18 novembre 1886, arrivée de l'assassin Rosel, gare de Paris-Lyon
Circonstances de l’événement
- Arrivée à Paris de l'assassin Rosel, dit Rose.
Comme nous l’avions annoncé, Rosel, dit Rose, auteur du crime de la rue Saint-Jacques, est arrivé à Paris hier matin, par le rapide de onze heures un quart. Un grand nombre de confrères attendaient le misérable à la gare de Lyon. Grand a été leur désappointement en ne voyant descendre du train ni lui, ni les gendarmes qui avaient été chargés de le ramener de Marseille. Taylor, chef de la sûreté, voulant éviter toute indiscrétion de la presse, qu’il déteste et qui, du reste, le lui rend bien, s’était rendu en compagnie dé M. Goron, sous-chef de la sûreté, de L’inspecteur Gaillarde et de deux agents à la gare des marchandises, distante de quelques centaines dé mètres du débarcadère. Là, il avait fait arrêter le train quelques minutes et tandis que les journalistes guettaient plus loin, il prenait possession de « son » prévenu. Poussé par les deux gendarmes qui raccompagnaient, le meurtrier de Mme Loyson est tombé plutôt qu’il n’est descendu, du wagon 6803 qui l’avait amené, dans les bras de l’inspecteur Gaillarde. On l’a immédiatement hissé dans un petit omnibus à six places de la Compagnie, qui stationnait près du bureau des Messageries. Les policiers et les gendarmes y sont montés à leur tour et les chevaux sont partis au galop pour la préfecture de police. Rosel avait les deux bras croisés sur la poitrine au moyen d’une tige de fer. Nous avons pu l’apercevoir un instant. Il ressemble fort peu au signalement élaboré par Taylor. Cela explique qu’il ait pu traverser toute la France et s’embarquer pour l'Algérie» sans qu’on le reconnaisse. La figure est imberbe et jeune, banale, sans être grossière. Il semblait épuisé, mais il ne pleurait pas et jetait des regards hébétés tout autour de lui. Le jeune bandit était vêtu d’un pantalon et d’une jaquette de couleur foncée. Sa tête était coiffée d’un chapeau « melon » de couleur brune et il était rehaussé de bottines très élégantes. Sa claudication était à peine sensible. Une minute plus tard, le train se remettait en marche après un coup de sifflet strident et entrait dans la gare des voyageurs. A peine vingt personnes s’étaient-elles aperçues de l’incident. Le cortège est arrivé à onze heures vingt-cinq minutes à la Permanence, et s’est immédiatement dirigé vers le bureau du sieur Taylor, où le criminel a subi un interrogatoire sommaire après avoir pris un peu de bouillon et de viande. Il a renouvelé ses aveux mais a nié la préméditation bien entendu! Mais il n’a, croyons-nous, révélé aucun nouveau détail utile à l'instruction. Toutefois, il s’est accusé de plusieurs vols dont le chef de la sûreté avait infructueusement recherché les auteurs. sollicité d’indiquer la provenance de son vêtement neuf, il a déclaré avoir quitté Paris par le train qui part à six heures trente , se dirigeant sur Lyon. A ce moment, il avait encore les vêtements qu’il portait, au moment du_crime et sur lesquels il avait passé simplement le pardessus volé à son patron. Arrivé à Lyon, il s’est débarrassé de tout cela, a fait peau neuve en s’habillait complètement dans un magasin de nouveautés, avant de reprendre le train de Marseille. Amené ensuite dans le cabinet de M.Wendeling, juge d’instruction, Rosel a répété qu’en frappant sa patronne, il n’avait pas voulu la tuer mais seulement l’étourdir. A Marseille il a vendu plusieurs des bijoux volés. Il, a dépensé l’argent produit par cette vente avec des soldats dont i’1 avait fait connaissance et qui ont fait avec lui le voyage jusqu’à Philippeville, Lors de son arrestation, il se trouvait à la dernière extrémité, n'ayant plus que quatre francs sur lui. L’interrogatoire terminé, Rosel, qui semblait avoir repris toute son assurance, a été écroué dans une cellule double du Dépôt. 11 était une heure. On a enfermé avec lui un "mouton" chargé de recueillir soigneusement toute confidence de sa part et d’empêcher toute tentative de suicide. A deux-heures, le corps de Mme Loyson a été retiré du frigorifique à la Morgue. Aujourd’hui, M. Brouardel en fera l’autopsie et Rosel sera confronté avec le cadavre de sa victime. Les obsèques de Mme Loyson, née Elizabeth Nall, sont définitivement fixées à dimanche, à deux heures, à moins que le parquet ne refuse le permis d’inhumation. Elles seront célébrées au temple protestant de la rue Durafort. C’est en 1885 que la veuve Rosel, mère de l’assassin, a fait la connaissance de son amant, Jules Matthey, qui a été longtemps établi bijoutier-horloger, rue Saint-Martin, 78. De son précédent mariage, celui-ci avait eu deux jumeaux. Il plaidait en divorce contre sa femme, actuellement libraire, 55, rue du Cardinal Lemoine. Le divorce a été prononcé par les tribunaux suisses. Rosel a une sœur, nommée Mathilde, qui sert dans une brasserie à femmes du faubourg Saint-Denis. Son père est mort à l’hospice de Besançon.
Journal "L'INTRANSIGEANT" du 20-11-1886 (Collection BNF_Gallica)