L’Illustration n°342 du samedi 15 septembre 1849 : inauguration de la section de Paris à Tonnerre par les autorités

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Le 12 août 1849 commence l’exploitation de la première section de la ligne du PL et le 1er septembre 1849 celle de la deuxième section. L’inauguration de la section de Paris à Tonnerre par les autorités religieuses, militaires et civiles de Paris et des départements traversés a lieu le 9 septembre 1849.

Planche et figures de l’article

Article

  • Nous voici donc à l'embarcadère, prêts à partir par le convoi présidentiel de 9 heures du matin. Cet embarcadère est situé sur le boulevard Mazas, qui va directement au pont d'Austerlitz et au bout de la nouvelle rue de Lyon, qui est tracée dans l'axe de l'embarcadère et de la colonne de Juillet. A côté se trouve la nouvelle Force. La gare formera un vaste monument tout en pierre et en fonte de 220 mètres de long sur 80 mètres de large. Le hangar, qui a 42 mètres de large, est partagé en deux longitudinalement par une série d'arcades en fonte dont nous avons vu un spécimen à l'Exposition. Les proportions de cet édifice sont grandioses et nous semblent parfaitement appropriées à sa destination.
  • Aujourd'hui, nous partons d’une gare provisoire en planches.
  • Mais enfin nous partons, et c'est là l'essentiel, dans des voitures de première classe magnifiques et de seconde classe qui ne le cèdent en rien aux premières de bien des chemins. Nous passons rapidement devant Bercy, où se trouvent les ateliers et la gare des marchandises. C est entre Paris et Charenton que les dépenses ont atteint un chiffre effrayant. En effet, sans parler des travaux d'art et des bâtiments, les terrains seuls ont coûté 10 millions.
  • La gare des voyageurs et les établissements accessoires dans Paris contiennent 24 hectares, les établissements de Bercy, 42 hectares, et les voies jusqu'à la Marne, 49 hectares, en tout 52 hectares pour le prix que nous vous avons dit plus haut.
  • A Bercy nous passons devant le château, et nous longeons la Seine jusqu'à Charenton, où se trouve le premier ouvrage d'art important : c'est le pont sur la Marne, composé de cinq arches en fonte séparées par une île en deux parties, l'une de deux arches formant un débouché de 70 mètres, l'autre de trois arches ayant ensemble 84 mètres d'ouverture. Puis nous laissons à notre gauche l'école vétérinaire d’Alfort, le fort de Charenton.
  • Nous passons à toute vapeur devant Choisy, Villeneuve-Saint-Georges, dont le pont suspendu est maintenant veuf de ses passagers. Nous sommes en vue de ce pauvre chemin de fer de Corbeil, qui autrefois ...
  • A Villeneuve nous passons l’Yères sur un pont de trois arches assis sur pilotis à cause de la nature tourbeuse du sol. Nous arrivons à Tonnerre. tout d'un élan, après avoir vu à notre gauche Montgeron, au viaduc de Brunoy. Le viaduc de Brunoy est non-seulement un magnifique ouvrage d'art, mais encore un monument très pittoresque. Il est situé dans la vallée d'Yères, et passe à travers un parc bordé de deux côtés par les bras de la rivière. La vaste prairie où l'on a assis ses piles remonte par une pente insensible, au milieu de touffes d'arbres et de corbeilles de fleurs, jusqu'à un charmant petit château à moitié masqué par des massifs de verdure. On le nomme la maison de Talma. Elle fut donnée par le comte de Provence à une dame célèbre par ses attraits, et habitée depuis par le général Agnel.
  • Quant à nous, nous avons assisté du haut du viaduc au plus ravissant spectacle qu'il soit possible d'imaginer. Les gardes nationaux des environs étaient réunis dans cette plaine pour la revue du Président, et le défilé, vu de 22 mètres au-dessus de cette verte prairie, à travers les arbres, par un ciel splendide, et terminée par cette maison blanche couverte en ardoises, ce défilé était une de ces scènes qui laissent des souvenirs ineffaçables, et qui valent à elles seules tout un long voyage.
  • Le viaduc d'où nous avons joui de ce ravissant spectacle n'a pas moins de vingt-huit arches de 10 mètres d'ouverture.
  • Nous quittons à regret cette délicieuse vallée, et nous passons sur le remblai glaiseux de Combe-la-Ville. A nos côtés court la forêt de Sénart, qui nous rappelle l'étymologie qu'Odry a trouvée à ce nom : il prétend qu'on l'appelle ainsi pour la distinguer des autres.
    • Nous arrivons non loin du magnifique château de Vaux-Praslin, auquel s'attache aujourd'hui un lugubre souvenir (NDR : Le duc de Choiseul-Praslin a assassiné son épouse à coups de couteau le 17 août 1847). En vain nous admirons cette belle façade, les arbres séculaires du parc, la délicieuse position qu'il occupe : partout et toujours nous retrouvons cette affreuse tache de sang qui est venue ternir le blason d'une des grandes familles de France.
  • Melun, voici Melun! Nous franchissons la Seine après avoir passé dans une longue tranchée dite « tranchée du Mée », perreyée dans toute sa longueur. Le pont sur la Seine est un de ces ouvrages dont la hardiesse laisse bien loin les travaux si vantés des Romains. Il y a trois arches en fonte de 40 mètres d'ouverture chacune. Si cet ouvrage fait honneur à celui qui l'a conçu, il n'en fait pas moins à M. Emile Martin, qui a fourni les fontes de ces vastes arches.
  • La station est située à 1 500 mètres de la ville mais, grâce à la revue et au déjeuner offert au président, nous avons pu la parcourir. Nous n'évoquerons pas ici tous les souvenirs historiques qui s'attachent à la ville de Melun, sa position sur la Seine a dû la rendre et l'a rendue en effet un de ces points importants dont les dominateurs successifs du pays ont dû s'assurer la possession. Deux bras de la Seine la traversent. Elle possède une charmante promenade à l'extrémité de laquelle s'élève en amphithéâtre un parc couronné par un château appartenant à M. Fréteau de Pény.
  • Depuis quelques années, Melun possède un hôtel-de-ville dans le style gothique. C'est une gracieuse construction avec des clochetons élégamment travaillés.
  • La ville avait mis pour nous recevoir ses habits de fête, ses banderolles tricolores, et ses arcs de triomphe en verdure.
  • Au sortir de Melun , on passe en souterrain sous la cour d'honneur du château de la Rochette, puis nous arrivons à Fontainebleau. Quel est le Parisien, quel est le Français qui ne connaît pas Fontainebleau et son histoire!
  • Mais ce qu'il faut voir, c'est le passage du chemin de fer à travers la forêt, au milieu de ses magnifiques futaies et de ses roches admirables. Et puis ce sont deux immenses viaducs se succédant à peu de distance, tous deux de trente arches de 10 mètres d'ouverture et de 20 mètres d'élévation. L’un, le viaduc de Changy près d'Avon, l'autre, le viaduc courbe de Moret près de Saint-Mammès, dont les deux dernières arches sont en fonte et donnent passage au Loing.
  • A Fontainebleau, on nous a offert les produits du pays, non les rochers et les futaies, mais le chasselas, dont nous avons pu apprécier sur place toutes les bonnes qualités.
  • Nous voici a Montereau, ou plutôt en vue de Montereau et du château de Surville, qui servit de quartier général à Napoléon, lors de la bataille de Montereau.
  • Ici nous quittons la Seine et nous entrons dans la vallée de l'Yonne : voilà Villeneuve-la-Guyard et Pont-sur-Yonne, remarquable par une tranchée de plusieurs kilomètres, dont les talus sont perreyés d'un bout à l'autre. Au-dessus de la tranchée, il a fallu construire une foule de ponts pour rétablir les communications avec la ville. Le sol en est crayeux et rappelle par sa fatigante blancheur les terres de la Champagne.
  • Nous abordons l'antique cité Sénonnaise, ce qui veut dire la ville de Sens, terme de notre excursion officielle, où nous attendent les discours et le banquet. Nous avons le temps cependant de parcourir la ville et de faire une station dans sa magnifique basilique, dont la construction remonte au dixième siècle, et ne fut achevée qu'après avoir subi de nombreuses vicissitudes. C'est un vaisseau gothique d'une vaste dimension ; mais partout sur les murs intérieurs et extérieurs on retrouve les traces du vandalisme de la première révolution : pas une statue qui soit restée intacte, pas un tombeau qui n'ait été violé.
  • Au milieu du chœur nous avons admiré le monument funèbre qui recouvre les cendres du Dauphin, fils de Louis XV, et de la Dauphine, morte quinze mois après lui. Le sculpteur Coustou fut chargé de l'exécution de ce monument, composé de quatre grandes statues et de deux enfants. C'est une admirable composition où l'expression des physionomies et le fini des détails font une profonde impression sur le visiteur.
  • Le collège de Sens nous a reçus dans son vaste préau recouvert d'une tente, et a réuni cinq cents convives à un banquet servi par Chevet. Les journaux vous ont répété les discours, nous nous tairons.
    • Au sortir de Sens nous abordons Villeneuve-sur-Yonne, Saint-Julien-du-Sault et Joigny, que nos dessins vous représentent, puis La Roche, où le chemin de fer traverse l'Yonne pour entrer dans la vallée de l'Armançon, et de là longer le canal de Bourgogne jusqu'à Montbard.
  • Enfin l'on arrive à Tonnerre, où quant à présent s'arrêtent les convois.
  • Mais si vous voulez franchir la distance qui sépare Tonnerre de Dijon, vous pourrez parcourir la seconde section du chemin, partir de Dijon, toucher aux villes de Nuits, de Beaune et de Chagny, goûter de tous les vins, et arriver à Chalons à travers les riches vignobles de la Bourgogne. Quant à nous, nous rentrons à Paris content et fatigué de notre course rapide, mais goûtant une seconde fois le plaisir que nous venons d'éprouver en vous le racontant.