Rapport du Conseil d’administration du PLM aux actionnaires du 29 avril 1859

De WikiPLM
Aller à : navigation, rechercher

Généralités

Vous êtes réunis en assemblée ordinaire pour statuer sur les comptes de 1858, et en assemblée extraordinaire pour voter sur la convention passée avec M. le Ministre des travaux publics le 22 juillet dernier, et sur le traité de fusion avec la Compagnie des chemins de fer du Dauphiné qui en a été le corollaire.


Dans la première partie de ce Rapport, destinée à vous rendre compte des travaux exécutés et des dépenses faites en 1858, de notre situation financière, et des résultats de l’exploitation de l’exercice 1858, nous présenterons séparément, comme dans notre précédent compte rendu, tout ce qui concerne chacun des deux réseaux distincts, entre lesquels se répartissent les lignes concédées à notre Compagnie.


Cette division est en effet commandée par la convention organique du 11 avril 1857, qui a soumis à des régimes différents l’ancien et le nouveau réseau : le premier, formé des lignes précédemment concédées aux anciennes Compagnies de Paris à Lyon et de Lyon à la Méditerranée, le second, comprenant les anciennes concessions de la Société du Bourbonnais, les sections détachées du Grand-Central, et les lignes concédées par le décret du 19 juin 1857.


Rappelons également qu’aux termes de la convention du 11 avril, l’ancien réseau est seul appelé à concourir à la formation du dividende. Quant aux lignes du nouveau réseau, elles restent pendant toute la période de la construction, sous le régime du compte d’établissement, et les charges qui leur sont propres, déduction faite des produits nets des sections en exploitation, sont portées au compte Capital.


La seconde partie de notre Rapport aura pour objet de vous rendre compte des négociations qui ont amené les deux conventions du 22 juillet et des bases sur lesquelles reposent ces conventions.


Travaux exécutés en 1858

Ancien réseau

Lignes des anciennes concessions de Paris à Lyon et de Lyon à la Méditerranée :

  • L’ancien réseau se compose des lignes suivantes :
    • Paris à Lyon et à Marseille, avec embranchements sur Auxerre et sur Aix,
    • Tarascon à Cette, par Nîmes et Montpellier, avec embranchements sur Alais et la Grand-Combe,
    • Dijon à Belfort, avec embranchements sur Gray et sur Salins,
    • Dôle à Chalon et Bourg à Besançon;
    • Marseille à Toulon.

Ligne principale de Paris à Lyon et à Marseille

  • Les travaux exécutés en 1858 sur la ligne principale de Paris à Lyon et à Marseille sont les suivants :
    • Construction d’une grande halle aux vins et d’un hangar pour le service de la Douane à la gare de Bercy,
    • Agrandissement du dépôt et des ateliers de Paris, extension donnée aux dépôts de Montereau et de Tonnerre et établissement d’un nouveau dépôt à la gare de Darcey au pied de la rampe de Blaisy,
    • Agrandissement des ateliers d’Arles et des gares de Marseille,
    • Installation de magasins à charbons, et agrandissement de plusieurs gares de marchandises devenues insuffisantes par suite du développement du trafic, telles que Mâcon, Rognac, Arles, Tarascon, etc.
    • Achèvement de l’embranchement de la gare maritime de la Joliette.

Lignes de la rive droite du Rhône

Les travaux exécutés sur les lignes de la rive droite du Rhône ont eu pour objet l’achèvement de la seconde voie sur la section de Nîmes à Alais, et l’extension ou le remaniement des gares de Cette, Montpellier, Lunel, etc.

Raccordement aveu là ligne de Genève

Les travaux de raccordement de notre ligne avec celle de Genève aux abords de Lyon, exécutés à frais communs entre les deux Compagnies, sont à peu près terminés, et la jonction des deux voies est opérée depuis le mois de décembre 1858.

Ligne de Dijon à Belfort et embranchements

On a continué en 1858, et à peu près achevé, les travaux de consolidation et d’assainissement des lignes de Dijon à Besançon, d’Auxonne à Gray et de Dôle à Salins. On a agrandi ou complété plusieurs gares de marchandises sur ces diverses lignes.

La section de Besançon à Belfort, livrée à la circulation le 1er juin dernier, a donné lieu à d’assez fortes dépenses en 1858. Cette section ne sera complètement achevée que dans le courant de 1859.

Ligues de Chalon à Dôle et de Bourg à Besançon

Aucun travail n’a été entrepris en 1858 sur les lignes de Chalon à Dôle, et de Bourg à Besançon par Lons-le-Saulnier. On s’est borné à continuer les études de ces lignes et à préparer les projets de détail. Les travaux seront commencés, sur la section de Mouchard à Lons-le-Saulnier, aussitôt que le projet en ce moment soumis à l’examen de l’Administration aura été approuvé.

Ligne de Marseille à Toulon

Les travaux de la ligne de Marseille à Toulon touchent à leur terme. Une première section, de Marseille à Aubagne, est livrée à l’exploitation depuis le 25 octobre 1858. Sur la seconde section, d’Aubagne à Toulon, une première voie est établie depuis le mois de mars, on achève en ce moment la pose de la deuxième voie, et l’on sera en mesure de livrer la ligne entière à la circulation le 3 mai prochain, à moins que les transports militaires, qui s’exécutent dès ce moment sur une voie, n’apportent quelque retard à l’ouverture de l’exploitation.

Cette ligne comprend six souterrains, dont un de 2 600 mètres de longueur, de profondes tranchées dans le rocher, et un grand nombre d’ouvrages d’art de toute nature. Elle présente, notamment dans la partie comprise entre Aubagne et la Ciotat, une accumulation de travaux et de difficultés comme il s’en rencontre rarement. Nous devons donc nous féliciter d’avoir pu nous renfermer, pour son exécution, dans le délai fixé par le cahier des charges.

Matériel roulant

L’activité qui s’est produite dans le mouvement des marchandises, à la fin de 1858, nous a démontré l’insuffisance de notre matériel de wagons, surtout en ce qui concerne le transport des charbons. Nous avons dû y pourvoir en commandant 1 200 wagons à houille et 900 wagons plats. Une partie de ce matériel sera du reste affectée au trafic des lignes du Bourbonnais, et cette dépense sera en conséquence répartie proportionnellement entre les deux réseaux.

Travaux à faire en 1859

Nous continuerons, en 1859, l’agrandissement de quelques gares de marchandises, nous aurons à solder diverses commandes de matériel roulant, et à compléter les travaux d’achèvement des lignes de Besançon à Belfort et de Marseille à Toulon. On peut évaluer à 20 millions à peu près les dépenses à faire dans le présent exercice sur toutes les lignes de l’ancien réseau.

Nouveau réseau

  • Lignes concédées à la Compagnie de Paris à Lyon et à la Méditerranée par le décret du 19 juin 1857 qui font partie du nouveau réseau sont les suivantes :
    • Paris à Lyon par le Bourbonnais, avec embranchement sur Vichy,
    • Saint-Germain-des-Fossés à Brioude, par Clermont-Ferrand,
    • Saint-Etienne à Brioude, par le Puy,
    • Dôle à la frontière suisse,
    • Nevers et Moulins à la ligne de Paris à Lyon,
    • Embranchements sur Châtillon, Delle et Audincourt.

Ligne du Bourbonnais

La ligne de Paris à Lyon, par le Bourbonnais, se divise en quatre sections principales :

  • La première section, de Moret et Corbeil à Nevers, est en exécution sur deux points, de Moret à Montargis et de Pougues à Nevers. Les projets sont approuvés dans les autres parties, les acquisitions de terrains y sont commencées et les travaux pourront être entrepris incessamment si les circonstances financières le permettent. Ils seront poussés avec toute l’activité que comportent les ressources de la Compagnie, et toutes nos mesures sont prises pour que la ligne entière de Moret à Nevers puisse être ouverte à la circulation dans le courant de l’année 1861.

Nous comptons ouvrir, dès le commencement de 1860, la section de Moret à Montargis, ainsi que les six kilomètres qui séparent Nevers de Fourchambault.

Le raccordement de Corbeil avec la ligne de Moret à Nevers a donné lieu à des études multipliées et à des hésitations qu’expliquent suffisamment les intérêts, très divers et très divisés, auxquels cette ligne est destinée à donner satisfaction. Nous venons de soumettre à l’examen de l’Administration supérieure le tracé qui nous parait le mieux satisfaire aux intérêts de la Compagnie et à ceux des localités.

  • La seconde section du chemin du Bourbonnais, de Nevers à Roanne, est aujourd’hui complètement terminée, à l’exception de quelques constructions dans la gare de Roanne. Cette section, précédemment concédée à la Compagnie d’Orléans, nous a été remise par cette Compagnie au fur et à mesure de l’achèvement de ses diverses parties, et la dernière section, de la Palisse à Roanne, a été livrée à la circulation le 7 juin dernier.
  • La première partie de la troisième section, comprenant, entre les gares de Roanne et du Coteau, sur une distance de trois kilomètres, la traversée de Roanne et un pont sur la Loire, a été achevée dans le courant de l’exercice. La circulation a été établie sur le pont de Roanne le 1er novembre 1858, et à partir de cette époque, les trains ont pu circuler sur toute la ligne du Bourbonnais entre Nevers et Lyon.

Les travaux de reconstruction de la deuxième partie de la troisième section, s’étendant de la gare du Coteau à Lyon par Saint-Etienne, ont été exécutés par MM. Parent et Schaken, en vertu d’un traité avec l’ancienne Compagnie du Grand-Central. Aux termes de ce traité, l’exploitation de cette partie devait être faite par les entrepreneurs jusqu’au 1er août 1862. Les inconvénients que présentait ce mode tout spécial d’exploitation au milieu de notre réseau nous ont décidés à résilier ces arrangements, à partir du 1er août dernier. Depuis cette époque, la section de Roanne à Lyon est exploitée dans les mêmes conditions que toutes les autres parties de notre réseau.

Les conditions de cette résiliation, ainsi que toutes les difficultés auxquelles a donné lieu le règlement de compte de l’entreprise, ont été déférées à un tribunal arbitral composé de trois inspecteurs généraux des ponts et chaussées, qui ont bien voulu accepter cette mission.

  • La quatrième section, de Roanne à Lyon par Tarare, n’est pas encore commencée, et elle ne pourra l’être qu’après l’achèvement de la première section, beaucoup plus importante à tous les points de vue. Ce retard inévitable sera mis à profit pour donner aux études tous les soins et tous les développements que comporte une ligne d’une exécution aussi difficile.

Saint-Germain-des-Fossés à Brioude

La ligne de Saint-Germain-des-Fossés à Brioude est depuis longtemps ouverte à la circulation. Les ateliers de Clermont et la partie de Clermont à Brioude ont donné lieu, en 1858, à quelques travaux complémentaires qui seront continués en 1859.

C’est sur cette ligne que se trouve le pont de Saint-Germain-des-Fossés sur l’Allier, primitivement construit en maçonnerie, et emporté par une crue de l’Allier en 1856, alors que la garantie de l’Etat pouvait encore être invoquée. Cet ouvrage vient d’être reconstruit en tôle par notre Compagnie, sous toutes réserves du remboursement par l’Etat du montant des travaux, fixé à forfait à 1 500 000 francs.

Saint-Étienne à Brioude

Une seule section de la ligne de Saint-Etienne à Brioude par le Puy, celle de Saint-Étienne à Firminy, est en cours d’exécution. Les travaux sont à peu près terminés, et nous espérions que cette section pourrait être livrée à la circulation à la fin de 1858, mais les travaux de consolidation du souterrain de la Croix de l’Orme, où se sont rencontrées des difficultés toutes spéciales, ont été une cause inévitable de retard. Nous pouvons toutefois annoncer que cette section, de 15 kilomètres seulement, mais fort importante au point de vue du trafic des houilles, sera mise en exploitation dans le courant du mois de mai prochain.

Dôle à la frontière suisse

La ligne de Dôle à la frontière suisse est commencée entre Pontarlier et les Verrières sur une longueur de 11 kilomètres. Cette petite section, d’une construction facile, forme le prolongement immédiat de la ligne suisse des Verrières à Neufchâtel, qui est aujourd’hui fort avancée, et dans laquelle notre Compagnie est intéressée. Son exécution permettra de reporter à Pontarlier, c’est-à-dire à 42 kilomètres de Salins, le point de départ de la ligne franco-suisse.

La section de Mouchard à Pontarlier, qui présente des difficultés sérieuses, a été l’objet d’études approfondies, et le projet est en ce moment soumis à l’examen de l’Administration supérieure.

Nevers et Moulins à la ligne de Paris à Lyon

Nous avons également présenté à l’approbation de Mr le Ministre des travaux publics le projet de la première section du chemin de fer de Nevers et de Moulins à la ligne de Paris à Lyon. Cette première section, de Chagny à Blanzy, est destinée à mettre en communication avec les lignes de notre réseau la vallée de la Dheune, le bassin houiller de Blanzy et de Montchanin et l’importante usine du Creusot.

Concessions éventuelles

Parmi les lignes concédées éventuellement par la convention du 11 avril 1857, la Compagnie s’est mise en mesure d’obtenir la concession définitive de l’embranchement de Privas et de la ligne de Toulon à Nice.

Pour ces deux lignes, que nous avons déjà signalées à votre attention, et dont la prompte exécution est dans l’intérêt de la Compagnie, les tracés sont arrêtés par l’Administration supérieure, et il est à présumer que la concession ne tardera pas à être décrétée. Les ingénieurs préparent les projets de détail, et se mettent en mesure d’en commencer l’exécution dès que la concession aura été régularisée.

Travaux à faire en 1859

Pendant l’année 1859, nous continuerons les travaux en cours d’exécution, et nous porterons spécialement nos efforts sur la ligne de Moret à Nevers, dont l’ouverture est d’une si haute importance pour notre trafic.

Nous nous mettons en mesure d’entreprendre, aussitôt que les circonstances financières nous le permettront, celles des autres lignes du nouveau réseau que nous avons indiquées plus haut comme les plus urgentes et, quant aux autres, nous nous bornerons, pour le moment, aux études nécessaires pour en arrêter les tracés et pour en apprécier les dépenses et les produits.

Activité du 1er janvier au 31 décembre 1858

  • Voyageurs :
    • 1ère classe : 597 702,
    • 2ème classe : 1 139 380,
    • 3ème classe : 6 224 936,
  • Voitures : 968 en GV et 1 545 en PV
    • Chiens : 40 002,
    • Chevaux : 4 363 en GV et 7 246 en PV,
    • Bestiaux : 378 699 en PV,

Convention avec l’Etat du 22 juillet 1858

Les conventions du 11 avril 1857, qui ont constitué dans son état actuel notre double réseau, étaient à peine devenues définitives au moment où se réunissait votre Assemblée générale du 30 avril 1858. Déjà, sous l’influence de la crise commerciale et de l’abaissement des recettes qui en était la conséquence, des doutes s’élevaient dans quelques esprits sur les résultats financiers de cette grande opération. La clause qui plaçait sous un régime différent les anciennes et les nouvelles concessions assurait, il est vrai, aux actionnaires, pendant une assez longue période, les produits des lignes les plus fructueuses. Mais les lignes du nouveau réseau devaient successivement passer du compte d’établissement au compte d’exploitation. Or, jusqu’à quel point les développements naturels du trafic général viendraient-ils compenser l’insuffisance possible des produits des nouvelles lignes ? Ici le champ était ouvert aux hypothèses et, suivant que les esprits pencheraient du côté de la confiance ou du côté du découragement, la foi dans l’avenir de notre grande entreprise pouvait être raffermie ou ébranlée.


Les contrats de 1857 avaient eu pour but d’assurer le développement du réseau national et de doter de lignes de fer les portions du territoire qui en sont encore privées. Or, cette grande mesure se heurtait dès le début à un abaissement sensible dans les recettes du réseau exploité. Cet abaissement était-il accidentel ou normal ? Devait-il se prolonger ? Devait-il se reproduire? Telles étaient les questions posées par le public. De là, une vague inquiétude sur l’avenir et sur la vitalité des entreprises qui avaient résolument accepté cette grande tache.


Ces préoccupations ne pouvaient manquer de pénétrer dans les conseils du Gouvernement. Les conventions de 1857 ne sauraient être assimilées à ces contrats ordinaires dans lesquels l’entrepreneur se charge, à ses risques et périls, et à des conditions déterminées, de travaux soigneusement définis. Indépendamment de leur caractère contractuel, ces conventions sont avant tout une mesure politique et essentiellement gouvernementale. Entre les divers systèmes propres à assurer l’achèvement du réseau français, le Gouvernement se prononçait pour la combinaison qui s’appuie sur le concours et sur le crédit des Compagnies. Si ce crédit était ébranlé dès l’origine, le but proposé était pour longtemps compromis. L’État avait donc un intérêt évident, et de l’ordre le plus élevé, à remanier les contrats de 1857 dans le sens le plus propre à raffermir et à consolider définitivement le crédit des Compagnies.


A défaut de l’intérêt si manifeste de l’État, les Compagnies auraient pu invoquer la loyale interprétation de la pensée qui avait inspiré les contrats de 1857. Si le Gouvernement avait, en cette occasion, usé de sa légitime et prépondérante influence sur les Compagnies, il ne leur avait pas demandé l’abandon de leur situation acquise. L’Etat avait désiré le concours des Compagnies, mais il n’avait pas entendu leur imposer de sacrifices. C’est ce qui ressort manifestement de l’économie des traités, et principalement de la séparation organique entre les anciens et les nouveaux réseaux.


Dans l’exposé des motifs de la loi actuellement soumise au Corps législatif, le Gouvernement s’explique à cet égard de la manière la plus précise : « Il est hors de doute que, lorsque l’État a concédé les nouvelles lignes et lorsque les Compagnies ont accepté ces concessions, leur pensée commune était que ces lignes, soit par leur revenu propre, soit par l’accroissement de trafic qu’elles apportaient aux lignes principales, couvriraient l’intérêt et l’amortissement de leur capital. On n’entendait pas imposer aux Compagnies des pertes qui pouvaient aller jusqu’à compromettre leur capital social, et celles-ci, de leur côté, sans prétendre retirer de ces nouvelles concessions un surcroît de bénéfices, ont conçu du moins l’espoir légitime de maintenir autant que possible 1es situations acquises. »


Ainsi aucun doute ne pouvait s’élever sur la pensée qui avait inspiré les conventions de 1857. Mais le but proposé serait-il atteint ? L’Etat et les Compagnies s’étaient-ils fait des illusions ? En admettant que le résultat final de la combinaison doive réaliser les espérances conçues en 1857, n’était-il pas à craindre que des complications politiques ou des crises financières vinssent momentanément rompre les conditions de l’équilibre ? C’est sur ce point que portaient les doutes et les appréhensions. Dès lors le mode de remaniement des conventions était tout indiqué et se présentait naturellement à tous les esprits : c’était la garantie donnée par l’Etat d’un intérêt fixe sur le capital consacré au nouveau réseau.


L’Etat et les Compagnies ne pouvaient donc manquer de tomber d’accord à la fois sur le principe et sur les procédés de la révision, et, comme en ce qui concerne notre Compagnie, l’application du système de la garantie ne s’est trouvée compliquée d’aucune question accessoire, il suffira d’une rapide analyse pour vous rendre facile l’intelligence du nouveau traité.


La distinction entre l’ancien et le nouveau réseau est soigneusement maintenue, et chacun d’eux reste placé sous le régime qui résulte des conventions de 1857.


Les produits de l’ancien réseau lui sont exclusivement acquis tant que ces produits n’excèdent pas un chiffre kilométrique calculé d’après les résultats de l’exploitation de 1857, appliqués à l’ensemble des lignes qui doivent compléter l’ancien réseau. Les excédants obtenus sur ce chiffre kilométrique pourront seuls être reportés sur le nouveau réseau en cas d’insuffisance des produits propres à celui-ci.


L’État garantit sur le capital d’établissement du nouveau réseau 1’intérêt à 4% et l’amortissement, calculé au même taux (4,65 %). Cette garantie fonctionnera toutes les fois que les produits propres au nouveau réseau, accrus des excédants réalisés sur l’ancien dans les conditions ci-dessus définies, ne suffiraient pas à couvrir l’intérêt du capital d’établissement des lignes nouvelles.


Les intérêts de l’État et ceux des Compagnies se trouvent ainsi équitablement conciliés. La situation de l’ancien réseau est maintenue dans les conditions qui ont précédé les conventions de l857. Si les produits afférents aux lignes nouvelles ne suffisent pas à procurer au capital absorbé par elles un intérêt modéré, la garantie de l’Etat entre en jeu. Ainsi, les éventualités défavorables qui peuvent résulter de l’exécution des lignes nouvelles restent à la charge de l’État, mais seulement dans la mesure de l’intérêt garanti, et, dans ce cas, l’intervention de l’État se trouve justifiée par le fait même, en démontrant que la concession nouvelle n’aurait pu se passer de ce concours.


Si, au contraire, comme le Gouvernement y compte et comme nous l’espérons avec lui, les produits du nouveau réseau rendent inutile le recours à la garantie de l’État, le programme qu’on s’était proposé en 1857 se trouve rempli, et le réseau national s’achève sans charge nouvelle imposée au Trésor.


Traité de fusion avec la Compagnie des chemins de fer du Dauphiné

A l’occasion de ce remaniement des conventions de 1857, le Gouvernement a jugé le moment opportun pour rattacher aux principaux réseaux les lignes secondaires, en petit nombre, qui étaient restées en dehors des grandes fusions. L’indépendance, ou pour mieux dire l’isolement de ces lignes, n’était pas en harmonie avec le système général qui avait prévalu en 1857. Tel est le principal motif qui a déterminé l’annexion de la ligne des Ardennes au réseau de l’Est, et des chemins de fer du Dauphiné à notre propre réseau.


Toutefois, si l’annexion des lignes du Dauphiné ne pouvait faire difficulté en principe, il restait à en déterminer les conditions. Il est toujours difficile d’apprécier la valeur d’un chemin encore inachevé, et dont l’exploitation est incomplète. Un tel état de choses laisse le champ ouvert à toutes les hypothèses, et par conséquent à toutes les prétentions. Le mieux, en pareil cas, est évidemment de poser le principe de la fusion, et d’en suspendre la réalisation jusqu’au moment où l’achèvement de la ligne permet d’en apprécier les produits, et, par suite, d’en déterminer la valeur avec un degré suffisant d’exactitude.


C’est sur cette base qu’a été conclue, en 1855, la fusion entre les Compagnies de Lyon à la Méditerranée et de Lyon à Genève. Pour les lignes du Dauphiné, la situation présentait une analogie à peu près complète, et le précédent de Genève indiquait dès lors la solution à intervenir.


Il va vous être donné lecture du traité, et nous nous bornerons à en indiquer ici les principales dispositions.


  • Le réseau du Dauphiné se compose aujourd’hui de trois lignes se dirigeant de Lyon, de Saint-Rambert et de Valence sur Grenoble, savoir:
    • Ligne de Saint-Rambert à Grenoble, d’une longueur de 92 kilomètres, en exploitation,
    • Ligne de Lyon à Grenoble, s’embranchant sur la précédente, d’une longueur de 98 kilomètres, et exploitée sur 40 kilomètres, de Lyon à Bourgoin,
    • Enfin, ligne de Valence, se réunissant au tronc commun des deux autres lignes, et d’une longueur de 70 kilomètres. Cette dernière ligne est seulement à l’état d’étude.


Dans la combinaison qui sert de base au traité, l’embranchement de Valence est distrait des concessions du Dauphiné pour être réuni au nouveau réseau de Paris, Lyon, Méditerranée. Les deux autres lignes doivent être achevées par les soins et aux frais de la Compagnie du Dauphiné et entrer en exploitation en 1860. Ce délai serait prolongé d’une année si la Compagnie était mise, par le fait du Gouvernement, dans l’impossibilité de terminer, dans le terme ci-dessus fixé, les travaux de Bourgoin à Rives. L’exercice de 1862 (ou peut-être celui de 1863 servira d’exercice type, pour déterminer la valeur des apports de la Compagnie du Dauphiné, et il lui sera attribué un nombre proportionné d’actions de la fusion. Pour compenser l’avantage résultant pour la Compagnie de la Méditerranée de l’antériorité de ses concessions, le produit brut des lignes du Dauphiné sera fictivement accru, comme dans le traité de Genève, de 36 %, et les dépenses de l’exploitation abaissées à 40 %. Le produit brut ainsi calculé, on en déduira le service des emprunts et généralement toutes les charges de la Compagnie. Le surplus sera considéré comme bénéfice net, et déterminera, par comparaison avec le produit net de notre ancien réseau, le nombre d’actions de la fusion à attribuer à la Compagnie du Dauphiné.


Les dispositions secondaires sont d’ailleurs conformes à celles de la fusion avec la Compagnie de Genève.


L’annexion une fois réalisée, les lignes du Dauphiné entreront dans notre nouveau réseau, et à ce titre, elles participeront à la garantie d’intérêt de l’État.


Telle est l’économie du traité que nous soumettons à votre approbation. Les lignes du Dauphiné appartiennent à la région desservie par notre réseau. Elles feraient concurrence à quelques-uns des embranchements compris dans les concessions de 1857. Enfin, elles desservent une contrée riche et des populations industrieuses. Ces considérations vous recommandent suffisamment le nouveau traité. De plus, et à raison de l’annexion des lignes du Dauphiné, le partage des bénéfices avec l’État, qui, d’après les conventions de 1857, devait commencer au 1er janvier 1866, est reculé au 1er janvier 1872. Cette compensation n’est pas sans importance et balance, dans une certaine mesure, les charges qui pourraient résulter transitoirement des nouvelles adjonctions.


En conséquence, nous avons l’honneur de proposer à votre approbation les deux traités dont il va vous être donné lecture.


En résumé, Messieurs, le fait saillant, le résultat essentiel qui ressort des conventions de 1858, c’est la garantie d’intérêt, accordée par l’État aux lignes du nouveau réseau. Il est impossible de méconnaître la portée de cette mesure, au point de vue du crédit de la Compagnie. Par l’effet de cette garantie, les intérêts du Trésor se trouvent liés de la manière la plus étroite à ceux de la Compagnie. Personne n’est plus intéressé que l’Etat aux progrès de notre trafic, à la prospérité et au crédit de notre entreprise. Une telle communauté de but et d’intérêt est, assurément, le gage le plus solide et le plus efficace que vous puissiez offrir aux capitaux, lorsque le moment sera venu de leur faire de nouveaux appels.

Résolutions de l’Assemblée

Après la lecture du Rapport qui précède, les diverses propositions à l’ordre du jour sont successivement mises aux voix et adoptées par l’Assemblée générale, composée de 768 actionnaires, représentant 184 242 actions, donnant droit à 2,228 voix.

Première résolution

Conformément à la proposition du Conseil d’administration développée dans le Rapport, l’Assemblée générale approuve les comptes de l’exercice 1858, et fixe à 49,50 francs le dividende de cet exercice.

Deuxième résolution

  • L’Assemblée générale, conformément à la proposition du Conseil d’administration développée dans le Rapport, approuve :
    • Le projet de convention conclu avec Son Excellence M. le Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, le 22 juillet 1858, portant modification de la convention du 11 avril 1857, et approbation du traité de fusion avec la Compagnie des chemins de fer du Dauphiné,
    • Le traité à la même date conclu avec la Compagnie des chemins de fer du Dauphiné, qui réalise la fusion de ces chemins de fer avec le réseau de Paris à Lyon et à la Méditerranée.


Tous pouvoirs sont donnés au Conseil d’administration pour la réalisation des conventions précitées, et stipuler, s’il y a lieu, les modifications statutaires qui en seraient la conséquence.

Troisième résolution

L’Assemblée générale, Conformément à la proposition du Conseil d’administration, Autorise le Conseil à emprunter, pour le compte de la Compagnie, jusqu’à concurrence de 180 millions de francs, les sommes destinées à pourvoir, à mesure et en proportion des besoins, aux travaux en cours d’exécution, et à l’établissement des lignes nouvelles. Ladite somme réalisable, soit au moyen de l’émission de nouvelles séries d’obligations 3 %, soit sous toute autre forme qui serait jugée plus avantageuse aux intérêts de la Compagnie.

Convention entre l’Etat et le PLM qui approuve la fusion avec le Dauphiné et modifie la convention approuvée par les décret et loi du 19 juin 1857

Traité entre le PLM et le Dauphiné