Journal "Le monde illustré" de févier 1861 : Chauffage des voitures de seconde et de troisième classe

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Chauffage des voitures de seconde et de troisième classe dans les chemins de fer.

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Que de progrès ont été réalisés au point de vue de l'hygiène dans l'aménagement du matériel des chemins de fer français depuis leur création! Ces effrayants wagons de troisième classe découverts par le haut dans lesquels s'entassaient cinquante personnes exposées aux plus rudes intempéries de notre climat prétendu tempéré, ces wagons ont disparu pour faire place à de larges voitures, convenablement aérées, dont les banquettes sont un peu dures, il est vrai, mais dans lesquelles la pluie et la neige n'ont plus accès. On a été jusqu'à chauffer à peu près convenablement les quelques élus qui peuvent faire la dépense du billet de première classe. Et cependant que d'améliorations à réaliser encore!

Que de désidératas à combler!... Tout le monde a entendu parler des rail-ways des États-Unis; les wagons larges, commodes, rembourrés et capitonnés communiquent tous entre eux et forment de véritables maisons roulantes,dans lesquelles on a réuni, à la plus grande satisfaction des voyageurs, tout ce que le luxe a de plus somptueux et tout ce que le confort a de plus raffiné. En Russie on a pris pour modèle le système américain dont on a perfectionné encore les détails. Je sais bien que dans ces deux contrées le prix de revient à peu près nul du terrain des steppes et des plaine incultes que traversent les voies ferrées, ont permis de leur donner à peu de frais une plus grande largeur que dans nos pays om chaque mètre carré de terre ets payé à prix d'or, au malheureux exproprié pour cause d'utilité publique. Je sais aussi que pour quelques modifications qu'elles regardent comme peu importantes, nos compagnies ne mettront pas et ne peuvent raisonnablement pas mettre au rebut tout un matériel en parfait état qui représente une valeur énorme.

Ces objections sont parfaitement justes; mais, sans bouleversement complet, ne peut-on satisfaire à de légitimes réclamations? N'y a-t-il pas en dehors des questions d"hygiène et de salubrité auxquelles me restreint le cadre qui m'est donné, des points vicieux et, en première ligne, ces mille tracasseries inutiles des règlements qu'il serait si facile de faire disparaître... Ceci, du reste, n'est pas mon affaire, je renvoie au lecteur qui voudra s'édifier au premier acte du voyage de M. Perrichon de joyeuse mémoire et je reviens à mon sujet.

Une des lacunes les plus regrettables de l’aménagement des voitures, c’est l’absence de tout moyen de chauffage pour les secondes et les troisièmes classes. Supposez une malheureuse mère obligée d'entreprendre au cœur de l'hiver un long voyage avec des enfants en bas âge; si sa fortune ne lui permet pas de prendre place ailleurs que dans les troisièmes classes, elle sera condamnée à grelotter avec ses enfant pendant trente heures peut-être, d'insomnie et de fatigues , ils arriveront à leur destination brisés, rompus et portant le germe de maladies graves. Qu'on ne croie pas que j'exagère à dessein; les expériences toutes récentes du docteur Anselmier, celles ed Magendie dont elles étaient le corollaire, n'ont que trop démontré les pernicieux effets du froid sur l'économie animale.

Ces effets doivent être d'autant plus terribles que la personne qui est exposée à ses rigueurs sera forcée des les supporter dans une immobilité à peu près absolue, sans qu'il soit possible de les combattre par une réaction quelconque. Il est inutile de dire que les voyageurs ses secondes et des troisièmes classes sont de beaucoup les plus nombreux. Le Conseil d’administration de la ligne de Paris à Lyon, frappée de cet état de choses et voulant à tout prix y remédier, a chargé M. Delcambre, auteur d'un système de chauffage des wagons, de l'appliquer à ceux de la compagnie.

L'essai a été fait le le 18 janvier sous les yeux d'une commission nommée à cet effet par le ministre des travaux publics. Chacune des dix voitures qui composaient le train, était munie d'un tube de large diamètre serpentant sous le plancher : ce tube reçoit une partie de la vapeur perdue qui a déjà produit son effet mécanique et qui n'est plus employée à l'ordinaire qu'à activer le tirage du foyer en le traversant. Un système d'attache très ingénieux fait communiquer entre eux les tubes de chaque wagon et permet d'en ajouter au train ou d'en retrancher sans la moindre difficulté suivant les besoins du service. Le succès de cette expérience a été complet et décisif. L'administration du chemin de fer de Lyon a fait œuvre d'humanité et de véritable philanthropie. Son exemple sera suivi sans nul doute, on ne saurait trop la remercier de l'avoir donné.

C A Martin

Journal "Le monde illustré" du 16 févier 1861 (collection BNF-Gallica)