RGCF de février 1932 : consolidation du viaduc du Grand-Echaud

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Titre

Travaux de consolidation du viaduc du Grand-Echaud (ligne de Longeray à Divonne), par M. Odotte, Ingénieur, chef du 1er arrondissement de la voie

Documents

Généralités

Le viaduc du Grand-Echaud est un ouvrage métallique franchissant, par trois travées indépendantes, de 40 mètres de portée chacune, un ravin relativement peu profond qui descend vers le Rhône. Ce ravin est entièrement creusé, sur plus de 25 mètres de profondeur, dans des couches d’argile plus ou moins sablonneuses ou graveleuses, séparées entre elles par toute une série de lentilles et de filons de sables pulvérulents.


L’ouvrage, précité, qui repose sur des culées et piles en maçonneries, a donné lieu à des fondations exceptionnelles qui furent exécutées en 1897 et dont l’importance apparaît à l’examen de la figure 1.


En particulier, les fondations de la culée côté Longeray et de la pile dénommée pile n° 1, dont nous allons avoir plus particulièrement à nous occuper au cours de cet exposé, étaient descendues dans l’argile bleue sèche et compacte sur laquelle reposent les terrains supérieurs, jusqu’à la cote (379,06) pour le massif le plus profond de la culée, celle-ci était fondée par gradins, et jusqu’à la cote (378,05) pour le massif de la pile.


Ces massifs de fondation en maçonnerie de béton étaient entourés d’un chemisage en pierres sèches, destiné à capter les eaux d’infiltration provenant des couches perméables. Ce chemisage était poussé jusqu’au niveau du radier de fondation établi dans l’argile sèche, et reposait sur une retraite en pente de 0,02 par mètre, dans la direction de l’angle aval du périmètre de chaque fouille, d’où des galeries d’évacuation, qui ont servi lors de la construction à l’enlèvement des déblais les évacuaient dans le ravin (Figure 2).


Comme les terrains supérieurs, fortement inclinés vers le Rhône, sont toujours en mouvement, tant à cause des érosions que des appels produits par le fleuve, il était douteux que les galeries précitées, qui n’étaient d’ailleurs plus visitables pussent jouer toujours leur rôle d’exutoire.


D’autre part; si l’évacuation des eaux des couches perméables n’était pas parfaitement assurée, il était à craindre que, conduites par les chemises en pierres sèches jusqu’à l’argile sèche et compacte sur laquelle reposaient les fondations, cette argile délavée ne perdît de résistance et devint assez glissante pour provoquer des mouvements dans les supports des maçonneries.


En fait, dès 1916, des fissures furent constatées dans la maçonnerie de la culée côté Longeray. Ces fissures attestaient un mouvement vers le Rhône extrêmement lent (quelques millimètres par année). Le viaduc fut alors mis en observation, par un système combiné de visées en direction et en hauteur, sur les principaux points sensibles de l’ouvrage et sur des repères plantés en dehors de tout mouvement.


Les observations se faisaient périodiquement et très régulièrement. Le mouvement se manifestait, pour la culée côté Longeray et pour la pile voisine, par un déplacement transversal coté Rhône, par un affaissement du support et, pour le même support, par une dénivellation des appuis attestée par un surplomb de la maçonnerie. Les valeurs de ripage latéral, d’affaissement et de bascule étaient différentes de la culée à la pile.


En 1923, le mouvement général, toujours d’allure faible était toutefois assez important pour nécessiter une remise en alignement droit et un relevage du tablier métallique et de la voie (la voie sur l’ouvrage étant en alignement droit et en rampe de 24 mm). Les observations se poursuivirent, mais les mouvements précités s’accélérèrent en 1927 et 1928. Le déplacement transversal de la culée, totalisé depuis l’origine des observations, atteignait alors 0,385 m. Ce déplacement était tel qu’il n’était plus possible de rectifier le tablier métallique au droit de la culée.


Il devenait donc absolument indispensable, malgré la dépense à engager, de mettre un terme a ce mouvement continu de la culée par la consolidation de cette culée. Quant à la pile, dont les mouvements étaient beaucoup plus modérés, on était fondé à penser qu’ils venaient moins le son déplacement propre que de l’entraînement qui lui était donné par le tablier métallique entraîné lui même par les importants déplacements de la culée.


Les données du problème étaient les suivantes :

Les mouvements précités avaient provoqué, dans les murs en retour de la culée, diverses fissures et deux d’entre elles, plus importantes, descendant presque verticalement dans les fondations, semblaient correspondre exactement à la limite du massif proprement dit de la culée.


Les mesures relatives à la culée avaient permis d’orienter la poussée des terres à 25° environ de la normale au parement latéral de la culée. Par contre, les mouvements relatifs de descente verticale, très peu importants d’ailleurs, paraissaient assez imprécis.


Enfin, les terrains situés aux abords immédiats de la culée, côté Rhône, paraissaient d’une résistance très douteuse, puisqu’une ligne d’acacias, placée sur le remblai, en 1919, parallèlement à la voie, était, en 1928, à plus de 10 mètres de la position première, en une deuxième ligne à peine déformée.


  • On a donc considéré :
    • Que toute la culée se déplaçait, sensiblement de la même manière, que la culée n’était pas rompue transversalement et qu’elle s’inclinait en pivotant autour de sa base,
    • Que l’angle de glissement du terrain était étal à la pente du coteau dont les nombreuses crevasses et le boursouflement attestaient le mouvement constant,
    • Que la poussée s’exerçait suivant la direction générale déjà repérée et sur toute la hauteur de là culée.


Il paraissait imprudent, pour consolider la culée, de pratiquer le long de cette culée d’importants puits d’accès boisés. Puisque le terrain lui-même, opposant cependant une couche épaisse au mouvement de la culée, était lui-même refoulé par ce mouvement, il était à craindre que, en remplaçant ce terrain par un puits, quelque bien boisé qu’il fût, on risquât d’accélérer le mouvement de la culée et de compromettre irrémédiablement la situation.


On était donc conduit à envisager la consolidation de la culée au moyen d’un contrefort en béton à courbe sensiblement circulaire, fondé à une quinzaine de mètres de la culée, au-dessous de la fondation de celle-ci; sur le terrain d’argile sèche et ferme, bien protégée contre l’accès de l’eau.


Ce contrefort serait orienté dans le sens de la poussée; il viendrait contrebuter le massif profond de la culée au point d’application de la résultante des pressions.


D’autre part, le système de consolidation devrait toujours permettre les tassements verticaux de l’ancienne culée, tassements toujours possibles, en raison de l’humidification de l’argile sur laquelle elle reposait. Aussi la surface de contact du contrefort sur la culée devait-elle être étudiée de telle sorte que ces tassements pussent se produirent sans provoquer un déchirement de la culée ou du contrefort.


La largeur du contrefort devrait être telle que la surface d’appui de la culée ne se rapprochât pas à moins de 0,50 m, distance comptée horizontalement, des parties les plus saillantes des plaques d’appui.


La courbe des pressions déterminerait les lignes d’intrados et d’extrados du contrefort et, pour faire face, le cas échéant, à une résistance insuffisante du sol ou pour modifier la position de la courbe de pression, l’empattement du contrefort pourrait être augmenté, côté Rhône, par des risbermes en gradins, construites en galeries.


De nombreuses épures de stabilité ont été étudiées et la forme définitivement choisie a satisfait à la condition de réduire au minimum le cube des maçonneries, la pression moyenne sur le sol et la pression maxima.


Ainsi précisé, le contrefort prévu (Figure 4) était un monolithe en béton de ciment dosé à 250 kg, fondé à la cote (372,86), soit à 25 mètres en moyenne au-dessous du terrain naturel. Sa largeur transversale était de 5 mètres. Les rayons de courbure principaux étaient de 12,50 m et de 25mètres.


D’après l’épure de stabilité, la courbe des pressions passait par le milieu de la fondation et la pression moyenne sur le sol était de 10 kg/cm2, alors que, d’après des expériences directes dont il est question ci-après, ce sol résiste à 20 kg.


Le contrefort s’appuyait contre la culée, entre les cotes (392,86) et (397,36), au moyen d’une surface de contact en béton armé reposant contre un sommier, également en béton armé, incorporé au massif de la culée. Pour que cette culée puisse prendre, le cas échéant, un mouvement de descente sans déchirer les maçonneries de la culée ou du contrefort, cette surface de contact présentait un fruit de 1 %.


Cette solution, ainsi posée en principe, était susceptible de pouvoir être corrigée, en exécution, si les hypothèses concernant la direction et, l’inclinaison des plans de glissement, l’état de la culée, la résistance du sol, ne s’étaient pas trouvées confirmées. Il aurait alors suffi d’établir de nouveaux calculs, et de modifier le tracé du contrefort et sa surface d’appui sur le sol.

Exécution des travaux

Travaux préparatoires

Les travaux de construction du contrefort commencèrent le 24 mars 1929.


L’installation du chantier comprenant des estacades, treuils, plans inclinés, bétonnières, diverses voies de décharge et l’installation de la ligne d’énergie destinée à la force motrice et à l’éclairage des travaux de nuit, fut terminée le 20 Avril.


Une triangulation précise du terrain avait été faite et les fouilles commencèrent aussitôt.


Tout d’abord, et parallèlement à cette installation de chantier, on vérifia pour la culée, par deux puits de 1,70 m x 1,70 m descendus sur les deux faces intéressées par le contrefort, l’état du béton et l’absence de toute fissure horizontale. Ces deux puits furent forés jusqu’à la cote (392,50), c'est-à-dire pratiquement au-dessous de la limite inférieure de la zone d’appui prévue pour le contrefort.


Le béton se révéla médiocre, composé de lits de cailloux et de matériaux beaucoup plus fins, sans cohésion, le mortier ayant souvent disparu ou ayant été décomposé.


Pour remédier à ces inconvénients, des injections furent prévues, dont on parlera plus loin.


D’autre part, aucune fissure horizontale ne s’est révélée. Les fissures verticales déjà repérées, suivies sur toute la hauteur du sondage, se dirigeaient franchement vers le premier ressaut de la fondation, isolant ainsi le massif le plus profond de la culée. Ainsi, l’hypothèse faite sur l’absence de toute fissure horizontale se trouvait bien confirmée et une rectification de la courbe générale du contrefort fut étudiée pour relever les cotes de la surface d’appui de la culée et diminuer ainsi le cube des fouilles.

Exécution du contrefort

Il ne pouvait être question, dans un pareil terrain, d’ouvrir à la fois toutes les fouilles du contrefort. Celles-ci furent au contraire compartimentées le plus possible.


  • On a distingué, comme il est indiqué à la figure 5 :
    • La fouille du pied du contrefort de 5 m x 8 m descendue en principe à (372,86),
    • La fouille de la surface d’appui du contrefort sur la culée, soit une fouille de 7,50 m x 3 m descendue en principe, à la cote (392,76), soit 12 mètres au moins au-dessous du sol naturel,
    • La fouille intermédiaire.


Dans toute la mesure du possible, ces fouilles devaient s’ouvrir successivement, pour éviter un mouvement général du terrain (Figure 5).

Première partie

Construction du pied du contrefort

La fouille initialement prévue de 5 m x 8 m a été compartimentée à son tour.


Tout d’abord, un puits de 1,70 m x 1,70 m, destiné à l’évacuation des eaux de la fouille, fut foncé préalablement, à l’extérieur de celle-ci. Malgré cette précaution, les pluies de fin Avril et début Mai, ont entraîné, le 6 Mai, des mouvements d’ensemble dans les terrains supérieurs voisins, sans aucune déformation dans le boisage.

Avant puits

Pour faciliter le boisage des fouilles, qui aurait été difficile dans un semblable terrain avec une dimension de 5 mètres sur 8 mètres, on décida de foncer tout d’abord, et jusqu’à la cote (372,86), un avant puits de 4 mères sur 2 mètres conformément au schéma ci-contre (Figure 6).


On pouvait ainsi faire une reconnaissance préalable du terrain rencontré, mesurer la résistance du sol de fondation et en déduire toutes modifications nécessaires avant d’entreprendre la fouille définitive.


D’autre part, l’avant puits bétonné jusqu’au niveau du terrain naturel pouvait servir d’appui aux boisages de la grande fouille et réduire l’importance et la difficulté de ceux-ci.


Pour assurer la liaison du béton de cet avant puits avec le béton du reste du contrefort, il était prévu d’armer le premier au moyen de coupons de rails disposés en attente, perpendiculairement au plan de la courbe de poussée, pour être ensuite reliés au reste du contrefort.


Le travail de fonçage de l’avant puits, jusqu’à la cote (372,86), fut fait sans incident, sans venue d’eau, en deux postes de 11 h. Le terrain rencontré fut presque uniquement de l’Argile gris-vert, très compacte, coupée par une seule lentille, assez épaisse, de sable très peu humide, fin et pur, comme l’indique la géologique de la grande fouille (Figure 7).


L’argile, très difficile à piocher, était découpée par des bêches spéciales enfoncées à la masse.

Examen et essai de résistance du sol de fondation

Afin de se rendre compte de la nature du terrain au-dessous de la cote (372,86), un sondage à double tube a été exécuté jusqu’à une profondeur de 9 mètres et a donné le résultat ci-dessous.


Les résultats du sondage étant nettement satisfaisants, il fut décidé que la cote de fondation serait immédiatement au-dessous de la première veine de sable trouvée, soit à (372,50).


Le tube extérieur fut abandonné dans le terrain, pour éviter de mettre en communication les diverses couches rencontrées, et rempli par une coulée de ciment artificiel.


La mesure de résistance du sol a été faite par « poids morts », en employant les précautions nécessaires pour assurer une bonne préparation du sol, une répartition soignée des charges et la lecture exacte des enfoncements successifs.


La préparation du sol a consisté en un dressage d’une aire de 0,50 m x 0,50 m à l’aide de la règle et du niveau, aire légèrement fouettée, mais non damée, puis protégée par un platelage jusqu’à la mise en place de la table d’essai.


La table d’essai est à pied central de 0,30 m x 0,30 m d’une exécution très soignée.


La surface supérieure de la table et celle du pied sont rigoureusement parallèles et normales au pied. La surface du pied est munie d’un sabot en tôle bien dressée et à angles vifs.


Pour lire les enfoncements successifs, la table est munie, en deux points opposés, de deux règles verticales devant lesquelles se déplacent deux tenons solidaires du boisage, formant également guides pour la table.


Toutes les surfaces de frottement avec la table ont été savonnées.


Les coupons de rails et les éclisses formant poids mort ont été montés au fil à plomb, et les dispositions utiles prises pour éviter tout mouvement éventuel de renversement de ces piles.


  • Les résultats furent les suivants :
    • à la pression de 15 kg/cm2 pendant 16 heures, aucun enfoncement,
    • à la pression de 20 kg/cm2 pendant une nuit, aucun enfoncement.


A la suite de ce dernier essai, on a réalisé l’augmentation lente de la charge. A cette augmentation a correspondu un enfoncement d’abord lent, puis brusque, la pression était alors de 21 kg/cm2.


La résistance du sol pouvait donc être estimée 20 kg/cm2, d’où un coefficient de sécurité de deux pour le travail envisagé.


A noter que, au début de chaque expérience de charge, un enfoncement très léger fut constaté, malgré la préparation préalable du sol. Des constatations semblables ont été faites d’ailleurs, au moyen d’un appareil précis, dans trois chantiers de fondations ouverts sur le Réseau, et qui ont montré, qu’à chaque phase de compression du sol, il se produit un petit tassement d’accommodation momentané.


La cote de fondation du contrefort et la résistance du sol étaient donc bien déterminées. Ces données, de même que celles résultant du contrôle des hypothèses faites pour établir le projet, n’apportaient donc aucune modification à ce projet. Par mesure de précaution, il fut toutefois décidé de donner au sol de fondation une pente de 10 cm par mètre, côté montagne, et de noyer une nappe de rails dans toute la base du contrefort.


Le bétonnage de l’avant puits se fit sans incident.


Pour permettre au pilier de l’avant puits de jouer un rôle d’appui pour les boisages de la grande fouille, des coupons de rails furent noyés près de la face côté montagne, en plus de ceux qui étaient destinés à relier ensemble les bétons de cet avant puits et du reste du contrefort.

Construction proprement dite du pied du contrefort

Le pilier de l’avant puits étant terminé, la fouille de 5 m x 8 m fut attaquée en grand, et menée avec beaucoup d’activité par deux postes de 11 h. L’argile était découpée au marteau - bêche actionné à l’air comprimé.


Etant donnée la profondeur de la fouille, les boisages furent particulièrement soignés : cadres rapprochés, bois en grume de gros diamètre, enfilages de palplanches soignés et serrés à refus contre le sol naturel. Aucune déformation notable de boisage ne s’est manifestée.


Des bâches étaient d’autre part approvisionnées pour couvrir la fouille en cas d’intempéries.


Le terrain rencontré a été uniformément de l’argile gris - verdâtre, sèche ou légèrement humide, coupée de quelques filons de sable comme il est indiqué à la figure 7.


Quelques venues d’eau, du même ordre que celles qui furent signalées lors du fonçage de l’avant puits, se sont manifestées dans les terrains supérieurs. L’eau fut évacuée dans les mêmes conditions par les puits de drainage foncé au début des travaux. Dans le terrain profond, l’argile était parfaitement sèche.


Signalons toutefois qu’un plan de glissement a pu être nettement observé à la cote (375,60). L’argile, qui se découpait en tranches horizontales que l’on pouvait enlever à la manière d’un linoléum, se présentait sous la forme d’une surface très plane, très unie, luisante, portant par place des traces fines, toutes parallèles, laissées sans doute par de menus grains de sable dans leur mouvement.


Le bétonnage fut également mené par postes de 11 h. Pour ce travail, comme pour l’avant puits, le béton fut soigneusement pilonné par couches sensiblement normales à la courbe de pression, courbes tracées tous les mètres sur le boisage de manière à faciliter le travail des ouvriers et à en rendre la vérification instantanée.


En ce qui concerne les galeries, le bourrage du béton a présenté quelques difficultés dans les parties les plus reculées, et notamment prés des ciels des galeries. Ces difficultés ont été résolues par l’emploi de bourroirs de forme plate et dé section rectangulaire.


Tous les bois ont été retirés des fouilles, sauf les cadres extrêmes des galeries qu’il n’a pas été possible d’enlever.


Le gros souci de l’exécution dans tout le travail, a été de veiller à se défendre d’une manière constante de toute venue d’eau. Pour cette raison, on a prévu partout le bétonnage à pleine fouille avec du béton très soigneusement damé dans toute la partie en contact avec les terres, de même on a exigé le retrait de tous les bois des fouilles, sauf impossibilité.


Le contrefort étant terminé, les fouilles restées ouvertes au-dessus de l’ouvrage ont été comblées par des terres d’apport très graveleuses et de bonne qualité.


Pour éviter que les eaux de surface ne parviennent par infiltration sur l’ouvrage, l’extrados du contrefort a reçu un enduit bien lissé sur lequel un blocage en pierres sèches de 0,50 m collecte les eaux d’infiltration vers une cuvette centrale, radier du puits auxiliaire de drainage qui a servi pendant les travaux et qui est ainsi utilisé d’une manière définitive (Figure 9). Les eaux s’évacuent ensuite vers l’extérieur par un drain visitable.


Cette cuvette centrale est située à la cote (389,40). Au-dessous de cette cote, toute la fouille, qui avait été faite dans une argile compacte et sèche, a été remplie de béton.

Deuxième partie

Construction de la tête du contrefort et préparation de la surface d’appui de la culée

Dans le projet primitif, le contrefort soutenait la culée par une surface de 4,50 m x 5 m entre les cotes (392,86) et (397,36), qui pénétrait dans la maçonnerie jusqu’à 1,50 m de profondeur, ce qui nécessitait la construction d’un encorbellement très important pour soutenir la maçonnerie subjacente.


Pour que les mouvements de tassement verticaux de la culée puissent continuer à se produire sans déchirures, la face de contact de celle-ci a été dressée avec un fruit de 0,01.


Comme il a été dit plus haut, des modifications furent apportées au projet primitif à la suite de la reconnaissance faite préalablement aux travaux pour vérifier l’état du béton de la culée et l’importance des fissures.


La surface d’appui de la culée fut remontée de 3,90 m environ, ce qui permit la suppression de l’encorbellement en béton armé et la réalisation d’une économie appréciable.


La surface de contact de la culée sur le contrefort a répondu aux conditions suivantes :


Tout d’abord, pour permettre ultérieurement les mouvements de tassement verticaux de la culée qui a été laissée indépendante du contrefort, cette surface de contact a été soigneusement dressée avec un fruit de 0,01.


Ensuite, pour qu’il n’y ait pas d’adhérence entre les sommiers en béton armé du contrefort et de la culée, une feuille de papier a été placée sur leur surface de contact. Le béton armé de la culée est constitué par un revêtement de 0,25 m d’épaisseur, solidement, ancré dans le massif par quatre poutres horizontales de 0,40 m sur 0,40 m, celui du contrefort, de 2 m d’épaisseur, est constitué par un clavage comprenant des armatures de densité décroissantes groupées dans des plans normaux à la courbe des pressions.


La surface d’appui de la culée a été exécutée après les injections dont il est question ci-après. Le voussoir de clavage du contrefort a été exécuté après le bétonnage de la partie intermédiaire.

Troisième partie

Construction de la partie intermédiaire

Pendant l’interruption des travaux de la tête du contrefort, on attaqua l’ouverture de la fouille intermédiaire.


Ce travail fut exécuté dans de bonnes conditions et n’a présenté aucune singularité.


Même terrain rencontré, même outillage employé, mêmes soins apportés au bétonnage pour lequel les courbes d’intrados et d’extrados et la courbe de pression étaient préalablement repérées sur le boisage.


Le béton était pilonné, comme pour le pied du contrefort, suivant des surfaces sensiblement normales à la courbe de pression coupées cependant de paliers horizontaux, dès que la normale, à la courbe des pressions avait l’inclinaison du talus d’éboulement du béton. Ces paliers successifs ont d’ailleurs assuré une bonne liaison entre les divers lits de béton.


Etant donnée la profondeur des fouilles, le béton a toujours été gâché assez sec, surtout dans les couches supérieures, l’eau de resuage des couches inférieures faisant l’appoint nécessaire.

Remarques

Le travail tout entier de construction du contrefort a duré 6 mois et demi, les premières fouilles ayant commencé le 24 Avril et le contrefort ayant été complètement achevé le 5 Novembre.


Il a paru intéressant, pour les observations futures, de garder la possibilité de constater et mesurer les mouvements relatifs de la culée et du contrefort. La surface d’appui de la culée ayant été préparée jusqu’à la cote (402,74) (Figure 10), une galerie visitable a été réalisée avec deux puits d’accès suivant le schéma Figure 11.


En outre; deux repères scellés comportant des fils à plomb et réglettes, ont été disposés dans la galerie symétriquement à l’axe du contrefort pour mesurer tous les déplacements possibles.


Par ailleurs, un repère est scellé dans l’axe du pilier de l’avant puits du contrefort.

Travaux accessoires

A côté de la construction du contrefort, divers travaux secondaires se sont révélés indispensables : la consolidation des maçonneries de la culée et la réfection des drains qui servaient à partir des radiers de fondation à l’évacuation des eaux.

Consolidation des maçonneries de la culée

Les divers sondages, faits dans la fondation, avaient révélé un béton médiocre. Des injections furent décidées pour sa consolidation. Pour cette opération, les puits auxiliaires ayant servi aux sondages, ont été utilisés. Les fissures ont été soigneusement bouchées en pavement, en ménageant toutefois, de place en place, des évents permettant de suivre le travail, et les injections ont été exécutées de bas en haut, suivant la méthode habituelle, avec des tubes injecteurs suffisamment longs pour porter le mélange au centre même du massif de fondation.


Rappelons que les massifs étaient entourés d’un chemisage en pierres sèches que l’on décida de colmater également.


Etant donnée l’importance de tous les vides, on a eu quelques difficultés à trouver les proportions d’eau et de ciment convenables pour une injection efficace.


Le dosage, une partie de ciment, pour deux parties d’eau, qui servit au début de l’opération était trop clair et se répandait tout de suite dans le chemisage.


Le dosage à parties égales d’eau et de ciment, injecté comme le précédent avec 3 kg de pression, n’a pas donné de meilleur résultat.


On essaya alors, au mélange eau - ciment, une addition de sable. La finesse du sable dont on disposait était suffisante pour ne pas encrasser la pompe dans les dosages faibles. On a donc augmenté peu à peu la teneur en sable jusqu’à la proportion : 1 ciment, 1 eau, 0,5 sable qui s’est révélée très efficace.


Ce dosage a donc été définitivement adopté et a permis, sous 5 kg de pression, de colmater complètement le chemisage et de remplir tous les pores du béton. Pendant l’opération, les résultats du travail étaient vérifiés de trois puits de visite le long des maçonneries et du bas même des fondations, par le drain ancien dont la réfection était en cours.


Le travail obtenu a pu être vérifié lors de la préparation de la surface d’appui de la culée, puisqu’on a été conduit à démolir le béton de la culée sur une certaine profondeur. On a pu constater notamment que la maçonnerie ne présentait plus de vides et que la zone, que l’injection avait remplie, constituait plus de la moitié de la section de maçonnerie observée.


Nous nous sommes trouvés en présence de fissures nombreuses sur les deux murs en retour de la culée. Or, cette culée présente, parallèlement à la voie, une chambre d’économie visitable, ce qui a permis de constater que les fissures se rejoignaient au radier et à la clé de la chambre.


  • Pour remédier à cette situation, les mesures suivantes furent prises :
    • établissement de deux cours de barres, boulonnées extérieurement sur des plaques de répartition appliquées contre le parement des murs en retour et noyées à l’intérieur de la chambre dans un massif de béton de gravier à fort dosage,
    • remplissage, en béton de scories, de toute la chambre d’économie, en ayant soin, pour bien liaisonner le béton et la maçonnerie intérieure des voûtes, de dégrader de distance en distance les joints sur une profondeur assez grande,
    • remplacement, à la partie supérieure de la chambre d’économie, du béton de scories par du béton de cailloux à plus fort dosage, bien damé et clavé, le béton de scories damé horizontalement pour le remplissage de cette partie n’ayant pas assez de compacité pour ne pas avoir tendance à l’éboulement.


Après cette opération, les fissures constatées sur les murs en retour ont été rehourdées et injectées.


Depuis l’achèvement de ce travail, aucune nouvelle fissure ne s’est manifestée.

Réfection de drains

Une partie fort intéressante du travail a consisté dans la réfection du système de drains primitif, dont la disposition d’ensemble est reproduite sur la figure 2.


Les dimensions de tous ces drains étaient sensiblement comparables avec une .hauteur uniforme de 2,15 m et une largeur variable de 1,70 m à 2 m. Leur profil en travers (Figure 3) était identique et comprenait un petit caniveau central surmonté d’une maçonnerie en pierre sèche qui comblait toute la galerie.


Dès le début des travaux, à l’examen du puits de visite, on pu se rendre compte que ces drains ne jouaient pas leur rôle et un sondage révéla qu’ils étaient bouleversés.


Il fut décidé d’entreprendre la réfection des drains intéressés, c’est-à-dire des drains de la culée et de la pile côté Longeray, et de les rendre visitables.


Le terrain rencontré fut, sur toute la longueur des drains, soit sur près de 120 m, de l’argile grise, compacte et sèche, parfaitement homogène et ressemblant beaucoup à de la terre à modeler.


Les figures 12 et 13 donnant le relevé des deux faces de chaque galerie indiquent qu’on y a rencontré des sables bouillants, soit dans la paroi de la galerie sous forme de filons, soit dans le ciel sous forme de grosses lentilles. Ce sable était généralement peu humide mais très fin. Aussi, dès l’apparition du sable, on a dû lutter contre l’envahissement de la galerie au moyen de fagotins tout préparés, de paille ou de foin que l’on bourrait derrière les planches du boisage, en écartant légèrement celles-ci, il était possible à l’ouvrier de passer le bras et d’assurer, avec un outil, un bourrage plus complet. L’écoulement du sable était ainsi combattu et il ne restait plus que l’eau qui s’écoulait goutte à goutte, filtrée par la paille et le foin.


Parmi les accidents exceptionnels, nous pouvons citer, d’une part, une lentille de sable de 5 m de hauteur qui s’est vidée presque entièrement d’un seul coup avec violence, et dont on a ensuite rempli la cavité par des fagotins, de la paille et des scories, d’autre part, un filon de sable fin d’où l’eau jaillissait avec violence. Cette venue d’eau a été aveuglée par les moyens exposés ci-dessus.


Le drain visitable qui a été construit, respecte les dimensions du drain primitif et présente les coupes longitudinale et transversale de la figure 14.


Au droit des fenêtres pratiquées pour assurer la collecte des eaux, le drain est constitué par de grosses pierres, bouchant bien l’intervalle entre les rails et s’appuyant sur ceux-ci de manière à ne produire par elles-mêmes aucun tassement. A l’arrière, pour empêcher l’entraînement des sables et des boues, des pierres sont mélangées de scories tout venant, pas trop grosses, qui garnissent les joints et forment filtre. Ce garnissage se fait jusqu’à 0,25 m de part et d’autre des fenêtres.


Le ciel du drain est composé de dalles en béton armé posées à joints secs et surmontées d’un matelas - filtre, identique à celui des fenêtres avec un premier rang de grosses pierres et, en arrière, des scories assez fines pour former filtre. Cette disposition règne dans tout le ciel des galeries.


Les scories présentent l’avantage sur la paille et le foin d’être imputrescibles et de ne pas risquer de provoquer plus tard des tassements. Aussi ont-elles été employées systématiquement pour le garnissage des fenêtres des drains, du ciel des galeries et, le plus possible, pour le comblement des poches rencontrées.


Ce travail de réfection des drains s’est exécuté dans l’ensemble sans trop de difficultés. Il a permis, accessoirement, de vérifier l’état du béton de fondation de la culée et de la pile et de contrôler, comme il est dit plus haut, la pénétration des injections de ciment dans les chemisages en pierres sèches.


Le réseau de drains rendu visitable, facilement accessible par un puits de dimensions intérieures 2 m sur 3 m, joue maintenant pleinement son rôle.

Conclusion

L’ensemble de tous ces travaux, construction du contrefort, consolidation des maçonneries de la culée, réfection des drains, commencés en fin Avril 1929 ont été terminés en Novembre 1929. Ils ont été exécutés par l’Entreprise Vandevalle.


Depuis cette époque, des mesures sont faites régulièrement pour déceler les mouvements d’ensemble de l’ouvrage et les mouvements relatifs de ses diverses parties. Jusqu’à ce jour, c’est-à-dire depuis plus d’un an et demi, malgré des périodes de pluies abondantes et de grosse fonte de neiges, aucun mouvement n’a été constaté.