Bulletin PLM n°7 de janvier 1930: Locomotives électriques à grande vitesse PLM

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Titre

Les locomotives électriques à grande vitesse de la Compagnie PLM par M. Marcel Japiot, Ingénieur en Chef adjoint du Matériel et de la Traction

Planche et figures de l’article

Article

La Compagnie PLM avait commandé en 1922, à divers constructeurs, quatre locomotives électriques à grande vitesse de types différents, en vue de déterminer, par des essais comparatifs, le type le mieux approprié à la remorque des trains rapides sur la ligne de Modane.


Les expériences effectuées avec ces machines en 1925 et 1926, sur la section de Chambéry à Saint-Pierre-d’Albigny équipée avec un rail conducteur à 1 500 volts, ont fait attribuer la préférence aux locomotives à caisse unique, avec moteurs jumelés et transmission par arbre creux.


Les machines d’essai n° 242 AE 1 et 242 BE 1, appartenant à ce type, étaient munies de quatre essieux moteurs et de deux bogies (figure 1). La plus puissante d’entre elles développait environ 2 700 cv.


Pour le type définitif, il a semblé opportun de prévoir une puissance bien supérieure, afin de réserver entièrement l’avenir. En portant le nombre des essieux moteurs de quatre à six et en majorant en outre la puissance individuelle des moteurs, on est arrivé à obtenir une puissance d’environ 5 400 chevaux, soit le double de celle des machines d’essai.


Le groupement Batignolles–Nantes-Oerlikon reçut, en octobre 1927, la commande de quatre locomotives de ce nouveau type, numérotées 262 AE 1 à 4 (figure 2). La première machine fut livrée en mai 1929; les autres ont suivi à quelques mois d’intervalle.


Les locomotives 262 AE comportent, comme les machines 242 dont elles dérivent, une seule caisse reposant sur deux trucks articulés entre eux par un robuste attelage à rotule sphérique. Chaque truck est muni de trois essieux moteurs et d’un bogie directeur. Chacun des essieux moteurs est attaqué par deux moteurs électriques mêlés dans une carcasse commune, qui est montée sur le châssis du truck (figure 3). Les pignons de ces moteurs engrènent avec une roue dentée calée sur un arbre creux (figure 4) entourant l’essieu moteur. Les plateaux qui terminent l’arbre creux sont eux-mêmes reliés aux roues motrices par un dispositif d’entraînement à biellettes élastiques du système Oerlikon (figure 5) déjà expérimenté avec succès sur la locomotive d’essai 242 BE 1.


La longueur de la caisse des nouvelles machines est du même ordre que celle de grandes voitures à bogies (20,600 m), mais sa charpente est naturellement très différente, en raison du poids élevé de l’appareillage qu’elle abrite. Pour alléger le plus possible la charpente de cette caisse, on a employé des poutres évidées qui en occupent toute la hauteur (figure 6). Avec l’appareillage qu’elle renferme, la caisse toute montée n’en pèse pas moins près de 50 tonnes. Cette charge est reportée sur les châssis des trucks au moyen de deux pivots à rondelles Belleville et de huit appuis latéraux à ressorts, dont le réglage permet d’assurer une répartition convenable des poids sur les essieux moteurs et les bogies.


Le poids total de la locomotive atteint 159 tonnes, soit exactement le poids de l’ensemble constitué par une machine à vapeur du type Mountain (série 241 A) en ordre de marche, et son tender avec approvisionnements à moitié épuisés. Mais le poids adhérent d’une locomotive 262 AE dépasse 107 tonnes, sur six essieux, tandis que celui d’une machine Mountain n’est que de 74 tonnes, sur quatre essieux. A la vitesse de 90 kilomètres à l’heure, la puissance disponible au crochet arrière d’une locomotive 262 AE est le double de celle disponible au crochet arrière du tender d’une machine Mountain. Les locomotives 262 AE détiennent, d’ailleurs, pour l’instant du moins, le record mondial de puissance pour les locomotives électriques à caisse unique.


Lors des essais effectués avec la locomotive 262 AE 1, suivant une marche tracée de bout en bout à 90 kilomètres à l’heure entre Chambéry et Saint Jean de Maurienne, on a pu porter la charge remorquée jusqu’à 800 tonnes sans difficultés. La vitesse ne tombait au-dessous de 90 kilomètres à l’heure que sur les 10 derniers kilomètres du trajet, où les rampes atteignent jusqu’à 15 pour 1 000, mais elle restait encore supérieure à 85 kilomètres à la montée de ces rampes, sauf sur un parcours d’un kilomètre seulement, où elle s’abaissait à 80 kilomètres. Encore faut-il remarquer qu’on aurait pu faire mieux si l’on ne s’était systématiquement interdit d’utiliser au cours de ces essais le dernier cran de marche de la locomotive, réservé en principe pour regagner éventuellement un retard. Par ailleurs, l’échauffement des moteurs était loin d’atteindre les limites admissibles, de sorte que la charge de 800tonnes aurait encore pu être notablement majorée sans aucun inconvénient.


Nous avons donc maintenant à notre disposition un engin d’une puissance exceptionnelle, susceptible de résoudre avec aisance les problèmes qui pourraient se poser dans l’avenir en matière de traction électrique.