Bulletin PLM N° 18 de novembre 1931 : Les tabliers métalliques sous voies

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Les tabliers métalliques sous voies par M. Renaut, Ingénieur au Service Central de la Voie

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Depuis plusieurs années, sur notre Réseau, la constitution des tabliers métalliques sous voies a été assez profondément modifiée.


Cette transformation, qui n’est pas encore acceptée par tous les techniciens de la construction métallique, paraît cependant de plus en plus nécessaire après les constatations faites sur les tabliers précédemment employés.


Que reproche-t-on à ces tabliers ?


De ne pas avoir un élément suffisamment élastique entre le rail et la partie métallique pour absorber les chocs et vibrations dus aux passages réitérés d’essieux de plus en plus lourds.


Sous l’influence répétée de ces chocs et vibrations, des fissures se produisent dans les pièces porteuses, les rivets d’attache des pièces principales entre elles s’ébranlent, notamment ceux reliant les longerons aux pièces de pont.


Pour remédier à ces causes d’avaries, le mieux a paru être l’interposition d’un matelas de ballast entre la voie et la partie métallique, disposition que l’on retrouve dans les anciens viaducs en fonte dont quelques-uns sont encore en service, sans avoir subi aucune remise en état.


Les exemples les plus intéressants à signaler sont certainement les ponts sur le canal et la Marne, à proximité de la gare de Charenton, qui comportent chacun trois tabliers distincts.


L’un avec arches en fonte, datant de l’origine de la ligne, au droit desquelles les voies reposent sur du ballast. Bien que ces arches aient donné passage pendant de nombreuses années aux voies principales de la grande artère Paris Marseille, aucune modification n’a été apportée à ces arches depuis leur construction.


Tout au contraire, et quoique beaucoup plus récent, le second tablier, avec arches en fer, établi vers 1885, et le troisième comportant des arches en acier mises en place vers 1900, ont dû être remis en état il y a quelques années, en raison de la fatigue des parties métalliques en contact presque direct avec les voies, de simples longrines ou traverses étant seulement intercalées entre les rails et les pièces porteuses.


Vers 1913, quelques essais avaient été faits de tabliers avec pose de voie sur ballast.


Devant les avantages de toutes sortes (qui seront indiqués ci-après) que présentait ce nouveau type de tablier, celui-ci fut appliqué en grand sur notre Réseau, mais en y apportant au fur et à mesure des besoins, les transformations nécessaires en vue de pouvoir l’appliquer à tous les ouvrages dont la remise en état s’imposait.


Les divers types de tabliers métalliques avec pose de voies sur ballast actuellement employés sont les suivants :

Tablier à poutrelles enrobées (figure 1)

Le tablier est constitué par un ensemble de poutrelles à profil normal ou à larges ailes maintenues d’écartement par des tiges filetées; l’entretoisement est complété d’une part par une série de carrés (x) ayant pour but de faire coopérer l’ensemble des poutrelles à la flexion du tablier, d’autre part par un enrobement en béton armé, les ronds de celui-ci étant destinés à la liaison du béton avec la partie métallique.


Le dessus du béton, convenablement penté pour assurer l’écoulement des eaux de surface, est recouvert d’une chape d’étanchéité en asphalte, de 16 mm en deux couches à joints croisés intercalés entre du papier goudronné spécial, celle-ci étant protégée par une chape de protection de 40 mm.


Quand le tablier doit être installé au-dessus d’une rivière ou d’une voie ferrée, l’enrobement englobe le dessous du tablier de façon à le protéger contre les fumées corrosives des bateaux à vapeur et des locomotives, dans les autres cas il est préférable de laisser apparente la partie inférieure des poutrelles en vue de ne pas augmenter sensiblement l’épaisseur du tablier.


Ce type de tablier peut être employé jusqu’à des ouvertures de 12 m à 15 m,

Tablier avec poutrelles ou poutrelles et dalle à leur partie supérieure (figure 2)

Dès que l’ouverture d’un ouvrage dépasse 15 m environ, l’enrobement est remplacé par une dalle en béton armé placée à la partie supérieure des pièces constituant l’ossature métallique.


Cette ossature est constituée dans les ouvrages ayant une ouverture inférieure à 20 m par des poutrelles, au delà, celles-ci sont remplacées par des poutres composées d’âmes, cornières et semelles.


Dans ce type d’ouvrage, il importe que la dalle en béton armé soit reliée invariablement à la partie métallique. Cette liaison est obtenue par le calage ou la soudure à l’arc électrique des ronds de la dalle avec les poutres ou poutrelles qu’ils traversent.


L’ensemble du tablier est complété par les chapes d’étanchéité et de protection dont il a été fait mention plus haut.

Tablier à poutres latérales, pièces de pont et longerons (figure 3)

Quand l’épaisseur dont on dispose est insuffisante pour permettre d’établir l’un des types précédents, il faut avoir recours à un tablier avec poutres latérales réunies à leur partie inférieure par des pièces de pont qui peuvent être enrobées entièrement si leur hauteur n’est pas trop grande ou coiffées d’une dalle en béton armé.


Les mêmes dispositions indiquées ci avant pour l’enrobement ou la dalle ainsi que pour les chapes sont à appliquer à ce type de tablier.

Conclusion

L’emploi des tabliers, dont les dispositions viennent d’être exposées ci-dessus, a permis d’atteindre le but pour lequel ils avaient été créés l’amélioration de la tenue des voies au droit des ponts métalliques.


Mais, à côté de cet avantage initial, d’autres sont venus s’ajouter qui ont provoqué la généralisation du système.


  • Pour le tablier proprement dit, l’amélioration des attaches amenait une diminution de fatigue dans les pièces porteuses (pièces de pont, longerons). En outre, dans de nombreux cas, pourvu que la dalle fût convenablement placée et convenablement exécutée, on a constaté :
    • Dans les ouvrages neufs, une fatigue dans les poutres principales de l’ouvrage sensiblement inférieure aux fatigues théoriques (calculées en ne tenant pas compte du bénéfice apporté par le béton dans la résistance),
    • Dans les ouvrages anciens, bien que la présence de la dalle et du ballast ait amené une augmentation notable de la charge permanente, non seulement en général, le nouvel état n’a pas provoqué une aggravation de la fatigue des poutres principales, mais il a entraîné souvent une diminution sensible des efforts.


Le béton de la dalle procure donc, à proprement parler, un renforcement du pont. On a pu, alors, être amené à rechercher ce renforcement comme but essentiel; c’est ce qui a été fait dans des conditions économiques et satisfaisantes, notamment pour les grands viaducs en arcs de La Voulte, de Chasse, de Montmélian et de Saint Rambert.


D’autre part, les voies y trouvent l’avantage suivant :

Dans les anciens tabliers sur longrines, on ne pouvait placer que des voies courantes. Si un tablier de cette nature était placé aux abords immédiats d’une gare, il ne pouvait supporter aucun appareil, et le tracé des têtes de faisceaux donnant accès à la gare était commandé par le tablier métallique et, par suite, toute modification de tracé était presque impossible. On peut, au contraire, poser des appareils sur les tabliers avec ballast comme en pleine ligne, et aucun obstacle ne gêne le tracé des têtes de faisceaux.


Enfin, avantages pour le public : Sur chaussées, les parapluies et gouttières toujours imparfaits sont supprimés. La chape d’étanchéité, située sur la dalle, guide les eaux vers un caniveau par lequel elles s’écoulent sans dommage.


Par ailleurs, le bruit causé par le roulement des convois sur les ouvrages métalliques disparaît, avantage non négligeable.


Les types de tabliers ci-dessus décrits permettent enfin de ne pas négliger le côté esthétique de l’ouvrage, soit qu’ils présentent l’aspect de ponts entièrement en béton, soit qu’on les orne d’une poutre de rive décorative entièrement métallique. C’est cette dernière disposition qui a prévalu dans les villes (pont de l’Arquebuse à Dijon, photographie du début du présent article, ponts sur les avenues Malausséna et Gambetta à Nice).


En définitive, sans dire que le tablier avec dalle et pose de voie sur ballast constitue un type parfait, il n’est pas douteux que son emploi s’est révélé comme très intéressant.


L’expérience, qui peut seule étayer les conceptions de l’Ingénieur et asseoir son jugement, montrera dans quel sens il conviendra de corriger les errements actuels, de façon à se rapprocher un peu plus encore de la perfection.