Bulletin PLM N° 20 de Mars 1932 : La locomotive 241 B 1 à très haute pression

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Titre de l’Article

La locomotive 241 B 1 à très haute pression du PLM par M. Parmantier, Ingénieur en Chef adjoint du Matériel.

Planche et figures de l’article

Préambule

L’augmentation du timbre de la chaudière d’une locomotive permet non seulement d’accroître la puissance de la machine à égalité de volume des cylindres, mais aussi de diminuer la consommation de combustible à égalité de puissance.


Cette amélioration du rendement est d’autant plus importante que l’élévation du timbre est elle-même plus élevée. Nous donnerons une idée des résultats qu’on peut obtenir en disant que l’utilisation de vapeur à 20 kg/cm2 au lieu de 16 kg/cm2 doit, théoriquement, procurer une économie de l’ordre de 7 %. Si on emploie de la vapeur à 60 kg/cm2, l’économie doit passer à 30 %.


On conçoit ainsi tout l’intérêt qu’il y a à avoir des chaudières timbrées aux pressions les plus élevées. Mais quelles peuvent être ces pressions ?


La chaudière normale de locomotive est une chaudière avec tubes à fumée dont le mode de construction ne permet guère de dépasser 20 kg/cm2. (Sur notre Réseau, les chaudières étaient, jusqu’à ces dernières années, timbrées à 16 kg/cm2. A la suite d’essais tout à fait concluants effectués en 1930 avec la locomotive 231 D 141 du dépôt de Laroche, il a été décidé d’adopter, pour toutes les constructions, le timbre de 20 kg/cm2. La locomotive 241 C 1 a eu, en conséquence, sa chaudière timbrée à cette dernière pression. Il en sera de même pour les chaudières des dix locomotives 151 A en construction aux Etablissements Schneider).


Pour des pressions beaucoup plus grandes, il faut délibérément abandonner le type habituel et prendre la chaudière à tubes d’eau, d’un usage courant dans les installations fixes et à bord des bateaux.


Le problème présente, toutefois, sur les locomotives une difficulté particulière, du fait que la chaudière est alimentée par de l’eau brute (eau du tender). Les essais effectués jusqu’à ce jour ont montré, en effet, que les tubes s’entartraient rapidement, d’où source permanente de danger.


La locomotive à haute pression, système Schmidt, échappe à cette critique, car la chaudière à tubes d’eau dont elle est munie fonctionne en « circuit primaire fermé » sans consommation d’eau, la vapeur produite n’étant utilisée, ainsi que nous le verrons plus loin, que comme agent de transmission de chaleur à l’eau contenue dans un bouilleur. Cette chaudière est alors remplie, une fois pour toutes, d’eau distillée, qui n’est évidemment pas susceptible d’entartrer les tubes.

Description sommaire de la locomotive 241 B 1

La locomotive 241 B 1 à haute pression, système Schmidt, de la Compagnie PLM (figure 1) est à 4 essieux accouplés à roues de 1,800 m, encadrés entre un bogie AV et un bissel AR. Bogie, essieux accouplés et bissel sont, à quelques détails près, identiques à ceux des locomotives 241 A dont notre Compagnie à 145 exemplaires en service ou en construction. Ils sont aussi disposés de la même façon.


La poids à vide de la machine est de 106 t, alors que le poids à vide des 241 A est de 102,3 t.


La nouvelle locomotive ne diffère, en somme, des autres 241 A que par l’appareil évaporatoire, et, également, par les diamètres des cylindres HP et BP qui ne pouvaient être les mêmes, attendu que les pressions d’utilisation de la vapeur sont différentes tant dans les cylindres HP que dans les cylindres BP.


  • L’appareil évaporatoire est formé de trois éléments distincts (figure 2 et 3)
    • Une chaudière à tubes d’eau du type dit « à circuit primaire fermé » (110 kg/cm2). Cette chaudière forme foyer et comporte essentiellement des tubes verticaux débouchant, d’une part, dans le cadre du bas de foyer qui est creux, et, d’autre part, dans deux collecteurs supérieurs horizontaux. Certains tubes de retour d’eau sont constitués, sur une partie de leur parcours, par des serpentins placés à l’intérieur de la deuxième chaudière,
    • Une chaudière à haute pression (60 kg/cm2) constituée par un bouilleur placé au-dessus de la première chaudière et chauffé par les serpentins dont il vient d’être question,
    • Une chaudière a basse pression (14 kg/cm2) constituée par un corps cylindrique avec tubes à fumée, identique à celui des locomotives ordinaires.


La vapeur produite dans les tubes générateurs de la chaudière à tubes d’eau, qui est à une pression de 100 à 110 kg/cm2, circule dans les serpentins placés dans la chaudière à haute pression et cède sa chaleur de vaporisation à l’eau contenue dans cette chaudière. Elle revient ensuite à l’état liquide au cadre du bas de foyer et le même cycle recommence. La chaudière à tubes d’eau fonctionne ainsi en circuit fermé sans aucune consommation d’eau.


La vapeur à 60 kg/cm2, formée dans la chaudière à haute pression, est envoyée dans les cylindres HP, après avoir traversé des éléments surchauffeurs placés dans les tubes inférieurs de la chaudière à basse pression.


La vapeur à 14 kg/cm2 formée dans la chaudière à basse pression, est envoyée aux cylindres BP, après avoir traversé des éléments surchauffeurs placés dans les tubes supérieurs de la chaudière à basse pression et être ensuite mélangée dans deux mélangeurs avec la vapeur d’échappement des cylindres HP.


La chaudière à tubes d’eau, qui fonctionne en circuit fermé est remplie d’eau distillée.


La chaudière HP est alimentée par de l’eau prise à la chaudière BP, et la chaudière BP est alimentée par l’eau du tender, après réchauffage par la vapeur d’échappement des cylindres.


Dans ces conditions le tartre se dépose seulement dans la chaudière BP qui est timbrée à 14 kg/cm2, exactement comme cela se produit dans le corps cylindrique de nos chaudières actuelles, c’est-à-dire sans donner lieu à inconvénients.


On trouvera ci-dessous les dimensions principales de la locomotive 241 B 1 comparées à celles des locomotives 241 A.

Essais effectués et résultats obtenus

La locomotive 241 B 1 fut livrée par les Etablissements Henschel à la Compagnie PLM en juin 1930. Après une légère mise au point, elle fut lancée sur la ligne, où elle assura jusqu’en juin 1931 la remorque des trains rapides entre Laroche et Dijon, au même titre et aussi bien que les locomotives 241 A.


La conduite de la locomotive est facile, un peu plus compliquée toutefois que celle d’une locomotive ordinaire. Une difficulté résulte notamment de la présence d’une soupape de sûreté sur le circuit primaire et du fait que, contrairement aux prévisions du constructeur, la pression dans le circuit peut dépasser le timbre (110 kg/cm2); le chauffeur doit alors porter en permanence son attention sur le manomètre du circuit primaire et agir, le cas échéant, sur la porte du foyer ou sur les trappes du cendrier de façon à éviter tout dépassement du timbre. Cette dernière difficulté est toutefois inhérente à la seule locomotive d’essai 241 B 1, et, en cas de constructions ultérieures, on pourrait la faire disparaître en calculant le circuit de façon à pouvoir le timbrer à une pression de l’ordre de 150 kg/cm2.


Après une année de service courant, au cours de laquelle on put s assurer que l’appareil évaporatoire ne donnait lieu à aucun incident (parcours effectué : 36 000 km), on décida de faire des essais méthodiques, avec wagon dynamomètre et machines freins.


Les relevés effectués de juillet à août 1931 ont montré que la locomotive à haute pression 241 B 1 est au moins aussi puissante qu’une locomotive 241 A et qu’à égalité de charge remorquée à la même vitesse, elle consomme 20 % de combustible en moins.


Ce sont là des résultats tout a fait intéressants.


Nous ferons remarquer, en terminant, que c’est justement la diminution de 20 % escomptée sur la consommation de combustible qui a fait adopter pour la locomotive 241 B 1 une surface de grille inférieure d’environ 20 % à celle des locomotives 241 A (3,89 m2 au lieu de 5,00 m2).