10 mars 1886, Roquebrune Monte-Carlo
Sommaire
Circonstances de l’accident
La catastrophe vue par la presse
Toujours P.-L.-M.. LA CATASTROPHE DE MENTON. 4 MORTS — 32 BLESSÉS. • Depuis quelque temps, la Compagnie de Faris-Lyon-Méditerranèe qui a acquis une si triste célébrité, due aux nombreux accidents imputables à son incurie et à sa mauvaise administration, n’avait pas fait parler d’elle. Cela ne pouvait durer. Hier, on annonçait une terrible catastrophe de chemin de fer : deux trains précipités à la mer, des morts, des blessés. Inutile de demander sur quelle ligne cet épouvantable accident s’est produit : c’était tout naturellement sur le P.-L.-M.. Le Train mixte 483, partant de Nice à trois heures et allant à Vintimille, a rencontré ta train mixte n° 502 partant de Menton et se dirigeant vers Nice. La rencontre a eu lieu sur cette voie unique, à un tournant et dans un endroit où le vide vient immédiatement après le rocher, entre Cabbé-Roquebrune et Monte-Carlo, à deux kilomètres de cette dernière station. La violence du choc a été terrible; les locomotives sont entrées l’une dans l’autre. Les wagons, après être montés les uns1 sur les autres, se sont écrasés avec une telle violence qu’ils ont pour ainsi dire été réduits eu miettes. Un de première, un de seconde, et un de troisième classe, trois wagons franchissant le parapet, sont tombés dans la mer d’une hauteur de soixante quinze mètres. On les a retrouvés à l’état de véritable hachis. Ceux restés sur la voie forment une montagne de débris absolument informes. Des roues de wagons, des portières, des tampons, des chaînes pendent le long du parapet au-dessus du gouffre. Le spectacle est horrible. Des planches brisées émergent, des femmes et des enfants, tout ruisselants de sang. La recherche des morts et des blessés avec des flambeaux et des torches était une des choses les plus émouvantes que l’on pût voir. Les secours ont été rapidement organisés. A la nouvelle de l’accident, M. Catusse, préfet des Alpes-Maritimes, s’est transporté sur les lieux; en même temps, M. Chartra, directeur général de l’administration des bains de mer, a fait transporter les caisses de secours du Casino. L’hôtel de Paris a mis immédiatement à la disposition du service d’ambulance deux salles de dortoir et des omnibus pour transporter les blessés, auxquels les docteurs Kullmann, Guérard, Renaud et Hugues ont donné les premiers soins. L’accident s’est produit à un kilomètre de Monte-Carlo. Le déblaiement a été très difficile, la nuit étant arrivée presque aussitôt après l’accident. Dès le petit jour on a travaillé activement à débarrasser la voie. Le transbordement des voyageurs se fait, de la gare de Monte-Carlo à Menton, par omnibus. A chaque instant on retrouve des blessés. Le corps du malheureux Féraud, conducteur du train, n'a pas encore été retrouvé. Quatre personnes ont été tuées ; parmi elles se trouvent M. Dommergue, mécanicien, et Ferrero, entrepreneur italien. Jusqu’à présent, on connaît trente-deux des blessés, dont douze très grièvement. Le mécanicien du train 483 est mort. Celui du train 502 a été tamponné entre les deux machines. Il est encore vivant, mais il paraît perdu. Le malheureux est resté pris sous un amoncellement de ferrailles et de morceaux de bois. Parmi les blessés se trouve une famille entière, M. Prieur, son gendre, sa fille, sa petite-fille, âgée de seize ans. Mme et Mlle Tesseyre; femme et fille de l’ancien gérant de la Liberté, ont reçu de graves blessures. Une petite fille de deux ans, qui est tombée dans la mer a été retirée miraculeusement avec une simple égratignure. Un voyageur, tombé également dans la mer, a eu un bras cassé. Un enfant de treize ans, qui a été aussi précipité, a eu les deux bras brisés, il appelait son père, qui est parmi les morts. Mme Prieur a subi l’amputation des deux jambes. L’entrepreneur Ferrero laisse cinq enfants; Une pauvre femme est morte en apprenant que sou mari était dans le train. Les trains devaient se croiser à Cabbé-Roquebrune; au lieu de cela, on les a fait partir, la voie n'étant libre. A qui la faute? Est-ce au chef de gare de Monte-Carlo ou à son collègue de Cabbé-Roquebrune? C’est ce que l’enquête apprendra certainement Il est, en tout cas permis, pour le moment, de constater que le train 483 avait neuf minutes de retard en quittant la gare de Monté-Carlo. On croit que la rencontre des trains est due à un faux signal donné par le chef de gare de Roquebrune, celui-ci, ignorant sans doute que le train venant de Nice avait été dédoublé, avait laissé passer le train partant pour Nice.
On télégraphie de Monté-Carlo, 11 mars soir : Le déblaiement continue ; la voie est très resserrée à l'endroit où a eu lieu la collision. Le conducteur Féraud a été retrouvé à deux heures, couché sur le coté et écrasé. Il a dû être tué sur le coup. Une foule énorme de curieux arrive de Nice par tous les trains. L’accident est arrivé sur le territoire monégasque. On dit que le signal à été donné par la gare de Roquebrune ; le train de Monté-Carlo est parti ensuite, puisque l’accident est arrivé à deux kilomètres de Monte-Carlo. Plusieurs des blessés vont bien.'
Journal 'Lintransigeant du 13-3-1886 (Collection BNF-Gallica)