RGCF mai 1897, Note sur les travaux de reconstruction et d’agrandissement de la gare des voyageurs de la Compagnie PLM par Mr Denis, Ingénieur en chef de la voie au PLM

De WikiPLM
Aller à : navigation, rechercher

Planche et figures de l’article

Article

La présente note a pour objet une description sommaire des travaux d'agrandissement que la Compagnie PLM fait exécuter en ce moment à sa gare de Paris.

Etats successifs de la gare de Paris

Les installations qui sont encore en service à l'heure actuelle datent, pour la plupart, de la construction de la ligne de Paris à Montereau, ouverte en 1849.


Dans les premières années d'exploitation, la situation n'avait pas subi des modifications bien appréciables.


  • En 1862, la gare était disposée comme le montre la Figure 1. Elle comportait une seule voie de départ avec trottoir de 150 m de longueur et une seule voie d'arrivée avec trottoir de 210 mètres.


  • De 1862 à 1891, on a successivement réalisé, en restant dans les emprises primitives, un certain nombre d'améliorations, savoir :
    • 1867 : allongement du trottoir de départ,
    • 1878 : établissement, sous la balle, d'un trottoir central et, en tête, d'une sortie directe pour les voyageurs,
    • 1879 : construction d'un trottoir extérieur sur le côté gauche.


La Planche XVIII représente l'état des lieux au 19 décembre 1891, date à laquelle la Compagnie a soumis à l'Administration supérieure l'avant-projet des travaux actuellement en cours. On avait à ce moment deux voies de départ et deux voies d'arrivée sous la halle et une voie de départ en dehors, soit au total cinq voies principales.

Progression du mouvement des voyageurs

L'insuffisance de cet outillage allait chaque année en s'accentuant et il eût été impossible de faire face à l'affluence qu'amènera nécessairement l'Exposition, si l'on n'avait avisé à agrandir la gare avant 1900 en élargissant l'ancienne plateforme où tout l'espace était utilisé.


La courbe ci-dessus montre la progression qu'a suivie le nombre annuel des voyageurs partis de 1872 à 1896.


Le nombre des voyageurs arrivants ne différant pas beaucoup du précédent, on aurait une idée du mouvement total en doublant les ordonnées de la courbe.

Maintien du principe d’une gare à niveau du rail

Les dispositions essentielles des projets dont l'exécution se poursuit sont figurées sur les Planches XIX et XX.


La future gare sera, comme l'ancienne, disposée pour un service à niveau du rail. Ce premier point a été très vivement discuté au cours des enquêtes, où les habitants du quartier ont cherché à faire prévaloir une gare à 2 étages. Il est certain que les riverains n'auraient pu que gagner à voir disparaître les murs de soutènement et à se trouver en face de cours ouvrant de plain-pied sur la voie publique.


Pour les piétons se rendant à la gare, le choix entre les 2 systèmes était assez indifférent, mais pour les voyageurs qui se font conduire en voiture, ce qui est la majorité des voyageurs de grande ligne, le système ancien est préférable. Déposés par leurs voitures au niveau du rail, ils ont en effet à effectuer, pour se rendre au wagon, un trajet plus court et plus commode que s'il leur fallait gravir un escalier avec l'embarras des couvertures, valises ou paquets.


D'autre part, la situation des lieux aurait rendu particulièrement difficile l'établissement d'une gare à 2 étages, sans compter qu'à largeur égale d'emprise, le nombre des voies principales et des trottoirs eût été moindre du fait de l'espace perdu pour les escaliers.


Enfin, et c'était la raison la plus déterminante, la gare à étages était tout-à fait inadmissible à cause du mouvement énorme de bagages auquel la gare de Paris doit faire face, à certains moments, dans un espace de temps très limité.


Les chiffres ci-après, qui résultent de relevés faits en 1892, permettront de se faire une idée de l'importance de ce mouvement. Durant la dite année, la moyenne journalière du nombre des colis-bagages a été de 2 230 pour l'année entière, mais elle s'est élevée pendant la première quinzaine d'août à 3 900, avec maximum de 7 800, et a atteint 1 700 colis en 2h30 au moment de la série des express et rapides du soir.


A l'arrivée, le nombre moyen des colis a été de 2 000, atteignant à la fin de septembre 6 500, avec 12 680 pour la journée la plus chargée, dont 1 300 colis en 45 minutes pour les express du soir.


A quoi la Poste a ajouté un contingent notable, ayant expédié en moyenne 1 900 colis pesant 32 tonnes et reçu 600 colis, 23 tonnes, avec maximum dans une seule journée de 2 850 colis, 64 tonnes.


D'après le projet approuvé, la future gare PLM comportera donc des rampes d'accès comme l'ancienne, mais tandis que cette dernière n'a que 2 cours latérales sur lesquelles les rampes empiètent, réduisant d'autant, pour chacun des bâtiments latéraux, le front abordable aux voitures, la gare nouvelle sera entourée en tète et sur les deux côtés de trois cours se faisant suite et en avant desquelles seront établies les rampes d'accès.

Dispositions principales ajoutées

La plateforme sera élargie sur la droite par une acquisition de 13 000m2 environ de terrains bâtis, avec déviation de la rue de Bercy. C'est de ce côté que l'élargissement était le moins coûteux.


Au lieu des 3 trottoirs et des 4 voies principales existant en 1891 sous les halles anciennes, on aura sous les halles nouvelles 7 trottoirs et 12 voies principales disposées par groupes de deux, avec intercalation dans le groupe d'extrême gauche, d'une troisième voie de service permettant d'ajouter au dernier moment des voitures isolées aux trains partant des deux voies principales adjacentes.


La voie extérieure de gauche sera d'ailleurs conservée, en sorte qu'au total la gare disposera de 13 voies principales au lieu de 5.


Normalement, les voies nouvelles seront affectées, celles de gauche au départ et celles de droite à l'arrivée, mais les unes et les autres convergeront vers un noeud unique et seront liaisonnées de telle sorte que l'une quelconque d'entre elles puisse servir indifféremment au départ ou à l'arrivée.


Les voies principales seront en outre jonctionnées par des communications aussi nombreuses que possible avec le faisceau de formation et de lavage situé sur la droite, au delà du pont de Rambouillet où l'on renvoie les trains arrivant aussitôt le service fini et où l'on va prendre, tout formés, les trains qui doivent partir.


Deux chemins de roulement transversaux desservis par des chariots sans fosse permettront les échanges de véhicules isolés entre les voies principales et les voies de service de la Poste, de la Messagerie départ et du quai aux chaises de poste.


Les deux trottoirs longeant les bâtiments latéraux auront chacun 61,56 m de largeur, le trottoir du milieu portant les colonnes en fer de la halle métallique aura 6,43 m, chacun des autres trottoirs 6,00 m.


Les trottoirs auront 250 mètres de longueur et seront couverts sur 185 mètres. Ils seront réunis en tête par un trottoir de 15 mètres couvert par un comble transversal régnant entre les halles nouvelles et le bâtiment de tête.


Sur la Planche XX (Figure 3) la silhouette de la gare actuelle a été superposée à la coupe en travers de la gare future, et montre l'importance de l'élargissement à réaliser. En allant de la gauche vers la droite, on trouve successivement :


Une cour de départ de 27,50 m de largeur, y compris un trottoir de 5 mètres couvert par une marquise de 6 mètres. Les voitures allant à la Messagerie ne traverseront plus cette cour, elles emprunteront une avenue spéciale partant de l'avenue Daumesnil et longeant la rue de Rambouillet.


Deux bâtiments de départ ayant respectivement les largeurs de 13,35 m et 11,35 m (ce dernier conservé en partie) et séparés par un intervalle de 3,95 m abrité par un vitrage pour recevoir les bureaux de délivrance des billets.


Une halle métallique formée de deux travées de 43 mètres chacune, doublant l'espace anciennement couvert par deux travées égales en charpente.


Un bâtiment d'arrivée de 13,35 m de largeur.


Une cour couverte d'arrivée de 30 mètres de largeur.


Le bâtiment de tête aura 15 mètres de largeur, sa cour mesurera 37 mètres dans sa plus grande dimension et sera soutenue par un mur avec un large escalier dans le milieu pour offrir un raccourci aux piétons.


Les deux rampes d'accès auront chacune une largeur minimum de 20 mètres. Elles aboutiront sur le boulevard Diderot à un débouché commun de40 mètres.


La Figure 2 de la Planche XX indique la distribution des rez-de-chaussée des bâtiments. On ne prélèvera sur ces rez-de-chaussée que les surfaces strictement nécessaires pour les locaux divers dont le maintien au niveau du rail est indispensable. Tout le surplus sera consacré aux installations du public qui pourront ainsi recevoir un large développement.


La distribution des billets de grande ligne s'opérera au fond de la cour de Chalon, dans une salle des pas perdus de 85 mètres de longueur sur laquelle s'ouvriront de nombreux guichets de distribution et de renseignements.


Dans l'angle gauche du bâtiment sur la cour Diderot se trouvera une seconde salle de 25 mètres de longueur pour la distribution des billets de banlieue, et entre les deux distributions règnera une vaste salle pour l'enregistrement des bagages au départ, laquelle aura une façade de 90 mètres sous la halle couverte et sera en communication directe avec le trottoir de tête.


La salle de délivrance des bagages à l'arrivée occupera l'angle de droite du bâtiment de tête, ainsi que la majeure partie du bâtiment longeant la cour couverte de Bercy. Elle comportera une double rangée de bancs rectilignes sur une longueur de 162 mètres.


Les consignes des bagages au départ et à l'arrivée seront placées dans les sous-sols. Elles communiqueront directement entre elles et elles seront, d'autre part, mises en relation avec le rez-de-chaussée par des escaliers de service et par des monte-charges.


  • Le buffet sera aménagé dans le bâtiment de tête où il comprendra :
    • Au rez-de-chaussée : une salle de 16 m sur 13,50 m,
    • A l'entresol, dont le plancher sera à 4,80 m au-dessus des trottoirs :
    • Une grande salle de 26,80 m sur 131,50 m,
    • Une petite salle de 18,50 m sur 9,00 m,
    • Trois salons de 5,30 m à 6,00 m sur 4,50 m,
    • Les locaux de service annexes,
    • La cuisine sera reléguée dans les combles du bâtiment de tête.


On établira dans le fond de la cour de Chalon un groupe qui sera distinct du buffet et qui comprendra une buvette au rez-de-chaussée et à l'étage des réfectoires pour les agents de la Compagnie.


La chaufferie des bouillottes et la lampisterie seront renvoyées aussi loin que possible des voyageurs.


Des bureaux seront aménagés aux étages des divers bâtiments pour la Caisse et pour les Services de l'Exploitation et de la Traction.

Dépenses

Le coût des travaux peut être évalué à 20 millions en nombre rond, y compris 4 200 000 francs pour les terrains et 750 000 francs environ pour les signaux et enclenchements qui seront commandés par un poste Saxby unique de 200 leviers.

Exécution des travaux en deux périodes

S'agissant de démolir et de reconstruire la presque totalité des installations anciennes sans entraver le service de la gare, les divers travaux ne pourront être entrepris que successivement. Leur exécution complète exigera par suite un long délai, et elle embrassera deux périodes distinctes séparées par l'année de l'Exposition où les chantiers seront à peu près suspendus.


Après 1900, il restera à établir les bâtiments longeant la cour de Chalon, le bâtiment de tête, la cour Diderot et les nouvelles rampes d'accès. Tout le surplus constitue le contingent de la première période et sera terminé pour la fin de 1899, y compris une rampe d'accès provisoire qui sera ménagée dans le prolongement de la nouvelle cour d'arrivée et débouchera sur le carrefour formé par l'intersection du boulevard Diderot et de la rue de Bercy.

Etat d’avancement des travaux

Le projet d'agrandissement de la gare de Paris avait été, on l'a déjà dit, présenté le 10 décembre 1891. Le décret d'utilité publique a été obtenu le 25 avril 1894. Le jury d'expropriation a fonctionné du 15 au 24 juillet 1895. Les chantiers ont été ouverts le 1er août 1895.


  • On a d'abord exécuté les travaux qui ne touchaient pas directement au service de la gare, savoir :
    • Déviation de la rue de Bercy,
    • Etablissement de la nouvelle rampe d'accès de la messagerie,
    • Elargissement de la rue de Rambouillet avec nouveaux tabliers métalliques,
    • Modification de la messagerie départ,
    • Préparation des nouvelles installations de la Poste, etc.


On a ensuite entamé l'opération la plus délicate, celle qui consistait à démolir les deux travées de l'ancienne halle en charpente et à les remplacer par une des deux travées métalliques de la halle future.


Les piliers d'appui de la nouvelle travée tombant dans l'épaisseur des murs des bâtiments départ et arrivée, il a fallu démolir le mur longitudinal de chacun de ces bâtiments en étayant les étages et la toiture, enlever la halle ancienne, monter la halle nouvelle, reconstruire le mur du bâtiment départ.


Tous ces travaux s'effectuaient au-dessus des voies et trottoirs en service, sans dépôt de matériaux sur ces voies et trottoirs et sans circulation d'ouvriers à travers les bâtiments.


Comme l'indique la Figure 1 de la Planche XX, on a construit un échafaudage transversal de 100 mètres de longueur en quatre travées ayant l'une 30 mètres de largeur au-dessus de la cour d'arrivée et les trois autres de 20 mètres au-dessus du bâtiment et des voies. Cet échafaudage, de 23 mètres environ de hauteur, reposait sur 5 files de rails. A la partie supérieure se mouvait une grue roulante ayant 10 mètres de portée d'un côté, 6 mètres de l'autre, pouvant enlever les pièces les plus lourdes de la charpente, les prendre au lieu de dépôt, les élever, les transporter par dessus les cours et les bâtiments et les descendre en place. En avant de cet échafaudage était un autre échafaudage avec plateforme au-dessous de la halle ancienne pour effectuer le démontage de cette dernière. Enfin, sous le grand échafaudage, et en arrière, se trouvait une autre plateforme pour le montage et l'achèvement de la halle. Les plateformes, suffisamment résistantes et jointives pour empêcher les chutes de matériaux et d'outils, étaient doublées en dessous de parapluies. Les murs à démolir étaient enfermés dans des cloisons jointives, et tout le travail s'est effectué par le haut, sans contact avec le public. (La conception de cet échafaudage revient tout entière à MM.Moisant, Laurent, Savey et Cie, constructeurs à Paris, qui ont obtenu par voie d'adjudication la démolition des anciennes halles et la construction des halles nouvelles).


Le montage de la première halle, commencé en juillet 1896, s'est effectué en marchant de Paris vers Lyon, il a été terminé en mars 1897. Le roulement des échafaudages s'opérait par fractions de 10 mètres. Malgré la mauvaise saison, on a construit en moyenne un mètre de longueur par jour.


La première halle étant terminée, l'échafaudage a été raccourci de moitié, puis déplacé transversalement aux voies, pour l'amener au droit de l'emplacement de la seconde travée métallique. Il va revenir en arrière pour construire la seconde halle, le bâtiment d'arrivée et la couverture de la cour d'arrivée, ce sera la tâche de l'année 1897.


En 1898 et 1899, il restera à faire la maçonnerie et les installations intérieures du bâtiment d'arrivée, à le mettre en service, à démolir le bâtiment actuel, à établir toutes les voies et à construire le sous-sol du bâtiment d'angle amorçant la façade.


On aura ainsi accompli la première partie du programme et livré à la gare pour 1900 toutes les voies ainsi que la nouvelle arrivée.