Article de la Revue générale d'Architecture de 1863: la gare de Vichy

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Iconographie

Article

  • Cette gare est remarquable sous plusieurs rapports par le choix heureux de son emplacement, par le nombre et la commodité de ses accès avec la ville et ses environs, ainsi que par la structure et l'aspect des bâtiments affectés au service des voyageurs. Elle est située à côté de la route impériale de Moulins, et mise ainsi en rapport facile avec la ville de Cusset. Elle fait face à la grande rue de Paris et à trois autres avenues (rue Victoria, rue de l'Impératrice et avenue des Célestins), qui convergent des différents quartiers de Vichy au centre du bâtiment principal de la gare. Le chemin de fer ne pouvait pas traverser autrement qu'à niveau la route impériale à côté de la gare, mais une annexe de cette route passe, à peu de distance, au-dessous des rails, et permet aux équipages et autres voitures peu élevées d'éviter les barrières du passage à niveau. Cet ensemble de dispositions, arrêté d'après les projets de la compagnie du chemin de fer, a été complété sur les indications de l'Empereur lui-même. L'Empereur, en effet, dans ses voyages à Vichy, a consacré ses loisirs à projeter et à susciter de grands travaux d'amélioration et d'embellissement pour cette cité.


  • Par, suite de la grande affluence à Vichy des voyageurs pendant la saison des eaux, il a fallu donner aux bâtiments destinés à leur service une importance exceptionnelle. La circulation n'est active que pendant quelques mois de la belle saison, le reste de l'année elle est peu importante.


  • En conséquence, les bâtiments ont été disposés de manière à ce qu’une partie puisse être sans emploi durant l'hiver.


  • La salle des bagages pour l'arrivée, et le vestibule pour le départ, ont été établis sur un plan spacieux, propre a un service rapide pour l'enregistrement et la délivrance des bagages et articles de messagerie. Toutes les dispositions d'ensemble et de détail ont eu pour objet la commodité et la promptitude du service des voyageurs.


  • Le premier étage du pavillon central sert au logement du chef de gare. Le pavillon de droite n'a pas d'étage. Toute sa hauteur est utilisée pour les salles d'attente. Dans le pavillon de gauche, au contraire, réservé aux dépendances du service (qui n'exigent au rez-de-chaussée que des pièces d'assez faibles dimensions), on a ménagé l'établissement d'un entresol, contenant des chambres, ou logé momentanément le nombreux personnel que la compagnie envoie à Vichy pendant la belle saison, pour le service de la gare.


  • La compagnie des chemins de fer de Paris à la Méditerranée n'a point perdu de vue qu'un grand nombre des hôtes de Vichy fait partie -des classes supérieures de la société, qu'on y compte beaucoup de personnes marquantes et d'étrangers de distinction. L'Empereur y est venu plusieurs fois; il ya fait construire une villa, et sa présence attire tout un cercle de hauts personnages, les planètes du soleil impérial.


  • Dès lors, la pensée est venue d'ajouter aux salles d'attente ordinaires, une salle annexe, décorée avec plus de recherche, présentant un confortable plus complet, en rapport avec les habitudes et les goûts de la haute société qui devait la fréquenter. Cette salle, ne devant servir que pendant « la saison des eaux », a reçu la dénomination de « salon d'été ». Sa décoration s'est inspirée de la pensée qui a présidé à sa création : on a voulu y personnifier la localité, si riche par ses sources bienfaisantes, et rappeler le tribut qui leur est payé de toutes les parties du monde. Le salon d'été a 9 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur et 6,35 m de hauteur. Il est percé sur chacun de ses grands côtés de trois arcades, donnant les unes sur la voie, les autres sur la cour. Des pilastres s'élèvent contre les parois et supportent une large corniche à voussure. Dans cette voussure pousse une abondante végétation de roseaux, entre lesquels, à intervalles égaux, brillent vingt écussons de nations et de villes étrangères. Au-dessus des quatre portes de la salle (situées vers les angles des petites faces), se voient les armoiries des quatre villes principales de France. Les grandes glaces, placées su milieu des petits côtés de la salle, et entre les portes, sont surmontées des écussons de Paris et de Vichy, qui devaient naturellement occuper les places d'honneur.


  • Un plafond peint complète cet ensemble. II se compose d'un ciel ovale, peuplé d'enfants se jouant dans l'espace ou se précipitant avidement vers les sources, personnifiées par des femmes peintes aux angles laissés libres par l'ovale. La végétation aquatique qui accompagne ces sources vient franger sur le ciel et donne de l'unité à la composition en reliant les motifs entre eux. Un grand guéridon occupe le centre de la salle, des chaises et des fauteuils sont disposés çà et là. Les six arcades sont tendues de rideaux, de même étoffe que l'ameublement, et de stores blancs. La décoration générale a été traitée dans une gamme de tons frais et tendres, et sur ce fond les armoiries et les sujets peints brillent sans effort. L'or a été à peu près exclu. Il ne figure qu'en bordure des sujets peints, et dans les armoiries, où il était inévitable.


  • Huit bras, avec bouquet de lumières, sont appuyés sur autant de pilastres. Quatre de ces bouquets se mirent dans les glaces, qui produisent une répétition de lumière d'un bon effet.


  • Le court embranchement de Vichy n'a qu'une voie, ce qui est bien suffisant, vu le petit nombre des trains journaliers. Les voyageurs, à la gare de Vichy, peuvent donc arriver ou partir par le même quai. En face de ce quai unique et régnant tout le long des bâtiments de voyageurs, entre les voies principales et celles du service des marchandises, on a disposé une plate-bande garnie d'arbustes verts et de fleurs, qui rompt la monotonie de l'aspect des parties sablées de la gare.


  • La gare de Vichy a été construite d'après les projets et sous la direction de M. Bazaine, ingénieur en chef des ponts et chaussées et de la compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, pour les lignes du Bourbonnais. L'architecte des bâtiments des voyageurs a été M. Darcy, de Paris, qui a su y donner la preuve d'un goût délicat et d'un talent plein de ressources.


  • M. Flandrin a exécuté les sculptures d'ornement, et M. Lacoste les peintures d'art. Ces deux artistes se sont acquittés de leur tache avec bonheur. Les maçonneries, menuiseries et autres ouvrages ont été traités avec un grand soin, qui fait honneur aux entrepreneurs, MM. Genève et Compagnie


  • On a su concilier l'économie avec les convenances qu'on avait en vue de satisfaire, comme le montrent les chiffres ci-dessous. Les dépenses se sont élevées, en effet, comme il suit :
    • Bâtiment des voyageurs (612 m2) : 187 000 fr
    • Bâtiment des bagages à l'arrivée (468 m2) : 71 000 fr
    • Ensemble (1 080 m2) : 258 000 fr


  • Dans cette somme, les dépenses de décoration, etc., n'entrent que pour 22 650 fr :
    • Sculptures : 7 500 fr
    • Tapisserie et mobilier du salon d'été : 7 650 fr
    • Peintures d'art et frais divers : 7 500 fr


  • Est-ce tout? N'.y a-t-il plus rien à dire sur la gare de Vichy? Il y aurait au contraire bien des réflexions à ajouter à cette brève description des travaux, si nous nous sentions libre de les produire toutes ici. Nous nous bornerons aujourd'hui, cependant, à féliciter notre confrère, M. Darcy, de s'être rencontré avec un ingénieur comme M. Bazaine, dans une circonstance où se présentait à lui l'occasion de donner carrière à son inspiration. M. Bazaine est, en effet, un de ces esprits rares où la science, au lieu d'étouffer le sentiment de l'art sous une notion étroite, lui sert au contraire de support et d'appui, une de ces intelligences larges et bien balancées qui contiennent un coeur. Dans ces natures élevées et généreuses l'artiste rencontre invariablement sympathie et assistance.


  • César Daly.