3 juin 1927, déraillement, station de Bessay

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Circonstances de l’accident

  • Cette nuit à 2 heures, l'Express Paris-Nîmes a déraillé près de Moulins. Neuf morts, vingt blessés, dont plusieurs grièvement.

Moulins, 3 juin.

L’express 1.415, partant de Paris à 20 h. 30, et se dirigeant sur Nîmes, a déraillé, ce matin vers 2 heures, alors qu’il venait de quitter la gare de Moulins et arrivait à la station de Bessay. Tous les wagons ont été renversés, moins quatre. On signale jusqu’à présent 8 morts et un certain nombre de blessés. Les plus grièvement atteints sont amenés à l’hôpital de Moulins.

Comment se produisit l’accident.

Clermont-Ferrand, 3 juin {de notre corr. part., par téléphone). L’accident s’est produit entre Moulins et Saint-Germain-des-Fossés, sur la ligne Paris-Clermont-Ferrand, à 800 mètres de la station de Bessay. Un train de marchandises montait sur Paris. A un moment donné, un de ses wagons dérailla sans que le mécanicien ne s’en rendît compte. Au passage de l’aiguille qui commande les voies de garage de la station de Bessay, plusieurs autres wagons déraillaient et, se renversant, obstruèrent la voie descendante. A ce moment, l’accident se bornait à des dégâts matériels. Mais par malheur, l’express 1415, parti de Paris pour Clermont-Ferrand à 2O h.15 et qui avait quitté Moulins à 1 h. 50 du matin, arrivait à une vitesse de 95 kilomètres à l'heure sur l’obstacle formé par les wagons déraillés. Des cris de douleur s’élevèrent des voitures démolies. Immédiatement, le personnel de la gare de Bessay ainsi que les voyageurs indemnes organisèrent les premiers secours. On a retiré jusqu’à présent des décombres sept morts dont voici les noms : MM. Louis G.....n, de Paris; à Saint-Germain-des-Fossés ; Jean G.....y, de la Dilioire (Calvados) ; Mme et M. D.....l, le mari employé de chemin de fer, demeurant tous deux à Langogne Gare ; M. G........s, un homme d’équipe du P.-L.-M. ; enfin un corps non identifié. En outre, le mécanicien du train 1415 n’a pas été retrouvé. On croit qu’il est sous les débris de sa machine. On compte une vingtaine de blessés, dont certains grièvement atteints. Une enquête est ouverte. La Compagnie du P.-L.-M. n’a pas encore reçu de rapport de son ingénieur établissant les causes de l’accident. Le ministre des Travaux publics, dès qu’il eut connaissance de l’accident, a envoyé sur les lieux un ingénieur du Contrôle. On travaille à rétablir la circulation.

Ce que l’on dit à la Compagnie du P.-L.-M.

D’après les premiers résultats de l'enquête ouverte par la Compagnie des chemins de. fer du P.-L.-M., l'accident serait dû à la cause suivante : Un essieu d'un wagon du train de marchandises s’étant rompu, ce wagon dérailla et vint se coucher sur la voie voisine. C’est sur cette voie qu'arriva aussitôt, par un malheureux concours de circonstances, l’express de voyageurs.

Au ministère des Travaux publics.

Le ministère des Travaux publics communique les renseignements suivants au sujet de l’accident de Bessay : Vers 2 heures du matin, près de Bessay (Allier), le wagon d’un train de marchandises se dirigeant vers Moulins et Paris sur la voie 2 a déraillé du côté de la voie 1. Le mécanicien sentant une résistance anormale allait arrêter le train lorsqu’arriva, en sens inverse, et en vitesse, sur la voie 1, l’express de 1 h. 15, parti de Paris à 20 h. 30, qui vint heurter le wagon déraillé du train encore en marche. La locomotive et le tender de l’express-furent renversés. Le fourgon de tête et les deux voitures de troisième classe qui le suivaient furent gravement avariées et deux autres voitures suivantes endommagées. On compte actuellement 9 tués, 7 blessés et 16 voyageurs contusionnés. , M. Launay, adjoint an directeur-général des chemins de fer, et Moreau-Neret, chef adjoint du cabinet du ministre des Travaux Publics sont arrivés dès ce matin sur les lieux de l’accident.

Journal L'INTRANSIGEANT 4-6-1927 (collection BNF Gallica).


La catastrophe du Bessay due à la fatalité. Aucune responsabilité ne semble engagée.

Clermont-Ferrand, 4 Juin (de -, notre corr. part.).

Il apparaît, dès à présent que la catastrophe du Bessay est due à la fatalité et ne saurait engager la responsabilité pénale de personne. Le mécanicien du train de marchandises ne pouvait guère s’apercevoir, en pleine nuit, qu'il traînait un wagon déraillé. L’employé de service à la gare du Bessay, M. Chérasse, a fait l'impossible pour arrêter l’express 1415, et le mécanicien Chardet, qui a d’ailleurs été tué, conduisait son train à la vitesse réglementaire à cet endroit : 95 à 100 kilomètres à l’heure. Il semble donc, bien qu’aucune suite judiciaire ne puisse être donnée à ce douloureux accident. Le dernier cadavre retiré des décombres est celui de M. Félix-Baptiste P.....s, vingt-deux ans, employé chez un marchand de charbons à Paris; 41, avenue de Châtillon. Il était écrasé entre le plancher du wagon et le fourgon de tête, et les sauveteurs apercevaient nettement, à travers les débris-tordus, les jambes et le bras droit du malheureux, mais le corps ne put être dégagé que quand le fourgon eût été soulevé par une grue.

Le trafic reprend.

Les travaux de déblaiement et de réparation des voies poussés avec une grande activité ont été achevés cette nuit. A 11 heures, le train de luxe Pulmann Paris-Vichy a le premier emprunté sa route ordinaire. Le service normal est complètement repris. Les trains observent seulement un ralentissement en franchissant la vole réparée.

L’état des blessés.

L’état des blessés transportés à l’hôpital Saint-Joseph, à Moulin, reste stationnaire. Celui: du conducteur R.....e, qui porte une fracture du crâne, inspire de vives inquiétudes. Ce blessé est encore dans le coma. Un voyageur, M. B....r, qui a le rein gauche broyé, est également en danger de mort. Les autres, blessés paraissent hors de danger, et l’un d’eux, M. J.....n, a quitté l’hôpital pour regagner son domicile.

Journal L'INTRANSIGEANT 5-6-1927 (collection BNF Gallica).


L'ACCIDENT DU BESSAY. Deux des blessés ont succombé.

Les causes du déraillement.

Clermont-Ferrand, 5 juin (de notre corr. part.).

Deux des blessés sont morts cette nuit à l’hôpital Saint-Joseph, à Moulins, M. Jean-Marie R....r, vingt-deux ans, voyageur du premier wagon suivant le fourgon, a succombé à deux heures du matin ; il demeurait à Paris, 138 rue de Flandre. Le conducteur Rondepierre, de Saint-Germain-des-Fossés, est mort à trois heures. Ces deux décès portent à dix le nombre des morts. Les autres blessés soignés au même hôpital vont sensiblement mieux. L’enquête faite sous la direction de M. Maison, ingénieur en chef du contrôle de l’État, sur les causes de la catastrophe du Bessay a établi qu’un wagon de la Compagnie du Nord, faisant partie du train de marchandises qui se dirigeait sur Moulins, perdit â Varennes-sur-Allier la tringle d’écartement qui assure la stabilité du wagon. Un peu plus loin, le même véhicule perdit un ressort et dérailla sur sa gauche, puis au passage de l’embranchement de Saint-Loup se remit sur les rails, puis dérailla de nouveau quelques centaines de mètres plus loin. En passant à Bessay, le mécanicien, M. Giron, sentit une résistance et siffla deux fois aux freins en renversant la vapeur. Ce mouvement déporta complètement sur la droite le wagon déraillé et celui qui le suivait. Les wagons arrachèrent le fil commandant le signal protection de la voie 1 et c’est ainsi que l'employé de service à la gare de Bessay ne put arrêter l’express. Ce n’est pas M. Louis G......n, 6, rue Beauregard, à Paris, qui a été blessé dans l'accident du Bessay).

Journal L'INTRANSIGEANT 6-6-1927 (collection BNF Gallica).


Il est usage, gui veut que, lorsqu’un accident de chemin de fer se produit, le député de l’arrondissement qui en a été le théâtre interpelle le gouvernement, se perdra peut-être quelque jour. Sauf dans certains cas particuliers le débat est en effet inutile et n'a d’autre résultat que de faire perdre un après-midi à la Chambre, les explications nécessaires sur les résultats de l’enquête pouvant très bien être données dans le cabinet du ministre. Hier, en tout cas, M. André Tardieu qui était interpellé sur le récent accident de la ligne du Bourbonnais, rompit avec la tradition des longs discours et des .discussions oiseuses. Il apporta des explications claires, précises comme un rapport d’ingénieur et pour terminer, déclara nettement qu’il ne pouvait promettre sérieusement que tout accident serait évité dans l’avenir. C’était nouveau, si nouveau, que l'interpellateur n’en revenait pas et que personne ne songea à déposer un ordre du jour. Le débat fut ainsi clos en un tournemain.


Journal L'INTRANSIGEANT 26-6-1927 (collection BNF Gallica).

Photos et cartes postales

Journal L'INTRANSIGEANT 7-6-1927 (collection BNF Gallica).

Croquis et plans