Bulletin PLM n°12 de novembre 1930: La mise à deux voies du souterrain de la Croix-de-l’Orme

De WikiPLM
Aller à : navigation, rechercher

Titre

La mise à deux voies du souterrain de la Croix-de-l’Orme, par M. Bouvet, Ingénieur en chef du 11ème arrondissement de la Voie.

Planche et figures de l’article

Article

De très importants et intéressants travaux sont en cours d’achèvement pour remettre à deux voies le souterrain de la Croix-de-l’Orme, long de 2 080 m, entre les gares de La-Ricamarie et de Saint-Etienne-Bellevue. (Ligne de Saint-Georges-d’Aurac à Saint-Etienne.)


Nous nous proposons de donner très succinctement, dans la présente note, un historique de l’ouvrage et un exposé des travaux.

Historique du tunnel

Construit pour deux voies, de 1855 à 1858, par le Chemin de fer du Grand-Central-de-France et par la Compagnie PLM (cette partie du Grand-Central fut cédée à la Cie PLM en 1857), le tunnel fut livré à l’Exploitation, en 1859, après de grandes difficultés d’exécution.


Percé dans les couches supérieures du bassin houiller de Saint-Etienne, ce tunnel traverse des schistes, grès houillers avec lits d’argile intercalés et quelques bancs de houille.


Des failles obliques, résultant de glissements anciens sur les roches primitives, le coupent en divers points, et le gonflement considérable des terrains rencontrés, quand ils sont mis à l’air, exerce, sur les revêtements, des poussées anormales qui provoquent des dislocations et des éboulements.


Les Ingénieurs du Grand-Central furent certainement surpris par les désordres qui se produisirent pendant la construction; car ils avaient exécuté des maçonneries insuffisantes, avec des briques de mauvaise qualité, qu’il fallut refaire en grande partie avant l’achèvement du tunnel, et dans des conditions telles que les dislocations se continuèrent sans arrêt après l’ouverture, créant de nombreux incidents et interruptions de circulation qui émurent les Pouvoirs Publics et la Compagnie.


Ne pouvant maintenir la sécurité avec la voûte à deux voies ainsi construite, la Compagnie PLM se décida, en 1861, avec l’autorisation de l’Administration supérieure, à soutenir le tunnel à 2 Voies par un tunnel à voie unique construit à l’intérieur du premier en exécutant des anneaux intérieurs maçonnés qui ne furent complètement achevés qu’en 1908.

Remise à deux voies du souterrain

Le développement économique survenu depuis la guerre fit augmenter le trafic dans la Région de Saint tienne et créa de sérieuses difficultés d’exploitation. La ligne étant à 2 voies entre Fraisse-Unieux et Saint-Etienne, sauf à la traversée du tunnel de la Croix-de-l’Orme qui précède immédiatement la gare de Saint-Etienne-Bellevue, il fallut rétablir la circulation sur deux voies dans le souterrain.


On le pouvait, soit en élargissant l’ouvrage existant, soit en construisant un deuxième souterrain à voie unique, assez éloigné du premier, pour n’avoir à craindre ni déconsolidation du tunnel actuel, ni instabilité des deux tunnels jumeaux. Mais la nécessité de se raccorder aux deux gares très proches de La-Ricamarie et de Saint-Etienne-Bellevue, empêchait de faire une nouvelle voie unique largement distante de la voie en cours d’exploitation. On eût ainsi été conduit à construire un nouveau souterrain dans la traversée même de la concession des mines de houille, dans des terrains très suspects par conséquent, et à faible distance sous les maisons de l’agglomération de La-Ricamarie. On eût été exposé à de très sérieuses difficultés et à des dégâts de surface très importants. On se rallia donc à la solution de l’élargissement sur place et les constatations faites, au cours des travaux, ont montré qu’on avait sagement agi en renonçant à deux tunnels jumeaux à voie unique.

Travaux

Des travaux de cette nature étant exceptionnels, la Compagnie PLM en fit l’objet d’un concours entre les grandes entreprises spécialisées en matière de souterrain, sous réserve de n’exécuter d’abord que des sections d’essai, en vue de reconnaître les difficultés et de déterminer, aussi approximativement que possible, les prix des diverses natures d’ouvrages.


Plusieurs solutions furent présentées parmi lesquelles la Compagnie retint celle de la Société des Entreprises de Travaux publics André Banc, qui venait d’achever des travaux importants sur la ligne de Nice à Coni et disposait du personnel et du matériel nécessaires. C’était du reste cette solution qui répondait le mieux aux vues techniques de la Compagnie exposées dans le programme du concours.


De puissantes installations furent faites à chacune des têtes (compresseurs, ventilateurs, bétonnières, éclairage électrique, tracteurs à essence et à air comprimé, voies Decauville, etc.) et l’on se mit à l’oeuvre au mois de mars 1928. Le travail consistait à exécuter une galerie boisée au-dessus de l’extrados de l’ancienne voûte à deux voies sur toute la longueur du souterrain (Voir figure. 1), puis à procéder, par des abatages alternés, pour visiter cette ancienne voûte, la démolir et la reconstruire s’il y avait lieu, ou la consolider, partout où il serait nécessaire, en utilisant la voûte à voie unique comme cintres et en la démolissant ensuite de l’intérieur du tunnel (Voir figure. 2).


Tout se passa d’abord comme il avait été prévu, mais nous eûmes ensuite beaucoup de peine à tenir la galerie, dont les boisages s’écrasaient et se brisaient comme des brins de paille (Voir figures 3 et 4).


Il fallut les consolider par des piédroits en maçonnerie et des linteaux en vieux rails, garnis de béton, en ménageant entre ces piédroits des intervalles suffisants pour procéder aux abatages devant permettre la réfection des voûtes.


De plus, nous traversions les gros bourgs de La-Ricamanie et de la Croix-de-l’Orme, à de faibles profondeurs, sous les immeubles, et il fallut proscrire l’emploi de la mine et procéder avec un soin tout particulier pour ne causer aucun dégât aux immeubles et ne pas inquiéter les populations.


Enfin, la voûte à voie unique, sur laquelle nous comptions comme cintres, n’avait pas partout une épaisseur suffisante. Elle s’écrasa et se déforma sur d’assez grandes longueurs, au point de nous obliger à la remettre d’urgence sur des cintres métalliques pour en éviter l’effondrement.


Moyennant ces précautions, nous avons pu exécuter les travaux sans incidents et sans même imposer aux trains des ralentissements permanents.


L’ancienne voûte à deux voies a été refaite entièrement sur 1 182 m, renforcée par des nervures en béton de ciment sur 675 m, et consolidée par des injections de ciment sur le reste du tunnel.


Nous avons aussi réparé tous les piédroits et exécuté partout des injections de ciment pour les consolider, fait un enduit au « cement gun » (enduit au ciment sous 7 kg de pression) sur les bétons de la nouvelle voûte, pour les protéger contre l’action décomposante des fumées et des eaux, capté ces dernières pour les conduire dans l’aqueduc central, pratiqué des niches dans les piédroits tous les 25 m, en quinconce, etc. Nous allons enfin remettre en état le radier et l’aqueduc central en même temps que nous ferons le ballastage et la pose de la double voie.


Nous espérons pouvoir achever ces importants et difficiles travaux, vers la fin de l’année courante, et rétablir ainsi le tunnel à deux voies dans des conditions définitives de sécurité.