs de boîtes à feu. Elles furent très étudiées, très discutées et on en était venu à cette conclusion qu’elles devaient être provoquées par les déformations alternatives que subissaient tous les éléments de la boîte à feu quand on jetait le feu puis quand on remontait la pression dans la chaudière. Ces déformations devant normalement être d’autant plus accusées que la pression de régime est plus forte, on en vint naturellement à se demander si l’emploi des timbres de 15 et 16 kg ne pourrait pas être abandonné du fait de l’apparition de la surchauffe.


Aussi, la Compagnie PLM, qui se préoccupait alors de mettre au point un prototype de locomotive Pacific avec chaudière ayant une grille de 4,25 m2, ce qui constituait une très grosse extrapolation, puisque les chaudières de ses locomotives les plus puissantes à ce moment-là n’avaient que des grilles de 3,08 m2, décida-t-elle de ne pas se borner à construire une seule unité du nouveau type. Elle en fit exécuter deux. L’une était analogue à toutes les locomotives qu’elle avait commandées dans les années précédentes : elle était compound, avec une chaudière timbrée à 16 kg, sans surchauffeur. L’autre répondait aux conceptions nouvelles : elle était simple expansion, avec une chaudière timbrée seulement à 12 kg, mais équipée d’un surchauffeur. Le diamètre des roues des essieux accouplés était pour l’une, aussi bien que pour l’autre, de deux mètres. Le diamètre des cylindres HP de la locomotive compound était de 420 mm, celui des cylindres BP de 620 mm. La course des pistons était de 650 mm. La locomotive à simple expansion était à 4 cylindres égaux de 480 mm de diamètre. La course des pistons était de 650 mm. On estimait que l’emploi de 4 cylindres devait assurer une meilleure tenue de la locomotive à grande vitesse, par l’atténuation des mouvements de galop et de lacet.


Ces deux unités furent mises en service, celle compound, qui était désignée par le numéro 6 001, en juin 1909, celle à simple expansion, désignée 6 101, en Août suivant et, dans le courant du premier trimestre 1910, on entreprit des essais méthodiques pour comparer leurs puissances, et leurs consommations d’eau et de charbon par cheval - heure indiqué, et par cheval - heure recueilli au crochet. Ces essais furent faits sur la section de la grande artère Paris - Marseille, sur laquelle, la traction des trains offre le plus de difficultés, à savoir la section de Laroche à Blaisy Bas. Laroche est au km 155 et, à la cote 86,69 ; Blaisy est au km 287,9 et à la cote 404,90. De Laroche à la gare des Laumes (km 256,7, cote 238,64) la rampe est assez douce. Ensuite le profil de la ligne est pratiquement en rampe de 5 mm jusqu’au km 275, en rampe de 8 mm sur les 13 derniers kilomètres.


Les résultats de ces essais furent tout à l’avantage de la locomotive à simple expansion 6 101, ainsi qu’il ressort des chiffres du tableau 01.


En conséquence la Compagnie commanda en Août 1910 un premier lot de 30 locomotives Pacific, identiques à la 6 101 qui l’avait emporté dans les essais. Huit mois plus tard, en Mai 1911, elle en commandait 40 autres.


Mais elle ne se dissimulait pas qu’il y avait un point faible en toute cette affaire : elle avait comparé une machine compound utilisant de la vapeur saturée à une machine à simple expansion consommant de la vapeur surchauffée. L’avantage serait-il resté à cette dernière, si elle avait eu à se mesurer avec une compound utilisant, comme elle, de la vapeur surchauffée ?


Pour que vous n’accusiez pas ma Compagnie d’illogisme, je vous dirai que si elle n’avait pas muni d’un surchauffeur son prototype de Pacific compound, c’est que la chose lui avait été matériellement impossible. Les calculs effectués lors de l’établissement de l’avant-projet avaient montré qu’une Pacific compound, équipée d’un surchauffeur, eût atteint des poids par mètre courant d’empattement, et par mètre courant de longueur totale, que les voies de l’époque n’étaient pas à même de supporter.


Et, d’ailleurs, lorsqu’il lui était apparu que la question de poids s’opposait à ce qu’on envisageât la mise en construction d’une Pacific compound, avec chaudière à 16 kg, munie d’un surchauffeur, la Compagnie, qui tenait essentiellement à élucider également le problème de la superposition de la surchauffe au compoundage, s’était prémunie d’une antre solution.


Elle avait, en Mars 1907, commandé 4o locomotives Ten Wheel d’un type qui avait pleinement fait ses preuves et dont 40 exemplaires étaient d’ores et déjà en service. On en connaissait les poids exacts. On se rendit compte qu’il était possible de les munir d’un surchauffeur, sans que leurs charges par essieu accouplé, par mètre courant d’empattement, par mètre courant de longueur totale, dépassassent les limites permises. On convint alors avec le constructeur que dix des unités du lot en cours d’achèvement seraient livrées munies d’un surchauffeur.


La première de ces 10 unités fut mise su service en Octobre 1908. Les autres suivirent très rapidement. 5 d’entre elles furent cantonnées au dépôt de Laroche, les 5 autres au dépôt de Lyon. Dans chacun de ces établissements elles furent constituées en équipe avec 5 locomotives du même type, sans surchauffeur. A la fin de chaque mois, on faisait permuter les mécaniciens de façon à éliminer autant que possible l’influence du facteur personnel. Dès Octobre 1909, la supériorité des unités à surchauffe s’était très nettement affirmée. Les économies sur la consommation de combustible par 100 tonnes - kilométriques remorquées enregistrées à leur actif étaient régulièrement de 10 à 11 % au dépôt de Lyon, de 15 à 16 % au dépôt de Laroche, où le service à assurer est beaucoup plus dur. Dans le courant de 1910, et de même par la suite, la supériorité des locomotives à surchauffe se maintint toujours la même.


On remarquera, en se reportant au tableau donné plus haut, que l’économie de combustible enregistrée à l’avantage des Ten Wheel compound à surchauffe par rapport aux Ten Wheel compound sans surchauffe était de l’ordre de celle enregistrée à l’actif de la 6101 par rapport à la 6 001. On était donc en droit de penser, a priori, que, même si elle avait été munie d’un surchauffeur, la 6 001 ne se fût pas révélée supérieure à la 6 101. Ainsi s’explique qu’on n’ait pas hésité en Août 1910, puis en Mai 1911, à commander d’abord 30, puis 40 Pacific à simple expansion, 12 kg, et surchauffe. On se disait qu’on réaliserait sans doute les mêmes économies de combustible, et qu’on bénéficierait, en outre, au cours de l’entretien, des économies d’entretien à provenir de l’usage d’un timbre moins élevé. Au surplus on était talonné par la nécessité d’augmenter l’effectif des locomotives puissantes pour trains rapides lourds.


Mais, lorsqu’on eût mis en service régulier les deux prototypes de Pacific 6 001et 6 101, on dut constater assez rapidement que la conduite des trains était beaucoup plus aisée, beaucoup plus régulière, avec la 6 001 qu’avec la 6 101.


On constatait simultanément, d’ailleurs, que la conduite des Ten Wheel à surchauffe, était aussi aisée, sinon plus que celle des Ten Wheel sans surchauffe.


Ne convenait-il donc pas, dans ces conditions, de reprendre l’étude d’une Pacific compound, avec chaudière timbrée à 16 kg munie d’un surchauffeur ?


C’est ce qui fût décidé.


Le problème se trouvait d’ailleurs simplifié par le fait qu’on était maintenant en possession de données réelles sur les poids des premières Pacific en service. Il était donc possible de faire le départ entre ceux de leurs éléments dont les dimensions et les échantillons ne pouvaient être modifiés sans compromettre leur solidité ou leur résistance, et ceux dont on pouvait au contraire réduire les poids sans inconvénient, ou même envisager la suppression. Partant des études antérieures, on parvint à mettre au point un avant-projet de Pacific compound, à chaudière timbrée à 16 kg munie d’un surchauffeur. On décida d’en commander 20 qui devaient être désignées 6201 à 6220. La commande fut passée, le 2 Juin 1911.


En outre, comme on avait, au même moment, besoin de commander 4o locomotives à marchandises du type Consolidation, on décida d’en profiter pour donner plus d’extension à la comparaison entre les différentes conceptions entre lesquelles on hésitait. 20 des 4o locomotives à construire furent commandées sur le type à simple expansion, 4 cylindres égaux, chaudière timbrée à 12 kg avec surchauffeur; les 20 autres sur le type compound, avec chaudière timbrée à 16 kg avec surchauffeur.


Les deux types de locomotives devaient avoir le même châssis que des locomotives Consolidation compound avec chaudière timbrée à 16 kg sans surchauffeur déjà en service.


Le tableau 2 rapproche les unes des autres les caractéristiques essentielles des trois types de locomotives dont les châssis, nous le répétons encore, étaient identiques.


Vous voyez que la Compagnie PLM s’était très largement pourvue en unités qui devaient lui permettre d’organiser sur une grande échelle, en service courant, des comparaisons à la suite desquelles on devrait pouvoir se prononcer sur la valeur respective du compoundage et de la simple expansion, combinés l’un et l’autre avec la surchauffe.


Vous conviendrez aussi qu’on ne saurait l’accuser de parti pris dans son attachement à l’emploi du compoundage, puisque d’elle-même, après l’avoir utilisé exclusivement pendant les vingt précédentes années, elle s’était demandé s’il ne convenait pas de profiter de l’apparition de la surchauffe pour modifier ses errements.


Mais il y a plus encore à l’actif de son impartialité. Il semblait, comme nous l’avons dit plus haut, que les Pacific à simple expansion dussent être handicapées fâcheusement par le timbre de 12 kg de leur chaudière. Pour qu’on ne pût avoir par la suite aucun reproche à se faire concernant les conditions dans lesquelles s’étaient trouvées les locomotives à simple expansion, la Compagnie décida d’en faire construire 20, identiques aux autres, mais équipées avec une chaudière timbrée à 14 kg. Elles furent commandées le 9 Janvier 1912.


Les locomotives dont il vient d’être question, à savoir les 70 locomotives Pacific à simple expansion, à 12 kg, les 20 à 14 kg, les 20 locomotives Pacific compound, les 20 Consolidation à simple expansion, les 20 Consolidation compound furent mises en service dans le courant du second semestre 1912 et du premier semestre 1913.


Les Pacific à 14 kg qui furent numérotées 6 172 à 6 191 s’étant révélées nettement supérieures, comme on s’y attendait, aux Pacific à 12 kg, ce fut à celles-là qu’on compara les Pacific compound à 16 kg. Les locomotives à mettre en parallèle furent cantonnées au dépôt le Dijon-Perrigny.


Pour la comparaison des locomotives Consolidation, on organisa 4 équipes de 15 locomotives comprenant chacune 5 locomotives compound avec surchauffeur, 5 locomotives à simple expansion, 5 locomotives compound sans surchauffeur. Ces quatre équipes furent affectées aux quatre dépôts de Lyon, Avignon, Ambérieu et Chambéry.


Voici maintenant les résultats que donnèrent les comparaisons : prenons d’abord les Pacific. Je ne puis mieux faire que de reproduire les parties essentielles de la note par laquelle l’Ingénieur en Chef de la Traction renseignait, à la date du 29 Avril 1914, l’ingénieur en Chef du Matériel et de la Traction.


« Les statistiques s’étendant du 1er Septembre 1913 au 31 Mars 1914 donnent les résultats du Tableau 3.


Ce tableau fait donc ressortir une économie d’environ 10 % en faveur des machines 6 201 à 6 220 sur la consommation de combustible par 100 tonnes kilométriques remorquées. Cette économie est d’autant plus certaine que les hasards du service ont cependant favorisé les machines 6 172 à 6 191.


La consommation kilométrique ressort à 17 kg pour les machines 6 172 à 6 191, contre 1 kg seulement pour les machines 6 201 à 6 220, mais cet écart n’est pas à retenir en raison de la différence des tonnages remorqués.


On peut évaluer de la façon suivante l’économie annuelle de combustible que permet de réaliser une machine 6 201 à 6 220 par rapport à une machine 6 172 à 6 191 au dépôt de Dijon : en considérant l’ensemble des machines 6 172 à 6 191 et 6 201 à 6 220 figurant à la statistique rappelée ci-dessus, le tonnage moyen remorqué ressort à 323 tonnes. Si les machines des deux séries avaient remorqué ce tonnage moyen de 323 tonnes au lieu de 327 t et 319 t respectivement, tout en réalisant la même consommation de combustible par 100 tonnes kilométriques remorquées (en procédant ainsi on ne peut qu’avantager les machines 6 172 à 61 91 par rapport aux machines 6 201 à 6 220), la consommation kilométrique aurait été de 16,8 kg au lieu de 17 kg pour les machines 6 172 à 6 191 et de 15,2 kg au lieu de 15 kg pour les machines 6 201 à 6 220, soit un écart de 1,6 kg de combustible par kilomètre. Or, le parcours annuel moyen des machines Pacific dépasse 65 000 kilomètres par machine à l’effectif : une machine 6 201 à 6 220 économiserait donc 1,6 x 65 = 104 tonnes par an par rapport à une machine 6 172 à 6 191.


Par contre, il fallait comparer les frais d’entretien, qui peuvent être moindres avec les machines 6 172 à 6 191 ». C’est ce qui fut fait le 16 Octobre 1914, l’Ingénieur en Chef de la Traction pouvait écrire :


  • « Des résultats d’ensemble, il ressort que, pour le trimestre sur lequel ont porté les observations, le remplacement des machines 6172 à 6191 du dépôt de Dijon par des machines 6201 à 6285 eût donné, par 100 000 km de parcours :
    • d’une part, un excédent de dépenses d’entretien de 1 485,09 francs,
    • d’autre part, une économie de combustible de 5 361,67 francs,
    • Soit, en définitive, une économie de 3 876,58 francs.


Ces chiffres n’ont évidemment qu’une valeur relative, la comparaison n’ayant porté que sur une période de temps assez restreinte et les deux séries de machines n’étant pas, au moment où elle a commencé, dans un état général d’entretien sensiblement identique. Ils indiquent néanmoins, d’une façon suffisamment probante, qu’au dépôt de Dijon, l’économie de combustible que les machines 6 200 sont susceptibles de faire réaliser par rapport aux 6 100 est bien supérieure à l’augmentation correspondante de dépense d’entretien et qu’en définitive la première série est nettement plus avantageuse que la seconde ».


Voyons maintenant les conclusions de la comparaison organisée dans les 4 dépôts cités plus haut entre les 3 types de locomotives Consolidation. Elles sont consignées dans une note du 17 Juillet 1914 de l’Ingénieur en Chef de la Traction.


« Si l’on prend pour base, dans chaque dépôt, la consommation de combustible par 100 tonnes kilométriques des machines 4295 à 4499, celles des autres séries de machines sont représentées par les pourcentages indiqués dans le tableau 4


On voit donc qu’à Chambéry, Ambérieu et Avignon, les machines 4271 à 4290 sont nettement plus avantageuses que les machines 4295 à 4499. A Lyon Mouche, elles sont équivalentes. D’autre part, à Lyon Mouche, à Chambéry et à Ambérieu, les machines 4175 à 4194 sont nettement inférieures aux machines 4295 à 4499. A Avignon, elles sont à peu près équivalentes.


J’estime que, malgré la particularité constatée pour les machines 4 271 à 4 290 à Lyon Mouche et pour les machines 4 175 à 4 194 à Avignon, les résultats de ces essais comparatifs sont suffisamment nets, et qu’il n’y a pas lieu de les poursuivre davantage. Je vous serais obligé de bien vouloir me dire si vous partagez cette manière de voir. Mon intention serait alors, pour essayer d’élucider les anomalies dont je viens de parler, de faire passer toutes les machines. 4 271 à 4 290 à Lyon Mouche et toutes les machines 4 175 à 4 194 à Avignon. Ces machines seraient incorporées dans l’équipe des machines 4 295 à 4 499, et je suivrais leur consommation de combustible en service courant, sans faire prendre aucune mesure spéciale à leur égard, c’est à dire sans faire permuter les mécaniciens chaque mois, et sans leur éviter plus qu’aux autres machines la banalité ou le service facultatif. On verrait alors si les anomalies se maintiennent ou si les constatations faites dans les autres dépôts sont confirmées.


En faisant abstraction des résultats anormaux de Lyon Mouche, on voit que l’économie du consommation des machines 4 271 à 4 290 par rapport aux machines 4 295 à 4 499 serait en moyenne, de 5,5 %. En tablant, pour les machines, 4 295 à 4 499 sur une consommation kilométrique moyenne de 22 kg et un parcours annuel moyen de 35 000 km, cette économie de 5,5 % représenterait environ 42 tonnes de combustible par an, soit une économie annuelle d’environ 1 250 francs par machine. Si l’on tient compte de l’équivalence constatée à Lyon Mouche, l’économie n’est plus en moyenne que de 4,5 % représentant environ 34 tonnes de combustible ou 1 000 francs par machine et par an.


De même, si l’on fait abstraction des résultats anormaux d’Avignon, l’excédent de consommation des machines 4 175 à 4 194 par rapport aux machines 4 295 à 4 499 serait en moyenne le 9 %, représentant environ 69 tonnes de combustible par an, soit un excédent de dépenses d’environ 2 000 francs par machine et par an. Si l’on tient compte des résultats constatés à Avignon, l’excédent n’est plus que de 7 %, représentant environ 54 tonnes de combustible ou 1 600 francs par machine et par an ».


Le 11 Janvier 1915, l’ingénieur en Chef de la Traction établissait un nouveau rapport dont les conclusions méritent d’être également citées :


« Des essais comparatifs et des observations faites en service courant sur la tenue des 3 types de machines qui nous occupent, on peut, à mon avis, tirer les conclusions ci-après :


Les machines 4 175 à 4 194 (non compound à surchauffe) sont inférieures à celles 4 271 à 4 290 (compound à surchauffe) et 4 295 à 4 499 (compound sans surchauffe), tant au point de vue de la dépense de combustible qu’à celui de la facilité de remorque des trains, sauf toutefois en ce qui concerne les démarrages et les prises de vitesse pour lesquels, au contraire, elles accusent quelque supériorité.


Les machines 4 271 à 4 290 et 4 295 à 4 499 paraissent à peu près équivalentes pour la remorque des trains, mais les premières sont plus avantageuses au point de vue de la consommation de combustible (économie moyenne trouvée égale à 5,5 % environ).


  • En résumé, il convient de classer comme suit, par ordre de préférence, les trois séries de machines considérées :
    • Machines 4271 à 4290, compound à surchauffe,
    • Machines 4295 à 4499, compound sans surchauffe,
    • Machines 4175 à 4194, non compound à surchauffe.


Ainsi donc, aussi bien pour la remorque des trains de marchandises que pour la remorque des trains rapides et lourds, la locomotive compound à surchauffe s’avérait nettement supérieure à la locomotive à simple expansion et surchauffe : l’économie de combustible qu’elle permettait de réaliser était de l’ordre de 10 % au minimum. Après semblable constatation, la cause était pour nous jugée, d’autant mieux que notre Compagnie doit payer son charbon plus cher que toutes les autres en raison des frais de transport qu’il supporte jusqu’à son point de consommation. Actuellement le prix de la tonne moyenne de combustible délivrée aux locomotives s’établit aux environs de 191 francs.


En présence de pareils résultats, nous ne pouvions évidemment accepter de supporter indéfiniment dans l’état où elles étaient nos 110 locomotives à simple expansion. Nous nous devions de rechercher une solution pour réduire leur consommation de combustible. Nous nous nommes demandé si la solution ne résidait pas dans leur transformation en locomotives compound, nonobstant les timbres de 14 kg et de 12 kg de leurs chaudières.


Notre première tentative a porté sur une des Pacific avec chaudière timbrée à 14 kg. On procéda comme suit :


Les longerons furent sectionnés au chalumeau en arrière des faces d’applique du massif des cylindres intérieurs, et des extrémités neuves leur furent ensuite appliquées par soudure autogène. Un renfort rivé consolidait la jonction ainsi réalisée. Ces nouvelles extrémités étaient tracées et disposées de façon à constituer un avant de châssis identique à celui des Pacific compound déjà on service, qu’on équipa avec des cylindres HP et BP et des mécanismes extérieurs et intérieurs identiques à ceux de ces mêmes Pacific. On avait en définitive constitué une Pacific compound, ne différant de celles déjà en service que par une seule et unique particularité, le timbre de sa chaudière, qui était de 14 kg au lieu de 16.


On constat a aussitôt après la mise en service de cette unité que la pression obtenue au réservoir intermédiaire était toujours sensiblement inférieure à celle qu’on enregistrait couramment dans le réservoir intermédiaire des Pacific à 16 kg, avec un même degré d’admission dans les cylindres HP. Il s’ensuivait que le travail fourni par la vapeur dans les cylindres BP était tout à fait insuffisant. La locomotive ne pouvait remorquer les trains convenablement. Pour avoir davantage de pression au réservoir intermédiaire, il suffisait évidemment d’augmenter le diamètre des cylindres HP, de façon à augmenter, pour une même admission, le poids de vapeur mis action à chaque admission au cylindre HP. Un calcul simple permit d’évaluer qu’il fallait porter de 440 mm à 470 mm le diamètre des cylindres HP. La modification fut réalisée et les résultats furent tout à fait satisfaisants.


On décida alors de transformer les 19 autres locomotives à 14 kg. Le travail fut achevé en 75 mois.


Au fur et à mesure qu’elles pouvaient être remises en service après transformation, les locomotives compoundées étaient affectées à un même roulement avec celles qui restaient encore provisoirement à simple expansion, de façon à comparer les unes et les autres. Le résultat de la comparaison fut que les locomotives transformées consommaient 15 % de combustible de moins. La transformation des 20 locomotives est revenue au total à 1 080 000 francs, soit à 54 000 francs par unité. Chacune d’elles consomme 150 tonnes de moins de charbon qu’auparavant. Le combustible revenant, comme je viens de le dire, à 190 f la tonne, on peut juger combien l’opération nous a été favorable.


Puisque les résultats que nous venons de rappeler établissaient qu’on pouvait faire travailler en double détente, dans des conditions encore très avantageuses, de la vapeur à 14 kg, il y avait tout lieu d’espérer qu’on améliorerait le rendement des Pacific et des Consolidation à 12 kg sinon dans la même mesure, tout au moins de façon encore très appréciable, en remplaçant leur appareil moteur à simple expansion par un appareil à double expansion.


L’étude de la transformation des Pacific à 12 kg fut calquée sur celle de la transformation des Pacific à 14 kg. Mais, instruits par l’expérience, pour obtenir une pression convenable au réservoir intermédiaire, nous avions prévu des cylindres à haute, pression de 510 mm de diamètre, diamètre supérieur de 40 mm à celui des cylindres HP des locomotives à 14 kg, qui lui-même était supérieur de 30 mm à celui des cylindres HP des locomotives à 16 kg. Le diamètre des cylindres BP était de 650 mm, le même donc que pour les Pacific à 14 kg et à 16 kg. Les mécanismes de distribution étaient identiques pour les trois séries de machines.


Des expériences préliminaires, portant tout d’abord sur une, puis sur 10 locomotives de la série, permirent de se rendre compte que le moteur des nouvelles unités fonctionnait bien dans 1es conditions prévues. Dès lors, la transformation fut poursuivie sans interruption. Elle se termine à l’heure actuelle.


Comme nous l’avons signalé un peu plus haut, nos Pacific à simple expansion et 12 kg étaient très facilement à bout de souffle, même avec les charges assez réduites qu’on leur faisait remorquer, charges inférieures de 10 % à celles que remorquaient allégrement les Pacific compound à 16 kg et qu’on avait pu imposer après leur transformation aux Pacific à 14 kg.


Les charges qu’on peut leur faire remorquer, maintenant qu’elles sont compound, ont pu être augmentées. Elles ne sont plus inférieures que de 5 % à celles des autres Pacific, et sont emmenées avec la plus grande aisance. On n’a plus du tout les difficultés d’antan pour la remorque des trains.


L’étude de la transformation en compound des Consolidation à simple expansion et 12 kg fut entreprise et menée presque en même temps que celle de la transformation dont il vient d’être question.


Nous avons donné précédemment des indications sur les résultats tout à fait mauvais que ces Consolidation à 12 kg donnaient en service.


Leur consommation de combustible était supérieure de 14 % environ à celle des locomotives compound à surchauffe assurant le même service, et elles éprouvaient quelque peine, sur les parcours difficiles, à soutenir leur effort.


Ici encore, la mise au type compound avait pour but de faciliter la conduite des trains et, comme dans le cas des Pacific à 12 kg, de réaliser cependant des économies de combustibles.


Le moteur des locomotives en cause comportait 4 cylindres égaux de 460 mm d’alésage. La course des pistons était de 650 mm.


Me basant encore sur les résultats donnés par la première transformation, je fixai à 470 mm et 600 mm les alésages à donner respectivement aux cylindres HP et BP (les cylindres des unités de comparaison timbrées à 16 kg avaient des diamètres respectifs de 380 mm et 600 mm).


L’opération fut cette fois moins onéreuse que les précédentes. Il fut en effet possible de réutiliser les cylindres intérieurs, après les avoir réalésés pour porter leur diamètre à 470 mm, et d’éviter également le raboutage des longerons. Aussi, bien que réalisée de 1924 à 1928, alors que les prix des matières et de la main-d’oeuvre avaient subi des relèvements importants, la transformation nous coûta seulement 58 000 francs par machine.


Cette fois encore, l’expérience devait justifier nos prévisions. Les locomotives consomment 10 % de combustible de moins qu’avant leur transformation, soit, annuellement, 70 tonnes de moins, ce qui, traduit en argent, représente un bénéfice de 13 500 francs.


Vous comprendrez que, à la suite de semblables expériences, la faveur dont jouissaient déjà sur notre Réseau les moteurs du type compound se soit encore accrue et que, à notre avis du moins, la cause soit bien définitivement entendue.


On pourrait m’objecter qu’il s’agit là d’expériences unilatérales, dont en raison même de nos préférences, nous sommes enclins à exagérer la portée.


Aussi bien, si quelque doute pouvait subsister sur ce point, ne doit-il pas se trouver levé par les résultats d’expériences comparatives effectuées en 1923 de concert entre les réseaux PLM, Etat et PO, et dont, pour terminer, je dirai quelques mots.


Les Réseaux du PO et de l’Etat n’avaient pas, et je crois qu’ils n’ont toujours pas, la même foi que nous en la supériorité des locomotives compound. Tout de suite après la guerre, le PO avait commandé en Amérique un certain nombre de Pacific qu’il avait voulues à simple expansion et à surchauffe. L’Etat, lui, avait commandé en France des Mikado, également à simple expansion et à surchauffe.


Comme ces Pacific et ces Mikado étaient assez comparables comme dimensions et puissances aux Pacific et Mikado compound, à surchauffe et 16 kg, que nous avions nous-mêmes eu service, on convint qu’il serait tout à fait intéressant d’essayer de vider une bonne fois cette question si controversée de la supériorité des locomotives compound en organisant des comparaisons méthodiques et prolongées, en service courant, entre les 4 types de machines.


La Compagnie PLM passa 5 de ses Pacific au PO qui, en échange, lui confia 5 des siennes. Le PLM remit 5 de ses Mikado au Chemin de fer de l’Etat, qui, de son côté, lui envoya 5 des siennes.


Le PO, dans son dépôt de Paris, mit les 5 Pacific PLM en équipe avec 5 de ses Pacific. De son côté, le PLM, dans son dépôt d’Avignon, mit les 5 Pacific PO en équipe avec 5 ses Pacific.


Le Chemin de fer de l’Etat mit les 5 Mikado PLM en équipe, au dépôt de Chartres, avec 5 de ses Mikado à lui. Le PLM mit les 5 Mikado Etat en équipe, au dépôt de Laroche, avec 5 de ses propres Mikado.


Après que ces machines eurent été bien mises en main dans les 4 dépôts ci-dessus visés, et après qu’on fut assuré qu’elles se trouvaient placées dans des conditions aussi comparables que possible au point de vue des charges à leur faire remorquer, on fit commencer la période de comparaison proprement dite. Sa durée fut sur le PLM de 4 mois pour les Pacific, 6 mois pour les Mikado, sur le PO de 3 mois, sur l’Etat de 5 mois.


Les résultats qui furent obtenus sont consignés dans deux tableaux qui sont donnés ci-dessous.


L’économie de combustible en faveur des Pacific PLM a varié, suivant les mois, entre 21 et 27 % sur le PLM, 12 à 16 % sur le PO.


L’économie de combustible enregistrée en faveur des Mikado PLM a varié, suivant les mois, entre 14 et 20 % sur le PLM, 4 et 14 % sur l’Etat.


Ces chiffres, n’ont pas été accueillis, (le contraire serait surprenant) sans certaines récriminations, et l’Office Central d’Etudes de Matériel de Chemins de fer fut sollicité de reprendre le dossier des essais et de trouver: une explication aux grandes différences enregistrées.


Dans un rapport très développé, très étudié, il a retenu que les locomotives PLM mises en comparaison s’étaient trouvées incontestablement avantagées par leur système d’échappement, par le calorifugeage de leurs chaudières, par leur type de grille bien préférable à la grille à secousses des locomotives PO. Mais, malgré tout cela, l’Office a dû commencer les conclusions de son travail par les phrases suivantes :


«  Ces essais ont mis en évidence le fait que la double détente procure, une économie de combustible certaine sur la simple expansion, même avec de la vapeur surchauffée. Cette économie parait être pour les machines PLM de l’ordre de 10 à 12 % ».


Comme ces phrases n’ont pas été écrites par le PLM, ni pour le PLM, comme elles émanent d’un organisme neutre, il me paraît que je ne saurais en trouver de plus appropriées pour terminer ce trop long exposé des raisons de la préférence de ma Compagnie ».