Bulletin PLM N° 18 de novembre 1931 : Le Viaduc sur l’Etang de Caronte

De WikiPLM
Aller à : navigation, rechercher

Titre

Le Viaduc sur l’Etang de Caronte par F. Jouglas.

Planche et figures de l’article


Article

La grande ligne de Paris à Marseille est doublée, entre les gares de Miramas et de l’Estaque, par une ligne à deux voies de 73 km de longueur, qui dessert, en dehors des villages d’Istres, Fos sur Mer et Port de Bouc un grand nombre de hameaux de pêcheurs très pittoresques. Cette ligne présente, entre Port de Bouc et l’Estaque, une succession ininterrompue de souterrains et de viaducs accrochés au flanc de rochers dominant la mer. La longueur cumulée des tunnels dépasse 5 km et le nombre des viaducs est de vingt. Le plus important de ceux-ci est celui de Caronte, jeté sur le canal maritime faisant communiquer la mer Méditerranée et l’Etang de Berre.


  • Ce viaduc, de près d’un kilomètre de longueur, est établi à 23 m au-dessus du niveau de la mer et se compose de trois parties :
    • deux travées de 51,20 m du côté de Miramas,
    • un pont tournant de 114,40 m,
    • huit travées de 82,50 m du côté de l’Estaque.


Il a été construit d’après les projets établis par la Compagnie par les Etablissements Daydé (travées de 82,50 m) et par les Etablissements Schneider et Cie (pont tournant et travées de 51,20 m). Il a été terminé fin 1913.

Description d’une manoeuvre d’ouverture

Le Service maritime de Port-de-Bouc, lorsqu’un bateau désire passer, en avise la gare de Martigues, qui est voisine du pont, côté Marseille. Le chef de gare transmet la demande au mécanicien du pont au moyen d’appareils Jousselin. Ce dernier prend accord avec le chef de gare de la station de Croix Sainte située de l’autre côté du pont et met alors à l’arrêt les six signaux de protection, à savoir deux disques et un carré pour chaque voie.


Les variations de température faisant dilater le tablier du pont, on a laissé entre les rails de la partie tournante et les rails des travées fixes un jeu de 60 mm. Afin de permettre aux trains de franchir facilement cet espace, on a prévu un système d’éclisses mobiles qui assurent la continuité des voies. La première opération pour effectuer une manoeuvre d’ouverture consiste à retirer ces éclisses, opération qui s’effectue à l’aide d’un moteur à air comprimé.


On procède ensuite aux opérations de décalage et de déverrouillage. Le pont repose en effet, par ses extrémités sur les piles, par l’intermédiaire d’appareils articulés à excentriques permettant une libre dilatation du pont et d’autre part sur la pile centrale, par le pivot de rotation et des appareils d’appuis fixes, munis de coins mobiles, placés sous les poutres.


Des verrous rigides, à déplacement horizontal, et un verrou vertical, fixés aux extrémités des poutres, assurent la concordance parfaite des voies des travées fixes et de la travée mobile du pont. Le déséclissage terminé, on retire donc ces verrous et on décale les appuis. Ces différentes opérations s’effectuent à l’aide d’un moteur à essence de 100 ch. Le pont, dont le poids total atteint environ 1 450 tonnes, ne repose plus que sur son pivot et peut alors tourner librement.


Ce pivot est supporté par la pile centrale du pont, bâtie en bordure du canal de navigation. Il se compose principalement d’une lentille en bronze phosphoreux placée entre deux crapaudines en acier spécial, baignant dans de l’huile de ricin. Pour donner une bonne stabilité au pont pendant sa rotation, dix-huit galets d’équilibre, fixés à un tambour rivé au pont, se déplacent sur un chemin de roulement qui est scellé à la maçonnerie de la pile centrale.


La rotation du pont peut s’effectuer indifféremment à bras ou à l’aide du moteur. La manoeuvre à bras s’effectue à l’aide de deux cabestans et seize hommes, sa durée est de 20 mn environ, alors qu’avec le moteur ce temps est réduit à 4 mn 40 s.

Salle des machines

Elle se trouve dans une cabine placée à la partie supérieure du pont, sur la pile de rotation, d’où le machiniste domine les voies et le canal. Elle comprend principalement deux moteurs Winterthur, dont un de rechange, d’une puissance de 100 cv et tournant à une vitesse de 300 tours/mn.


Des appareils de changement de vitesse Janney permettent d’obtenir sur l’arbre moteur, dans les deux sens, toute la gamme des vitesses, de 0 à la vitesse maximum. Deux réservoirs extérieurs de 35 litres contiennent l’essence utile à ces moteurs. L’eau nécessaire à leur refroidissement est amenée au pont par un wagon-réservoir et contenue dans de grandes bâches situées au-dessus de la salle des machines.


On trouve également dans cette salle deux groupes compresseurs électrogènes dont un de rechange comprenant chacun un moteur Aster à essence de 10 cv tournant à 1 200 tours/mn, un compresseur d’air à 15 kg et une dynamo Schneider de 5 cv. L’air comprimé est refoulé dans deux réservoirs de 600 litres chacun. La dynamo commandée par le moteur sert à charger une batterie d’accumulateurs de 180 A/h, nécessaire à la manoeuvre des enclenchements, des signaux de protection et à l’éclairage du pont.

Enclenchements

Les opérations à effectuer pour réaliser les manoeuvres nécessaires à l’ouverture et à la fermeture du pont sont au nombre de dix-huit et il importe que leur ordre soit exactement celui prévu. Des enclenchements mécaniques et électriques ont été établis de telle façon qu’aucune erreur de manoeuvre ne soit possible. Ils ont été complétés par des dispositifs d’arrêt automatiques des mécanismes de calage et de rotation, grâce auxquels ces mécanismes s’arrêtent sans l’intervention du mécanicien, dès que le calage et le décalage sont parfaits et que le pont occupe ses positions exactes d’ouverture et de fermeture. Le pont peut tourner indifféremment dans les deux sens, ce sens est déterminé suivant que le navire entre dans l’étang ou en sort, car l’on a admis que le pont doit toujours s’effacer devant le navire.


Ce viaduc, qui a permis l’établissement de la ligne de Miramas à l’Estaque par Port-de-Bouc, rend de très grands services à notre Compagnie, car cette ligne permet de détourner une grande partie du trafic marchandises très important de la région marseillaise.