Bulletin PLM n°1 de janvier 1929 : L’ouverture à l’exploitation de la ligne Nice à Coni

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Titre

L’ouverture à l’exploitation de la ligne Nice à Coni avec embranchement de Breil vers Vintimille par M. MAUGUIN. Ingénieur Principal au Service de la Construction

Planche et figures de l’article

Article

Les Chemins de fer français ont fait plus particulièrement parler d’eux dans la presse, en ces derniers mois. Il est d’ailleurs assez réconfortant, à cet égard, de constater que les grosses manchettes des quotidiens ne sont pas utilisées exclusivement, comme on le prétend, pour la chronique des crimes ou des scandales. Une autre constatation s impose, qui nous intéresse plus directement pour une industrie que l’auto serait, selon certains augures, « en passe de tuer, une telle activité ne paraît-elle pas le signe d’une bien étonnante vitalité? (Il n’est pas inutile de noter à ce sujet que la durée du trajet de Breil à Nice en automobile est de plus de trois heures, alors que le train opère maintenant la liaison en un temps trois fois moindre).


Après la percée des Pyrénées en juillet, voici que, coup sur coup, interviennent en octobre d’abord, deux événements dont le Bulletin aura l’occasion de parler la pose de la première pierre de la gare de l’Est à Paris, et l’ouverture de la nouvelle ligne de Saint-Dié à Saales et à Rothau, à travers les Vosges. Ensuite, le 30, l’inauguration de la nouvelle ligne PLM de Nice vers Coni, suivie elle-même, dans les premiers jours de novembre, de celle de la ligne de Casablanca à Marrakech, dont on trouvera plus loin un écho dans le Bulletin.


Pour nous « PLM », il convient naturellement de nous arrêter plus spécialement à la ligne Nice - Coni. Et, tout d’abord, pourquoi une ligne Nice - Coni ? Deux causes essentielles sont à l’origine de cette oeuvre. L’une est d’ordre local et réside dans l’intérêt que présentait, pour les habitants de Breil et de Sospel, une liaison meilleure avec Nice, dont ils sont séparés par de forts massifs montagneux. L’autre est d’ordre international. Elle tient, d’une part, au désir depuis longtemps exprimé par la population piémontaise de disposer aussi d’une relation directe avec Nice et, d’autre part, au dessein italien de joindre en outre Turin à Vintimille (voir la carte figure 1). Ce dernier projet avait d’ailleurs reçu, dès la fin du siècle dernier, un début de réalisation sous la forme d’une amorce de la ligne de Coni à Tende. Mais le tracé, qui suivait la vallée de la Roya, devait obligatoirement emprunter le territoire français.


C’est dans ces conditions qu’une Convention fut signée en 1904 entre la France et l’Italie, en vue de l’établissement de la ligne que l’on vient d’inaugurer. Déclarée d’utilité publique et concédée à la Compagnie PLM en 1906, elle fut entamée effectivement en 1909, après achèvement des études préliminaires. Suspendue pendant la guerre et ralentie depuis par la modicité des crédits, la construction a donc duré en apparence dix-neuf ans, mais douze seulement peuvent être comptés comme réellement actifs.


Un tel délai n’a rien d’excessif certes, car la construction en pleine montagne d’une ligne de chemin de fer est une oeuvre extrêmement délicate. Celle qui nous occupe et dont un plan spécial est donné ici (figure 2) s’étend sur 63,2 km. Or, elle présente quarante-cinq souterrains et se trouve ainsi en tunnel, au total, sur plus du tiers du parcours (exactement sur 23,6 km). Le souterrain du Col de Braus est long à lui seul de 5 939 m, celui du Mont Grazian de 3 887 m. Ces tunnels correspondent d’ailleurs à la percée des massifs montagneux auxquels se heurtaient, ainsi qu’il a été dit plus haut, les communications de Sospel et surtout de Breil vers Nice. Il est intéressant, à cet égard, de noter que le tunnel du col de Braus est le plus long des tunnels construits pour deux voies et ayant leurs deux têtes en France. (La ligne est à voie unique (sauf entre Nice et Nice Saint-Roch) mais les longs souterrains ont été percés pour deux voies afin d’améliorer leur aération].


De nombreux, ponts et viaducs, parmi lesquels trente-neuf ont plus de 10 mètres d’ouverture, achèvent de donner à cette ligne l’aspect pittoresque qui la caractérise et leur présence témoigne des difficultés rencontrées. Il est donné ici quelques vues de certains de ces beaux ouvrages (figures 3, 4, 5, 6).


Si l’on ajoute que la ligne est pour près de moitié en courbes, qu’elle est en palier à peine sur un peu plus du dixième de son étendue, qu’enfin des difficultés spéciales à la nature de certains des terrains considérés sont venues s’ajouter aux difficultés ordinaires (crues de torrents, venues abondantes d’eaux lors du percement de certains souterrains, etc.), on comprendra aisément qu’un long temps et beaucoup de science et de dévouement aient été nécessaires pour mener à bien cette grande oeuvre, à laquelle restent particulièrement attachés les noms de MM. Séjourné et Martinet, les Chefs éminents du Service de la Construction du PLM.


Depuis le 31 octobre, chacun peut aller admirer cette ligne si pittoresque, où les bâtiments des gares eux-mêmes (figure 7), ceux construits à l’intention du personnel et jusqu’aux maisons de garde (figure 8) ont été édifiés avec le souci, non seulement de présenter les dispositions les plus commodes, mais encore de s’harmoniser au point de vue architectural avec le style local des habitations. (Quinze de ces maisons ont été construites aux abords immédiats de la gare de Breil pour le seul personnel P. L. M. de cette gare. Elles présentent 53 logements avec éclairage électrique et eau courante dans toutes les cuisines).


Et chacun peut se réjouir de La vitalité nouvelle que va donner au Sud - Est de la France cette voie qui raccourcit de près de 100 kilomètres le trajet de Nice à Turin et qui rapproche de la Riviera française les voyageurs venus du Piémont et de la Suisse.


Faciliter les échanges matériels, c’est-à-dire harmoniser les productions, faciliter les contacts moraux, c’est-à-dire améliorer la compréhension, voilà le rôle éminent des Chemins de fer, a dit notre Ministre des Travaux publics lors de l’inauguration.


La ligne Nice - Coni promet d’ores et déjà de constituer une heureuse application de ces paroles.