RGCF septembre 1911 : Les chemins de fer français de 1905 à 1910

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Les chemins de fer français de 1905 à 1910 par M. Richard Bloch, Ingénieur en Chef à la Compagnie d’Orléans (extraits)

(A l’occasion du Congrès International des Chemins de fer, réuni à Berne en juillet 1910, la Revue anglaise « The Railvvay Gazette » a publié cet article, qui passe an revue l’histoire des Chemins de fer français, dans la période écoulée entre les deux Congrès internationaux de Saint-Louis en 1905 et de Berne en 1910. Nous devons à l’obligeance de notre confrère anglais la faculté de reproduire cet article pour les lecteurs de la Revue Générale)

Planche et figures de l’article


Situation générale du réseau

Le réseau exploité des chemins de fer d’intérêt général dont l’étendue atteignait 39 450 kilomètres en 1905 n’a reçu qu’une faible extension dans les dernières années : au 1er Janvier 1909, son développement total était de 40 121 kilomètres.


L’accroissement a donc été seulement de 671 kilomètres, ou 1,7 %.


Même en tenant compte de 2 166 kilomètres de lignes concédées, en construction ou à construire, ce réseau d’intérêt général paraît arrivé près de sa limite.


Le remplissage des mailles du réseau est maintenant fait surtout par les chemins de fer d’intérêt local à voie étroite, de construction et d’exploitation beaucoup plus économiques, en rapport par conséquent avec la moindre importance des trafics desservis ou avec les plus grandes difficultés des terrains.


La longueur exploitée de ce réseau complémentaire qui atteignait 11 683 km en 1905, s’élevait à 13 663 km au 1er Janvier 1909.


En outre, 5 408 km de lignes concédées étaient en construction ou à construire.


Le supplément annuel à la 3ème édition de l’ouvrage « Transports et Tarifs », de M. le Conseiller d’Etat Colson, donne les longueurs des réseaux exploités en France, en Allemagne et aux Iles Britanniques, en comprenant dans ces longueurs les chemins de fer d’intérêt général et ceux d’intérêt local et les tramways à service de petite vitesse.


Ces renseignements comprennent dans le réseau allemand celui du Grand Duché de Luxembourg. Sur ces données et d’après les surfaces et populations de ces 3 pays que donne la même statistique, on peut dresser le tableau 1.


La France, qui contient des régions montagneuses : Plateau Central, Alpes, Pyrénées, etc., plus développées que les 2 autres pays, doit naturellement avoir un rapport moindre pour la superficie. Par rapport à sa population moins dense, elle doit, par contre, présenter un coefficient plus fort. On aura sans doute une idée assez juste de la situation en groupant ces deux éléments, c’est-à-dire en faisant les produits des 2 séries de coefficients, et la situation de la France au point de vue des chemins de fer paraît alors tout à fait en rapport avec celle de l’Allemagne et meilleure que celle de l’Angleterre.


Parmi les lignés ajoutées depuis 1905 à un réseau déjà serré, l’une d’elles, la ligne de Bort à Neussargues, malgré sa faible longueur de 67 kilomètres, mérite une mention spéciale à cause de l’étendue de ses effets sur la répartition des transports entre les deux réseaux voisins du PLM et du PO et des incidents intéressants auxquels a donné lieu son ouverture à l’exploitation.


Les régions du plateau Central qu’elle parcourt à des altitudes élevées atteignant jusqu’à 1 100 mètres, n’ont actuellement aucune valeur commerciale. Ses déclivités allant jusqu’à 0,030 par mètre, ses courbes de rayons s’abaissant jusqu’à 150 mètres la rendent impropre en fait à un trafic un peu intense.


Mais par l’effet de cette ouverture, l’itinéraire court entre Neussargues et Paris établi antérieurement par les rails de la Compagnie PLM à partir d’Arvant se trouvait reporté sur les lignes de la Compagnie d’Orléans.


L’écart n’est que de 4 kilomètres, cependant d’après les conventions entre les Compagnies, cet écart suffisait ici pour amener à la nouvelle voie tout le trafic de Paris et de ses au-delà avec le Languedoc, le Roussillon, l’Espagne par Cerbère et Barcelone, trafic qui représente plusieurs millions de francs de recettes.


Il est facile de concevoir que la Compagnie PLM ne pouvait rester sur cette perte. Au prix des plus grands efforts, et des plus grands sacrifices, elle poursuivait hâtivement dans des terrains difficiles la construction du tronçon de Brioude à Saint_Flour qui devait lui ramener le trafic perdu.


Le croquis schématique Figure 1 rend compte de la situation.


Des deux côtés on préparait d’autres raccourcis, mais des conseils d’entente prévalurent et une convention fut conclue qui fixa « ne varietur » et jusqu’à la fin des concessions des deux Compagnies la répartition du trafic en jeu.


Parmi les autres lignes ouvertes dans la même période de 1905 à 1910, celle de Chamonix à Martigny par le col des Montets, ligne à voie étroite et à traction électrique, a un intérêt pour ainsi dire mondial. Faisant communiquer la vallée supérieure du Rhône avec celle de l’Arve, défilant au pied de toute la chaîne du Mont Blanc, elle offre en effet des spectacles merveilleux aux touristes qui du monde entier affluent tous les ans en Savoie et en Suisse.


Si cette ligne franco-suisse n’offre guère qu’un intérêt touristique, au point de vue commercial, d’autres tracés de lignes internationales de montagnes ont donné lieu dans ces dernières années en France et dans les pays limitrophes, à des discussions prolongées, passionnées même, qui ont abouti récemment à des conventions internationales définitives.


Ce sont les voies d’accès au Simplon, les traversées des Pyrénées, la ligne de Nice à Coni par le col de Tende.


Lignes d’accès au Simplon

L’ouverture à l’exploitation du tunnel du Simplon en juin 1906 a précipité les discussions depuis longtemps ouvertes sur les voies d’accès à ce tunnel.


Son niveau de 705 mètres, bien inférieur à ceux de 1 294 mètres du tunnel du Mont-Cenis, de 1 155 mètres de celui du Gothard, fait de lui la voie la plus facile, la plus propice surtout à l’établissement de trains rapides de voyageurs entre l’Italie et les pays au Nord de cette contrée. Mais il convenait d’approprier les lignes d’accès à cette nouvelle et importante destination.


Après 10 ans de discussions, la Convention franco-suisse du 18 Juin 1909, ratifiée par les parlements des deux pays, a fixé définitivement la question de ces voies d’accès. »


Le tunnel du Loetschberg, actuellement en construction par la Compagnie des Alpes Bernoises, donnera pour le parcours de Berne au Simplon un raccourci de 26 kilomètres moyennant une dépense évaluée à 74 millions, due surtout au tunnel d’une longueur de 14 600 kilomètres, à une altitude maxima de 1 244 mètres.


A ce raccourci dans la direction de Berne à Belfort, du côté du Nord, s’ajoutera celui de 16 kilomètres résultant de la construction de la ligne de Moutiers-Granges, dont les 13 kilomètres comprennent un tunnel de 8 kilomètres et coûteront au total 20 millions.


Enfin, dans la direction de Dijon et Paris vers le Nord-Ouest, la construction du tronçon de Frasne - Vallorbe apportera pour cette direction une diminution de parcours de 17 kilomètres avec un abaissement du niveau maximum de 1 012 mètres à 896 mètres en entraînant une dépense de 28 millions.


L’ensemble de ces travaux devrait donc s’élever à 122 millions.


Le croquis schématique Figure 2 montre les tracés de ces diverses lignes et fait ressortir leur intérêt au point de vue des raccourcis, intérêt qui intervient seul en la circonstance, car ces lignes n’ont autrement aucune utilité commerciale.


La carte Figure 3 montre d’ailleurs comment sous l’effet de ces raccourcis successifs la ligne de partage des distances entre les voies Gothard et Simplon est ou sera reportée progressivement vers l’Est au profit des Chemins de Fer français naturellement intéressés au développement de la zone d’influence de ce dernier passage.


La ligne 1 est l’ancienne ligne de partage des distances kilométriques entre le Mont-Cenis et le Gothard.


La ligne 2 est la ligne actuelle de partage entre le Simplon et le Gothard.


La ligne 3 est la ligne 2 modifiée par le percement du Loetschberg.


La ligne 4 résultera de l’ouverture de Moutiers-Granges.


Ce raccourci Moutiers-Granges donnera donc finalement à la voie Simplon l’avantage de la distance pour le reste presque entier de la Belgique, une partie de la Hollande et du Luxembourg.


Cette carte montre toute l’importance du terrain d’influence ainsi gagné sur le Gothard par l’ouverture du Simplon d’abord, puis par les rectifications actuellement en cours du Loetschberg et du Moutiers-Granges.


L’avantage des distances : 7 kilomètres pour les relations d’Anvers avec Milan, 42 kilomètres pour celles de Londres, s’ajoute pour la voie du Simplon à ceux que tire ce passage de sa faible altitude, 705 mètres, comparée à celle du Gothard, 1 155 mètres, et en outre de la plus grande facilité de ses accès.


Il est vrai que ces dernières supériorités sont diminuées pour la voie Loetschberg par le niveau de ce passage, 1 244 mètres. Mais elles gardent presque toute leur valeur pour la voie Frasne-Vallorbe dont l’allongement sera seulement d’une vingtaine de kilomètres et dont le niveau ne dépassera pas 900 mètres.


Les raccourcis ainsi créés par ces percées nouvelles interviendront naturellement dans les conventions de partage des trafics internationaux, trafics dont il convient toutefois de ne pas exagérer l’importance, car le déplacement du tonnage du Mont-Cenis à l’ouverture du Gothard, en 1882, n’a pas dépassé 43 000 tonnes. En 1901, tout le transit par le Gothard entre l’Italie et les pays autres que l’Allemagne et la Suisse n’a pas dépassé 61 000 tonnes.


On a fait valoir en outre l’avantage accordé par ces raccourcis et par les diminutions sur les taxes de transport qui en seront la conséquence, pour les relations de trafic entre les pays desservis par les nouvelles voies, par exemple pour celles de la région industrielle du Nord-Est de la France avec l’Italie.


L’ouverture du Gothard a en effet donné aux relations Italo-allemandes le merveilleux essor qui en 1908 portait à 600 000 tonnes le tonnage de ces échanges.


On peut donc concevoir des espérances dans ce sens, dans la mesure bien entendu des abréviations réalisées sur les parcours, abréviations qui en 1882 ont atteint via Gothard 229 kilomètres par exemple de Cologne à Milan et qui seront via Simplon de 42 kilomètres seulement de Nancy à cette même destination.


Sur le croquis (Figure 2), on voit au Sud-Ouest l’indication d’un raccourci dit de la Faucille, dont il faut dire un mot parce qu’il a fait couler beaucoup d’encre et prononcer beaucoup de discours; on prétendait en effet trouver le meilleur itinéraire pour le Simplon par cette ligne directe de Paris à Genève et de là par les lignes suivant les deux rives du lac Léman. L’allongement de parcours de 43 kilomètres par rapport à la ligne par Frasne-Vallorbe devait d’après ses promoteurs être compensé par les qualités de ce tracé. Il a malheureusement le défaut d’entraîner l’exécution de 3 grands tunnels de 6 400, 11 400 et 15 000 mètres, dans des conditions difficiles dont le tunnel du Credo, près de Bellegarde, peut donner un aperçu, et par suite une dépense de 140 millions dont l’Etat de Genève, principal intéressé, ne pourrait donner que vingt. Aussi, doit-on penser que la prise en considération de ce projet, inscrit à titre tout à fait éventuel dans la convention du 18 Juin 1909, n’est qu’une satisfaction platonique donnée à ses partisans.