Dôle-Ville à Poligny

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Généralités

Historique

Profils

Dates d’ouverture

  • Voie unique 20 août 1884

Gares et ouvrages d’art classés par Point kilométrique à partir de Paris

Dôle-Ville

  • Point kilométrique à partir de Paris : 360,5
  • Altitude : 231,70 m
  • Pente maxima trains impairs / pairs : 14,8/0

Dôle-Triage, Poste 1, Bifurcation PK 361,4

  • Point kilométrique à partir de Paris : 361,4
  • Altitude : m
  • Pente maxima trains impairs / pairs :

Dôle-la-Bédugue

  • Point kilométrique à partir de Paris : 364,2
  • Altitude : 202,26 m
  • Pente maxima trains impairs / pairs : 6,2/7,7

Aiguille PK 371,0

  • Point kilométrique à partir de Paris : 371,0
  • Altitude : m
  • Pente maxima trains impairs / pairs :

Parcey

  • Point kilométrique à partir de Paris : 371,2
  • Altitude : 200,70 m
  • Pente maxima trains impairs / pairs : 6/8

Souvans

  • Point kilométrique à partir de Paris : 376,2
  • Altitude : 206,48 m
  • Pente maxima trains impairs / pairs : 0/5,5

Mont-sous-Vaudrey

  • Point kilométrique à partir de Paris : 380,8
  • Altitude : 215,67 m
  • Pente maxima trains impairs / pairs : 13/14

Aumont

  • Point kilométrique à partir de Paris : 390,2
  • Altitude : 238,52 m
  • Pente maxima trains impairs / pairs : 10/14,5

Brainans-Vaccadieu

  • Point kilométrique à partir de Paris : 394,0
  • Altitude : 266,59 m
  • Pente maxima trains impairs / pairs : 5/13

Poligny

  • Point kilométrique à partir de Paris : 400,2
  • Altitude : 293,84 m
  • Pente maxima trains impairs / pairs :

L'inauguration décrite dans la presse

  • LE MATIN EN VOYAGE.

DÔLE (jura), août, 6 h. du matir. Assister à la cérémonie d'inauguration d'un chemin de fer, c'est la chose la plus banale du monde. Mais quand ce chemin de fer passe à Mont-sous-Vaudrey, c'est-à-dire par la résidence et par le pays natal du chef de l’État, cette ouverture de railway prend tout de suite un intérêt spécial. Voilà pourquoi le rédacteur du Matin s'embarquait hier soir dans le train de Dijon-Dôle-Belfort. Deux heures et demie du matin. Dôle! Une pincée de voyageurs à moitié endormis se trouvent sur le seuil de la gare, vaguement éclairé par un méchant lumignon. Une cour obscure qu'on devine bordée par des arbres touffus. Au delà, rien. Pas un omnibus, pas un être humain qui vous porte vos bagages et vous indique la ville, que vous n'apercevez pas. Un compagnon d'infortune m'engage à prendre mon courage et mes bagages à deux mains. Il connaît la ville par à peu près, et finit par me mener devant une maison de piètre apparence, ainsi définie par une enseigne Hôtel de la Pomme-d'Or. Là-dessus remerciements, salamalecs, et je reste seul, tirant le cordon d'une sonnette tant et si bien que la sonnette se décroche et que mon bras agite dans le vide une corde absolument muette. 0 bonheur! une lumière des pas! on a entendu. Qui est là? -Un voyageur. On ouvre. Un garçon se frotte les yeux Quel malheur, monsieur, il n'y a plus une seule place! Allons donc! vous trouverez bien quelque coin. J'entre; mon homme fait une perquisition dans l'immeuble, accompagné du patron, qu'il a réveillé. Après quoi la reprise du refrain se fait en duo. Quel malheur! il n'y a plus une seule place! Vous sentez ma consternation ? J'offre coucher sur le billard ma proposition n'a pas de succès. Si monsieur veut, dit enfin le patron, je puis lui donner la moitié d'un lit. Comment, la moitié d'un lit ? Oui, c'est un marchand de bœufs, un bon garçon, qui permettra bien à monsieur de partager. Jamais de la vie. Épouvanté par la perspective de recommencer malgré moi un chapitre du Roman comique, je laisse ma valise à la Pomme-d'Or, et m'en vais errer par la ville. Il est près de trois heures, dans une heure il fera jour. Me voici bel et bien en état de vagabondage, arpentant avec une mélancolie compréhensible, n'est-ce pas, les rues tortueuses et montueuses de et me proposant d'envoyer au dictionnaire départemental de Joanne une rectification ainsi conçue Dôle. 12,924 habitants. Jolie ville où l'on ne couche pas.

L'Omnibus Sauveur

Mais au plus fort de ma détresse, le Dieu des journalistes qui veillait sur moi, m'envoie le salut sous la forme improbable d'un omnibus vide d'ailleurs. Je hèle le cocher. Est-ce qu'on peut coucher dans votre voiture? Non monsieur, mais on peut coucher à l'hôtel. Ah c'est trop fort. D'où venez-vous? De la gare. J'exprime mon incrédulité par une pantomime non équivoque, et l'automédon m'explique qu'il n'y est allé, en effet, que longtemps après l'arrivée du train. Cinq minutes après, j'étais installé à l'hôtel de Genève, dans une vraie chambre, avec un vrai lit, ne ressemblant point au billard hypothétique de la Pomme-d'Or. Trois heures de sommeil et je vous écris le récit de cette première partie de mon voyage. Maintenant, je me mets en campagne. Et d'abord occupons nous du nouveau chemin de fer de Dôle à Poligny, par Mont-sous-Vaudrey, après avoir jeté un coup d’œil sur Dôle, la jolie ville où l'on manque de ne pas coucher.

Dôle à Vol d'Oiseau

Le premier moment de mauvaise humeur passé, je dois reconnaître que Dôle est une agréable ville, propre, coquette, extrêmement pittoresque. Ceux qui aiment les rues percées tout droit et pour qui l'idéal consiste dans la « rectangularité » n'ont rien à faire ici. Les rues serpentent, tirbouchonnent, montent, redescendent pour remonter encore. J'imagine que d'en haut la « voirie » de Dôle doit simuler assez bien une pelote de ficelle dénouée et jetée sans précaution sur le sol. Mais si la marche y est fatigante, si l'on a peine à se tenir sur cet abominable pavé de galets pointus dont sont garnies les villes de l'Est et du Sud-Est de la France, sans parler de Toulouse et autres lieux, quelles jolies échappées de vue on a subitement au détour de certaines rues dôloises. Le panorama de la vallée du Doubs est charmant, et le chemin de fer de Dôle à Poligny doit traverser d'adorables sites. De la station de la Bedugue, la première sur la nouvelle ligne, Dôle aparaît tout entière, avec ses échelons de maisons aux toits rouges. L'église Notre-Dame domine ce fouillis. Je ne vous ferai point une description archéologique de Dôle. Il est aussi facile aux abonnés du Matin de la lire dans les Guides, qu'il m'est aisé de l'y copier. Je vois, par exemple, dans Joanne, que Notre-Dame est un édifice gothique du seizième siècle, lourd et disgracieux, et je me permets de n'être pas de l'avis de Joanne. Sans discuter la valeur architecturale intrinsèque de ce monument elle n'est point à dédaigner on doit reconnaître que le style en est merveilleusement approprié au lieu où il est placé, au cadre où il se trouve. J'ai parcouru Dôle, j'ai admiré le cours Saint-Maurice et le magnifique paysage qu'on y découvre j'ai longé la Grand'Rue, si vivante, la rue Besançon, parée de belles boutiques, quelque chose comme notre rue Vivienne, à nous autres Parisiens; j'ai vu, au n° 43 de la rue des Tanneurs, la plaque indiquant que l'illustre Pasteur est né dans cette maison, le 27 décembre 1822 j'ai contemplé la très belle statue de la Paix qu'on a mise sur un piédestal où se trouvait jadis la statue de Louis XVI, abattue en 1793. Enfin, j'ai vu la pyramide élevée, près de la Gare "aux victimes de la Défense de Dôle", surmontée de la fière devise locale Justitia et armis Dola. Tout cela dit, je passe à quelques indications sur la nouvelle ligne de Dôle à Poligny.

Le Chemin de Fer de Poligny

Bien que l'inauguration officielle n'en ait pas été faite, la ligne est depuis hier livrée à la circulation. Son parcours total est de quarante kilomètres sept cents mètres. Dôle est séparée de Poligny par cinq stations, qui sont: La Bédugue, Parcey, Souvans, Mont-sous- Vaudrey, Aumont. La station de Mont-sous-Vaudrey est à vingt-et-un kilomètres de Dôle et à vingt kilomètres de Poligny.

Par la station de Poligny, Mont-sous-Vaudrey est relié à la ligne de Besançon à Lons-le-Saulnier, Bourg et Lyon. Cet embranchement dessert un riche pays et ne peut être qu'une excellente affaire pour la compagnie P.-L.-M. qui l'a construit et qui l'exploite. Ce détail a son importance, ne fût-ce que pour prouver que la faveur officielle n'est pour rien dans la construction de cette voie, dont le projet était fait, croyons-nous, longtemps avant que le respecté M. Grévy fût appelé à la présidence de la République.

Les Stations Intermédiaires. Voici maintenant quelques détails sur les stations desservies.

- Parcey est une commune de 672 habitants. Elle fait partie du canton de Dôle. Son cimetière villageois renferme une vieille croix d'un très beau style.

- Pouvans, a 616 habitants. C'est un joli village qui possède lui aussi un calvaire remarquable. Il y a une maison seigneuriale nommée châ teau de la Meuve.

- Mont-sous-Vaudrey, 931 habitants. Je m'y rends ce soir pour en faire aux lecteurs du Matin une description spéciale.

- Aumont. Commune de 702 habitants. Rien de remarquable.

- Poligny.; sous-préfecture; gracieusement situé sur la rivière de Glantine, dans la vallée Mite la Culée-de-Vaux. Les environs sont d'un (pittoresque achevé. Rochers bizarres, grottes fantastiques, rien n'y manque pour en faire un pays de légendes. C'est ainsi que, d'après un dicton local, le bloc appelé la Pierre qui vire et qui a la forme d'un homme chargé d'une hotte, tourne sur lui-même à minuit, le jour de Noël. Je ne me propose pas à la vérité d'attendre jusque-là pour vérifier le fait. Mais je vous parlerai dans ma lettre de demain de Mont-sous-Vaudrey et du séjour quo fait au pays natal de l'honorable M. Grévy.

L'impression profonde qu'on ressent immédiatement ici explique l'attachement du Président pour cette belle contrée et l'on conçoit qu'il vienne chercher régulièrement dans cette pure atmosphère, dans ces vallées charmantes, le repos que commandent les préoccupations inhérentes à ses hautes fonctions. A demain donc une lettre de Mont-sous-Vaudray.

Journal "Le Matin" du 23-8-1884 (Collection BNF Gallica).


  • CHEZ M. GRÉVY

Mont-sous-Vaudrey, 23 août. Les trains qui fonctionnent sur la nouvelle ligne, « la ligne du président » comme on l'appelle déjà à la gare et partout, sont rares: trois par jour en chaque sens. Une voiture de 3e classe en tête, un fourgon en queue, une voiture de 1ere et une de 2e au milieu, voilà tout le train. On y ajoute, il est vrai, selon les cas, pas mal de wagons de marchandises. C'est un soulagement pour les lignes principales toujours si encombrées. Au sortir de la gare de Dôle, la nouvelle voie infléchit au sud et court dans une tranchée à rampe rapide, à courbe très prononcée et au sortir de laquelle on se trouve au sud de lu ville, qu'on avait quittée au nord. On franchit le Doubs sur un beau pont métallique, on fait halte à LA BÉDUGUE, faubourg de Dôle, et on se lance dans une vallée superbe où coule le Doubs. A droite, un coteau. A gauche, la plaine s'étend toute verdoyante, entrecoupée de bouquets de bois. Après PARCEY, on repasse le Doubs sur un nouveau pont de fer, et l'on arrive à SOUVANS. Vingt minutes encore et l'on est à MONT-SOUS-VAUDREY.

La Gare de Mont-sous-Vaudrey

La gare est placée près du village, auquel on est en train de la relier par une fort belle route de deux cents mètres environ. L'édifice est assez important, très simple d'aspect on a fait confortable plutôt qu'élégant. Le terrain pris à côté pour les futurs quais de marchandises, les hangars déjà construits indiquent que la station de Mont-sous-Vaudrey est destinée à acquérir une certaine importance comme trafic. D'ailleurs, on active la construction d'un réservoir pour les machines; la prise d'eau en est situé sur le Doubs, à environ un kilomètre. Ce réservoir aura occasionné de fortes dépenses à la Compagnie P.-L.-M. Il a fallu, pour les fondations, aller chercher le gravier à quatre mètres cinquante centimètres de profondeur. Une pompe d'épuisement, de six chevaux de force; travaillait jour et nuit et sauvait à peine les ouvriers de l'inondation.

Le Village

De la gare, Mont-sous-Vaudrey apparait comme un bouquet verdoyant piqué de coquettes maisons rustiques. Des pins au sommet élancé dominent ce fouillis. Sur la gauche, on aperçoit, formant une masse plus sombre, les arbres du parc présidentiel. Deux bonshommes grisonnants, des contemporains du châtelain, sans doute, montent la côte en devisant, C'est bien le chemin pour aller chez M. le président? Tout droit, monsieur. Quand vous serez à la petite place, regardez à gauche, vous verrez le château. Je continue. Les maisons se serrent des deux côtés c'est la grande rue de village que tout le monde a vue partout, avec ses maisons semi-bourgeoises coudoyant des chaumières, des auberges auxquelles sont adossées des écuries et des étables. Seulement, dans cet heureux pays, tout a un air de propreté, d'aisance, de bonheur qui frappe le touriste. Pas d'enfants en haillons, pas de misérables tirant leurs béquilles, besaciers éternels que croquait d'un crayon si alerte le pauvre Léonce Petit. On sent que la terre est riche, que tout le monde vit à l'aise et que le voisinage du château a comblé les lacune pour les habitants moins fortunés.

A Parte du Reporter

Il s'agit maintenant de pénétrer dans la demeure présidentielle en face de laquelle je suis arrivé. Eh bien, je le déclare en toute humilité, j'éprouve quelque embarras. Cependant mes intentions ne sont point de préparer les éléments d'un bavardage indiscret; je ne cherche pas à m'introduire chez le président de la République pour épier les faits et gestes des hôtes du château et les narrer avec force détails vrais ou amplifiés, aux nombreux lecteurs du Matin. Je viens tout simplement demander des renseignements sur la fête qu'offrent demain, au président, ses concitoyens de Mont-sous-Vaudrey, à cause du nouveau chemin de fer. On entre au palais de l’Élysée sans la moindre gêne, quand on y va, bien entendu comme journaliste. C'est qu'à l’Élysée le président de la République est un fonctionnaire, le plus haut de tous, c'est vrai, mais c'est un fonctionnaire. Ici, dans cette campagne paisible, loin du bruit, de l'apparat, M. Grévy est chez lui. Grosse différence. Je conseille à ceux qui ne la comprennent pas d'aller y réfléchir en face du « café Durand » sur la place de Mont-sous-Vaudrey, au moment de pénétrer dans la demeure privée du chef de l’État. Chez le Président de la République Un mur nouvellement construit, surmonté d'une grille, sert de façade. Au bout, à droite, un portail en fer, à côté duquel une petite porte. Tout près de là passe un maréchal-de-logis de gendarmerie mobile. J'ai, lui dis-je, des lettres à remettre à M. Wilson je doute que vous puissiez le voir à cette heure-ci, Enfin, entrez, vous verrez un factionnaire et vous vous adresserez à lui. Je pousse la petite porte qui fait mouvoir un un carillon retentissant et je me trouve dans un jardin anglais avec pelouses, massifs d'arbres et de fleurs, etc. Dans l'allée sablée qui conduit à la maison, un gendarme mobile se promène le fusil sur l'épaule. Je désirerais faire parvenir ces lettres à M. Wilson et savoir la réponse. Veuillez attendre ici. Le factionnaire se dirige vers la maison et va consulter un laquais. Le laquais s'éloigne à son tour pour prendre des ordres. Il revient, parle au factionnaire, qui revient à moi en disant: Vous pouvez approcher. Je suis le laquais et traverse le fond du jardin. J'arrive devant une construction en briques, fer et verre, sorte d'orangerie élégante dont les larges fenêtres sont garnies de rouge. C'est la salle d'armes du château, et justement, par la porte nouvelle, je vois un maître d'armes en tenue de salle. L'autre tireur m'est caché par la muraille, c'est M. Wilson. Une seconde après, j'étais auprès du jeune député d'Indre-et-Loire.

M. "Wilson!

J'avais eu déjà l'occasion de voir M. Wilson dans les couloirs de la Chambre et aussi a l'Elysée. Le gendre du président de la République est, à Paris, d'un abord réservé pour ne pas dire un peu glacial. Grâce à mes lettres d'introduction qui émanent de deux de ses meilleurs amis, grâce à l'influence du milieu, M. Wilson m'accueille avec cordialité, et la conversation s'engage aussitôt, tandis que le partner du châtelain s'est retiré discrètement derrière un paravent au fond de la salle. Je n'ai à répéter que ce qui concerne ma mission, c'est-à-dire ce qui concerne la fête de dimanche, n'étant point venu pour une indiscrète interview. Là-dessus le représentant du Matin reçoit tous les renseignements nécessaires, et sur les personnages qui y assisteront et sur les discours qui y seront prononcés, et sur le caractère même de la cérémonie, qui a un caractère tout intime Quarante personnes tout au plus, y compris, probablement, le sous-préfet de Dôle. Aucune invitation n'a été faite à la presse; c'est bien pourquoi le rédacteur du Matin rendra compte de la fête dans tous ses détails. La belle affaire, si tout le monde y était allé Je prends congé de l'aimable et sympathique châtelain, qui, dès le début de l'entrevue, m'avait donné sur la santé de M. le président de la République les renseignements les plus favorables. Jamais M. Grévy ne s'est mieux porté. Au cours de la conversation, M. Wilson m'avait appris la nouvelle du bombardement de Fou-Tchéou. On se bat donc là bas. Comme l'idée de la guerre attriste plus vivement au milieu de ces belles campagnes! J'avais déjà oublié ici qu'il y eût un Tonkin, un Tsung-Li-Yamen et qu'on fût à la veille de tirer le canon contre les Chinois. J'ignore ce qu'en pensent à l'heure présente les députés, mais ce que j'affirme, c'est que les paysans ne sont pas contents!


Journal "Le Matin" du 24-8-1884 (Collection BNF Gallica).


  • MONT-SOUS-VAUDREY

Le village a pris un aspect de fête. En débarquant du train de Dôle, on n'aperçoit que de drapeaux; les plus humbles maisons sont pavoisées. En attendant de pouvoir être reçu au château, j'ai parcouru Mont-sous-Vaudrey Le village possède deux rues principales, ou, si l'on aime mieux, est traversé par deux grandes routes. La première, celle où est située la résidence du président, est la route de Dôle à Poligny. Sur l'autre, qui s'en sépare à angle droit au milieu du village, est bâtie l'église, monument très bien entretenu, pourvu de quatre colonnes à l.i façade et surmonté d'une lanterne octogonale. Un ruisselet passe à gauche, à moitié couvert d'arbustes touffus. La propriété de M. Grévy s'étend dans la plaine, où son mur blanc découpe un assez vaste rectangle, Un chemin la contourne et va rejoindre les prairies du Doubs.

Au Château

A l'heure fixée, le représentant du Matin a l'honneur d'être reçu par M. Wilson, qui se rend un peu après, en compagnie du lieutenant-colonel de la gendarmerie mobile et de M. le commandant Fourneret, à la salle du banquet, disposée dans la gare. Pendant que je cause dans le jardin avec le député d'Indre-et-Loire, je vois M. le président de la République traverser la salle d'entrée de sa maison et gravir très lestement l'escalier du premier étage. M. Grévy a fort bonne mine, et ceux de nos confrères qui annoncent périodiquement des indispositions du chef de l'Etat, renonceraient à leurs racontars fantaisistes s'ils avaient vu comme moi l'air de santé du vénérable président. En longeant le mur de la propriété, MM. Wilson et Fourneret sont appelés au passage par Mme Grévy, debout sur une gloriette tout ombragée qui, du jardin, domine la grande route. Mme la présidente adresse à son gendre un affectueux bonjour, et le cortège continue sa route vers la gare.

Du Château à la Gare.

Quand je dis cortège, qu'on ne s'imagine pas un de ces défilés usités dans les fêtes campagnardes. Point de haies de pompiers, point d'écharpes. Ici tout se passe en famille, sans prétention, sans pose. Le caractère des habitants, me paraît être la discrétion. On peut traverser tout un village sans être en butte à cette curiosité sournoise et gênante habituelle aux villageois. Vous passez, on vous regarde à peine. Vous êtes passé, on ne vous regarde plus. Loyauté, simplicité et douceur, telle me parait être, en résumé, la rature jurassienne. J'en ai vu d'ailleurs, j'en ai recueilli quelques curieux exemples, que je conterai à un autre moment. Donc, une partie des invités ou des souscripteurs se dirige par petits groupes vers la gare. La musique de Mont-sous-Vaudrey ferme la marche. Elle joue très convenablement les musiciens sont dépourvus de tout uniforme et de tout galon. Je me demande si cette grande simplicité de manières et de mœurs, qu'on remarque chez le président de la République, n'est pas seulement le résultat de l'éducation,mais encore un fruit du terroir.

Notes Retrouvées sur Mon Carnet

Tandis que tout le monde se rend au banquet, j'achève de vider mon carnet de notes. Le président mène une vie très modeste et et très retirée dans son éden. Couché de bonne heures, levé tôt, il commence par prendre connaissance des dépêches arrivées par le fil qui relie directement Paris à Mont-sous-Vaudrey et dont l'employé se trouve provisoirement établi dans une chambre au premier étage, au-dessus du café du Centre, juste en face du château. Le président se promène dans le parc qui s'étend entre la maison et la plaine, et qui est beaucoup moins grand qu'on ne l'a bien voulu dire. Mais ce parc est admirablement dessiné et boisé. Ce n'est guère qu'au moment de la chasse que le président sort de chez lui. Il y a dans le voisinage, du côté d'Aumont, des bois magnifiques, où le gibier doit pulluler, et qu a dû battre plus d'une fois M. Grévy, grand chasseur, comme chacun sait.

Le service militaire est fait par neuf hommes seulement de la gendarmerie mobile de la Seine. Chaque soldat fait la faction dans le jardin anglais, à quelques pas en avant de la maison présidentielle. On ne dira pas que le chef de l'Etat fatigue les troupes dans ses déplacements. Ce qui brille surtout par son absence, c est le service de « sûreté » dont les prédécesseurs de M. Grévy ne savaient guère se passer. Et contre qui, d'ailleurs, serait-il besoin de défendre le président? Le factionnaire du jardin n'est-il pas suffisant à établir la haute qualité du châtelain et à écarter les importuns, si jamais il s'en présentait?

Le Banquet

Le banquet a été préparé par un hôtelier de Mont-sous-Vaudrey, M. Maizier, à raison de cinq francs par tête. Tout est bien local comme on voit. Mais si les « chefs » parisiens n'ont pas touché aux casseroles, je gagerais que tout est exquis. On mange très délicatement dans ce plantureux pays. Il y a surtout une variété d'écrevisses. Le petit vin rose du Jura, avec son goût de pierre à fusil, est tout bonnement délicieux. Autour des fourneaux tout le monde perd un peu la tête, la patronne et ses filles, le patron et ses garçons. C'est qu'au lieu de cinquante convives inscrits, il s'en trouve cent vingt-cinq, et qu'il a fallu mettre des rallonges à tous les plats... La salle des marchandises, où a lieu le repas, est ornée de drapeaux et présente un joli coup d’œil.

Les Assistants

La présidence est dévolue à M. Albert Grévy, sénateur, ancien gouverneur général de l'Algérie, chargé de représenter le président de la République au banquet. A la même table prennent place, M. le commandant Fourneret, M. Wilson, M. Léon Grévy, fils de M. Albert Grévy, maître des requêtes au Conseil d’État le préfet du Jura, les sous-préfets de Dôle et de Poligny, M. Poiffant, maire de Dôle, vice-président 3u conseil général du Jura. Le reste des assistants est composé de maires, de conseillers municipaux de Mont-sous-Vaudrey et du voisinage, sans oublier, naturellement, M. le docteur Pactet, maire de Mont-sous-Vaudrey. Le service d'ordre aux environs est fait par un gendarme. Et cela suffit. La Compagnie P.-L.-M., à qui on avait dû demander l 'autorisation de se servir de sa gare de marchandises, l'a accordée avec empressement.

(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER). Mont-sous-Vaudrey, 5 h. soir. les Discours.

M. Pactet, Maire de Mont-sous-Vaudrey, a pris le premier la parole. Il a porté un toast au président de la République. Le préfet lui a répondu. Il a fait l'éloge du gouvernement de la République et du chef de l’État. MM. Albert Grévy et Wilson ont porté successivement des toasts aux populations républicaines du Jura.

Après le banquet, une partie des assistants s'est rendue à la mairie, dans la cour de laquelle la Société de gymnastique d'Arbois a fait ses exercices.

Le village est en fête. Un feu d'artifice sera tiré près de la gare à la tombée de la nuit.


Journal "Le Matin" du 25-8-1884 (Collection BNF Gallica).



  • A Mont-sous-Vaudrey.

Une petite fête a eu lieu dimanche à Mont-sous-Vaudrey, à l'occasion de l'inauguration de la ligne de Poligny. Un immense banquet de 150 couverts avait été organisé à la gare, sous la présidence de M. Albert Grévy, qui était entouré de M. Wilson, du préfet du Jura, de toutes les autorités du département et d'une foule d'invités. On a prononcé quelques discours et on s'est séparés après le feu d'artifices traditionnel. M. Le président de la république n'assistait pas à ces agapes. Il lui eût été difficile, en effet, de ne pas parler politique et et on sait que M. Grévy est d'avis que le silence est d'or.

Journal "L'Intransigeant" du 27-8-1884 (Collection BNF Gallica).