RGCF février 1929 : Elévateur–culbuteur pour distribution de combustible
Sommaire
Titre
Elévateur–culbuteur pour distribution de combustible par M. Richon, Ingénieur en chef de la Traction au PLM
Planche et figures de l’article
Généralités
Le problème de la distribution du combustible aux locomotives a depuis longtemps préoccupé les services de Traction des réseaux et en particulier du réseau PLM. Les deux buts principaux poursuivis sont les suivants : augmentation de la quantité maxima qu’il est possible de distribuer dans un temps donné et réduction de la main-d’oeuvre nécessaire à la distribution d’une quantité donnée de combustible.
Dans la presque totalité des cas, les solutions ont été obtenues grâce à l’introduction d’appareils de manutention mécanique nouveaux ou à l’amélioration d’appareils existants.
Toutes les installations de distribution de combustible aux locomotives peuvent se classer en deux grandes catégories :
La première catégorie est caractérisée par le fait que le combustible à distribuer est disposé à l’avance à une hauteur telle qu’il suffira d’une translation horizontale ou d’un simple déversement de haut en bas, c'est-à-dire sans intervention de moteur mécanique, pour l’introduire dans le tender à charger. A ce groupe appartient notamment l’humble quai (ou estacade) à paniers encore en usage dans de nombreuses annexes de dépôts, les distributeurs à trémies et les quais mécaniques. Ceux-ci qui sont très répandus sur le réseau PLM comportent, sur une plate-forme élevée de 4,75 m au-dessus de la voie des locomotives, un gril de voies Decauville où sont remisés les wagonnets qu’on déversera par basculage dans les tenders. Les wagonnets sont montés sur la plate-forme à l’aide de monte-charges simples ou multiples, mus mécaniquement.
Dans certains cas, en vérité exceptionnels, les dispositions du terrain ont permis d’établir le quai dans le plan même du parc à combustibles, les locomotives circulant en contrebas du terrain du parc. La distribution se fait, là aussi, par wagonnets, mais sans monte-charges, ,c’est-à-dire sans aucun appareil moteur.
Toutes les installations de cette première catégorie possèdent donc, par définition même, une « réserve en l’air » de combustibles très variable suivant les cas. Avec le quai de niveau cité en dernier lieu, la réserve n’a pour ainsi dire d’autre limite que la capacité même du parc.
La deuxième catégorie est caractérisée par le fait que le combustible à distribuer est placé sur le sol même qui porte la voie des locomotives ou en wagons, ou dans les tas de combustibles du parc.
On peut imaginer comme prototype de cette disposition le cas où le combustible chargé en paniers devrait être monté à l’aide d’échelles sur les tenders. Cette disposition rudimentaire n’existe sans doute plus nulle part. L’emploi de grues à vapeur ou électriques, fixes ou mobiles, à bennes calibrées ou même à simples bennes preneuses est au contraire très fréquent.
Après la guerre, le problème de la manutention des combustibles s’est posé au. PLM d’une manière encore plus pressante. Le trafic augmentant au delà de toute prévision, les installations anciennes devenaient rapidement insuffisantes. Les machines stationnaient exagérément aux quais à combustibles lors de leur rentrée aux remisages, d’où déchet de personnel, encombrement des voies et gêne considérable dans le service des dépôts. De plus, la loi des 8 heures aidant, la main d’oeuvre devenait de plus en plus chère et du plus en plus difficile à trouver.
Il était donc urgent de chercher à perfectionner les installations existantes, avec le double souci d’en accroître le débit et d’y réduire la part de la main-d’oeuvre. En même temps, comme on ouvrait des dépôts nouveaux, on avait à choisir pour ces dépôts le type de l’installation à réaliser.
On a vite reconnu, du reste, qu’il était déraisonnable de compter trouver un type d’installation uniforme, applicable à tous les cas, les seules différences à y introduire étant des différences de grandeur et non de nature. La diversité des dépôts, tant au point de vue de l’importance de consommation de combustible que de la configuration du terrain utilisable pour la distribution des combustibles, laissait place, quand bien même elle ne les imposait pas, à des solutions différentes. C’est ainsi qu’ont été établis, soit par création complète, soit par transformation, des quais mécaniques à voies de rentrée multiples à Laroche, Dijon Perrigny, Avignon, des trémies à Vénissieux (Lyon), des grues à vapeur ou électriques dans de multiples dépôts du réseau, un quai de niveau à Clermont-Ferrand, c’est-à-dire, ainsi qu’il a été expliqué plus, haut, un quai installé sur le plan même du parc à charbon, les locomotives passant en contrebas,et, enfin, tout dernièrement, à Roanne, un élévateur - culbuteur.
Ce dernier appareil est très simple, très peu encombrant et, somme toute, peu coûteux. Il n’en existe probablement pas d’autre en France, aussi a-t-il paru intéressant de donner ici quelques renseignements sur sa consistance, son fonctionnement et sur les résultats qu’il a permis d’obtenir.
Elévateur–culbuteur du dépôt de Roanne
L’élévateur - culbuteur se classe dans la deuxième catégorie définie plus haut. Il se réduit à un ascenseur double qui monte des wagonnets chargés de combustible à une hauteur de 5,80 m environ et les déverse automatiquement dans les soutes des tenders.
L’installation ne comporte donc, comme les grues de chargement, aucune « réserve en l’air » de combustible. La seule réserve dont on dispose est constituée par une « réserve à terre » de wagonnets tout chargés.
L’appareil du type Teudloff et Dittrich, utilisé déjà dans certains pays européens, a été construit par la Compagnie de Fives - Lille.
Fonctionnement de l’Appareil Élévateur-Culbuteur
L’appareil est constitué par une double cage d’ascenseurs, en fers profilés, élevée le long de la voie de ravitaillement des locomotives. Dans chaque cage peut monter et descendre une benne basculante pouvant recevoir un wagonnet.
Les mouvements des deux bennes sont solidaires, c’est-à-dire que l’une monte tandis que l’autre descend. Le déversement de charbon se fait, par basculage du wagonnet chargé montant, dans un couloir fixe incliné, d’où le combustible tombe dans le tender.
Pour desservir l’appareil, on n’a donc qu’à remplacer chaque wagonnet vide descendu au niveau du sol par un wagonnet chargé, et à manoeuvrer, quand le moment est venu, le rhéostat placé au rez-de-chaussée de l’appareil, ce qui détermine la montée du wagonnet chargé et son basculage et la descente simultanée du wagonnet vide dans l’autre cage.
Détails de construction
Bâti, cadres, bennes
Le bâti repose sur les fondations en béton. Dans chaque cage, suspendu par un câble, est placé un cadre rectangulaire vertical dont le~s deux côtés longs sont guidés dans leur ascension, avec interposition d galets, par des fers à U, fixés au bâti. Sur la barre inférieure de chacun de ces cadres repose, par deux tourillons, une benne basculante constituée par une plate-forme (sur laquelle est poussé et verrouillé le wagonnet) et deux montants latéraux. En fin de course montante, des bossages fixés à ces montants s’engagent dans des fers à U incurvés, ce qui fait basculer la benne dans son cadre, et par conséquent le wagonnet qu’elle porte.
Moteur
Le moteur électrique (triphasé à rotor bobiné et sans relevage de balais) alimenté à 210 V 50 périodes et enfermé dans une cabine placée en porte à faux contre le bâti, actionne par une vis sans fin un tambour sur lequel sont enroulés deux câbles, dont l’un s’enroule tandis que l’autre se déroule. Le schéma ci-dessous montre comment est réalisée la commande par les câbles.
Frein
Sur l’arbre du moteur frotte un frein actionné par un contrepoids. Ce contrepoids reste soulevé quand le courant passe.
Accessoires Divers
Verrouillage des wagonnets dans les bennes basculantes
Les wagonnets sont immobilisés sur les plates-formes par un dispositif à ressort qui cale automatiquement un des essieux du wagonnet dès son arrivée sur la plate-forme et ne le libère qu’en fin de course de la descente.
Contrôleur
Le courant est amené à un interrupteur avec fusible et de là à un contrôleur avec rhéostat de démarche à six plots pour chaque sens de marche.
Interrupteurs automatiques
Peu avant la fin du mouvement, le cadre descendant actionne un interrupteur à bain d’huile et coupe le courant.
Rendement de l’appareil
Débit maximum théorique
L’appareil proprement dit possède un débit maximum, impossible à dépasser quelles que soient les mesures prises, et qui serait obtenu s’il travaillait sans autres interruptions que celles qui sont strictement nécessaires pour remplacer chaque wagonnet vide arrivant au sol par un wagonnet plein amené à proximité immédiate.
- L’expérience a donné les valeurs suivantes moyennes pour les éléments de temps entrant dans le cycle de manœuvre de l’appareil :
- Un wagonnet chargé étant en place dans une benne, manœuvrer le contrôleur, pour l’élever et attendre l’arrivée du wagonnet voisin descendant : 15 secondes,
- Retirer, tourner en plaque et écarter le wagonnet vide : 10 secondes,
- Prendre un wagonnet chargé supposé à proximité immédiate et le mettre en place dans la cage : 12 secondes,
- Temps perdu total dans les intervalles entre a, b et c : 5 secondes,
- ce qui correspond à : 42 secondes.
pour la livraison d’un wagonnet de 500 kg. Ce temps correspond à un débit moyen de 1 tonne e 1 minute 24 secondes, 725 kg par minute, soit 42,800 t. par heure ou 1027 t par 24 heures.
Rendement pratique
Dans la pratique, on n’obtiendra pas un pareil rendement. D’une part, en effet, il n’est pas possible d’éviter les temps perdus entre les chargements de deux machines successives, (bien que ces pertes de temps puissent être considérablement réduites par une surveillance active). D’autre part, des considérations d’économie et de répartition judicieuse de personnel sur le chantier conduiront généralement, hormis le cas de dépôts importants ou de situation exceptionnelle, à n’affecter qu’un charbonnier au service de l’appareil. Cet agent devra aller prendre lui-même chaque wagonnet sur les voies de réserve, ce qui diminuera naturellement le débit de l’appareil par unité de temps. Enfin, l’activité du personnel ne se maintient pas d’une façon continue au taux le plus élevé.
Dans ces conditions, il est prudent d’admettre que le débit maximum pratiquement réalisable ne dépassera pas 600 tonnes par 24 heures. Les dépôts dans lesquels les distributions de charbon aux locomotives dépassent une semblable valeur sont très peu nombreux et l’on peut dire que, en principe du moins, l’élévateur – culbuteur a son emploi dans tous les dépôts.
Conclusion
En réalité, on aurait tort de chercher dans ce dispositif un type omnibus utilisable partout.
Ses avantages sont manifestes, comme pour les grues, les dépenses d’établissement sont peu élevées, le terrain nécessaire peu étendu, le débit est plus fort qu’avec les grues et, par rapport aux grues à vapeur du moins, les dépenses d’exploitation paraissent devoir être bien plus réduites.
Néanmoins, il est incontestable que ce dispositif, comme tous ceux qui comportent l’emploi de wagonnets, exige pour le chargement et le roulage des wagonnets une main-d’oeuvre assez coûteuse. Aussi quand il s’agit de gros dépôts a-t-on intérêt à rechercher des procédés encore plus perfectionnés, permettant d’effectuer mécaniquement la presque totalité du travail.
Pour les dépôts moyens, (c’est-à-dire dont les livraisons quotidiennes de combustible ne dépassent guère 250 t environ), où des installations coûteuses ne seraient pas de mise, l’appareil du type de Roanne parait au contraire très intéressant et nous comptons au réseau PLM en étendre l’emploi.