20 juillet 1886, rixe entre ouvriers, près de Beaurières
Circonstances de l’incident
- Beaurières, 22 juillet.
Comme nous l’avons annoncé, des troubles graves ont éclaté, ces jours-ci, à Beaurières (Drôme), dans les chantiers de la ligne de chemin de fer de Die à Aspres; 3,000 ouvriers environ, y sont employés au percement d’un grand tunnel, dont 2,000 Italiens et 1,000 Français. C’est au chantier de Recoubeau, sur la ligne en construction, que l’incident a pris naissance. Malgré les réclamations des ouvriers français, l’entrepreneur avait cru pouvoir embaucher, pour ses travaux, 25 ouvriers italiens. Les protestations réitérées des Français contraignirent l’entrepreneur à renvoyer les Italiens. Ceux-ci, furieux, remontèrent à Beaurières où travaillent leurs compatriotes. Tout en cherchant du travail ils annoncèrent que les Français avaient juré de les faire tous quitter les chantiers et ajoutèrent qu’ils s’apprêtaient à venir à Beaurières pour mettre leur menace à exécution. Les 2,000 Italiens, exaspérés, descendirent de Beaurières et, armés de haches, de couteaux emmanchés au bout de bâtons et de revolvers, se portèrent devant le pont qui commande la route. Quelques bombes de dynamite furent lancées, mais sur la route seulement. Grâce à l'énergie et à la prudence des gendarmes qu’on avait fait mander, ce rassemblement menaçant fut dispersé et les Italiens rentrèrent dans leurs chantiers; Le préfet de la Drôme vient de demander à Gap un bataillon du 96e de ligne, qui devra être dirigé le plus tôt possible sur Beaurières. Un escadron de hussards, venu de Valence, est arrivé à Beaurières. Le général commandant la garnison de Gap a consigné les troupes, qui se tiennent prêtes à tout événement. Dans un arrêté de police, générale, et par mesure d’ordre, il a été enjoint aux entrepreneurs de ne plus faire la paye le même jour dans tous les chantiers. De cette façon les ouvriers se trouveront retenus à tour de rôle par leur travail et seront moins exposés aux excitations qui résultent des réunions forcées des jours dé chômage. Neuf arrestations pour port d’armes prohibées et absence de papiers d’identité ont été opérées.
Journal L'intransigeant 24-7-1886 (Collection BNF Gallica).