RGCF juillet 1936 : Les forges des ateliers d’Arles

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Titre

Les forges des ateliers d’Arles, par M. Bischoff, Ingénieur du Matériel au PLM

Planche et figures de l’article

Article

Les Ateliers d’Arles sont chargés de la confection et de la réparation des pièces détachées de locomotives, voitures et wagons pour le matériel de la région Sud du réseau PLM. Ils possèdent en particulier une « Section des Forges » qui est dotée d’installations non seulement pour le forgeage, mais aussi pour le matriçage, le perçage, le taraudage, la soudure électrique à la machine et les traitements thermiques.


L’ancien outillage dont disposait cette Section des Forges comprenait 14 pilons à vapeur dont la puissance s’échelonnait de 4 000 à 300 kg. Ces pilons étaient alimentés par de la vapeur à 5 kg fournie par une batterie de sept chaudières de modèles variés, dont trois montées en récupération sur les fours. Les pièces étaient chauffées à la forge, dans des fours à coke genre Joya, ou dans des fours à réverbère. Les manutentions étaient assurées au moyen de grues et de potences.


Tout cet outillage datait d’avant-guerre et convenait pour des travaux de réparation à la forge qui ont disparu en même temps que se développait la soudure autogène. Le rendement de la main-d’oeuvre était défectueux : longue durée de mise en route des pilons, lenteur et manque de souplesse des moyens de chauffage, immobilisation d’un pilonnier par pilon. Chaque pilon travaillait pour deux ou trois forgerons qui coordonnaient mal leurs travaux et dont la production individuelle était difficile à contrôler. Les dépenses de frais généraux étaient élevées : les chaudières n’avaient guère qu’un taux de vaporisation de 7 kg. Ce rendement était encore amoindri par les fuites perpétuelles des canalisations et des pilons et par les pertes par convection malgré le bon isolement. Le chauffage des pièces coûtait cher, surtout dans les fours à réverbère qui alimentaient le matriçage, où il fallait brûler énormément de houille de four à 150 francs la tonne pour obtenir les hautes températures nécessaires.


La modernisation de cet outillage s’imposait donc.


Après étude, il fut décidé de centraliser aux ateliers d’Oullins les travaux de grosse forge (bielles, essieux...) et aux ateliers d’Arles ceux de moyenne et petite forge et le matriçage. Nous pouvions donc supprimer nos gros pilons à vapeur de forge. Les ennuis que nous avait procurés notre installation à vapeur nous poussaient à la supprimer complètement et à installer un atelier de forge à commande uniquement électrique.


De plus, la baisse de prix très sensible du fuel-oil (210 francs la tonne contre 400 francs en 1932) mettait à notre portée les avantages du chauffage à l’huile lourde.


C’est cette solution qui fut adoptée et dont l’achèvement se réalise en ce moment.

Forgeage

Ce travail comporte l’exécution de pièces de dimensions variées, allant de la coulisse de distribution de locomotive à la simple ferrure de wagon, et l’ébauchage de pièces à matricer, correspondant à l’étirage de barres carrées de 150 à 18 mm de côté.

  • L’ensemble de notre installation comprend :
    • 2 pilons de 350 kg de masse tombante,
    • 3 pilons de 175 kg de masse tombante,
    • 2 pilons de 125 kg de masse tombante,
    • 7 fours à huile dont deux de 150 kg de production à l’heure,
    • 5 fours à huile de 75 kg de production à l’heure.


Suivant le poids des pièces forgées, nous utilisons un four par pilon ou un four pour deux pilons voisins, de manière que chaque four fonctionne au voisinage de sa production normale.


Pilons auto - compresseurs

  • Après un examen minutieux des différents modèles de pilons auto - compresseurs construits en France, notre choix s’est arrêté sur un type d’appareil (Figure 1) dont les caractéristiques nous ont paru particulièrement intéressantes :
    • Pilon : 125 kg / 175 kg / 350 kg
      • Poids de la masse tombante en kg : 125 / 175 / 350
      • Course de la masse tombante en mm : 425 / 500 / 650
      • Profondeur du col de cygne en mm : 600 / 670 / 900
      • Capacité de forgeage sur carré : 120 / 150 / 200
      • Nombre de coups par minute : 180 / 160 / 125
      • Puissance en CV : 9 / 14 / 30
      • Poids total en kg : 4 700 / 6 500 / 12 500


Il convient de remarquer que, pour un poids masse tombante donné, ces pilons ont une capacité de forgeage élevée que la pratique a confirmée. Leur bâti monobloc en forme de col de cygne est très dégagé, ce qui facilite le forgeage des pièces longues. La commande se fait au pied et un distributeur permettant un réglage de la frappe donne une grande souplesse de fonctionnement.


Le guidage de la masse tombante de ces pilons est double : extérieur par piston, avec segments, solidaire de la masse et intérieur par piston plongeur solidaire du couvercle supérieur du cylindre.


Enfin, un graisseur Texaco à quatre départs assure le graissage des différents organes du pilon, qui ne dépend donc pas du soin de son conducteur. Le premier pilon a été installé en 1934, et, depuis cette époque, il assure 16 heures de service ininterrompu par jour, sans incident. La tenue est donc très satisfaisante.


L’économie de main-d’oeuvre très importante par rapport aux pilons à vapeur tient surtout à la frappe continue et rapide (125 à 180 coups à la minute) qui entraîne le forgeron alors que les pilons à vapeur frappent des coups détachés donnés un à un par un pilonnier. Le rendement maximum du pilon auto - compresseur est obtenu en affectant un seul forgeron aux pilons de 125 et 175 kg et deux forgerons travaillant simultanément aux pilons de 350 kg, ce qui permet d’ailleurs un contrôle facile de la production. L’enregistrement graphique de la puissance du moteur montre une utilisation du pilon de 80 % avec un chauffage continu des pièces. Enfin, les pertes de temps au début et à la fin de chaque séance de travail sont pratiquement annulées, la mise en route et l’arrêt ne nécessitant aucun temps mort, alors que les pilons à vapeur nécessitaient un réchauffage dépassant un quart d’heure.


L’économie de main-d’oeuvre réalisée du seul fait des pilons, c’est-à-dire en conservant le chauffage des pièces avec des fours Joya à coke, est de 55% en moyenne. Elle varie, bien entendu, suivant l’importance du forgeage de la pièce. Elle représente environ 15 000 francs par an pour un pilon occupant un forgeron soit un délai d’amortissement de deux ans.

Fours à huile lourde

  • Nous avons essayé plusieurs modèles de fours mobiles pour lesquels l’emploi du fuel-oil (à 210 francs la tonne) et de brûleurs à basse pression était imposé. Le modèle retenu après une mise au point portant sur le renforcement des parois, de la porte et du seuil, l’adoption d’une sole en pisé spécial et le système de fermeture de la porte (à commande au pied) présente les caractéristiques suivantes :
    • Four : 75 kg / 150 kg
      • Dimensions des chambres : 280 x 350 x 500 / 340 x 500 x 700
      • Dimensions de l’entrée : 185 x 200 / 250 x 300
      • Epaisseur des parois :
        • Brique réfractaire : 220 / 220
        • Diatomite : 110 / 110
      • Puissance du surpresseur en CV : 1,5 / 2,225


Chaque four est chauffé par un brûleur très simple, facile à démonter et qui, en pratique, ne s’encrasse pas, malgré les impuretés du fuel-oil. Il est transportable et ne nécessite pour sa mise en route qu’un raccordement par câble souple à une prise de courant. La consommation du courant du surpresseur ne dépasse pas celle du ventilateur qui alimentait les anciennes conduites de vent. La tenue du surpresseur est satisfaisante. Elle vient d’être améliorée par l’addition d’un graisseur automatique. La consommation de combustible représente en poids 10% des pièces chauffées, soit une économie, de ce chef, de 3 000 francs par an pour un four de 75 kg.


Ces fours permettent un chauffage continu des pièces au lieu du système des « chaudes » que le décrassage périodique des fours à coke imposait : il en résulte une nouvelle économie de main-d’oeuvre d’environ 30 %. Un four est amorti en un an.

Matriçage

Nous utilisions autrefois des pilons de trois tonnes alimentés par des fours à houille et dont le rendement laissait à désirer.


  • L’installation actuelle comprend, placés côte à côte :
    • Un mouton à courroie avec masse de deux tonnes pouvant tomber de 6,50 m,
    • Un four à huile à deux chambres pouvant chauffer 150 kg de pièces à 1 400° par heure,
    • Une presse mécanique à ébarber.


Un ou deux agents, suivant l’importance des pièces, assurent la production continue.


Le mouton, grâce à sa grande vitesse de chute, « repousse » bien le métal. Il donne des pièces correctes grâce au guidage précis des matrices. Nous nous contentons d’ébauches très grossières que nous obtenons avec un pilon auto – compresseur voisin du mouton : nous récupérons ainsi partie la chaleur de l’ébauche, qui est matricé immédiatement. Un certain nombre de pièces sont même obtenues sans aucune ébauche : les écrous à tourillon des tendeurs d’attelage, par exemple. Le chauffage des pièces se fait de manière continue alternativement dans chacune des deux chambres du four. Enfin, l’ébarbage à chaud réduit très sensiblement le meulage et diminue la fatigue des ébarboirs.


La production de notre matriçage a plus que doublé (à nombre d’hommes égal) après installation du mouton. Cette nouvelle production a presque doublé après la mise en service du four à huile lourde.


L’économie annuelle de combustible atteint 30 000 francs.

Travaux divers

Les soudures sont faites sur une machine électrique de 200 kW à souder par étincelles, dont la capacité varie de 100 à 6 400 mm2 et qui peut donc réparer des pièces aussi diverses qu’un outil à feu et une tige de tampon. Nous raboutons sur cette machine, par leur milieu, les plaques de garde de wagons, présentant une cassure importante dans un arrondi, qui étaient rebutées autrefois.


Un « bulldozer » de 150 tonnes effectue à froid ou à chaud, à la cadence de deux pièces à la minute, les coudages et cintrages les plus variés. Les matrices sont obtenues très économiquement par découpage oxyacétylénique à la machine « Messer », dans des bras de manivelles d’essieux rebutés. A titre d’exemple, nous obtenons à froid un arrondi de 40 mm de rayon sur un T de (50 x 40) / 5 sans déformation sensible de l’aile.


La cémentation et le traitement thermique se font au moyen de deux fours à huile lourde, contrôlés par un pyromètre enregistreur, qui montent en température (à 950°) en deux heures au maximum. Les résultats contrôlés systématiquement par éprouvettes pour la cémentation, par billage pour le traitement thermique, sont très réguliers et le fonctionnement des fours ne nécessite aucune surveillance.


Ajoutons que les pièces chargées sur des plateformes métalliques sont transportées d’un poste à un autre par un tracteur Fenwick.

Résultats obtenus

  • Les dépenses de courant d’un pilon auto - compresseur et de vapeur d’un pilon de l’ancienne installation ne peuvent se chiffrer exactement, mais en se reportant aux résultats comptables de l’ensemble de l’Atelier des Forges, on constate qu’à production égale :
    • le personnel a été réduit de moitié,
    • la dépense totale de courant est inférieure à celle du charbon de nos anciennes chaudières,
    • la dépense totale de fuel-oil est inférieure à celle du charbon de nos anciens fours,
    • les dépenses d’installation ont été payées en un an.

De plus, l’outillage est souple, précis et propre.