Bulletin PLM N° 19 de janvier 1932 : Chemins de fer et automobiles

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Chemins de fer et automobiles par M. E. HOLZER, Inspecteur Divisionnaire à la Direction.


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La concurrence faite aux chemins de fer par les transports automobiles est un fait caractéristique de notre époque. Dans la lutte à laquelle nous assistons, le nouveau mode de transport, nous ne dirons pas le dernier né, car dès maintenant il faut compter avec l’avion, n’a pas tout le mérite des victoires que çà et là il remporte. N’a-t-il pas le privilège d’utiliser la route, gratuitement accessible à tous, alors que le chemin de fer doit supporter tout ou partie des frais d’établissement de la voie ferrée et tous les frais d’entretien et de renouvellement? N’a-t-il pas aussi le droit de choisir son trafic et le droit de refuser le transport? Le chemin de fer, par contre, a l’obligation de transporter toutes les marchandises qui lui sont présentées quelles qu’en soient la nature et la quantité.


L’automobile a bien d’autres avantages encore et il n’est pas douteux que, si les armes étaient égales, le chemin de fer n’aurait rien à redouter. Les transports automobiles n’en auraient d’ailleurs pas moins un rôle important à jouer comme affluents des lignes de chemins de fer, avec mission, tant en ce qui concerne les transports de marchandises que ceux des voyageurs, de faciliter le développement de la vie économique dans les régions éloignées de toute voie ferrée.


Bien des pages ont été écrites sur le développement de la concurrence faite au chemin de fer par l’automobile depuis une dizaine d’années. Certains voient dans cette concurrence une source d’émulation salutaire. Plus généralement on considère avec raison qu’elle est, dans la forme excessive qu’elle a prise, nuisible à l’intérêt général en raison des conditions mêmes dans lesquelles elle s’exerce : liberté à peu près absolue pour l’automobile, sujétions nombreuses, et par conséquent dépenses importantes, pour la voie ferrée.


Les Réseaux ne pouvaient pas rester inactifs en présence d’un tel problème et ils ont pris de nombreuses mesures dictées par les circonstances assouplissement de certains tarifs, bonifications pour remises importantes, accélération des délais de transport, etc. Mais à côté de ces mesures, destinées à offrir dans le cadre du chemin de fer des facilités nouvelles au public, il est une autre tendance des Réseaux moins connue peut-être, mais très significative, tendance qui consiste à utiliser l’automobile lorsque son emploi offre des avantages à la fois au chemin de fer et au public.


Aucun des Grands Réseaux n’a encore réalisé le programme envisagé par eux et consistant à distribuer ou à ramasser les marchandises de détail au moyen de camions automobiles, au départ ou à destination de certaines gares importantes fonctionnant comme gares-centres et chargées de former des wagons complets de groupages, mais déjà sur certaines lignes secondaires des trains de voyageurs peu utilisés ont été remplacés par des autobus.


Étant donné, en effet, que le prix de revient par kilomètre est beaucoup moins élevé pour un autobus que pour un train de voyageurs, même de faible composition, il est évident qu’il est avantageux de procéder au remplacement, chaque fois que le nombre de voyageurs à transporter correspond au maximum au nombre de places offertes par un autobus et cette circonstance se présente souvent sur les lignes secondaires.


Ce principe est à la base de toutes les études entreprises sur la question, mais il va sans dire que de nombreux autres facteurs doivent être pris en considération. Il faut en particulier que la route à suivre soit en bon état et qu’elle passe au centre ou tout au moins au voisinage des localités précédemment desservies par les trains, il faut également tenir compte des « pointes » de trafic fréquemment constatées les jours de marché, de fêtes, etc., et sur ce dernier point aucune règle générale ne peut être posée. Suivant les circonstances, la solution consistera tantôt à prévoir un autobus de dédoublement, tantôt à maintenir purement et simplement un ou plusieurs trains de voyageurs.


Mais l’autobus n’est pas lui-même un moyen de transport exempt de critiques et les réseaux ont tout naturellement songé à combiner les avantages qui lui sont propres avec ceux que seule peut donner la voie ferrée : chemin de roulement parfaitement lisse à déclivités très faibles comparées à celles des routes; absence d’obstacles donc vitesse constante et, par suite, économie de combustible; grande facilité de conduite, le conducteur n’ayant pas à s’occuper de la direction.


C’est ainsi que le problème de l’autorail s’est trouvé posé.


Chaque Réseau cherche à le résoudre sur son terrain. Notre Compagnie a estimé que la méthode la plus sûre pour obtenir des types de véhicules offrant les qualités nécessaires, consistait à ouvrir un concours entre les principaux constructeurs.


  • Les propositions des constructeurs doivent cadrer avec un programme dont voici les grandes lignes :
    • A classe unique, le véhicule devra pouvoir transporter au moins quarante voyageurs assis et dix debout.
    • Le coffre à bagages devra être prévu pour contenir 1 000 kg.
    • La vitesse, sera de 90 km/h en palier et 60 km/h en rampe de 15 mm par mètre.
    • A la même vitesse de 90 km/h, l’arrêt devra, en pente de 5 mm, être obtenu en 120 m au plus.
    • Le combustible utilisé sera l’huile lourde et le moteur devra pouvoir être changé Sans’ démontage de la caisse du véhicule.


D’autre part, ne devant pas être incorporé dans un train, le nouveau véhicule n’aura pas à être doté des appareils de choc et de traction du type courant, mais un dispositif devra néanmoins permettre l’accouplement de deux unités.


Les résultats d’un certain nombre de projets ont déjà été reçus. Le Bulletin PLM ne manquera pas de revenir sur cette question.


Les autorails ne seront pas exclusivement affectés au remplacement de certains trains de voyageurs sur les lignes secondaires. Sans doute à l’usage reconnaîtra-t-on que ce nouvel engin, quand il sera très au point, trouvera d’utiles applications sur les grandes lignes, par exemple pour l’établissement de relations rapides entre deux grands centres, ou encore pour la desserte de la banlieue d’une ville lorsqu’il serait trop onéreux de faire circuler des trains fréquents dont l’utilisation serait insuffisante.


Ainsi le temps n’est pas très loin où le train omnibus de nos lignes secondaires sera un souvenir. L’autorail rapide fréquent, léger, l’aura remplacé. Ailleurs on aura préféré l’autobus, parce que les gares seront trop éloignées des agglomérations ou pour toute autre cause provenant de circonstances locales.


Enfin le transport des marchandises lui-même est appelé à évoluer, le wagon étant réservé aux charges complètes, les services de ramassage et de distribution étant par contre effectués au moyen de camions.


Chaque fois qu’ils en ont eu l’occasion, les Réseaux ont exprimé aux Pouvoirs publics le voeu de voir s’établir une collaboration effective de la route et du rail avec comme objectif final, l’intérêt du public. Leur politique en la matière, telle qu’elle vient d’être sommairement exposée, n’est-elle pas en parfaite concordance avec les théories qu’ils défendent ?